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Comment survit le vibrion cholérique

Comme d’autres bactéries, le vibrion cholérique (Vibrio cholerae) - qui est un organisme aquatique - doit pouvoir survivre aussi bien dans son hôte que dans un milieu extérieur, donc coloniser des surfaces abiotiques de la même façon que les cellules intestinales. En 2005, un groupe italien d’Ancône a montré que la protection contre le stress environnemental serait due à l’attachement de V. cholerae à la chitine du plancton et de petits crustacés, tels que les copépodes [1]. Le mécanisme de la colonisation intestinale a fait l’objet de diverses hypothèses. In vitro on avait montré que la membrane de V. cholerae s’attache à la N-acétyl-glucosamine (GlcNAc) de la chitine, qui représente pour la bactérie une source de carbone, d’azote et d’énergie [2]. Or GlcNAc entre aussi dans la structure en hydrates de carbone des cellules animales. D’où l’hypothèse que le même ligand serait utilisé dans l’environnement aquatique et dans l’intestin, cela pouvant expliquer la transmission de V. cholerae aux humains à partir d’eaux contaminées ou de nourriture insuffisamment cuite. Pour la démontrer, les auteurs ont étudié l’attachement d’une souche témoin CD81 et celui de divers mutants à la chitine du plancton, à des copépodes, et à une lignée 407 de cellules intestinales. Puis par ajout de GlcNAc, ils ont montré que cette adhérence est due à une protéine de 53 kDa, qui modifie l’hydrophobicité et qui est absente chez certains mutants. Cette protéine se présentait donc comme un bon candidat à la fixation sur des récepteurs contenant GlcNAc présents et dans l’eau, et chez l’hôte humain. Un groupe américain (Dartmouth Medical School,New Hampshire, USA) vient d’apporter encore plus de précisions [3]. En criblant différents mutants dont l’attachement était déficient, ils ont caractérisé la perte de fonction d’un flagelle, une sensibilité anormale au Triton, et l’insertion d’un transposon. Il s’agissait donc d’un défaut d’une protéine à fonction chitinase (VCA0811). Le gène a été isolé et appelé gbpa (GlcNAc-binding protein A). De la délétion de ce gène (ΔgbpA), résulte un mutant dont la fixation sur des cellules épithéliales est déficitaire à 50 %. La protéine Gbpa se fixe directement sur GlcNAc de la chitine, et sans doute de la même façon sur les glycoprotéines des cellules intestinales. La délétion ΔgbpA est spécifique, et n’affecte aucune autre protéine de surface. Les résultats ont pu être contrôlés en microscopie fluorescente. Sur un modèle murin, on a montré que le défaut d’attachement correspond à une virulence atténuée, la dose létale (LD50) étant environ 10 fois moindre. Enfin, les auteurs ont voulu préciser la localisation subcellulaire de Gbpa. Elle est retrouvée majoritairement dans le surnageant des cultures. Il s’agit donc d’une protéine sécrétée, faisant sans doute partie de la toxine cholérique. L’hypothèse formulée est qu’il existerait deux formes de Gbpa, l’une sécrétée, l’autre associée à la paroi bactérienne. La forme sécrétée majoritaire réserverait à d’autres V. cholerae la possibilité ultérieure de venir se fixer à la cellule.

