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Les groupes de femmes au Québec montrent peu d’intérêt à l’égard des instances de développement local et régional, et leur représentation y est faible. Ce constat qui remonte à une douzaine d’années (Masson et Tremblay 1993 : 165) semble toujours d’actualité si l’on se fie à la faible proportion de membres féminins siégeant au conseil d’administration de ces instances, proportion qui oscille autour de 25 %[1]. La sous-représentation des femmes dans ces lieux de décision ne signifie toutefois pas que les groupes de femmes ne se préoccupent pas de développement, au contraire. Ainsi, estiment les analystes féministes, la contribution des centres de femmes au développement local est capitale : « Les centres de femmes ont toujours été partie prenante du développement de leur localité; ils offrent aux femmes de leur communauté un lieu d’appartenance et de transition, d’éducation et d’action, un lieu pour exercer leur citoyenneté » (Tardif et Asselin 2001 : 6).

Pourquoi alors ne pas s’investir dans les instances officielles de développement ? Le premier obstacle à la participation des femmes tiendrait à la conception même du développement véhiculée au sein de ces instances qui restreignent le développement à l’économie et à l’emploi. Une telle conception correspond à celle qui est prônée par le gouvernement québécois dans ses politiques et réformes soutenant ses efforts de régionalisation et de localisation[2]. Comme le constatent Côté et autres (1995 : 11), « nous sommes loin d’une conception qui marierait développement social et développement économique. Nous sommes encore plus loin d’une conception féministe du développement régional ». La définition que donnent les centres de femmes du développement est en effet beaucoup plus large :

Le développement comporte plusieurs dimensions, toutes également essentielles : humaine, politique, sociale, culturelle, économique, environnementale ; les relations entre ces dimensions sont aussi importantes que les dimensions elles-mêmes. Dans cette optique, l’économie et l’emploi constituent des moyens de réaliser le développement et non des buts en soi.

Tardif et Asselin 2001 : 29

Cet écart dans la conception du développement expliquerait l’absence des groupes de femmes dans les instances de développement. « Dans leur très grande majorité », notent Masson et Tremblay (1993 : 166), « ces organisations ne se sentent pas concernées par les débats et les enjeux qui y sont véhiculés. »

Un autre frein majeur à l’engagement des femmes dans les instances de développement est d’ordre structurel. Ces instances sont difficilement accessibles aux femmes si des mesures précises ne sont pas mises en place pour favoriser leur participation en leur garantissant un espace sous forme de sièges réservés au sein des conseils d’administration[3], d’une part, et en faisant une place réelle aux femmes en tenant compte de leur réalité (responsabilités familiales, ressources financières, etc.), d’autre part. L’objectif du gouvernement de décentraliser le pouvoir serait donc loin d’être atteint : « Ces changements […] de l’État ont peut-être pour effet de rapprocher les lieux de pouvoir public des citoyens et citoyennes, mais encore faut-il que les femmes aient le temps, la santé, les moyens et l’espace pour y participer pleinement » (Masson et Tremblay 1993 : 5).

Bien qu’elle soit explicable, la faible représentation des femmes dans les instances de développement est loin d’être souhaitable. La contribution des groupes de femmes au développement, même si elle est déjà importante, doit aussi se traduire par une présence dans les lieux officiels de décision. À mesure que les paliers régionaux et locaux deviennent des acteurs politiques importants, souligne Andrew (1995 : 82), il est crucial pour les groupes de femmes de s’y investir. Pourquoi ? Pour défendre les intérêts des femmes bien sûr, mais aussi pour permettre à ces dernières d’agir sur le développement et d’être au nombre des acteurs qui l’orientent. La fonction première du développement local étant de « permettre à une communauté d’agir directement sur les ressources qu’elle requiert pour assurer son bien-être ainsi que celui de tous ses membres », c’est donc « le pouvoir et non pas l’argent », souligne Ninacs (2001 : 48), qui est « l’enjeu premier du développement local ».

La reconnaissance d’un tel enjeu serait au coeur de l’engagement remarquable du centre de femmes du Témiscamingue dans le développement local, centre qui se distingue à cet égard de la plupart des centres de femmes au Québec[4]. C’est ce que révèle une recherche en cours portant sur la contribution des organismes communautaires au développement du Témiscamingue[5]. Selon nos informatrices[6], le Centre de femmes accorde une importance considérable aux pratiques de concertation et à la représentation politique, ce volet étant aussi présent que le volet « services ». Ainsi en témoigne une travailleuse : « Le Centre de femmes a une mission de changement social. C’est à cause de cette mission qu’on s’est impliqué dans la Société de développement du Témiscamingue (SDT) qui est un lieu pour faire des changements, pour influencer[7]. »

Cette particularité du Centre de femmes du Témiscamingue mérite que l’on s’y arrête, à cause justement des enjeux liés à la participation des groupes de femmes aux instances de développement local. Quelles formes prend cette contribution, quelle motivation la sous-tend et quelles conditions la rendent possible ? C’est ce que nous tenterons maintenant de découvrir[8]. Au préalable, traçons un portrait succinct du Témiscamingue.

