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On pourrait me définir ainsi : une fille qui aime les maisons et, aussi, les glaciers [1].

Dans l’oeuvre romanesque et poétique d’Élise Turcotte, la question de l’espace, habité et extérieur, s’accompagne d’une fascination pour les objets, ce dont rendent bien compte les études rassemblées ici par Denise Brassard. « Entrer dans le tableau du deuil » ouvre ce dossier en suggérant quelques pistes d’interprétation de la production dense et variée de Turcotte ; cette présentation est suivie d’une riche et fascinante entrevue avec l’auteure et d’un inédit, intitulé « Coeur sauvage ». François Paré examine comment certains espaces privilégiés, comme la chambre et la cuisine, représentent dans cette oeuvre des lieux-refuges « où tend à se blottir le sujet énonciateur à l’abri de la menace extérieure et de la rupture du sens ». Nicole Côté voit dans le roman L’île de la Merci un univers familial dans lequel les femmes (la mère et ses filles) n’arrivent pas à habiter leur corps, alors que Daniel Laforest constate l’importance de l’image dans les pratiques de la poésie et du roman, notamment dans La voix de Carla, La terre est ici et Le bruit des choses vivantes.

En études libres, Marilyn Randall propose, à partir des « romans dans le roman » de la littérature québécoise, une définition du roman fictif, soit une oeuvre qui « confond de façon irrémédiable les niveaux “fictif” et “réel” à l’intérieur de la fiction par un retournement de la fin qui détruit la logique des deux ontologies établies, déstabilisant ainsi la lecture ». Marie Carrière et Catherine Khordoc traitent pour leur part des « deuils au pluriel » dans Jeux de patience et Le bonheur a la queue glissante d’Abla Farhoud.

Pour ce numéro, nos chroniqueurs habituels — Michel Biron, André Brochu, Lucie Robert — font état des parutions récentes en roman, poésie et théâtre, éveillant le lecteur aux appels (parfois curieux) de l’espoir chez les romanciers, aux tentatives de réinvention d’une modernité chez les poètes et aux retours (formels, thématiques) vers les origines chez les dramaturges. Pour accompagner Michel Biron à rendre compte du flot de romans qui paraissent, notre nouvelle chroniqueure, Frances Fortier, propose ici une première réflexion sur la fiction romanesque « et autres enchantements narratifs » contemporains.

Avec le printemps et le Salon du livre de Québec, Voix et Images lancera en avril, en collaboration avec Les Presses de l’Université du Québec, une nouvelle collection d’ouvrages critiques fort attendue, intitulée « De vives voix ». Chaque volume de cette collection offre, pour l’enseignement et la recherche, une sélection des articles parus dans la revue sur un auteur ou une problématique littéraire, précédés d’une introduction qui retrace l’évolution historique de ces positions critiques. Cette année, trois titres paraîtront : Anne Hébert en revue (sous la direction de Janet M. Paterson et Lori Saint-Martin), Hubert Aquin en revue (sous la direction de Jacinthe Martel et Jean-Christian Pleau) et Réjean Ducharme en revue (sous la direction d’Élisabeth Haghebaert et Élisabeth Nardout-Lafarge). La collection est dirigée par Max Roy, en collaboration avec la rédaction de Voix et Images.

Bon printemps et bonne lecture avec Élise Turcotte et nos « vives voix » !