Le chaînon manquant de la voie Wnt

La voie de signalisation Wnt (Wingless chez la drosophile) est une voie de transduction incontournable que ce soit au cours du développement embryonnaire, dans le maintien de l’état « souche » de certaines cellules ou dans certains processus oncogéniques. Le signal Wnt est relayé par deux récepteurs membranaires Frizzled et LRP6 (low density lipoprotein receptor-related protein). Rappelons qu’en l’absence de signal Wnt, la β-caténine est phosphorylée par la protéine kinase GSK3β dans un complexe associant l’axine et la protéine APC. Une fois phosphorylée, la β-caténine est dégradée par la voie du protéasome. A contrario, la fixation du ligand Wnt à ses récepteurs conduit à l’accumulation cytoplasmique de la β-caténine, à sa translocation nucléaire et à l’activation de ses multiples cibles. Si cette voie de transduction intracellulaire était à ce jour bien établie, il y manquait cependant encore un élément, permettant de comprendre comment l’information était relayée des récepteurs membranaires à la formation ou à la dissociation du complexe intracytoplasmique Axine/APC/GSK3/β-caténine. Un premier pas avait été fait, il y a quelques années, lors de la découverte de la capacité de l’axine à lier l’extrémité cytoplasmique du récepteur LRP6 une fois ce dernier phosphorylé [4]. Restaient à trouver les kinases responsables de cette phosphorylation. C’est ce que viennent de découvrir deux équipes américaines [5, 6]. La protéine LRP6 contient plusieurs groupes de sérines et de théronines phosphorylables, dont un motif central riche en proline (PPPSP). Zheng et al. ont alors découvert que la sérine du motif PPPSP était modifiée par la GSK3β [4]. Une fois phosphorylé, le récepteur LRP6 recrute l’axine qui, en se dissociant du complexe, libère la β-caténine et permet sa stabilisation. Alors que jusqu’ici un rôle d’acteur négatif de la voie Wnt était conféré à la GSK3β, un rôle diamétralement opposé vient donc de lui être attribué. La seconde équipe [5] démontre qu’une autre protéine, la caséine kinase 1γ, est responsable de la phosphorylation des résidus jouxtant le motif PPPSP. Des expériences de gain et de perte de fonction ont permis de démontrer que cette phosphorylation était à la fois nécessaire et suffisante pour la transduction du signal passant par le récepteur LRP6. Cette fonction de la caséine kinase requiert son ancrage membranaire. Une dernière question demeure : l’activation par le signal Wnt active-t-elle ces kinases ou le sont elles déjà en l’absence du signal ? Les deux articles diffèrent dans leurs conclusions, Zeng et al. suggérant que la phosphorylation du motif PPPSP par la GSK3 est induite par un signal Wnt, alors que Davidson et al. concluent que le motif est déjà phosphorylé et que ce sont les modifications des résidus avoisinants catalysés par la CK1γ qui dépendent du signal Wnt. Quelle que soit la réponse à cette question, le chaînon manquant transitant par la voie Wnt entre signal extérieur et noyau semble avoir été trouvé, faisant de la protéine GSK3β une plaque tournante dans cette voie de signalisation.

La « neuro-fascination » de Ranvier

Selon qu’elles sont myélinisées ou pas, les fibres nerveuses conduisent les potentiels d’action rapidement ou lentement. La conduction saltatoire rapide est due à la formation d’une gaine de myéline par des oligodendrocytes dans le système nerveux central et par des cellules de Schwann dans le système nerveux périphérique. Entre les gaines de myéline, les noeuds de Ranvier sont des sites de concentration des canaux sodium dépendant du potentiel à la base de la propagation discontinue des potentiels d’action. La structure de la région des noeuds de Ranvier est très complexe avec ses régions nodales, paranodales, et juxtaparanodales qui sont autant de zones de contact cellulaire et de morphologie particulière [7, 8]. L’équipe de Peter Brophy (Université d’Edimbourg, Écosse) s’est intéressée aux rôles du gène Neurofascine, qui engendre deux produits par épissage alternatif, la neurofascine 155 du côté glial, et la neurofascine 186 du côté neuronal. Les auteurs ont étudié les souris invalidées pour le gène Neurofascine dans lesquelles ils observent des perturbations des régions nodales et paranodales suggèrant une fonction précoce de la neurofascine 155 dans la formation des contacts axo-gliaux. Ils ont aussi produit des souris transgéniques exprimant une forme de la neurofascine 155 dont le domaine cytoplasmique est remplacé par une étiquette FLAG afin de supprimer le site de liaison à l’ankyrine. Le croisement de ces souris avec des souris invalidées montre que le domaine extracellulaire suffit à recruter les protéines neuronales Caspr/Paranodine et Contactine aux régions paranodales mais pas les canaux sodium ni la molécule d’adhérence neuronale NrCAM des régions nodales [9]. Les auteurs suggèrent que les deux neurofascines jouent des rôles nécessaires dans l’assemblage et la fonction des noeuds de Ranvier, dans ces deux régions distinctes.