Le Témiscamingue[9]

Le Témiscamingue couvre une vaste étendue à l’extrême sud-ouest du Québec. Son territoire correspond à celui de la municipalité régionale de comté (MRC) de Témiscamingue, une des cinq MRC composant la région de l’Abitibi-Témiscamingue, et représente 30 % de la superficie de cette dernière. Bien qu’il soit étendu, le territoire est peu peuplé : 17 344 personnes en 1998, soit une densité de 0,9 personne/km2. La faible densité de population du Témiscamingue s’accompagne d’un fort étalement de cette dernière. Les deux agglomérations importantes, Ville-Marie et Témiscaming, dépassent à peine 3 000 personnes chacune. On ne trouve donc aucun véritable pôle urbain parmi les dix-sept municipalités. Notons par ailleurs la présence sur le territoire de quatre communautés autochtones et d’un territoire non organisé.

Le caractère typiquement rural du Témiscamingue a des incidences directes sur les conditions de développement. L’étendue du territoire et la faible densité de population posent des défis particuliers d’accessibilité des services et appellent des solutions originales en matière de transport et de décentralisation. La présence généralisée de petites collectivités implique par ailleurs une proximité des gens et les amène à « développer des compétences dans leurs rapports aux autres » (CSBE 2001 : 10). Beaucoup plus personnalisés que dans les grands centres, ces rapports favorisent une appréhension concrète des questions qui sont abordées dans une perspective davantage globale, comme en témoigne un informateur de la Société de développement du Témiscamingue (SDT) : « On vit dans de petites collectivités ; à travers nos voisins, nos familles, nos amis, nos confrères et consoeurs de travail, on ne peut pas faire autrement que d’avoir une approche intégrée. » La même proximité facilite par ailleurs les relations entre personnes d’univers très différents et serait propice à la concertation indispensable au développement local : « En milieu rural, il y a un facteur qui peut faciliter le travail intersectoriel : on connaît les gens qui siègent sur les tables et on se voit à l’épicerie. »

Le pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté était, en 1996, de 17,0 %, proportion supérieure à celle de l’ensemble de l’Abitibi-Témiscamingue (14,5 %). Le secteur tertiaire, à savoir les commerces de détail et les services publics, fournissait, en 1996, 61 % des emplois. Outre ce secteur, l’activité économique repose essentiellement sur l’exploitation et la transformation des ressources naturelles. Ainsi, 7,0 % des emplois sont liés à l’agriculture, alors que 11,6 % proviennent de la transformation du bois, du papier et des produits connexes. Or les femmes sont généralement absentes du secteur primaire. Leur très forte concentration dans les secteurs traditionnellement féminins, concentration encore plus forte en Abitibi-Témiscamingue[10] qu’ailleurs au Québec note le CSF (1999 : 29), n’est certes pas étrangère à leurs difficultés d’intégration au marché du travail, difficultés dont témoignent leur faible taux d’activité et leur surreprésentation dans les emplois à temps partiel.

L’éloignement des grands centres constitue une autre caractéristique influant sur le visage du développement, non seulement en fait d’accessibilité des services et marchés, mais aussi, de façon corollaire, en matière de maintien de la population. Ainsi, les jeunes sont forcés de quitter la région après leur cinquième Secondaire afin de poursuivre leurs études collégiales. Seulement 60 % reviennent. D’après certaines évaluations, la MRC de Témiscamingue devrait subir une forte diminution de la population des jeunes de moins de 14 ans d’ici 2016, beaucoup plus que les MRC de l’Abitibi (CSF 1999 : 48). Actuellement, les jeunes de 16 à 35 ans représentent près de 30 % de la population témiscamienne. La capacité de retenir sa population et d’attirer de nouvelles personnes constitue un enjeu majeur du développement du Témiscamingue.

Comment de telles caractéristiques influent-elles sur la vision du développement portée par le Centre de femmes et sa motivation à s’y engager activement ? C’est ce que nous verrons maintenant.

L’engagement dans le développement comme partie intégrante de la mission du Centre de femmes du Témiscamingue

Lors de sa fondation en 1982, le Centre de femmes du Témiscamingue, alors appelé « Centre de femmes de Ville-Marie », se donne comme mission d’améliorer les conditions de vie des femmes et de favoriser la solidarité féminine au Témiscamingue. Considérant les dimensions sociales et économiques comme interreliées, il a toujours eu un double mandat : social et économique. Ses initiatives passées pour faciliter l’accès des femmes au marché du travail témoignent de son engagement dans le volet économique. Citons-en deux : 1) l’instauration en 1984 du SEMO[11]-FEMMES au Témiscamingue et la gestion de tous les SEMO-FEMMES de l’Abitibi-Témiscamingue ; 2) l’implantation en 1992 d’un programme de réintégration professionnelle où le Centre de femmes donne des cours de gestion de commerce de détail, cours reconnus par le cégep de l’Abitibi-Témiscamingue.

