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Pourquoi les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II protègent-ils les reins indépendamment de leurs propriétés anti-hypertensives ?

Il est maintenant admis que les inhibiteurs de type I des récepteurs de l’angiotensine II (IRA) et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ont un effet protecteur sur les reins, en particulier au cours du diabète, indépendamment de la diminution de la pression artérielle et du blocage du système rénine-angiotensine. Les mécanismes de cet effet protecteur sont peu ou pas connus. Afin de répondre à cette question, Izuhara et al. [1] ont réalisé des expériences in vitro et in vivo afin de comparer les effets de 6 IRA (valsartan, olmesartan, candesartan, irbesartan, losartan et telmisartan) à ceux de 9 β-bloquants (BB) et de 6 inhibiteurs des canaux calciques (ICC). Étudiant un mélange de plasmas de malades en insuffisance rénale terminale traités par hémodialyse et incubé pendant une semaine à 37 °C, ils ont constaté que la production de pentosidine (un témoin de la formation des produits glycosylés qui sont un facteur essentiel des complications chez le diabétique) était inhibée en fonction de la dose par les 3 classes de médicaments, mais avec des concentrations inhibant 50 % de l’effet maximal (IC50), beaucoup plus basses avec les IRA (2-6,25 mM) qu’avec les BB et les IEC (>20 mM). De même, la production de O-tyrosine, un dérivé de la phénylalanine obtenu en présence de radical hydroxyl, fut plus inhibée par les IRA - avec des IC50 entre 0,31 et 0,38 mM - que par les ICC (IC50>10 mM). On constata un effet des β-bloquants (BB), mais de moindre amplitude (IC50 entre 0,41 et 1,45 mM). Enfin, l’inhibition de la réaction de Fenton, productrice de radicaux hydroxyl en présence d’un métal de transition (fer ou cuivre) et jugée sur l’oxydation de l’acide ascorbique, fut beaucoup plus marquée avec les IRA (IC50 < 5 µM) qu’avec les BB (IC50 > 2000 µM) et les ICC (IC50 > 50 µM). Ces résultats furent confirmés in vivo chez des rats hypertendus, atteints de diabète de type 2 et porteurs de lésions rénales (souche SHR/NDmcr-cp). Ces rats furent traités pendant 20 semaines soit avec un IRA (olmesartan), soit avec un BB (aténolol), soit avec un ICC (nifédipine). L’effet anti-hypertenseur sur la pression systolique ne fut pas significativement différent dans ces 3 conditions (147 ± 5 mmHg avec l’IRA, 158 ± 3 avec l’ICC et 154 ± 2 avec le BB versus 211 ± 7 chez les témoins non traités). En revanche, seul l’IRA diminua la protéinurie et protégea les reins comme le montra l’examen histologique. L’activation des cellules mésangiales (présence d’α-actine), les lésions des podocytes, des tubules et de l’interstitium, et l’infiltration par les cellules inflammatoires étaient très diminuées avec ce traitement. De même, seul l’IRA prévint la formation de dépôts de fer dans l’interstitium rénal, corrigea l’hypoxie cellulaire chronique jugée par l’incorporation de pimonidazole, réduisit l’expression de l’hème oxygénase et de la sous-unité p47phox de la NADPH oxydase (l’enzyme essentielle produisant les formes actives de l’oxygène), et inhiba la formation de pentosidine, comme cela était déjà montré in vitro, de manière parallèle à la réduction de la protéinurie. Ces résultats étendent considérablement les propriétés des IRA : diminution du stress oxydatif par inhibition de la réaction de Fenton et capture des radicaux hydroxyl, correction de l’hypoxie cellulaire chronique, inhibition de la formation de dépôts de fer dans les reins et de celle de produits glycosylés. Ainsi, s’expliquerait la capacité de ces médicaments à protéger les reins indépendamment de leurs propriétés anti-hypertensives.