Quand la télomérase ne suffit plus pour assurer l’auto-renouvellement des cellules souches…

La longueur des télomères est maintenue grâce à l’activité de la télomérase qui, à chaque division cellulaire, ajoute des séquences répétées à l’extrémité des chromosomes. La télomérase contient deux éléments essentiels : l’ARN télomérase cible de la séquence répétée, TR, et la transcriptase inverse ou TERT qui détient l’activité catalytique de l’enzyme. Des mutations hétérozygotes de la télomérase sont à l’origine d’une dyskératose congénitale, maladie autosomique dominante dont les symptômes sont essentiellement liés à la diminution des réservoirs cellulaires des tissus à renouvellement rapide, qui est associée à un raccourcissement progressif des télomères. Ainsi, les patients développent une aplasie par perte de cellules souches hématopoïétiques, un hypogonadisme, une entéropathie et une plus prédisposition accrue aux cancers. De plus, dans les familles de dyskératose congénitale on observe un phénomène d’anticipation, autrement dit une aggravation du phénotype à chaque génération. De façon plus générale, le raccourcissement des télomères a également été associé à un risque de décès dû à des maladies liées à l’âge. En absence de TR ou de TERT, la gent murine présente aussi un raccourcissement progressif des télomères au cours des générations associé à une diminution du pool de cellules germinales et des capacités régénératives de certains tissus. Afin de déterminer le rôle respectif de la télomérase et du raccourcissement des télomères sur la pathologie, une équipe américaine de l’université Johns Hopkins (Baltimore, USA) a croisé des souris d’une souche présentant déjà des télomères courts avec des souris hétérozygotes pour la mutation du gène TR [10]. Les souris TR-/- obtenues après deux croisements présentent une durée de vie limitée, des lésions intestinales et des tubes séminifères hypocellulaires. De plus, une corrélation étroite entre la taille réduite des télomères et la diminution du pool de cellules souches hématopoïétiques se traduisant par une thrombopénie, une leucopénie et une anémie, a été notée. Enfin, l’aggravation du phénotype au cours des générations atteste de l’existence d’une anticipation. Déjà à l’état hétérozyogote (TR+/-), donc en présence d’une activité télomérase diminuée de moitié, les souris présentent des signes semblables mais minorés. Ce phénotype est donc fort ressemblant à celui observé dans la dyskératose congénitale. Cependant, l’observation à la fois la plus étonnante et la plus démonstrative est que même en absence de mutation de TR, les animaux TR+/+, issus de 3 ou 4 croisements d’hétérozygotes (TR+/-) entre eux et dont les télomères sont courts, ont également une diminution de leurs cellules germinales. Ainsi, l’activité télomérase ne suffit pas à rétablir un phénotype normal et des animaux génétiquement normaux peuvent présenter des anomalies dues exclusivement au raccourcissement de leurs télomères. L’ensemble de ces données démontre que la taille des télomères - plus que l’activité télomérasique - détermine la capacité régénérative tissulaire. On sait déjà que la taille des télomères est extrêmement variable chez l’homme. Il sera donc particulièrement intéressant de rechercher une diminution de la capacité d’auto-renouvellement tissulaire associée à une prédisposition à des maladies liées à l’âge dans certaines familles sans mutation connue des composants de la télomérase mais présentant des télomères courts.