Rapidement s’ajoute à ces initiatives de développement la volonté de favoriser la représentation des femmes dans les lieux décisionnels. En 1989, le Centre de femmes obtient la création d’un siège « condition féminine » au Comité d’aide au développement des collectivités du Témiscamingue (CADCT)[12]. À partir de 1992, il participe activement au processus de fusion du CADCT avec d’autres instances de développement local, processus qui mènera, en 1994, à la création de la SDT où le siège « condition féminine » est maintenu. En 1993, il mène une recherche et organise, à l’occasion du 8 mars, un colloque sur l’intégration des femmes aux postes décisionnels dans les instances de développement local de quatre secteurs : 1) éducation et formation ; 2) santé et services sociaux ; 3) administration municipale ; et 4) développement économique et touristique.

Depuis 2000, le Centre de femmes est engagé dans le projet À égalité pour décider financé par le Secrétariat d’État à la condition féminine pour soutenir la participation des femmes aux instances décisionnelles. Le premier volet portait sur le réseautage : mise en évidence des besoins et conception d’outils pour faciliter l’analyse féministe. Le deuxième volet devait permettre d’une part, de créer une banque de candidates régionales et, d’autre part, de produire un bottin de femmes siégeant aux instances afin de soutenir et d’intensifier le réseautage. C’est dans ce volet que se sont inscrites les activités tenues à l’occasion du 8 mars 2003 où un bilan de la participation des Témiscamiennes aux instances a été dressé. Le troisième volet, mené en 2003-2004, a pour objet de mettre en place des formations, de développer des visions davantage collectives du développement et de favoriser l’émergence de pratiques différentes.

Deux raisons sont invoquées par le Centre de femmes pour justifier l’importance de siéger aux instances officielles. La présence de représentantes des groupes de femmes dans les postes de décision devrait tout d’abord assurer la prise en considération des intérêts des femmes. Il s’agit à la fois d’un rôle de chien de garde et aussi de promoteur de ces intérêts. Une ancienne travailleuse du Centre de femmes l’explique ainsi : « Les femmes sont souvent les grandes perdantes dans les grands projets de développement économique au Témiscamingue parce que c’est une région-ressource : agriculture, forêt. Alors nous nous sommes beaucoup impliquées dans le développement local, nous sommes à l’affût de ce qui se passe. » La seconde motivation réside dans la volonté de promouvoir certaines valeurs féministes et ainsi d’« introduire des valeurs économiques nouvelles surtout par le biais de l’économie sociale : notion de rentabilité sociale, gestion démocratique du lieu de travail, embauche majoritaire de femmes, conditions de travail décentes, etc. » (CCFT/Centre de femmes 1999 : 23).

Cette double motivation rejoint celle d’autres militantes féministes qui participent à de telles instances au Québec. Le travail de celle qui occupe le siège « condition féminine », constatent-elles (Tardif et Asselin 2001 : 81), ne se réduit pas au spécifique « femmes », mais il comporte « un souci de la communauté dans son ensemble, un aspect humain, ce qui correspond […] à la vision féministe multidimensionnelle du développement ».

Au Témiscamingue, ces objectifs se sont actualisés en premier lieu lors de la participation aux instances locales de développement ; c’est une représentante du Centre de femmes qui occupe le siège « condition féminine » d’abord au conseil d’administration du CADCT à partir de 1989, ensuite à celui de la SDT. Cette participation entraîne des partenariats entre le Centre de femmes, la SDT et d’autres acteurs dans l’implantation de projets de développement, ce qui permet là encore au Centre de femmes d’atteindre ses deux objectifs. Examinons ces expériences.

Un engagement multiple

La création de la SDT

La SDT est une créature propre au Témiscamingue. Elle résulte de la fusion, en 1994, de la CADCT avec les organismes ayant une mission de développement socioéconomique au Témiscamingue : la Corporation de développement économique du Témiscamingue (CDET), l’Office de tourisme du Témiscamingue (OTT) et le Centre d’aide aux entreprises du Témiscamingue (CAET)[13]. Le regroupement sous un même toit de ces organismes chapeautés par un conseil d’administration unique[14] provient de la volonté du milieu d’avoir un seul organisme dont la mission est de favoriser le développement local en s’appuyant sur la concertation du milieu. Le Centre de femmes a joué un rôle majeur dans ce processus.

Le Centre de femmes, nous l’avons dit, occupait déjà le siège « condition féminine» au CADCT. Ce siège ne lui avait toutefois pas été octroyé automatiquement. La mise en place du CADCT avait été confiée à la MRC qui avait constitué le conseil d’administration à partir de ses propres ressources, y compris le siège « condition féminine » qui avait été attribué à la seule femme élue maire. Le Centre de femmes a réagi rapidement, raconte une informatrice :

Ils ne sont pas allés voir les organismes du milieu même s’ils avaient comme mission de créer la concertation dans le milieu. Mais nous, on a eu vent de cela. Alors tout de suite, on s’est pointées avec une résolution de notre conseil d’administration en disant qu’on proposait telle personne pour combler le siège « condition féminine » puisque nous étions l’organisme officiel de condition des femmes sur le territoire. Comme ils avaient déjà nommé quelqu’un et qu’ils ne pouvaient pas nous dire non, on s’est retrouvées deux femmes. Ils ne sont donc pas venus nous chercher ; nous avons dû mettre de la pression.

