Corps de l’article

1. Introduction

L’étude d’un phénomène naturel se déployant dans l’espace repose souvent sur un réseau de mesures ponctuelles. Devant une information fragmentaire, recueillie ponctuellement, l’extension des données sur l’ensemble de la région d’étude s’impose pour la représentation cartographique permettant de visualiser ainsi la variation du paramètre dans l’espace. La théorie des variables régionalisées (MATHERON, 1965) est introduite, permettant de rendre compte des caractéristiques structurales du phénomène naturel sous une forme mathématique appropriée. Dans cette optique, une étude sur les précipitations est faite consistant en une analyse des séries pluviométriques, en une étude topographique pouvant influencer les précipitations et en une application à la technique de la cartographie automatique pour leur spatialisation.

2. Présentation de la zone d’étude

La partie centrale de l’Algérie du Nord a fait l’objet de cette étude. Elle couvre les bassins versants du Cheliff, du côtier algérois, une partie des bassins de l’Isser et de Zahrez. Cette zone offre des particularités climatiques. Elle s’étend sur 390 km d’ouest en est et 360 km du nord au sud (Figure 1).

Figure 1

Localisation de la zone d’étude.

Location of the study area.

Localisation de la zone d’étude.

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3. Traitement des données

Sur les 104 postes pluviométriques répertoriés dans la zone d’étude (ANRH, 2000), 97 ont été retenus sur la base de données fiables en qualité et en quantité, s’étalant sur une période allant de 1921/22 à 1960/61 et de 1968/69 à 1998/99 (70 ans), mais qui reste cependant entachées de lacunes. Les postes observés sont positionnés en figure 1. Les totaux pluviométriques annuels sont analysés.

Deux vecteurs régionaux C1 et C2 se sont dégagés de l’analyse en composantes principales (ACP) expliquant plus de 75 % de la variation totale avec un coefficient de corrélation multiple égal à 0,87. Les séries pluviométriques sont ramenées à une combinaison linéaire de ces deux vecteurs par la relation suivante, permettant ainsi le comblement des lacunes pour les 97 stations prises une à une :

où as, bs, cs sont des coefficients de régression de la station avec les composantes C1 et C2 et Psi la pluie manquante de l’année i.

Sur les 97 séries corrigées et étendues, les pluies moyennes interannuelles, décennales sèches et quinquennales sèches sont évaluées (WOLTING et al., 2000). Il y a lieu de noter que d’après LABORDE et al. (1993), la distribution des pluies annuelles en Algérie présente une dissymétrie positive et la loi racine normale a donné les meilleurs ajustements pour la détermination des quantiles.

3.1 Construction du modèle pluie - Position géographique

L’estimation de la variabilité des pluies de la région a nécessité la connaissance du champ spatial. Malheureusement, la mauvaise distribution du réseau de mesures pluviométriques liée aux contraintes opérationnelles d’accès au site, notamment en altitude, donne une mauvaise représentativité des postes pluviométriques vis-à-vis du relief, d’où l’élaboration d’un modèle pluie – relief.

Le relief est analysé à partir d’un modèle numérique de terrain (MNT), en échantillonnant les altitudes aux noeuds d’un réseau de mailles carrées de 2 km x 2 km, l’objectif étant de dégager un certain nombre de paramètres morphométriques susceptibles d’expliquer la pluviométrie. Compte tenu des dimensions de la zone à cartographier dans un rectangle Est-Ouest, plus de 35 476 altitudes ont été échantillonnées. Le bloc diagramme de la zone d’étude est présenté à la figure 2.

Figure 2

MNT de la zone d’étude.

Digital elevation model.

MNT de la zone d’étude.

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Notre choix a porté sur le modèle de Laborde (1982), reposant d’une part sur les coordonnées Lambert (X, Y) qui traduisent la distance, et d’autre part sur les paramètres hypsométriques (altitudes Z et ZfS, pente et exposition T). Pour tenir compte de l’orientation des versants et de l’encaissement du site, six paramètres (TG1, TGE, TGN, TGNE, TGW et TG3) (voir Appendices/Symboles en fin de document) sont identifiés dont le calcul est basé sur la dénivelée. Il s’est fait sur la base d’un maillage régulier de (2 km x 2 km) de 25 noeuds centrés sur le poste pluviométrique en utilisant la fonction Tangente TG (LABORDE, 1986).

Le calcul de l’altitude lissée ZfS est donné par la relation (3) et nécessite la construction d’un maillage régulier de neuf noeuds centrés sur le poste pluviométrique d’altitude Z comme le montre la figure 3. Il est recommandé de retenir, pour ce ZfS, la valeur maximale entre l’altitude réelle Z au poste et les quatre autres altitudes obtenues par interpolation linéaire des huit noeuds les plus proches.

Figure 3

Estimation de l’altitude ZfS.

Elevation estimation ZfS.

Estimation de l’altitude ZfS.

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Le choix du nombre de paramètres à considérer a été guidé par l’étude des régressions multiples linéaires en comparant, d’une part, le coefficient de détermination R2 et, d’autre part, la somme des résidus de régression. De toutes les tentatives, la meilleure corrélation des précipitations a porté sur les coordonnées (X, Y, Z) donnant un coefficient de corrélation multiple respectivement égal à 0,74; 0,57 et 0,61 pour la pluie annuelle et les quantiles 10 % et 20 % (DAGNELLIE, 1992). Ces modèles sont validés par les tests d’indépendance et de normalité des résidus R(X,Y,Z) (INEGLIZ, 2002). L’ajustement de ces derniers à la loi racine normale donne de bons résultats pour un seuil de confiance de 5 %. Les modèles retenus sont formulés dans le tableau 1.