Jonctions adhérentes : un nouveau modèle décolle l’ancien

Deux articles publiés dans Cell par les équipes de James Nelson et William Weis (École de Médecine de Stanford, USA) bouleversent la vision classique de la jonction adhérente des cellules épithéliales, impliquant les cadhérines. Jusqu’ici, le modèle classiquement admis et fondé sur une longue série d’expériences proposait que les cadhérines se lient par leur extrémité cytoplasmique à la β-caténine qui, à son tour, se lie à l’α-caténine qui, au final, se lie aux microfilaments d’actine formant une ceinture au niveau des jonctions adhérentes. En fait, l’α-caténine n’intéragit pas simultanément avec le complexe E-cadhérine-β-caténine et avec l’actine. Par ailleurs, des expériences par imagerie cellulaire montrent que les dynamiques de E-cadhérine, la β-caténine et l’α-caténine sont similaires et indépendantes de la dynamique de l’actine alors que d’autres protéines liant l’actine ont une mobilité supérieure [11]. L’α-caténine existe à la fois sous la forme d’un monomère et d’un homodimère. Le premier se lie préférentiellement au complexe E-cadhérine-β-caténine alors que le second interagit plus fortement avec les filaments d’actine. De plus, l’α-caténine, à fortes concentrations, inhibe la polymérisation de l’actine induite par le complexe Arp2/3 [12]. Les auteurs proposent un nouveau modèle dans lequel le complexe E-cadhérine-β-caténine recrute l’α-caténine monomérique, engendrant ainsi une forte concentration ponctuelle au niveau des jonctions adhérentes. Cela permettrait la formation locale d’homodimères d’α-caténine qui antagonisent la polymérisation d’actine induite par le complexe Arp2/3, stabilisant ainsi la ceinture d’actine. Le modèle de Nelson et Weis qui propose que l’α-caténine soit un régulateur allostérique des jonctions adhérentes pose nombre de questions qu’il va falloir résoudre maintenant et des modèles alternatifs pourraient peut-être aussi rendre compte des données. En effet, il faudrait intégrer dans le schéma les autres protéines qui régulent les jonctions adhérentes et l’actine ainsi qu’un rôle potentiel de l’α-caténine dans la signalisation.

Courts-circuits gastriques chez l’obèse : un risque d’hypoglycémie hyperinsulinique ?

Dans les cas d’obésité majeure définie par un indice de masse corporelle (poids sur taille au carré) supérieur à 40, on a recours de plus en plus fréquemment à la chirurgie « bariatrique » (de l’obésité). Parmi les interventions les plus fréquentes, le court-circuit (ou by-pass) gastrique consiste à réduire le volume de l’estomac, d’un litre à une quinzaine de millilitres et à aboucher la poche résiduelle ainsi constituée à la partie initiale de l’intestin grêle. Cela entraîne une sensation très rapide de satiété et diminue donc les apports alimentaires. Un article publié en juillet 2005 dans le New England Journal of Medicine [13] a décrit chez six patients ayant bénéficié d’un court-circuit gastrique l’existence après quelques mois d’hypoglycémies post-prandiales sévères liées à un hyperinsulinisme. La présence d’une sécrétion anormale d’insuline en réponse à une stimulation calcique a déterminé la nécessité d’une pancréatectomie partielle. Un phénomène d’hypertrophie des îlots de Langherans et de nésidioblastose (apparition de nouvelles cellules sécrétrices d’insuline au contact des cellules de l’épithélium ductal pancréatique) a pu être mis en évidence et rendu responsable des épisodes hypoglycémiques. La nésidioblastose est extrêmement rare chez l’adulte et sa fréquence est anormalement élevée dans la population d’obèses ayant subi un court-circuit gastrique. Un deuxième article vient de confirmer l’existence d’une hyperplasie diffuse des ilôts pancréatiques dans une seconde population d’obèses après court-circuit gastrique [14]. Quelles peuvent en être les causes ? Les auteurs de l’article princeps suggéraient qu’une sécrétion anormale du glucagon-like-peptide 1 (GLP1) par les cellules L de l’iléon distal, à la suite de l’arrivée rapide des aliments dans l’intestin grêle, puisse en être responsable. Le GLP1, outre ses effets potentialisateurs sur la sécrétion d’insuline induite par une hyperglycémie possède effectivement des effets trophiques sur le pancréas endocrine. Cependant, la détermination du GLP1 chez des patients après court-circuit gastrique ne montre pas de concentrations plus élevées de cette hormone. D’autre part, le traitement de larges cohortes de sujets diabétiques de type 2 par un analogue du GLP1 utilisé comme hypoglycémiant ne s’accompagne pas de nésidioblastose. Il est donc possible que d’autres hormones du tractus digestif puissent être impliquées dans l’apparition de ces phénomènes. Quoi qu’il en soit, la sécrétion insulinique devrait être particulièrement étudiée chez des patients présentant des symptômes de neuroglucopénie post-prandiale après court-circuit gastrique.

