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Introduction

En agriculture biologique, la lutte aux ravageurs des cultures se fait avant tout de manière préventive plutôt que curative (Brust et al. 2003). Il s’agit donc de gérer le système agricole pour que les insectes nuisibles aient de la difficulté à trouver leurs hôtes et que les ennemis naturels soit suffisants pour maintenir la pression phytosanitaire en dessous d’un seuil économique critique. Pour ce faire, la phytoprotection en production biologique est basée sur deux fondements : la biodiversité et la prévention. Dans un système agricole de gestion biologique, une plus grande biodiversité favorisera un réseau trophique plus complexe et, par conséquent, une plus grande stabilité. Par ailleurs, la prévention fait partie d'une des principales composantes de la lutte intégrée : l’adaptation de l’environnement. Finalement, la lutte curative reste le dernier maillon de défense et nous confronte à la complexité d’intervenir écologiquement dans des systèmes où la biodiversité entomofaune est accrue.

La biodiversité comme facteur de régulation des insectes nuisibles : l'agriculture biologique versus l'agriculture conventionnelle

En écologie, la biodiversité est considérée comme un facteur de résilience des écosystèmes. La résilience est un terme emprunté à la métallurgie. On dit d’un métal qu’il a de la résilience lorsqu’il a la capacité de reprendre son état initial après un choc ou lorsqu’il a été soumis à une tension. En écologie, ce terme décrit la capacité d’un écosystème à retrouver un certain équilibre suite à une perturbation (feu, invasion d’une espèce exotique, etc.).

Les systèmes agricoles en gestion biologique se caractérisent par une grande biodiversité et donc par davantage de complexité, comme le démontrent les études comparatives avec des systèmes agricoles intensifs (Hendriks et al. 2000; Kromp et Meindl 1997; Rossi et Nota 2000). Disons d’emblée qu’en agriculture biologique, mais aussi dans les systèmes à faibles quantités d'intrants, les pratiques et le milieu sont plus favorables à l’activité des ennemis naturels et réduisent davantage la pression phytosanitaire qu’en agriculture intensive (Altieri 1994; Kromp et Meindl 1997; Motyka et Edens 1984).

Dans une étude anglaise réalisée dans des champs de céréales, Moreby et al. (1997) n’ont pas été en mesure de trouver de différence significative en ce qui a trait à la biodiversité entomofaune entre les systèmes de production conventionnelle et biologique en utilisant un aspirateur comme moyen d’échantillonnage des insectes. Il est évident que les réactions des insectes aux différents systèmes agricoles sont très complexes (Kromp et Meindl 1997). Les études de Büchs et al. (1997) et de Weber et al. (1997) témoignent d’une réduction de la densité des arthropodes en lien avec l’intensification des pratiques culturales. Cependant, Kromp et Meindl (1997) ont observé que les individus de groupes d’arthropodes pouvaient réagir bien différemment et parfois de manière contradictoire au niveau des espèces selon, par exemple, le type de cycle de vie.

La biodiversité comme moyen de favoriser la répression naturelle des insectes nuisibles

L’effet positif de la diversification des agroécosystèmes sur la répression naturelle des ravageurs est abondamment illustré dans la littérature scientifique (Altieri 1994, 1999; Risch et al. 1983). La biodiversité peut se concrétiser au niveau de la parcelle ou de la ferme, ainsi qu'à une échelle plus large comme la région, et ce, par différents moyens (Tableau 1).

Tableau 1

Moyens d’accroître la biodiversité entomofaune

Moyens d’accroître la biodiversité entomofaune

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L‘échelle des interventions : écologie du paysage et phytoprotection

Dans la mosaïque du paysage agricole, la fragmentation des habitats ou leur connexion jouent un rôle majeur dans la distribution et la survie des populations animales en général (Fahrig et Merriam 1985; Heinen et al. 1998). De fait, ce rôle est à ce point important qu’il est maintenant clair que la dynamique d’un milieu naturel (un boisé, par exemple) ou agricole (un champ, par exemple) peut être influencée par les caractéristiques et l’organisation spatiale des éléments environnants (Polis et al. 1997). Par conséquent, la régulation naturelle des ravageurs en est elle même affectée. La recherche et les stratégies phytosanitaires doivent donc s’opérer à une échelle qui permet la prise en compte de telles influences, particulièrement lorsque des relations entre deux phénomènes, dont le rythme de changement, diffèrent dans le temps (Burel 1992). Il faut ainsi tenir compte de la bioécologie des organismes étudiés pour choisir les échelles d'investigation (Delettre et al. 1992), et ce, d’autant plus que des résultats confirmés à l’échelle du champ peuvent diverger ou rendre différente l’interprétation d’un phénomène observé à une échelle plus vaste, comme à l'échelle de la ferme ou de la région (Macdonald et Smith 1991).