Lorsque les membres du conseil d’administration du CADCT décident quelques années plus tard de créer un guichet unique en regroupant les instances de développement, la représentante du Centre de femmes au conseil d’administration prend une part active à la réflexion, y voyant l’occasion de « créer une nouvelle instance avec de nouvelles règles basées sur des valeurs féministes ». Libérée avec solde par le Centre de femmes deux jours par semaine pendant une dizaine de mois pour soutenir la mise en place de cette nouvelle instance et appuyée par une réflexion de la « collective[15] », elle joue un rôle prépondérant comme membre du comité des ressources humaines. Travaillant à définir le mode de gestion et la structure organisationnelle, elle poursuit deux objectifs. Elle cherche tout d’abord à augmenter la présence de femmes au sein du personnel, d’une part, en privilégiant, à compétences égales, l’engagement de femmes et au sein des instances, d’autre part, en réservant un siège « condition féminine » au conseil d’administration. Le second objectif est d’influencer les mentalités en introduisant des valeurs féministes dans des modèles innovateurs de gestion. Ainsi, la convention de travail qui sera adoptée s’inspire directement du modèle élaboré par l’R des centres de femmes[16] et se caractérise par des congés (de maternité, d’adoption, parentaux et sociaux) qui traduisent l’importance de la conciliation famille-travail.

Une des premières tâches du comité des ressources humaines consiste à engager une personne à la direction générale. Là encore, le rôle de la représentante du Centre de femmes sera prépondérant autant dans la définition du profil du candidat ou de la candidate que dans la conception même du développement que devrait prôner la personne recherchée. Notre informatrice décrit sa stratégie comme une « action par la contamination » en précisant : « Ces gens-là avaient toujours navigué dans l’économique. Il fallait ouvrir leur vision. » Une autre stratégie sera de recruter au comité des ressources humaines « des personnes qui avaient les mêmes visions et qui étaient capables de les mettre en avant ». La personne retenue à la direction générale sera finalement un homme dont la vision du développement correspond aux valeurs féministes. Son entrée en fonction à l’automne 1994 marque le début des activités de la SDT.

À ce moment-là, un siège « condition féminine » continue d’être réservé au conseil d’administration de la nouvelle instance. Le Centre de femmes délègue une nouvelle représentante pour l’occuper. Cette délégation, nous le verrons maintenant, lui permet de contribuer de façon significative au développement du Témiscamingue.

L’économie sociale

L’économie sociale est un dossier majeur dont s’est occupé le Centre de femmes dès l’apparition des premiers projets. Ainsi, lors de l’implantation de l’entreprise d’économie sociale en aide domestique, le Centre de femmes a veillé au respect des balises mises en avant lors de la Marche des femmes contre la pauvreté en 1995[17], l’objectif étant de combattre le travail précaire en créant des postes à temps plein assortis d’un salaire « considéré comme raisonnable ». La réalité particulière du Témiscamingue venait toutefois compromettre l’atteinte de cet objectif : la dispersion de la population sur un territoire immense pose en effet des problèmes de transport qui augmentent considérablement les coût d’opération de l’entreprise. Le Centre de femmes a dû batailler ferme pour faire reconnaître la spécificité locale par le Chantier de l’économie sociale : « On sentait que la façon dont se développait l’économie sociale, ça ne « fittait » pas avec les dynamiques particulières du milieu rural et on a dit : « On va se faire embarquer, on est en train de se faire tricoter une chemise qui ne nous habille pas. »

Rapidement s’impose la nécessité d’ouvrir un poste d’agente de développement en économie sociale. Là encore, le Centre de femmes intervient. Conjointement avec la SDT, le Carrefour jeunesse-emploi du Témiscamingue (CJET) et le Regroupement des organismes communautaires du Témiscamingue (ROCT), il présente en 1996 une demande au Fonds de lutte contre la pauvreté. La travailleuse engagée est logée à la SDT et le financement de ce poste sera par la suite assumé par le CLD qui fait alors office de précurseur. C’est en effet un des rares CLD au Québec à financer un poste en économie sociale plutôt que de ne subventionner que des projets.

Membre actif de la commission en développement des collectivités de la SDT responsable des dossiers d’économie sociale, le Centre de femmes participe à l’évaluation et à l’agrément des entreprises en veillant à ce qu’elles répondent aux critères et véhiculent les valeurs qui lui sont chères. Il siège également au Comité régional d’économie sociale (CRES) où il représente le CLD au lieu d’occuper le siège « regroupement de femmes », ce qui favorise ainsi une plus forte présence des femmes à cette instance. Le bilan qu’il fait de sa présence à ces comités est positif :

C’est en économie sociale qu’on a été capable de porter nos valeurs, qu’on a senti qu’on pouvait transférer ces visions dans d’autres modes de gestion plus traditionnels. On a fait monter la barre. C’est clair maintenant que le développement au salaire minimum, c’est pas souhaitable. Nous, on donne des outils de réflexion et d’action, on contamine.