Comment un virus aviaire se propage aux mammifères

L’épidémie de grippe espagnole en 1918 a tué par millions, et on sait maintenant que le virus responsable était d’origine aviaire. Il avait donc franchi la barrière d’espèce. Un autre virus grippal, H5N1, est depuis 1997 responsable d’une épizootie largement diffusée en Asie et qui a atteint des pays européens et africains. Quelques cas humains, occasionnellement mortels, ont été documentés en Asie du Sud-Est. Aucun cas de transmission entre humains n’a été signalé, mais on redoute que l’extrême mutabilité du virus ne soit à l’origine d’une pandémie contre laquelle il n’existe actuellement pas de défense immunitaire. Des chercheurs allemands ont étudié le mécanisme potentiellement en cause dans un autre virus grippal, très pathogène chez le poulet mais sans gravité chez la souris, ainsi qu’un de ses variants devenu létal, et déterminé les fondements moléculaires de cette adaptation [2]. Il s’agit du virus SC35 et de son variant SC35M. Les auteurs ont identifié les mutations différenciant ces deux souches, sept d’entre elles se situant au niveau des protéines de la polymérase (PB1, PB2 et PA), les autres dans la nucléoprotéine (NP), l’hémagglutinine (HA) et la neuramidinase (NA). Toutes les mutations de la polymérase semblent individuellement contribuer à la virulence, mais deux mutations de PB2 (701N et 714K) ainsi qu’une mutation de NP (319K) augmentent considérablement et de façon additive l’activité de la polymérase. Une autre mutation de PB2 (627K) a été trouvée dans le H5N1 isolé en 1997 à Hong-Kong, et dans le H7N7 responsable en 2003 d’une épidémie aux Pays-Bas. Ce sont des résidus habituellement très conservés, ce qui suggère le rôle critique du complexe polymérase pour l’adaptation à un nouvel environnement. L’étude d’autres mutants a montré qu’il y a un taux optimal de polymérase qui favorise la réplication et la transcription dans les cellules de mammifères, un excès d’activité polymérase ne semblant pas compatible avec une virulence élevée. Des mutations analogues à celles observées dans SC35M ont été mises en évidence récemment dans différents virus aviaires (H6N1, H9N2), évoquant une évolution convergente pour l’adaptation aux hôtes nouveaux que sont les mammifères. Leur combinaison aurait un effet additif sur la virulence. L’ensemble du travail semble bien montrer une corrélation entre la virulence du virus et les mutations de la polymérase. Celle-ci serait le moteur initiateur pour l’adaptation à un nouvel hôte et le déclenchement possible d’une pandémie.

L’école des fourmis

Une grand’troupe de fourmis

Ensemble en un creux s’étaient mis,

Et avaient durant tout l’été

Amassé grande quantité

De blé…

Gilles Corrozet (1510-1568)

Qui de nous n’a pas été fasciné par les cortèges de fourmis ? Par centaines, elles suivent le même trajet, certaines lourdement chargées. Si on les dérange dans leur itinéraire, elles y reviennent. Deux articles récents étudient le comportement des fourmis lors de ces trajets et expliquent, au moins partiellement, le type de mécanisme en jeu. Le travail d’un groupe suisse (Zurich) a porté sur la fourmi Melophorus bagoti vivant dans le désert australien [3]. De leur nid à leur source d’alimentation, l’itinéraire est strictement déterminé. Ont-elles une mémoire du terrain, comme cela a été proposé pour les abeilles [4] ? Les auteurs ont montré que, dans un terrain accidenté, elles trouvent des repères qui peuvent les forcer à utiliser des trajets différents à l’aller et au retour. En créant artificiellement des obstacles, ils ont reproduit expérimentalement ces deux trajets qu’ils ont pu surveiller grâce à un marquage individuel d’un certain nombre d’animaux. Si on déplace la fourmi sur son trajet de sortie de la fourmilière, elle retrouve très bien son chemin pour y revenir. En revanche, si on déplace la fourmi sur son itinéraire de retour, elle commence à errer dans tous les sens jusqu’au moment où elle retrouve son trajet. Elle pourra alors rentrer au nid. La différence entre les deux comportement est hautement significative (n = 52, p < 10-4). Les auteurs en concluent que l’intégration du trajet ne se fait pas à la façon d’une « carte », mais qu’il s’agit d’un enregistrement permanent des mouvements de rotation et de translation, qui les reconduit à leur maison. Deux auteurs britanniques (Bristol, Royaume-Uni) ont étudié, par ailleurs, la capacité qu’a une fourmi de transmettre son comportement, de l’enseigner en quelque sorte [5]. Leur travail a porté sur Themnothorax albipennis dont ils ont étudié la vitesse de déplacement. Quand une fourmi en conduit une autre - qui ne connaît pas le trajet - du nid à une source alimentaire, elle modifie son comportement (ce qui est caractéristique de l’enseignement), et ne continue à avancer que si, périodiquement, elle reçoit un petit coup sur la patte ou l’abdomen. La vitesse de son déplacement est tout à fait différente : seule, elle met 8,4 mm. s-1, accompagnée, elle met 1,8 mm. s-1. Quand elle est suivie par une autre, les pauses sont fréquentes, la fourmi stagaire opérant des mouvements en boucle pour établir ses marques. Cette dernière trouve aussi la nourriture beaucoup plus vite quand elle est accompagnée que quand elle est seule, et sait rentrer à la fourmilière. Peut-on parler d’intelligence de la fourmi ? Ce serait beaucoup dire, mais le comportement de la fourmi guide évoque très précisément les critères d’un enseignement.