En Allemagne, Thies et Tscharntke (1999) ont mené des expériences à différentes échelles spatiales afin d’étudier l’influence de la structure paysagère dans la lutte au mélighète du colza, Meligethes aeneus (F.) [Coleoptera : Nitidulidae], un ravageur important de la culture du colza (Brassica napus var. napus). Dans des paysages complexes, le parasitisme était plus élevé et les dommages à la culture étaient moindres que dans un paysage plus simple et caractérisé par une agriculture intensive, comme c’est le cas dans le nord du pays. Cette étude a démontré que le type de couvert végétal influence le parasitisme. Les structures paysagères simples ont été corrélées avec beaucoup de dommages et peu de parasitisme. Par contre, cette relation a été inversée en fonction du pourcentage de la zone non cultivée dans le paysage.

Les structures paysagères ont de l’importance pour les interactions locales. Ainsi, la différence de parasitisme entre la bordure et le centre du champ ne se rencontre que dans un système aux structures simples et non pas dans les systèmes complexes, car les zones non cultivées permettent l’augmentation des parasitoïdes. Selon cette étude, lorsque la proportion de zones non cultivées descend en dessous de 20 % dans un territoire donné, le pourcentage de parasitisme diminue drastiquement à moins de 32 à 36 %, un niveau insuffisant pour la régulation naturelle (Thies et Tscharntke 1999).

Le cas des plantes intercalaires

On nomme plantes intercalaires le mélange de deux cultures ou plus, de telle manière qu’elles interagissent au niveau agronomique (Vandermeer 1989). Les plantes intercalaires sont utilisées à diverses fins : lutte contre les mauvaises herbes, fertilisation, amélioration de la structure du sol, apport de matière organique, réduction de l’érosion et de la pollution diffuse. Leur utilisation augmente la biodiversité dans les systèmes agricoles et contribue ainsi à la répression des ravageurs et des maladies (Hartwig et Ammon 2002; Theunissen 1997). Dans le Tableau 2 sont mentionnés quelques exemples qui illustrent la complexité des interactions agroécologiques dans des systèmes plus diversifiés qui intègrent des cultures intercalaires.

Tableau 2

Exemples de plantes intercalaires et de leurs effets sur les insectes

Exemples de plantes intercalaires et de leurs effets sur les insectes

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L’utilisation des plantes intercalaires complexifie la gestion des cultures. Néanmoins, elle demeure une pratique que les producteurs biologiques favorisent en contre partie des outils chimiques. Pour mieux utiliser cette voie, il serait important que la recherche s’attarde à mieux comprendre les mécanismes qui permettent un meilleur contrôle naturel. Une compréhension accrue de ces mécanismes permettrait de développer des stratégies d’intervention qui réduisent les contraintes de gestion et de planification et, surtout, qui minimisent la concurrence entre la culture et la plante intercalaire (Theunissen 1997). Theunissen (1997) met aussi l’accent sur la viabilité économique de cette approche. Il y a donc lieu de ne pas évaluer le système de production à partir d’un seul indicateur qui serait le rendement. En effet, la qualité, notamment pour les légumes et les fruits, détermine aussi la valeur du marché, car lorsque la qualité permet une valeur ajoutée par le biais de la certification, le système de production peut alors être plus rentable. Il y a donc lieu que la recherche soit de nature multidisciplinaire selon le concept de durabilité qui intègre les aspects environnementaux, sociaux et économiques.

Le défi de la complexité

La littérature scientifique qui traite de l’impact de la diversification des agroécosystèmes sur la lutte aux ravageurs par les ennemis naturels met en évidence la complexité des interactions présentes. Par exemple, Sheehan (1986) soulève des hypothèses contradictoires selon le type d’ennemis naturels. Ainsi, la diversification pourrait rendre les insectes généralistes plus efficaces par l’augmentation de sources nutritionnelles alternatives. Par contre, ce serait le contraire avec les organismes spécialistes. Dans ce cas, la diversification rendrait plus difficile la recherche de la proie, déstabilisant les interactions proie–prédateur(s). De plus, les ennemis spécialistes qui sont souvent très importants en lutte biologique pourraient être particulièrement susceptibles à la structure de la végétation. Ainsi, la répression des ravageurs par des spécialistes serait donc plus efficace dans des agroécosystèmes moins diversifiés puisque la concentration des plantes hôtes augmenterait l’attraction ou la rétention de ces ennemis.