Membre de la SDT, le Centre de femmes ne s’est pas cantonné dans l’économie sociale, même si nos informatrices estiment qu’elles ont eu une contribution majeure dans ce dossier : « On trouvait que c’était un bon moyen, en élaborant des valeurs autour des projets d’économie sociale, pour influencer le monde économique. » L’engagement du Centre de femmes dans la SDT l’a en effet amené à être associé activement à différentes initiatives de développement qui tantôt s’adressent précisément aux femmes, tantôt concernent un large public. Le Centre de femmes a alors exercé un leadership déterminant, comme nous le verrons maintenant.

Diverses initiatives de développement

Le Centre de femmes, en partenariat avec la SDT, crée en 1996 le premier cercle d’emprunt en milieu rural dont l’objectif est de financer le démarrage de microentreprises par des femmes. Avec la SDT et l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS)[18], particulièrement dynamique au Témiscamingue, il forme quelques années plus tard un réseau de femmes d’affaires du Témiscamingue (projet AFER). Les Témiscamiennes seraient très présentes dans le milieu des affaires à cause, bien sûr, de l’agriculture, mais aussi dans plusieurs entreprises où elles sont les principales actionnaires. Leur réseautage s’imposait : « Ça prend un réseau pour avoir l’occasion d’échanger sur nos problématiques, se donner des coups de pouce et aussi se donner encore plus d’énergie (drive). » Grâce à son engagement dans le développement de l’entrepreneuriat féminin, le Centre de femmes participe, à titre de représentant du Regroupement des femmes de l’Abitibi-Témiscamingue (RFAT), à la gestion du fonds régional d’investissement que vient de mettre en place le gouvernement du Québec.

En 1996 également, le Centre de femmes délègue une travailleuse au conseil d’administration provisoire du CJET, organisme qui vise l’intégration sociale et professionnelle des jeunes adultes de 16 à 35 ans. Ici encore, le Centre de femmes transmet ses valeurs. Sous son influence, on décide lors de l’assemblée générale de fondation du CJET, en 1997, d’opter pour un fonctionnement en collectif. En juin 2000, le Centre de femmes, le CJET et la SDT unissent leurs efforts pour mettre en place le Café Carafon, lieu de rassemblement social et culturel pour les jeunes adultes de 16-35 ans où différentes activités culturelles, artistiques et éducatives sont offertes. C’est aussi un comité de travail issu du Centre de femmes qui a mis sur pied en 1996 la maison d’hébergement l’Équinoxe, ressource d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants. Le Centre de femmes est également membre, depuis 1998 de la Table locale en santé mentale de la MRC de Témiscamingue qui a pour mandat d’organiser un réseau intégré de services en santé mentale sur le territoire. Il trouve important d’y siéger « pour apporter la réalité des femmes dans cette problématique » et aussi pour faire reconnaître son expertise dans ce champ, tout en préservant son autonomie.

Enfin, dernière action dans le réseau du développement local mais non la moindre : le rôle central joué par le Centre de femmes dans le milieu communautaire témiscamien. Membre fondateur du ROCT en 1991[19], le Centre de femmes fournit une agente d’information en libérant deux jours par semaine une travailleuse, de la même façon qu’il le fera l’année suivante lors de la création de la SDT. C’est au Centre de femmes que s’organise le secrétariat du journal du ROCT : point de chute des articles, dactylographie, mise en page, envoi. De 1995 à 2000, le Centre de femmes délègue une représentante au poste « condition féminine » du conseil général du ROCT. En 1996, alors que ce dernier se retrouve sans permanence, le Centre de femmes profite de son partenariat avec la SDT et le CJET pour demander au Fonds de lutte contre la pauvreté une subvention, non seulement pour le poste en économie sociale, comme nous l’avons vu, mais aussi pour engager au ROCT une agente de développement communautaire qui serait hébergée à nouveau au Centre de femmes. Si celui-ci s’est investi autant dans la création et le soutien du ROCT, disent nos informatrices, c’est pour ne pas être « le seul à défendre l’aspect social des partenariats socioéconomiques » ; on s’assure ainsi d’avoir un allié qui porte « nos préoccupations ».

Mis en veilleuse au cours des dernières années, le ROCT ne peut plus jouer son rôle de leader du réseau communautaire témiscamien. Le Centre de femmes prend alors la relève : « C’est à partir de ce moment-là qu’on a senti que le Centre de femmes prenait le leadership du communautaire et devenait le lieu principal. » S’il a pu prendre une telle position, estime-t-on, c’est que le Centre de femmes s’appuie sur le réseau provincial de l’R des centres de femmes, réseau féministe très bien structuré qui le nourrit de ses analyses et lui permet d’inscrire ses actions dans une échelle plus large, tant nationale que mondiale[20].

L’influence du Centre de femmes ne se limite d’ailleurs pas à la scène locale, mais elle s’étend au niveau régional[21] et national[22]. Nous intéressant ici à son engagement local, nous concentrerons notre analyse sur l’examen des conditions favorisant la participation du Centre de femmes à la SDT.