Convergence moléculaire dans l’évolution de l’albinisme chez des poissons

En pathologie humaine, il existe divers types d’albinisme causés par différents gènes. Mais la forme la plus fréquente, observée dans toutes les populations du globe, est l’albinisme oculo-cutané tyrosinase positif (OCA2), dû à des mutations du gène OCA2, localisé en 15q11-q12. Ce gène, très conservé au cours de l’évolution, et qui code une protéine intégrale de membrane, est retrouvé dans de nombreuses espèces animales, en particulier les poissons. Récemment une équipe américaine a effectué une étude du gène Oca2 chez des tétra (poissons téléostéens d’eau douce) du Mexique, encore appelés Astyanax[1] mexicanus [15]. Dans la région de la Sierra de El Abra, au nord-est de Mexico, il existe des grottes souterraines très profondes où vivent de très nombreuses espèces troglodytes qui diffèrent des populations de surface et parmi lesquelles se trouvent des albinos. Pour identifier le gène responsable de l’albinisme chez Astyanax, des individus albinos provenant de deux espèces différentes, Molino et Pachón, (qui ont évolué séparément et n’ont eu et aucun contact l’une avec l’autre), ont été analysés. Une délétion identique dans le gène Oca2 fut trouvée dans les deux groupes, apportant la preuve d’une évolution convergente pour cette mutation. Pour quelle raison s’est-elle produite ? Hormis la perte de la pigmentation, les mutations survenant dans le gène Oca2 ne sont pas délétères ; la grande taille du gène est favorable à la mutagenèse (chez l’homme, le gène est situé dans une région riche en séquences répétées, souvent associée à des délétions et/ou des réarrangements). Enfin, pour des raisons inconnues, la perte de fonction d’Oca2 est peut-être avantageuse. Les nombreux changements morphologiques qui modifient le phénotype proviennent de modifications régulatoires, mais aussi de changements dans les séquences codantes, surtout quand ilss ont un effet pléiotropique minime et qu’ils n’affectent pas la viabilité des l’organisme.

Un nouveau rôle pour le récepteur de l’EGF : l’hyperplasie des parathyroïdes

L’hyperplasie des parathyroïdes est un symptôme habituel de l’insuffisance rénale chronique qui est à l’origine d’une sécrétion accrue d’hormone parathyroïdienne (PTH) avec ostéofibrose et perte de la masse osseuse. L’hypocalcémie, l’hyperphosphorémie et le déficit en 1,25-dihydroxyvitamine D sont les principaux déterminants de la maladie. Quel est le lien entre ces trois facteurs et l’hyperplasie parathyroïdienne ? Cozzolino et al. [16] viennent de montrer qu’il s’agissait d’une augmentation de la synthèse locale du facteur transformant de croissance α (TGFα) accompagnée d’une expression accrue du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR) dont le TGFα est un ligand spécifique. Pour cela, ils ont utilisé un modèle classique d’insuffisance rénale chronique chez le rat, la néphrectomie aux cinq sixièmes. L’expression de EGFR et de TGFα mesurée par immunohistochimie augmenta de 2 à 3 fois au bout d’une semaine chez les rats soumis à un régime riche en phosphate en même temps que le poids des parathyroïdes alors qu’ils restèrent, chez les rats soumis à un régime pauvre en phosphate, aux mêmes valeurs que celles observées chez les rats non opérés. Il en fut de même lorsqu’on compara les rats soumis à un régime pauvre ou riche en calcium. On observa aussi que l’expression de l’antigène nucléaire de prolifération cellulaire (PNA) était augmentée en même temps que celle de EGFR et TGFα chez les premiers. Afin de vérifier la causalité du lien entre les changements de régime, la surexpression de EGFR et TGFα et l’hyperplasie thyroïdienne, les rats furent traités avec l’AG-1478 ou l’erlotinib, deux inhibiteurs du domaine tyrosine kinase de l’EGFR. Ces deux produits diminuèrent l’hyperplasie thyroïdienne et l’augmentation de PTH dans le plasma obtenues par le régime riche en phosphate ou pauvre en calcium chez les rats partiellement néphrectomisés au bout d’une semaine. Ainsi, on peut considérer que l’augmentation couplée du ligand (TGFα) et du récepteur (EGFR) conduit à une stimulation précoce et importante de la prolifération cellulaire dans les parathyroïdes au cours de l’insuffisance rénale chronique, stimulation aggravée par les régimes riche en phosphate ou pauvre en calcium. On a là une nouvelle cible thérapeutique potentielle des inhibiteurs d’EGFR déjà utilisés dans plusieurs types de tumeurs cancéreuses.