CCR5, récepteur de chimiokine paradoxal

L’infection par le virus du Nil Occidental (WNV) fait partie des maladies émergentes. Identifié pour la première fois en Ouganda en 1937, le virus a été largement diffusé par des oiseaux, hôtes comme l’homme de ce virus dont le vecteur est un moustique. La maladie est actuellement endémique dans certaines régions des États-Unis (plus de 16 000 cas identifiés). Son expression clinique est très variable, mais peut être grave, voire fatale, évoluant vers une symptomatologie de méningite et d’encéphalite avec séquelles neurologiques. On ne dispose aujourd’hui d’aucun traitement ni de vaccin. Des chercheurs du NIH (Bethesda, MD, États-Unis) ont d’abord étudié la maladie sur un modèle murin en infectant les animaux par voie sous-cutanée [6]. Ils ont alors mis en évidence le rôle du récepteur de chimiokine 5 (CCR5) et de son ligand CCL5 dans l’invasion du système nerveux central. Le WNV stimule l’expression de CCR5, qui s’avère critique pour la clairance du virus et la survie des animaux. Chez les souris CCR5-/-, l’infection par WNV a une évolution fatale dans tous les cas. Chez ces animaux, on constate une augmentation de la charge virale et une infiltration leucocytaire accrue. Le transfert de splénocytes de souris CCR5+/+ assure leur survie. Il était alors logique de se demander si le récepteur CCR5 intervenait aussi dans l’évolution de la maladie chez l’homme ? Pour le savoir, les mêmes chercheurs ont étudié plusieurs séries de malades chez lesquels le WNV avait été caractérisé en explorant la présence simultanée de l’allèle déficient CCR5Δ32 du gène CCR5 [7]. Cet allèle nul est inégalement réparti selon les populations, plus fréquent chez les sujets d’origine européenne [8]. Trois cohortes de patients ont fait partie de l’étude : 205 sujets WNV-séropositifs d’Arizona, 111 sujets WNV-séropositifs du Colorado (316 en tout), et 125 témoins WNV-séronégatifs d’Arizona. Ils ont été comparés à la population américaine en général, et les résultats ont été interprétés soit en incluant tous les sujets quelle que soit leur origine ethnique, soit en évaluant seulement les sujets d’origine européenne. On constate une fréquence nettement supérieure des homozygotes CCR5Δ32 chez les WNV-séropositifs : 4,3 % contre 0,7 % (5,6 % si on n’implique que les sujets d’origine européenne, p<0,0001) et une déviation significative de l’équilibre de Hardy-Weinberg, qui est normalement respecté dans la population séronégative et dans la population américaine en général. On constate aussi que 19 cas mortels ont été observés chez ces sujets n’exprimant pas CCR5 (4,8 %). CCR5 représente donc un élément de défense contre le virus (il en limite la progression) et le déficit en CCR5 est donc chez l’homme un facteur de risque pour une infection symptomatique par le WNV. La susceptibilité pourrait être maximale chez les sujets immunodéprimés. Paradoxalement, il faut rappeler l’observation faite en 1996, simultanément par deux équipes, sur le caractère protecteur de cette même délétion CCR5Δ32 vis-à-vis de l’invasion et de la progression de l’infection par le VIH [9, 10]. Certains traitements visant à bloquer le CCR5 sont à l’étude. Quelles pourraient en être les conséquences ? Les virus n’ont pas fini de poser des problèmes.

Frites et cancer du sein

Vous souvenez-vous de ce que vous avez mangé la semaine dernière? Moi, non ! Et de ce que vous avez donné à manger à votre fille, maintenant âgée de 40 à 85 ans, lorsqu’elle avait entre 3 et 5 ans ? C’est la question à laquelle ont répondu les mères de 582 femmes ayant eu un cancer du sein, et de 1 569 femmes n’en ayant pas [11]. Ces femmes appartiennent à deux cohortes de près de 240 000 infirmières au total, répondant régulièrement à des questionnaires démographiques, anthropométriques, sur leur style de vie et sur les maladies dont elles souffrent. Il s’est pourtant trouvé 2 151 mères de ces femmes, encore vivantes, acceptant de répondre à ce questionnaire, et se souvenant de ce qu’elles avaient donné à manger à leurs filles il y a en moyenne plus de 50 ans ! Pour les aider, une liste de 30 aliments leur était soumise, et chaque mère participant à cette étude devait indiquer la fréquence de prise de tel ou tel aliment par leur fille. Et que ressort-il de cette étude publiée récemment dans l’International Journal of Cancer ? Que les frites[1] sont le seul aliment qui augmente le facteur de risque de développer un cancer du sein. La restauration rapide est innocentée puisqu’il n’y a pas d’association des cancers du sein avec la consommation de hot dogs ou de hamburgers ! Mais si on suppose que les mères ayant répondu à cette enquête consommaient à peu près les mêmes aliments que leurs filles, aucune corrélation n’est soulignée sur le rôle potentiellement protecteur des frites contre la maladie d’Alzheimer, ce qu’on est en droit de déduire étant donné que leur année de naissance médiane remonte à… 1914 !