Les conditions pour un engagement réussi

Le poste « condition féminine » d’abord au CDACT, ensuite à la SDT, au CLDT et à la SADCT, a toujours été occupé par le Centre de femmes. Si les deux autres groupes locaux de femmes, l’AFEAS et la maison l’Équinoxe, l’ont ainsi délégué, c’est que l’engagement dans le développement fait partie intégrante de la mission du Centre de femmes, nous l’avons vu. Le Centre de femmes possède en outre deux atouts qui lui sont particuliers. Il jouit d’un financement de base lui permettant d’engager des travailleuses permanentes dont certaines auront le mandat de faire les représentations extérieures, structure dont est dépourvue l’AFEAS. Son champ d’action lui permet en outre d’être en contact quotidien avec les femmes dans un large éventail de domaines, alors que la maison d’hébergement se concentre sur le dossier de la violence. Une informatrice résume cette position : « On jugeait que le Centre de femmes était peut-être le plus apte à siéger à la SDT pour être capable de faire valoir le plus possible les intérêts des femmes dans leur ensemble. »

Une telle monopolisation par le Centre de femmes du siège « condition féminine » pourrait entraîner un déficit démocratique si le Centre de femmes n’avait comme préoccupation majeure d’encourager les femmes à siéger aux instances décisionnelles et de les soutenir dans ces lieux. C’est aussi l’objectif poursuivi par le projet À égalité pour décider. Le Centre de femmes travaille donc sur deux tableaux : favoriser la participation des femmes aux instances et occuper lui-même le poste « condition féminine » au conseil d’administration de la SDT (SADCT-CLDT).

La travailleuse du Centre de femmes qui occupe ce poste défend évidemment les intérêts des femmes dans chaque dossier, puisque le Centre de femmes reconnaît que tous les dossiers sont susceptibles d’influer de manière particulière sur les femmes et leurs conditions de vie. Son rôle ne se limite toutefois pas à celui de chien de garde. Elle insiste sur l’aspect social du développement et prône une approche globale, en examinant les questions dans une perspective féministe :

On ne peut pas juste amener le volet « femmes ». Les femmes participent aussi à l’organisation sociale, à la vision des choses. L’autre jour, on parlait d’un développement d’usine ; c’est aussi important que les femmes aient un point de vue là-dessus en termes d’environnement sécuritaire, de milieu de vie, de retombées de pollution. Les enfants, le développement durable, c’est une préoccupation de femmes. Nous, on pense qu’il y a une analyse féministe pour toutes les questions.

Cette analyse féministe est alimentée par les contacts réguliers qu’entretient le Centre de femmes avec l’R des centres de femmes du Québec[23] et qui prennent différentes formes : colloques, formations, assemblées régulières, circulation de documents.

Comment la représentation féministe est-elle perçue par les autres membres du conseil d’administration ? Ce ne serait pas toujours facile d’être étiquetée comme féministe, reconnaît-on unanimement. La première travailleuse à avoir occupé le poste à la CADCT raconte : Les premières fois que je levais la main, tout le monde était mal à l’aise. La féministe va parler. J’entendais les gens chuchoter. Ma stratégie a été de gagner la confiance de tout le monde. » Cette réticence ne serait pas encore complètement disparue :

Encore aujourd’hui, ça dérange. Il y a des personnes pour qui entendre parler des intérêts des femmes en particulier, ça les fatigue. On ne va pas me couper ou me regarder de travers, non. Mais il y en a qui ne me regardent pas quand je parle, qui ont l’air complètement désintéressé ou qui se lèvent pour aller se chercher un dessert.

La première stratégie pour favoriser l’ouverture à l’égard du point de vue féministe a donc été d’asseoir sa crédibilité. Or faire ses preuves et acquérir une reconnaissance demandent du temps et supposent d’avoir développé une certaine expertise, ce qui exige également du temps, comme le raconte une nouvelle déléguée :

Au début, quand je suis arrivée, j’étais bien intimidée. Je ne savais pas trop, non plus, ce qu’était le développement socioéconomique ; surtout le développement économique, je ne connaissais pas vraiment. Alors je me suis dit : « Ça va prendre quasiment un an avant d’être capable de me positionner ». Puis finalement, je pense qu’au premier CA je suis intervenue. Mais avant d’oser sortir de ton contexte à toi (les questions touchant les femmes), il faut que tu saches de quoi tu parles et ça prend un certain temps.

Le Centre de femmes a pu surmonter cette contrainte de deux façons. Tout d’abord, il a délégué la même travailleuse durant un certain temps, ce qui suppose une stabilité de son personnel et n’est possible que si l’on jouit d’un financement de base récurrent, comme c’est le cas du Centre de femmes, nous l’avons dit. Cette stabilité dans la représentation comporte toutefois un risque, celui de la spécialisation qui amène à identifier un dossier à une personne. Le Centre de femmes accorde donc beaucoup d’importance à la formation d’une relève, ce qui est une autre façon d’assurer l’expertise de sa déléguée au poste « condition féminine » :

J’avais développé beaucoup d’habiletés et d’expertise au conseil d’administration de la SDT. Alors si je partais, il fallait faire le transfert. À ce moment-là, il n’y avait pas de relève au Centre de femmes, personne n’était prêt. C’était un gros dossier, c’était complexe. Il n’y avait que moi. Les autres savaient ce que je faisais, mais elles avaient toutes peur de le faire. C’est l’inconvénient d’un dossier spécialisé, il n’y a plus personne qui veut le faire.