Tableau 1

Relation pluie – relief.

Rainfall – altitude relationship.

Relation pluie – relief.

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Les modèles retenus spécifiques (Tableau 1) ont permis d’étendre les séries aux noeuds des mailles (2 km x 2 km), dont on connaît les coordonnées Lambert X, Y et l’altitude Z.

La relation fonctionnelle P(X,Y,Z) = P(X,Y,Z)* + ε est développée avec P(X,Y,Z), la pluie observée, et P(X,Y,Z)*, la pluie théorique estimée par le modèle.

La variable « pluie » observée P(X,Y,Z) ne peut être définie fiablement aux noeuds des mailles que si la grille des résidus ε correspondante est établie. De ce fait, l’étude des résidus aux noeuds des mailles s’impose.

3.2 Variographie et interpolation des résidus

La connaissance du résidu de la régression ε étendu à toute la grille reste impérative pour la cartographie de nos paramètres et permet de mieux interpréter les variogrammes obtenus. Leur interpolation aux noeuds de maillage (2 km x 2 km) s’est effectuée par krigeage (Obled, 1986) après étude de leur structure spatiale par le calcul du variogramme expérimental γ(h). Celui-ci représente la variance des écarts entre les résidus de régression entre deux points distant de h (Laborde, 1995).

Pour étudier l’anisotropie, deux directions sont retenues, la première Nord-Sud et la deuxième Est-Ouest. Le modèle exponentiel s’adapte bien aux résidus. Il y a lieu de noter que seuls les résidus des précipitations moyennes interannuelles sont pris en exemple dans cet article.

La formulation de γ(h) est donnée par les équations 4 et 5 pour chacune des directions citées et leur représentation graphique respective en figures 4 et 5.

Figure 4

Variogrammes (expérimental et théorique) des résidus de régression Direction Nord-Sud (Azimut -45° à 45°).

Experimental and theoretical variograms of the regression residuals North-South direction (Azimuth – 45° à 45°).

Variogrammes (expérimental et théorique) des résidus de régression Direction Nord-Sud (Azimut -45° à 45°).

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Figure 5

Variogrammes (expérimental et théorique) des résidus de régression (Direction Est-Ouest ; Azimut 45° à 135°)

Experimental and theoretical variograms of the regression residuals East-West direction (Azimuth – 45° à 135°).

Variogrammes (expérimental et théorique) des résidus de régression (Direction Est-Ouest ; Azimut 45° à 135°)

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Aussi, les grilles de résidus sont établies pour les deux autres quantiles, la formulation de leur variogramme est donnée dans le tableau 2.

Tableau 2

Équation des variogrammes γ(h) = f(h).

Variogram equations γ(h) = f(h).

Équation des variogrammes γ(h) = f(h).

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3.3 Constitution de la grille finale et de la cartographie automatique

La grille des altitudes étant définie par le modèle numérique de terrain, la grille des pluies dans l’espace est obtenue en combinant les grilles des pluies estimées à partir du modèle numérique de terrain et de la grille des résidus. Cette démarche a été appliquée pour l’élaboration de trois grilles spécifiques, permettant de tracer les courbes isohyètes. Donc, trois cartes pluviométriques sont établies pour un intervalle de confiance de 95 %; il s’agit des cartes des pluies annuelles moyennes, décennale sèche (P10 %) et quinquennale sèche (P20 %). Les cartes établies sont données en figures 6, 7 et 8.

Figure 6

Pluies annuelles moyennes (mm).

Mean annual rainfall (mm).

Pluies annuelles moyennes (mm).

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Figure 7

Pluie annuelle de probabilité de retour 10 ans (Pan, 10 %) (mm).

Dry 10-year return period annual rainfall (mm).

Pluie annuelle de probabilité de retour 10 ans (Pan, 10 %) (mm).

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Figure 8

Pluie annuelle de probabilité de retour 5 ans (Pan, 20 %) (mm).

Dry 5-year return period annual rainfall (mm).

Pluie annuelle de probabilité de retour 5 ans (Pan, 20 %) (mm).

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4. Conclusion

Le traitement des données, quant à leur homogénéisation et leur spatialisation, est une tâche très délicate. L’approche adoptée pour ce travail reste la meilleure pour notre zone d’étude. La combinaison de l’analyse en composantes principales pour l’homogénéisation des données et la théorie des variables régionalisées pour la répartition spatiale des pluies ont fourni des résultats très satisfaisants. L’étude des résidus de régression a permis de compenser les biais lors des régressions et d’améliorer ainsi la qualité de l’information. Les cartes d’isohyètes obtenues peuvent être utilisées en absence de données locales ponctuelles. Ce travail, de par son aspect pratique, constitue une approche méthodologique raisonnable aboutissant à des résultats très satisfaisants. Les cartes élaborées des pluies interannuelles et celles de périodes de retour cinq et dix ans peuvent constituer un point de départ pour une étude sur les pluies de courtes durées dans les zones démunies d’informations pluviographiques.