Fuites détectées dans le thymus !

L’épithélium intestinal est un environnement complexe, frontière au contact avec la flore bactérienne et une grande diversité d’antigènes étrangers. Outre la présence d’effecteurs lymphocytaires Tαβ conventionnels exprimant un hétérodimère CD8αβ, issus de la circulation sanguine, on y trouve une population particulière de lymphocytes T intra-épithéliaux (IEL), TCRαβ ou TCRγδ caractérisés par l'expression d'un homodimère CD8αα. Ces IEL CD8αα possèdent un répertoire de spécificités restreint, résultat d'un processus non conventionnel de sélection [12]. Ces caractéristiques ont fait douter les immunologistes de l'origine thymique de ces IEL. Ainsi, chez les souris athymiques ou thymectomisées à la naissance, les IEL CD8αα sont bien présents dans l'intestin. Cependant, leur nombre est fortement réduit et les CD8αα TCRαβ sont eux quasi absents [13]. De plus, si la thymectomie est réalisée après la période néonatale, elle n'affecte plus les IEL CD8αα. Quel est donc le rôle précis du thymus dans la production des IEL CD8αα ? C'est à cette question que vient de répondre le groupe de Bénédita Rocha et Sophie Ezine de l'Unité 591 de l'Inserm, dans un article récent de Nature Immunology [14]. Les auteurs ont évalué la capacité de greffons thymiques et de différentes sous-populations thymiques transplantées chez la souris, à engendrer des IEL CD8αα. Les résultats obtenus démontrent que la greffe d'un thymus néonatal chez une souris alymphoïde (Rag-/-IL2rγ-/-) permet non seulement une thymopoïèse dans le thymus de l’hôte, mais également la différenciation d’IEL CD8αα dans l'intestin. L'absence de lymphocytes B provenant du donneur exclut que cette reconstitution se soit faite à partir de cellules souches potentiellement présentes dans le greffon. Une démonstration plus directe est apportée par la reconstitution des IEL CD8αα par injection de thymocytes précurseurs (triples négatifs, TN, CD4-CD8-TCR-, CD44+), prouvant par là même que ce sont des cellules engagées T - mais avant le réarrangement TCR - qui fuient le thymus pour coloniser d’autres organes comme l’intestin. Ces précurseurs T émigrant sont capables de coloniser de manière quasi permanente l’intestin puisque des IEL CD8αα d'origine thymique sont présents pendant plusieurs mois, bien après la disparition des TN et de leur progénie dans le thymus de l'hôte. L'environnement de l'épithélium intestinal est donc essentiel à la différenciation des précurseurs thymiques en IEL CD8αα et à leur auto-renouvellement. Ce travail démontre donc que le thymus n'exporte pas uniquement des lymphocytes T matures mais est également responsable d'une fuite orchestrée, durant la période néonatale, de précurseurs T avant leur réarrangement TCR, pour permettre la colonisation à long terme d'organes lymphoïdes primaires, comme l'épithélium intestinal, où ils termineront leur différenciation T. Voilà qui éclaire d'un jour nouveau le développement des cellules T non conventionnelles.