L’importance d’assurer une relève en formant des recrues est d’autant plus cruciale que le poids des administrateurs et administratrices au conseil d’administration de la SDT dépend non seulement du secteur qu’ils représentent mais aussi largement de leur personnalité, de leur capacité à défendre leurs idées. C’est ce qu’explique un informateur de la SDT : « En fin de compte, ce qui est déterminant, c’est la capacité des personnes autour de la table à présenter leur point de vue et à le négocier. Ça se passe vraiment au niveau des personnes. Elles ont une crédibilité. »

Toutefois, précise ce même informateur, au-delà des intérêts sectoriels de chaque personne, ce qui rallie l’ensemble des membres du conseil d’administration, c’est la volonté de développer le Témiscamingue. Toutes les énergies sont alors bienvenues pour atteindre cet objectif commun qui transcende les différences et même les oppositions :

Il y a des gens à gauche, à droite, mais l’important, c’est de faire avancer les projets. Le point de ralliement de tout le monde, c’est quand des projets avancent […] On est pragmatique, on négocie avec ce qui existe. On n’est pas dans une dynamique de « planter » l’autre. Oui, il y a des rapports de force. Mais comme le développement local privilégie le développement endogène, c’est-à-dire « comptons sur les forces du milieu pour faire notre développement », il faut mettre à contribution tout ce qui a un pouvoir d’intervention sur le développement. Le communautaire, dont les groupes de femmes, fait partie de ça. Cette volonté commune de favoriser le développement du Témiscamingue aiderait donc grandement à dépasser la réticence à l’égard des questions liées aux femmes et favoriserait indirectement l’ouverture quant au point de vue féministe.

Il s’agirait là, estime une informatrice, d’un gain majeur de la participation du Centre de femmes à la SDT, au-delà de son apprentissage des rouages du développement :

Il y a eu un bénéfice énorme pour nous dans ce défi-là, celui de maîtriser beaucoup plus les sphères de réflexion, d’organisation et de planification du développement, de concert avec beaucoup de monde, puis de transposer nos valeurs, et à travers ça, de voir des gens autour de nous changer d’attitude, de langage, de vision.

La participation à cette instance de développement local aura ainsi contribué à favoriser la reconnaissance du Centre de femmes et de son expertise de même qu’à élargir son réseau d’influence :

[Le Centre de femmes] s’est mis en valeur au Témiscamingue, on est devenu connu, reconnu et, des fois, incontournable. On a gagné énormément de respect dans l’expertise. On continue à nous appeler pour avoir des informations. C’est comme ça qu’on se fait proposer [de participer à] tel comité. Je pense que les féministes ne font plus peur au Témiscamingue, en tout cas pour ces gens-là. Des fois, c’est ardu, mais les gens sont capables de tenir compte de notre point de vue et de l’intégrer dans des dossiers, dans des décisions.

Une telle reconnaissance, répétons-le, est largement tributaire de la qualité de la contribution de la représentante du Centre de femmes occupant le siège « condition féminine » et, au départ, de la volonté du Centre de femmes de s’engager concrètement dans le développement et de jouer un rôle actif à la SDT :

Si [le Centre de femmes] était resté dans l’opposition, si on n’avait pas été dans l’action… Comme organisation, on met la main à la pâte, alors là, on est responsable du résultat. Les gens disent : « C’est pas des féministes à pancartes ». On a développé cette habileté-là, comme Centre de femmes, d’être très concrètes dans notre milieu et d’amener des moyens, des outils et des points de vue qui étaient utilisables.

La participation du Centre de femmes au conseil d’administration de la SDT (SADCT-CLDT) comme aux autres instances a toutefois son versant négatif, celui d’exiger temps et expertise, ce qui limite le bassin de candidates aux seules travailleuses et exclut les bénévoles et militantes. Nos informatrices le déplorent grandement :

Toutes ces représentations, ça exige des préparations, des lectures, des recherches et beaucoup de temps. Ce n’est plus si accessible aux membres bénévoles de la collective. Avant, elles s’occupaient du côté politique. Maintenant, ce sont des travailleuses, car c’est trop exigeant. Ça nous a amené à nous poser beaucoup de questions : est-ce qu’on ne s’éloigne pas de notre mission, on est en train de faire le travail pour les femmes plutôt que de soutenir les femmes à le faire. Mais à ce moment-là, on ne pouvait former personne parce que le train était parti trop vite et que personne n’était assez disponible. Une bénévole a peu de temps disponible, elle n’aurait pas pu [y mettre le temps nécessaire] et se serait sentie complètement incompétente. Mais en même temps, ça nous éloignait de notre objectif.