Tout sur le mammouth

Les analyses d’ADN ancien sont précieuses car elles permettent de replacer des espèces disparues sur l’arbre phylogénétique, mais la conservation de l’ADN ayant ses limites, ceci peut parfois conduire à des résultats erronés. Pourtant, le génome de l’ours des cavernes (Ursus spelaeus) a pu être étudié, et récemment deux équipes internationales ont réussi à analyser des séquences importantes d’ADN de Mammouth. L’équipe de Poinar a travaillé sur des ossements de huit mammouths laineux (Mammuthus primogenius) conservés dans une grotte de permagel[2] (appelé le musée des mammouths) situés dans la ville de Khatanga (presqu’île de Taïmyr, Sibérie centrale, Russie) [17]. L’ADN était remarquablement conservé et, en utilisant une nouvelle technique de pyroséquençage [18], les chercheurs ont obtenu une séquence de 13 millions de pb qui a été comparée à la séquence de l’éléphant d’Afrique (Laxodonta africana) : elle partage avec elle 98,55 % d’homologie. Toutefois, il semble d’après d’autres travaux [19], que M. primogenius soit plus proche de l’éléphant d’Asie (Elephas maximus) que de l’éléphant d’Afrique. Il faut aussi mentionner que des ADN contaminants étaient présents avec des séquences provenant de microorganismes et de plantes, contemporaines du mammouth, qui permettront de mieux connaître l’environnement de ceux de l’Ancien Monde (car les mammouths sont allés aussi dans le Nouveau Monde en passant par le détroit de Berhing). À partir de 200 mg d’os de Mammuthus primogenius, la seconde équipe, a réussi, par amplification multiplex, à reconstituer le génome mitochondrial de Mammuthus primogenius (effectué dans trois laboratoires séparément) [20]. Là encore, les analyses phylogénétiques montrent que Mammuthus primogenius était plus proches d’Elephas maximus que de Laxodonta africana. Il semble que la divergence entre les trois groupes se soit produite il y a 5 à 6 millions d’années. Mammuthus primogenius et Elephas maximus ont dû avoir un ancêtre commun et la séparation entre ces deux groupes s’est produite rapidement, seulement 400 000 ans après avoir divergé de l’éléphant d’Afrique.

Dysostose spondylocostale sévère due à une mutation du gène LUNATIC FRINGE

Les dysostoses spondylocostales sont caractérisées par des segmentations des corps vertébraux, et des malformations costales [21]. Il s’agit le plus souvent de cas sporadiques et la variabilité des phénotypes radiologiques rend parfois difficile leur classement. Mais elles procèdent toutes d’anomalies des somites, éléments provenant du mésoderme, se formant selon un processus chronologiquement programmé [22], de segmentations céphalo-caudales contrôlées par la voie Notch au cours du développement embryonnaire, qui aboutissent à la formation du squelette axial, des muscles et du derme dorsal. Chez la souris, des mutations de divers intervenants dans la cascade de signalisation Notch (Notch1, Dll3, Dll1, Lfng, entre autres) entraînent des anomalies de la somitogenèse [23]. Chez l’homme, plusieurs mutations de DLL3 (homologue du gène delta Dll3 de la souris) sont responsables de la dysostose spondylocostale de type 1 (SCD1) ((→) m/s 2000, n° 8-9, p. 1000) et une mutation de MESP2 (mésoderme postérieur2, un membre de la famille des gènes bHLH) a été observée dans des cas de SCD classés 2. Tout récemment, dans une forme plus sévère, un autre gène vient d’être impliqué, il s’agit d’un des gènes FRINGE [24]. Chez la drosophile, le gène fringe intervient dans un processus de signalisation qui établit des liens entre des groupes de cellules au cours du développement et dans la transduction du signal de la voie notch. À partir de 3 EST humains ayant des homologies avec fringe, 3 gènes ont pu être isolé chez la souris : lunatic fringe (Lfng), manic fringe (Mfng) et radical fringe (Rfng). Chez le malade atteint d’une forme sévère de SCD, une mutation de LUNATIC FRINGE fut retrouvée à l’état homozygote. Elle se situe dans une région très conservée, rendant inactive le produit du gène, une glycosyltransférase qui modifie les récepteurs de surface cellulaire dans la voie de signalisation Notch. C’est la première fois qu’une mutation du gène LFNG humain est observée en pathologie vertébrale et cette observation renforce la conviction de l’importance de la régulation de la voie NOTCH dans la formation du squelette axial.