Les branches du neurone poussent en « Ralant »

La synaptogenèse, c’est-à-dire l’établissement des connexions entre neurones, permet la circulation de l’information entre neurones. Elle repose sur la croissance d’extensions membranaires, les neurites, qui se ramifient et constituent les antennes (dendrites) et porte-voix (terminaisons axonales) des neurones. La formation, l’extension et le guidage des neurites sont de mieux en mieux connus, mais le mécanisme moléculaire qui sous-tend la formation des embranchements reste mystérieux. Des petites GTPases de la superfamille de Ras sont des régulateurs importants dans tous les processus cellulaires. L’équipe d’Alan Hall (University College of London, Royaume-Uni), qui a précédemment caractérisé la fonction de plusieurs petites G, notamment de la sous-famille de Rho, s’est intéressé à Ral A et B, deux GTPases connues depuis vingt ans mais dont la fonction ne commence à être élucidée que depuis quelques années. Sur la base d’expériences utilisant l’interférence par l’ARN, l’expression de mutants constitutivement actifs ou inactifs, ou d’un facteur d’échange des Ral qui stimule leur activation dans des neurones en culture, les nouveaux résultats montrent que Ral A et B régulent l’élaboration des branches neuritiques. Les auteurs trouvent que RalA régule l’activité de l’exocyste, un complexe multi-moléculaire impliqué dans le trafic vésiculaire, l’extension des neurites, des protrusions membranaires et la dynamique des microtubules. RalB régule l’activité de la phospholipase D, une enzyme engendrant de l’acide phosphatidique dont l’activité est importante pour la croissance neuritique. Dans les deux cas, la phosphorylation par la protéine kinase C de la GAP43 (growth-associated protein 43kDa), une molécule précédemment impliquée dans la croissance neuritique et dans le guidage axonal, est en aval des voies dépendant de Ral A et B. Les détails du mécanisme moléculaire ne sont pas élucidés mais l’identification des Ral A et B comme interrupteurs moléculaires du branchement neuronal ouvre des perspectives et de nouvelles questions sur le rôle de l’exocyste, de la phospholipase D et de GAP43, identifiés comme acteurs dans ce phénomène.

L’imatinib (Glivec®) est aussi un traitement de l’HTA pulmonaire

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) idiopathique, caractérisée par une élévation importante et continue de la pression dans l’artère pulmonaire, conduit à l’insuffisance ventriculaire droite et, souvent, à la mort du patient. Elle est associée à l’accroissement de la prolifération et à la migration des cellules musculaires lisses des vaisseaux pulmonaires. Le facteur de croissance dérivé des plaquettes (PDGF), qui est un mitogène puissant, est impliqué dans ce processus. C’est un peptide composé de deux chaînes, A et B, formant des homo- ou des hétérodimères, reconnus par des récepteurs transmembranaires α et β porteurs d’un domaine à activité tyrosine kinase. Ces deux récepteurs activent une voie de transduction incluant les MAP-kinases (mitogen activated protein-kinases), la PI3-kinase (phosphatidyl inositol 3-kinase) et la phospholipase γC. Schermuly et al. [16] viennent de montrer que l’inhibition de l’activité tyrosine kinase des récepteurs par l’imatinib (Glivec®) améliorait considérablement l’évolution de la maladie. Pour cela, ils ont utilisé deux modèles d’hypertension artérielle pulmonaire expérimentale, l’un chez le rat, l’autre chez la souris. Le premier est obtenu par administration de monocrotaline pendant 28 jours. Les rats répartis en plusieurs groupes reçurent l’imatinib à doses croissantes par voie intra-péritonéale les 14 jours suivants. À la dose de 50 mg/kg/jour, le médicament ramena la pression artérielle ventriculaire droite mesurée en continu par télémétrie à des valeurs quasi normales. De même, l’hypertrophie ventriculaire droite disparut et l’indice cardiaque augmenta ainsi que la pression partielle artérielle d’oxygène. Tous les rats survécurent, alors que 50 % d’entre eux moururent dans le groupe témoin non traité par l’imatinib. L’examen histologique après le sacrifice des animaux montra, dans le groupe traité, une diminution du nombre d’artérioles muscularisées ainsi que de l’épaisseur de la média. Utilisant des homogénats de tissu pulmonaire, les auteurs constatèrent que le récepteur β et les ERK 1/2 (extracellularly regulated kinases) dans leur forme phosphorylée ainsi que les métalloprotéases matricielles MMP-2 et -9, surexprimées après administration de monocrotaline, retrouvaient un niveau normal après traitement par l’imatinib. In vitro, l’imatinib inhiba, en présence de PDGF, la prolifération et augmenta l’apoptose de cellules musculaires en culture provenant de l’artère pulmonaire de rat. Des résultats identiques furent obtenus dans le 2e modèle d’hypertension artérielle pulmonaire obtenu par hypoxie chez la souris. Enfin, les auteurs mesurèrent par Western blot l’expression du récepteur β du PDGF dans des homogénats de tissu pulmonaire de patients atteints d’HTAP et la trouvèrent élevée par rapport à celle observée dans du tissu de donneur sain. Ainsi, l’imatinib semble-t-il bénéficier, avec l’HTAP, d’une nouvelle indication, après la leucémie myéloïde chronique positive pour le chromosome Philadelphie. Des études chez l’homme devront montrer si les résultats observés chez l’animal peuvent s’appliquer aux patients dans les limites d’une posologie non toxique.