Bien que les paragraphes précédents rendent compte des aspects positifs de la biodiversité sur la lutte aux ravageurs des cultures, des résultats contradictoires nous révèlent la difficulté de bien comprendre des phénomènes complexes à partir de dispositifs expérimentaux restreints. L’écologie du paysage appréhende de meilleure façon la complexité des interactions agroécologiques en incluant différentes échelles spatiales, mais la transposition de ces résultats de recherche en recommandations d’aménagement du territoire et de la ferme au champ exigera un effort de recherche multidisciplinaire soutenu. Si la biodiversité peut permettre une plus grande abondance d’ennemis naturels, encore faut-il que ceux-ci soient efficaces.

Des études mentionnent que les insectes auxiliaires sont souvent beaucoup plus nombreux à proximité des abris tels que les haies que dans le centre des champs adjacents. Selon Langer (1997), il semble y avoir un gradient de dispersion. L’abondance des auxiliaires décroît de la haie à la bordure du champ, puis au centre du champ de céréales (de 35 à 40 % moins élevée). Cependant, ce patron dépend de la culture. En effet, dans un champ de luzerne, l’abondance des auxiliaires était semblable entre le bord du champ et le centre. Les effets écologiques des brise-vents utilisés comme moyen d’augmenter la diversité à la ferme peuvent être en contradiction avec le besoin d’éviter des réservoirs de ravageurs. Il en est de même pour ce qui concerne le besoin de bien ventiler les cultures comme moyen de protection contre les maladies. Il y a donc lieu de tenir compte de différents facteurs dans l’intervention.

Bien que les coccinelles soient reconnues comme étant prédatrices des pucerons, des chercheurs doutent cependant de leur efficacité en milieu agricole. En effet, la femelle ne pond des oeufs qu’en fonction de la capacité de la colonie de pucerons à assurer le développement complet de la larve (Hemptinne et Dixon 1997). En Allemagne, Freier et al. (1997) ont constaté que des coccinelles et des larves de syrphes ne pouvaient réduire les populations de pucerons efficacement dans les périodes plus froides, car elles réduisent alors leur activité.

La question de l’efficacité des ennemis naturels nous confronte à notre manque de connaissances quant aux interactions écologiques multiples dans les systèmes agricoles. Ainsi, bien que la diversité des plantes dans l’agroécosystème semble valoriser une faune auxiliaire abondante et diversifiée, il demeure illusoire de penser que la diversification conduit automatiquement à une réduction des populations de ravageurs. La diversité des plantes peut, dans certains cas, contraindre la recherche du ravageur par le prédateur, notamment en interférant dans son orientation (Cromartie 1981). Bien que la diversité soit généralement un facteur positif dans la lutte aux ravageurs, il faut garder à l'esprit qu'elle peut également constituer un facteur négatif dans le cas d'une lutte biologique inondative. En effet, l'efficacité des ennemis naturels peut être affectée par des interactions négatives de type « prédation intraguilde », lorsqu'un ennemi naturel dévore un compétiteur (Lucas et al. 1998). À titre d’exemple, dans les champs de coton aux États-Unis, des lâchers de chrysopes effectués pour réduire les populations du puceron du coton ont échoué parce que les prédateurs indigènes ont éliminé les chrysopes (Rosenheim et al. 1993). Toutefois, les effets de la prédation intraguilde sur la lutte aux ravageurs ne sont pas nécessairement négatifs, particulièrement dans le cas d'une lutte « inoculative » où la prédation intraguilde peut contribuer à stabiliser le système (Rosenheim et al. 1995).

Si la biodiversité est un élément important dans la lutte aux ravageurs des cultures en agriculture biologique, elle n’est malheureusement pas toujours suffisante pour atteindre un seuil économique rentable. Il est donc nécessaire d'y ajouter la prévention, le second pilier de la lutte phytosanitaire en agriculture biologique.

