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Jean Honoré est né à Saint-Brice-en-Coglès (Ille-et-Vilaine) le 13 août 1920. Ordonné prêtre le 29 juin 1943 pour le diocèse de Rennes, il est docteur de théologie. Nommé archevêque de Tours le 13 août 1981, il est maintenant retiré à La Membrolle-sur-Choisille. Après avoir été professeur de philosophie dogmatique et de catéchèse au Grand Séminaire de Rennes de 1948 à 1958 et secrétaire général de la commission nationale de l’enseignement religieux et directeur du Centre national de l’enseignement religieux, de 1958 à 1964, l’illustre théologien est devenu Recteur de l’Université Catholique de l’Ouest, à Angers, de 1964 à 1972. Spécialiste de Newman, sa thèse de doctorat en théologie porte sur la spiritualité du cardinal Newman. Il est l’auteur de six ouvrages sur le célèbre prédicateur de la paroisse de St. Mary’s d’Oxford.

Le projet de cet Essai gravite autour du questionnement émergeant de lui-même au sein de l’eschatologie newmanienne. Il interroge sur la validité, pour l’expérience chrétienne, des notions et des catégories bibliques qui touchent « la réalité des fins dernières ».

L’A. n’hésite pas, dès le départ, à signaler le peu de place consacrée par les exégètes et les travaux faits autour des sermons de Newman, sur l’importance donnée à l’eschatologie dans l’oeuvre de Newman, c’est-à-dire à la révélation biblique des réalités à venir contenues dans les promesses faites par le Dieu de l’Alliance de conduire la création à son accomplissement.

L’oeuvre entière de Newman, est pénétrée à la fois par l’évidence et la fugacité des choses — l’insoutenable légèreté de l’être — et par la présomption qu’il n’est rien de consistant et de définitif que dans l’éternité de Dieu. L’ombre présente n’est que l’image d’un univers infiniment plus réel. Dès sa jeunesse (18 ans), Newman concentra toutes ses pensées sur deux êtres — et sur ces deux êtres seulement — dont l’évidence était absolue et lumineuse : lui-même et son Créateur.

Toute la vie de Newman est là : la dignité et la vocation du chrétien sont d’exister et de vivre en présence de Dieu. L’existence de Dieu et du monde invisible lui apparaît plus réelle que le monde présent. Le monde visible est l’instrument, et même le voile du monde invisible.

L’A. rappelle sans cesse qu’il n’y a point de sermon sur la vie chrétienne qui ne s’achève par l’évocation du jugement de l’âme après la mort. Nous aurons à comparaître, un jour, en la présence et en face de la justice de Dieu. Nous aurons un par un à affronter son regard saint et scrutateur. Newman ne craint pas de dire qu’il n’y a pour chacun de nous que Dieu et nous en ce monde. Tout le reste ne doit nous toucher, sinon à mesure que Dieu nous le commande et comme il nous le commande. Chacun doit tenir sa vie ramassée en Dieu et en chacun de soi.

Chaque chrétien doit être attentif aux visitations du Seigneur et à essayer de percevoir la présence du Christ au plus creux de l’existence. Newman n’hésite pas à dénoncer le christianisme mondain de sa génération et invite chacun à veiller. Les vrais chrétiens le font sans cesse. Les chrétiens peu solides ne le font pas.

L’A. rappelle comment Newman dénonce vertement ceux qui ne vivent que pour le monde présent, s’attachent au pouvoir et à l’argent malgré leurs pratiques religieuses régulières. « Elle passe la figure de ce monde » (1 Co 7,32). L’Évangile ne va pas de soi ; le détachement des richesses et le renoncement aux facilités, le courage de la foi et le refus de la sagesse mondaine ne sont pas des vertus faciles. C’est le prix à payer pour faire partie de la cohorte des saints.

La conscience prend cependant une place majeure dans la pensée de Newman. L’A., sur ce point, n’hésite pas à le signaler. Elle est « un élément primordial de la nature de l’homme ». Elle est le fondement de la religion naturelle par la prédisposition à reconnaître l’existence de Dieu et à accueillir sa Parole. L’intégrité morale prédispose à la grâce de la foi. La certitude religieuse s’appuie sur la fidélité au devoir. Toutes les faillites spirituelles n’ont pas d’autres origines que la défaillance des consciences.

Déjà, par la grâce, l’homme est entré dans La Cité de Dieu. C’est parce que Dieu est Saint que sa vision exige la sainteté. C’est le principe de connaturalité, celui qui va orienter toute la pensée de Newman, consacrée au jugement et à l’avenir eschatologique.

Sa maladie, en Sicile, et la mort de sa jeune soeur, prendra figure de théophanie. Il écrira dans son journal qu’il est impossible d’être matérialiste en présence d’un mort. La mort, étant l’accomplissement ultime de l’existence, Newman parle continuellement de celle-ci dans ses sermons, sans oublier les options qui s’offrent à tout chrétien, tenant compte de la miséricorde et de la justice de Dieu. Déjà, en partageant la vie de l’Église, le chrétien entre en communion avec la Jérusalem du ciel dont elle est ici-bas le signe. L’A. signale qu’au coeur de l’eschatologie newmanienne, il y a cette conviction que l’homme, au sein des créatures, se constitue et se distingue par l’intériorité de sa conscience. À moins de s’enfermer dans la conception matérialiste, ne voyant en l’homme qu’un assemblage de neurones, une autre anthropologie est possible, celle qui voit dans l’âme spirituelle le lieu où chaque individu rejoint son identité singulière.

Les hommes seront-ils tous sauvés ? Sur ce point, l’A. fait remarquer que Newman reprend l’enseignement traditionnel de l’Église. L’homme, créé par Dieu et pour Dieu, peut, librement, refuser d’accueillir l’amour incommensurable du Créateur. Il admet, difficilement, que cette option soit possible. Il faut lire aussi, du même auteur, Newman, homme de Dieu, publié aux Éditions du Cerf.