Le poisson zèbre, modèle de la couleur de la peau chez l’homme

On sait que la pigmentation, extrêmement variable, de la peau est due à la mélanine, elle-même localisée, au sein de la cellule, dans les mélanocytes. Le contrôle génétique est resté longtemps inconnu ; il vient d’être, au moins en partie, identifié par des chercheurs de l’université de Pennsylvanie (États-Unis), grâce à l’étude du poisson zèbre (Danio rerio) [25]. Ce dernier, comme son nom l’évoque, présente une pigmentation en rayures de l’épithélium ainsi que de la rétine. Un mutant, golden, a été isolé qui présente une réduction du développement et du nombre des mélanocytes, ainsi que de la pigmentation. Le gène responsable, slc24a5/mckx5, identifié par clonage positionnel, permet de restaurer le phénotype pigmenté chez le mutant golden. Les études de séquence ont montré que slc24a5 est probablement un canal échangeur d’ions sodium/calcium, dépendant du potassium, et que la mutation est un C->A, substituant un codon stop à une tyrosine et tronquant la protéine à environ 40 % de sa longueur normale. La persistance de mélanosomes, en l’absence d’une protéine fonctionnelle évoque, cependant, plutôt un rôle modulateur qu’un rôle direct dans cette morphogenèse des mélanosomes. Faisant l’hypothèse d’une conservation phylogénétique, les auteurs ont exploré les banques de données BLAST. Ils y ont identifié un gène humain, SLC24A5, dont la traduction protéique présente 68/69 % de similitude avec le gène du poisson zèbre. Sa structure exon/intron et sa situation par rapport à d’autres gènes en font un orthologue de slc24a5. La fonction semble également conservée, la séquence humaine étant capable de restaurer la pigmentation chez le mutant golden. L’étude de l’expression de slc24a5 dans des tissus murins et des lignées cellulaires de mélanome a montré une concentration qui peut être x 1 000 dans les mélanosomes de la peau et des yeux. Les auteurs ont enfin cherché quel rôle jouait SLC24A5 dans la pigmentation. La structure protéique - comparée à d’autres protéines de la même famille - montre un signal hydrophobe possible au voisinage de l’extrémité aminoterminale et 11 séquences hydrophobes, en deux groupes, qui seraient transmembranaires et font supposer la localisation à une membrane. Par microscopie confocale après marquage par GFP, on a précisé sa localisation intracellulaire à la membrane des mélanosomes. La concentration en calcium, le gradient de pH transmembranaire suggèrent un rôle du calcium dans la morphogenèse et la pigmentation des mélanosomes. Par la détermination du nombre de mélanosomes, on calcule que SLC24A5 expliquerait 25 % à 38 % de la variabilité de pigmentation de la peau. Le polymorphisme G-A retrouvé dans le gène humain se traduit respectivement par une alanine ou une thréonine. C’est une alanine que l’on retrouve dans tous les autres membres de la même famille de gènes. Dans les populations humaines, l’allèle alanine a une fréquence de 93 % chez les Africains, l’allèle thréonine de 98 % à 100 % chez les Européens, évoquant fortement une sélection de la région génomique chez ceux-ci. Mais la séquence ancestrale alanine se retrouve également dans les populations d’Extrême-Orient qui ont la peau claire. D’autres polymorphismes sont sans doute à identifier. Ce travail remarquable montre aussi l’importance des modèles animaux en génétique humaine.

La maladie de Parkinson serait-elle une canalopathie liée au fonctionnement des canaux K+-ATP sensibles ?