Les femmes diabétiques, plus que les hommes, ont un risque accru de mort par insuffisance coronaire

Le diabète de type II est un facteur de décès par insuffisance coronaire. Huxley et al. [17] viennent de montrer que le risque était plus important chez la femme que chez l’homme. Pour cela, ils ont effectué une méta-analyse de 23 articles portant sur 37 études prospectives de cohortes incluant 447 064 malades dont 45 % de femmes. Ces articles ont été sélectionnés à partir des critères de qualité des méthodes statistiques (estimation du risque relatif d’insuffisance coronarienne létale chez des hommes et des femmes diabétiques ou non avec ajustement sur l’âge) parmi ceux provenant d’études de cohorte réalisées en Asie et dans le Pacifique dans le cadre d’un programme collaboratif ainsi que ceux inclus dans les grandes bases de données médicales comme Medline et Embase. La durée du suivi était comprise entre 4 et 36 ans et l’âge des malades entre 15 et 98 ans. La fréquence de mort par insuffisance coronarienne a été estimée à 5,4 % chez les diabétiques contre 1,6 % chez les non diabétiques. Cette différence existait dans les deux sexes, mais était plus marquée chez les femmes (7,7 versus 1,2 %) que chez les hommes (4,5 versus 2,0 %). Le risque relatif était aussi plus élevé chez les femmes (x 3,5 avec un intervalle de confiance de 2,70 à 4,53) que chez les hommes (x 2,06 avec un intervalle de confiance de 1,81 à 2,34). Après exclusion de 8 études dont les données étaient ajustées uniquement sur l’âge, on obtint une atténuation de l’hétérogénéité des résultats, mais on réduisit en même temps le degré du risque chez les femmes (x 2,39) tout en le conservant chez les hommes (x 2,02). Afin de mieux évaluer les effets des ajustements multiples (âge, pression artérielle systolique, concentration plasmatique du cholestérol total, tabagisme…), les auteurs ont retenu les 22 études qui y ont recouru. Ils constatèrent alors, chez l’ensemble des patients sans distinction de sexe, une baisse supplémentaire du risque relatif qui passa de x 1,70, si on tenait compte seulement de l’âge, à x 1,46 dans le cas d’ajustements multiples. Ce travail démontre, sans aucun doute, du fait de l’importance de la série étudiée, le rôle du sexe dans le risque de décès par insuffisance coronaire chez les diabétiques. Les raisons en sont multiples : (1) la pression artérielle systolique et la choletérolémie étaient plus élevées chez les femmes que chez les hommes, expliquant ainsi la diminution du risque relatif après ajustement sur ces données ; (2) les hommes diabétiques et/ou atteints d’insuffisance coronaire sont habituellement mieux traités que les femmes et reçoivent aspirine, statines et anti-hypertenseurs plus précocement et plus fréquemment ; (3) enfin, il est possible que le traitement hormonal substitutif post-ménopausique, qui n’a pas été pris en compte dans cette étude du fait du caractère récent de l’information, ait pu aussi jouer un rôle.