Parmi les conditions permettant au Centre de femmes du Témiscamingue de s’engager fructueusement à la SDT, certaines se dégagent nettement. Le fait que l’engagement dans le développement soit inscrit dans la mission du Centre de femmes nous semble primordial, tout comme le fait que son approche globale du développement s’inscrive dans une perspective féministe alimentée par un réseau national. L’ouverture à l’égard du point de vue féministe a par ailleurs été favorisée par la crédibilité des déléguées qui ont développé une solide expertise et sont devenues des actrices incontournables. Finalement, il y a cette volonté commune de développer le Témiscamingue, volonté alimentée autant par l’éloignement des grands centres que par la proximité entre les gens en milieu rural. Cette volonté qui rallie les acteurs et les amène à dépasser leurs intérêts sectoriels est peut-être la pierre angulaire, non seulement de l’ouverture relativement au Centre de femmes et à sa participation à la SDT, mais plus largement de toute la démarche de développement menée au Témiscamingue au cours des dernières années[24].

Conclusion

Le 8 mars 2003, les activités organisées par le Centre de femmes du Témiscamingue à l’occasion de la Journée internationale des femmes se sont déroulées sur le même thème que dix ans plus tôt : « Participer pour mieux décider ». Trois invitées analysaient leur expérience de participation à différents conseils d’administration : SDT, Maison des jeunes du Témiscamigue, Zone d’exploitation contrôlée (ZEC), Commission scolaire Lac Témiscamingue, Caisse populaire de La forêt enchantée. Afin de contrer les difficultés qui se posent aux femmes siégeant aux instances, différentes solutions ont été mises en évidence, allant du changement en matière de fonctionnement des conseils d’administration (partage des fonctions, modes de prise de décision) à la création d’outils (liste des postes ouverts, banque de candidates), en passant par la mise en place de mécanismes de soutien (marrainage, réseautage) et de formation pour les représentantes.

Cette journée a donné l’occasion aux femmes du Témiscamingue de faire le bilan de leur engagement dans le développement et de mesurer le chemin parcouru depuis dix ans, chemin énorme estime une travailleuse du Centre de femmes :

Je perçois une grosse différence entre aujourd’hui et il y a dix ans. En 1993, quelques braves siégeaient à des instances décisionnelles. On percevait ça comme un mal nécessaire, comme quelque chose de lourd à faire, exigeant et difficile pour celles qui osaient. Aujourd’hui, toutes en reconnaissent l’importance. Les femmes sont plus nombreuses à y siéger et elles ont des stratégies de réseautage ou d’alliance entre elles. La famille et les conjoints se montrent plus coopératifs. Celles qui siègent à un conseil d’administration sont davantage conscientes de la différence entre les hommes et les femmes ; elles ne veulent pas se faire assimiler mais s’intégrer et apporter leur propre point de vue.

Ce changement majeur est en grande partie imputable au Centre de femmes qui s’est lui-même fortement investi dans les instances de développement, ainsi que nous l’avons vu, ouvrant en quelque sorte la voie à la participation des femmes. Cet investissement, même s’il est remarquable, comme nous l’avons démontré, ne suffit toutefois pas à expliquer le chemin parcouru. La contribution du Centre de femmes comporte un autre volet qu’il importe de souligner. En organisant des activités comme celles du 8 mars, le Centre de femmes a fourni un espace public de parole et d’action aux femmes. À cette occasion, les Témiscamiennes ont parlé ensemble de leur expérience de participation aux instances, définissant ainsi leur monde commun pour ensuite préciser des stratégies qui favoriseraient leur insertion dans la sphère du développement local. Selon Hannah Arendt, grande philosophe politique du xxe siècle, la présence d’un espace public où l’on parle et décide d’agir ensemble pour changer une situation commune est indispensable à tout exercice politique. Le fait d’offrir un tel espace aux femmes représenterait donc, au-delà des autres formes d’engagement, la plus grande contribution du Centre de femmes au développement du Témiscamingue.

Liste des sigles

AFEAS : Association féminine d’éducation et d’action sociale

CA : Conseil d’administration

CADCT : Comité d’aide au développement des collectivités du Témiscamingue

CALACS : Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel

CDET : Corporation de développement économique du Témiscamingue

CJET : Carrefour jeunesse-emploi du Témiscamingue

CLD : Centre local de développement

CLDT : Centre local de développement du Témiscamingue

CLE : Centre local d’emploi

CLES : Comité local en économie sociale

CLSC : Centre local de services communautaires

CQRS : Conseil québécois de la recherche sociale

CRDAT : Conseil régional de développement de l’Abitibi-Témiscamingue

CRES : Comité régional d’économie sociale

CRPMT : Conseil régional des partenaires du marché du travail de l’Abitibi-Témiscamingue

CSF : Conseil du statut de la femme

FQRS : Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture

MRC : Municipalité régionale de comté

OTT : Office du tourisme du Témiscamingue

RFAT : Regroupement des femmes de l’Abitibi-Témiscamingue

ROCT : Regroupement des organismes communautaires du Témiscamingue

RRSSSA-T : Régie régionale de la santé et des services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue

SADC : Société d’aide au développement des collectivités

SADCT : Société d’aide au développement des collectivités du Témiscamingue

SDT : Société de développement du Témiscamingue

SEMO : Service externe de main-d’oeuvre

ZEC : Zone d’exploitation contrôlée