La vulnérabilité différentielle de sous-populations neuronales spécifiques est l’une des caractéristiques les plus intrigantes dans les maladies neurodégénératives. L’exemple de la maladie de Parkinson est particulièrement illustratif puisque les neurones dopaminergiques nigrostriés de la substance noire et leurs projections vers le striatum dorsal sont pratiquement détruits alors que les neurones dopaminergiques mésolimbiques, localisés tout à côté dans l’aire tegmentale ventrale et innervant le striatum ventral, ne sont que très faiblement affectés. Les neurones nigrostriés présentent une activité réduite du complexe I de la chaîne respiratoire mitochondriale et des inhibiteurs de cette voie comme la roténone ou le MPTP (1-méthyl-4-phényl-1, 2, 3 6-tétrahydropyridine), reproduisent leur dégénérescence sélective. Il restait à découvrir comment de tels intermédiaires conduisent à la mort spécifique de ces neurones. Liss et al. [26] ont remarqué qu’une cible potentielle de l’inhibition du complexe I était le canal K+-ATP sensible. En effet, ce canal, composé de sous unités pore (Kir6.1 ou KIR6.2) et régulatrice (SUR1 ou SUR2), est un senseur métabolique dont la probabilité d’ouverture dépend de l’état métabolique de la cellule, en particulier en réponse à une inhibition partielle du complexe I, une diminution d’ATP ou un stress oxydant. Les auteurs ont donc commencé par prélever le cytoplasme de neurones dopaminergiques nigrostriés et mésolimbiques, identifiés sur tranches grâce à leur fluorescence et leurs propriétés électrophysiologiques sélectives. Ils ont ainsi pu détecter par RT-PCR les sous-unités des canaux K+-ATP sensibles respectifs. Surprise ! C’était les mêmes (Kir6.2 et SUR1)… Cependant, le niveau d’expression de l’ARN SUR1, évalué en PCR temps réel, était deux fois plus élevé dans les neurones nigrostriés, en accord avec l’amplitude du courant. L’application de MPP+ (1-méthyl-4-phénylpyridinium) ou de roténone hyperpolarisa et bloqua l’activité électrique des neurones nigrostriés mais pas celle des neurones mésolimbiques dont la chaîne respiratoire apparut modérement découplée (les auteurs ont également montré que les neurones mésolimbiques expriment trois fois plus d’ARNm de la protéine découplante UCP-2 que les neurones nigrostriés). Il restait à déterminer l’importance relative des canaux K+-ATP sensibles dans les modèles animaux de dégénérescence des neurones dopaminergiques nigrostriés. Le premier modèle choisi fût l’infusion chronique de dose faibles de MPTP tous les 3,5 jours pendant cinq semaines en comparant des souris sauvages et des souris sans canal K+-ATP sensible (Kir 6.2-/-). Sur celles-ci, l’invalidation du canal K+-ATP sensible entraîne un sauvetage complet des neurones dopaminergiques nigrostriés. Encore plus fort, un sauvetage partiel des neurones dopaminergiques nigrostriés est observé dans le modèle des souris Weaver doubles mutantes Kir 6.2-/-, alors que l’atteinte des neurones cérébelleux (caractéristique de la déficience liée à la présence du canal GIRK2 weaver muté constitutivement actif) reste majeure chez les doubles mutants. Ces résultats suggèrent fortement que le niveau d’activité des canaux K+-ATP sensibles, en relation avec le découplage de la chaîne respiratoire mitochondriale, est critique pour la survie des neurones dopaminergiques nigrostriés. Des agents qui favoriseraient la probabilité d’ouverture de ces canaux pourraient être bénéfiques pour une demande métabolique de courte durée mais risqueraient d’entraîner une dégénérescence à long terme. Une telle situation n’est pas sans rappeler la dégénérescence progressive des cellules ß des îlots de Langerhans dans le diabète (les sulfonylurées qui bloquent les canaux K+-ATP sensibles sont utilisées depuis longtemps comme hypoglycémiants dans le traitement du diabète de type 2 car ils stimulent la libération d’insuline à partir des cellules pancréatiques ß). Il reste à évaluer l’importance de polymorphisme des canaux K+-ATP sensibles ou des états prédiabètiques dans le Parkinson. Il n’est pas sans intérêt de rappeler q’une prévalence accrue de l’intolérance au glucose semble exister chez ces patients [27].