Mangez des fruits et des légumes, vous protégerez votre cerveau

Un guide alimentaire rédigé dans le cadre du « Programme national nutrition santé » lancé par le ministère de la santé en 2002 conseille de manger au moins cinq légumes ou fruits différents par jour afin de diminuer la fréquence des accidents cardio-vasculaires et de certains cancers. Cette mesure repose sur les résultats d’un ensemble disparate d’études. He et al. [18] viennent d’entreprendre une méta-analyse afin de vérifier le rôle d’un tel régime sur la prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Ils ont pour cela exploré les grandes bases de données médicales (Medline, Embase) ainsi que la Cochrane Library. Ils ont retenu les études calculant les risques relatifs avec des intervalles de confiance de 95 % en rapport avec la consommation de fruits et de légumes. Dans un souci d’homogénéisation, ils ont standardisé les groupes de sujets en séparant ceux ingérant moins de trois, de trois à cinq ou plus de cinq légumes ou fruits par jour. La consommation moyenne était de 77 g pour les légumes et 80 g pour les fruits à chaque service et de 391 g/jour pour l’ensemble. Huit études furent sélectionnées incluant neuf cohortes indépendantes et, au total, 257 551 sujets. Ces sujets ont été suivis pendant en moyenne 13 ans et 4 917 AVC ont été colligés. Lorsqu’on prend comme référence le groupe ingérant le moins de fruits et de légumes, le risque relatif d’AVC est de 0,89 (0,83 à 0,97) chez ceux à consommation intermédiaire et 0,74 (0,69 à 0,79) chez ceux à consommation élevée. Pour ce dernier groupe, le résultat était indépendant du sexe, de la durée du suivi et de la nature de l’AVC (thrombose ou hémorragie). L’effet protecteur était retrouvé pour les fruits et les légumes séparément alors que seule l’ingestion de fruits était efficace lorsqu’on comparait le groupe à faible consommation à celui à consommation intermédiaire. Cette étude est très démonstrative vu le nombre de sujets étudiés et la longueur du suivi. Elle n’est pas cependant à l’abri de réserves dont essentiellement : (1) la possibilité de biais parce que les sujets mangeant beaucoup de fruits et de légumes sont souvent ceux qui fument le moins et ont la meilleure hygiène de vie ; (2) le fait que dans cinq articles sur huit, le régime a été apprécié au début de l’étude seulement alors que le suivi a porté sur une longue durée. Les facteurs actifs présents dans les fruits et légumes sont certainement nombreux, entre autres les sels de potassium, les anti-oxydants, les folates et vitamines, les fibres alimentaires. Le potassium est connu comme contribuant à diminuer la pression artérielle, les folates réduisent la concentration d’homocystéine, les fibres alimentaires celle de cholestérol et les anti-oxydants préviennent le développement de l’athérosclérose. Ce type d’alimentation peut ainsi remplacer avantageusement la pilule à composants multiples (polypill) que certains ont préconisé pour éviter de vieillir trop vite.

Requiem pour les grognards

En novembre 2001, à Vilnius (Lituanie), dans le quartier de Siaures Miestelis où se trouvait encore il y a quelques années une base militaire de l’Armée Rouge, des ouvriers qui préparaient la pose de canalisations s’arrêtent de creuser : à huit mètres de profondeur, des ossements, fémurs, tibias, crânes, se mélangent à la terre… Le charnier découvert compte des centaines de morts. À quelle tragédie de l’histoire appartiennent-ils ? Les fragments de tissus, les boutons d’uniforme, et des pièces de monnaie à l’effigie de Napoléon révèlent rapidement que ces restes humains sont ceux des soldats de la Grande Armée qui, pendant l’hiver 1812 par - 30 °C, harcelés par les cosaques du Tsar Alexandre Ier, après avoir passé les ponts d’un affluent du Dniepr, la Berezina, battaient en retraite, espérant trouver à Vilna un refuge. Envoyés sur place, des anthropologues - dont Olivier Dutour (Unité d’anthropologie, UMR 6578 CNRS, Marseille, France) - exhument 730 squelettes, de jeunes hommes pour la plupart, mais aussi des femmes (les cantinières) et des chevaux, dans les carcasses desquels les malheureux s’abritaient parfois pour mourir. Puis, en juin 2003, à la suite d’une décision du gouvernement français qui voulait donner à ces soldats, venus de toute l’Europe et sélectionnés pour leur grande taille (> 1,85 m), une sépulture décente, ces restes de la Grande Armée, officiers et sans grade, furent inhumés officiellement au cimetière Atakalnis, le plus coté de Vilnius. Enfin, tout récemment, les études effectuées par l’Unité des rickettsies et des pathologies émergentes (faculté de la Timone, Marseille) ont confirmé ce que les témoignages historiques et littéraires avaient laissé entrevoir. Couverts de vermine, épuisés de froid et de faim, les soldats de Napoléon avaient surtout péri d’épidémies transmises par les poux [19]. Ceux-ci ont été identifiés morphologiquement, isolés et analysés en biologie moléculaire. Dans 3 d’entre eux, de l’ADN de Bartonella quintana a été retrouvé. À partir d’une technique d’analyse de la pulpe dentaire - dont l’avantage est d’être préservée de toute contamination - mise au point par cette même Unité, des fragments d’ADN spécifique de B. quintana et de Rickettsia prowasekii ont été identifiés. B. quintana est responsable de la fièvre des tranchées, de bactériémies, et d’endocardites, encore observées de nos jours chez des sujets en état de misère physiologique, et chez des immunodéprimés (en particulier chez les patients infectés par le VIH). Il semble que le pou de corps (Pediculus humanus corporis) soit le seul vecteur et que l’homme soit l’unique hôte de cette bactérie. R. prowazekii, quant à elle, est l’agent bien connu du typhus. Le lien entre le pou et cette rickettsie redoutable a été établi par Charles Nicolle en 1902. Ainsi, aujourd’hui, se réécrit l’histoire, avec les mots de la biologie, précis et normatifs. Mais pour dire l’épopée, l’énormité de cette ancienne gloire engloutie, ils leur manquent la magie du verbe de jadis :

…Il neigeait. L’âpre hiver fondait en avalanche.