La prévention : un aspect sous-estimé en lutte intégrée, une exigence en agriculture biologique

La prévention a pour but de développer un milieu de croissance optimal afin que la ou les cultures soient en mesure de répondre efficacement à des stress ou à l’activité de ravageurs. C’est donc la résilience du système que l’on veut développer. Ainsi, la gestion des cultures est très importante pour assurer le développement de plantes vigoureuses qui seront plus en mesure de se défendre contre des ravageurs. C’est donc tout le parcours technique de la culture qui est important et qu’il faut concevoir dans une optique de prévention.

Le concept de la lutte intégrée appliqué à l’agriculture biologique

La lutte intégrée ou gestion intégrée des ennemis des cultures est une méthode décisionnelle qui a recours à toutes les techniques nécessaires pour réduire les populations d’organismes nuisibles de façon efficace et économique, tout en respectant l’environnement.

Dans la pratique, la lutte intégrée est une démarche qui comprend six étapes :

  1. Identifier les ravageurs et leurs ennemis naturels;

  2. Dépister les ravageurs et ennemis naturels et évaluer la situation;

  3. Utiliser des seuils d’intervention;

  4. Adapter l’écosystème;

  5. Combiner les méthodes de lutte;

  6. Évaluer les conséquences et l’effet des interventions.

En agriculture biologique, la quatrième étape est particulièrement importante car elle rejoint l’approche préventive privilégiée dans ce système de production.

Les moyens de prévention : les méthodes culturales

Plusieurs méthodes culturales permettent de réduire les populations de ravageurs de façon préventive. Le Tableau 3 présente quelques exemples de méthodes culturales et les limites de leur efficacité, selon les ravageurs ou les cultures.

Tableau 3

Exemples de méthodes culturales

Exemples de méthodes culturales

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La lutte physique comme prévention

Dans l’approche préventive, nous pouvons inclure certaines techniques de la lutte physique dite « passive », comme Panneton et al. (2000) le précisent. Ces chercheurs distinguent deux types fondamentaux de méthodes en lutte physique : les méthodes actives et les méthodes passives. Les méthodes actives impliquent l'utilisation d’énergie au moment de l'intervention, qu'il s'agisse de détruire, blesser ou stresser les ennemis des cultures, ou encore de les retirer du milieu. Ces méthodes n’agissent qu’au moment de l'intervention et ne présentent pratiquement pas de rémanence. Les méthodes passives, quant à elles, procèdent par une modification du milieu et ont un caractère plus durable.

On peut aussi classer les méthodes physiques selon le mode d’utilisation de l’énergie, soit la lutte mécanique, thermique, électromagnétique ou pneumatique. Dans ce contexte, on imagine facilement que d’autres classes peuvent s’ajouter au besoin : lutte acoustique, thermodynamique et ainsi de suite.

Comme exemple de lutte physique passive, les bâches, qui constituent une barrière aux insectes, sont probablement la technique la plus simple et la plus utilisée en maraîchage. Elles permettent de contrôler la présence de certains insectes nuisibles à des stades phénologiques particulièrement susceptibles de la culture (Langer 1997). C’est le cas pour la piéride du chou (Pieris rapae) et la fausse-teigne des crucifères (P. xylostella) (Endersby et Morgan 1991; Endersby et al. 1992).

Cependant, la lutte physique nécessite également des mises en garde. Il importe tout d'abord de bien connaître le comportement de l’insecte nuisible visé. De plus, l’utilisation de plusieurs de ces équipements peut entraîner des problèmes de compaction du sol ou encore l’élimination d'ennemis naturels. Le coût relié à certains équipements et la superficie à protéger constituent également des freins à leur utilisation.

Le troisième niveau d’intervention : les aspects curatifs

Considéré comme le dernier maillon de la stratégie phytosanitaire en agriculture biologique, l'intervention curative rejoint l’approche conventionnelle dans certains aspects. En agriculture biologique, les produits phytosanitaires, comme tous les autres intrants auxquels les producteurs ont recours, doivent être autorisés, c’est-à-dire qu’ils doivent rencontrer les exigences mentionnées dans les cahiers de charges des organismes de certification (Duval 2003).

En général, les produits de synthèse sont interdits en agriculture biologique à quelques exceptions près (les phéromones, par exemple). On ne trouve donc qu’un nombre très restreint de produits qui sont autorisés et homologués au Canada. Il s’agit principalement de savons insecticides, de terre à diatomées et d'insecticides botaniques à base de roténone et de pyrèthre. Le Manuel des intrants bio (Duval 2003) identifie bien ces produits. Ce document inclut également d’autres insecticides approuvés par l’Organic Materials Review Institute (OMRI), l'organisme américain responsable de l’approbation des intrants commerciaux et de leurs ingrédients.