Après la plaine blanche une autre plaine blanche.

On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.

Hier la Grande Armée, et maintenant troupeau.

Victor Hugo, Les châtiments, Livre V, L’expiation, 1853.

VEGFR1 et métastases : il leur prépare le terrain

Un des attributs des cancers est leur capacité à faire migrer des cellules tumorales de la tumeur primitive et à coloniser d’autres organes. Mais quels mécanismes régissent ces métastases ? Les poumons et le foie étant des cibles fréquentes, on a d’abord supposé que les cellules tumorales, transportées par le flux sanguin étaient piégées dans les réseaux de plus en plus petits des capillaires [20]. Puis furent mises en évidence des molécules favorisant l’envoi des cellules tumorales circulantes dans certains tissus pour former des métastases. Il a aussi été rapporté que les cellules dérivées de la moelle osseuse (BMDC, bone marrow-derived cells) - en particulier les cellules progénitrices hématopoïétiques (HPC) - contribuaient à l’angiogenèse et à la croissance des tumeurs primaires ainsi qu’à la migration des cellules néoplasiques [21, 22]. Ce n’est donc pas par hasard que Kaplan et al. ont étudié les relations existant entre les cellules tumorales et les BMDC [23]. Afin de surveiller les déplacements des différentes populations cellulaires, il ont mis au point un ingénieux système de marquage. Après avoir irradié des souris pour détruire leurs BMDC, ils les ont remplacées par d’autres HPC, β-galactosidase positives ou marquées par fluorescence verte. Après l’établissement de ces nouvelles cellules progénitrices, des cellules de tumeur du poumon ou de mélanome (connues pour être très métastatiques) et marquées par fluorescence rouge sont ensuite injectées. Les cellules tumorales se développent en tumeurs primaires dans la région de l’injection, puis, après un temps de latence, métastasent dans d’autres localisations. Mais 12 à 14 jours après l’injection, avant même que des cellules tumorales soient détectables dans des sites métastatiques, des HPC vertes y sont déjà installées, et ce n’est que 23 jours après l’injection que sont visibles des micrométastases, la colocalisation des HPC et des cellules métastatiques étant mise en évidence par la double fluorescence verte/rouge. Les cellules tumorales de poumon utilisées dans ces expériences ne métastasent que dans le poumon et seulement occasionnellement dans le foie, alors que les cellules de mélanome ont un potentiel métastatique plus large. Selon l’origine des cellules tumorales injectées à la souris, les sites d’installation pré-métastatique des BMDC diffèrent et correspondent au potentiel métastatique des tumeurs injectées. Les auteurs ont ensuite recherché le facteur responsable de cette préparation de « niches » métastatiques et ont réussi à le mettre en évidence. En effet, si la souris est inoculée uniquement avec le milieu dans lequel les cellules tumorales ont été cultivées, le même phénomène se produit. Cela est dû au fait que les HPC déjà installées expriment le VEGFR1 (récepteur de type I du facteur de croissance vasculaire endothélial), grâce auquel les cellules tumorales s’installent dans ces niches. À l’inverse, ce qui prouve son rôle essentiel, en présence d’anticorps anti-VEGFR1, ou avec des BMDC n’exprimant pas ce récepteur, aucune formation de métastases ne se produit. Le VEGFR1 promeut donc le chimiotactisme, la fixation et la croissance des cellules tumorales circulantes. Celles-ci sécrètent certains facteurs comme le SDF2 (stromal cell-derived factor 2) et CXCR4 (chemokine motif cxc, receptor 4), et la voie SDF-1/CXCR4 doit aussi participer à l’hébergement des HPC. Elles expriment également des facteurs qui induisent les fibroblastes normaux à produire de la fibronectine qui, à son tour, interagit avec les intégrines α4β1 et α4β2. Enfin, si le VEGFR1 apparaît essentiel à la formation des niches prémétastatiques, d’autres activateurs de ce récepteur, comme le TGF-β et le VEGF, peuvent sans doute être impliqués. Cette découverte est extrêmement importante et, bien qu’il reste encore à analyser l’ensemble des mécanismes et des facteurs intervenant dans le processus métastatique, on entrevoit déjà des espoirs d’agir en inhibant certains de ces facteurs et en réussissant à bloquer ce processus redoutable de la formation de métastases.