Bien que ces insecticides puissent être utiles dans la lutte aux insectes nuisibles en agriculture biologique, certains de ces produits ont pour ainsi dire les mêmes risques et contraintes que les insecticides de synthèse, soit des impacts négatifs sur les auxiliaires et l’environnement, la résurgence de ravageurs secondaires, le développement de résistance et les risques de phytotoxicité, pour n'en nommer que quelques-uns.

Les biopesticides constituent également une autre avenue dans la lutte curative. Ce sont des produits phytosanitaires à base de bactéries, de champignons, de virus ou encore de nématodes. À titre d’exemple, plusieurs formulations à base du Bacillus thuringiensis var. kurstaki (B.t.) existent sur le marché et peuvent être utilisées en agriculture biologique contre certains lépidoptères nuisibles aux légumes (Brust et al. 2003). Des nématodes entomopathogènes peuvent être utilisés contre certains ravageurs du sol. Parmi les champignons entomopathogènes, Beauvaria bassiana (Balsamo) Vuillemin s’avère un outil intéressant contre le doryphore de la pomme de terre, Leptinotarsa decemlineata (Say) [Coleoptera : Chrysomelidae] (Todorova et al. 2000) et son homologation au Canada devrait être complétée sous peu (Duval 2003).

Certains agents de lutte biologique peuvent également être utilisés de manière curative par des lâchers massifs. C’est le cas des trichogrammes utilisés pour lutter contre la pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis (Hbn.)) [Lepidoptera : Pyralidae] dans la culture du maïs sucré.

Finalement, certains stimulateurs de lutte biologique sont disponibles ou encore en développement et visent à augmenter l’efficacité des ennemis naturels parallèlement à la biodiversité et à l’aménagement de l’environnement. Certains de ces produits sont déjà sur le marché alors que d’autres sont en développement, comme c’est le cas pour une kairomone visant à stimuler l’activité d’Aleochara bilineata Gyll. [Coleoptera : Staphylinidae], à la fois prédateur et parasitoïde de la mouche du chou, Delia radicum (L.) [Diptera : Anthromyidae] (Boivin 2001).

Conclusion

L’agriculture biologique reste un défi que seul un investissement en recherche pourra relever. En effet, la lutte aux insectes ravageurs en agriculture biologique nous confronte à la complexité des interactions écologiques. Certes, il n’y a aucun doute que la biodiversité comme approche d’une stratégie préventive est appropriée, bien que les résultats contradictoires rapportés dans la littérature scientifique en limitent parfois la portée. Ces limites sont surtout dues à un manque de connaissances. D’ailleurs, les études à des niveaux d’échelles différents permises par l’écologie du paysage pour la compréhension des phénomènes bioécologiques nous apportent un éclairage nouveau sur les interactions entre ravageurs et ennemis naturels. Les structures paysagères interfèrent ainsi de manière positive ou négative selon les problématiques étudiées. La réduction des populations d'insectes nuisibles ne se limite plus à la parcelle ou même à la ferme. Certes, l’application des résultats de ces recherches exige une nouvelle approche d’aménagement du territoire et une stratégie de concertation collective qui est à développer. Dans cette perspective, les producteurs biologiques déjà familiers avec la biodiversité et préoccupés par celle-ci dans leur ferme sont de bons agents précurseurs pour développer cette nouvelle approche, car ils entretiennent déjà sur leur ferme la diversification et contribuent ainsi à étendre la biodiversité à l’échelle du paysage.

Cette approche est complémentaire aux moyens de lutte qui peuvent être utilisés au niveau de la parcelle. Notre inventaire des outils phytosanitaires pour lutter contre les insectes nuisibles en agriculture biologique n’est certes pas exhaustif, mais il est suffisamment large pour contribuer à la lutte intégrée dans ce type de production. Ce ne sont pas tous les résultats de recherche qui peuvent être appliqués facilement à la ferme et bien des études précisent les limites de certaines pratiques, comme c’est le cas avec l’utilisation des plantes intercalaires. Cela nous indique qu’il reste un grand effort de recherche à déployer. Finalement, par un transfert technologique approprié, la recherche en agriculture biologique peut bénéficier à tous les agriculteurs, quel que soit le mode de production. Il s’agit donc de relever le défi de mieux comprendre et gérer la biodiversité et la complexité au profit de toute l’agriculture.