Corps de l’article

Introduction

Le mémoire professionnel est en France un outil de formation essentiel. Précisons le contexte : la formation professionnelle des enseignants s’effectue dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) sur une année ; elle est précédée pour certains par une année de préparation au concours. La formation professionnelle propose une alternance entre stages en « responsabilité » et enseignements à l’IUFM ; les enseignants du premier degré (écoles primaires) effectuent huit semaines de stage réparties sur trois périodes de l’année, les enseignants du second degré (collèges et lycées) travaillent en moyenne six heures par semaine sur le terrain de stage. La fonction du mémoire professionnel est d’inciter les enseignants en formation à analyser et à conceptualiser leur pratique et à élaborer progressivement une posture réflexive – entendue comme une disposition à se dégager de son cadre habituel de référence en faisant appel à d’autres cadres d’analyse (Wittorski, 2001). En outre, le mémoire professionnel constitue l’un des trois volets de la validation de la formation. Il s’appuie sur l’analyse des pratiques professionnelles, rencontrées en particulier lors du stage en responsabilité, et doit permettre de vérifier les capacités du professeur stagiaire à : 1) identifier un problème ou une question concernant ses pratiques ; 2) analyser ce problème et proposer des pistes de réflexion ou d’action en se référant aux travaux existant dans ce domaine (Baillat, Aroq, Bouissou et Brau-Antony, 2001 ; Mathis, 2001).

Le mémoire professionnel est donc à la fois le support d’un processus d’interrogation, d’analyse de la pratique et le produit final de ce processus : un document d’une trentaine de pages, destiné à être lu et évalué par des formateurs. N’y a-t-il pas là le risque d’une dérive, d’une altération de sa première fonction ? Sans aucun doute. En formation professionnelle comme dans l’univers scolaire en général, les écritures sont fréquemment des supports d’évaluation : on mesure les progrès de l’élève au travers de ses productions écrites. Ces pratiques entraînent parfois chez les apprenants une perte de la « fonctionnalité » du texte : ils n’écrivent alors plus que pour manifester leur adhésion aux normes scolaires, se conformer aux attentes de l’institution, sans s’impliquer dans l’exercice (Bautier et Rochex, 1997 ; Bautier, Charlot et Rochex, 2000). Cette perte de fonctionnalité de l’écrit peut également concerner les enseignants (et les enseignants en formation). Ils sont eux aussi évalués à partir de leurs productions écrites (préparation de séquences), et se situent parfois dans un rapport strictement « instrumental » à l’écriture : celle-ci est alors le moyen privilégié pour afficher ses choix pédagogiques, ses pratiques. Elle est plus rarement utilisée en tant qu’outil de réflexion sur ses pratiques professionnelles (Rey, 1996 ; Baillat et al., 2001).

Cette difficulté fonde notre démarche de recherche : c’est bien parce qu’il n’est pas assuré que le mémoire professionnel soit un véritable outil de formation qu’il nous semble essentiel d’y porter un regard critique et de chercher à savoir s’il permet ou non l’élaboration d’une posture réflexive par son auteur.

Une première partie du texte précise les options épistémologiques sur lesquelles se fonde notre travail, expose le but de la recherche et permet de définir les indicateurs d’un « rapport distancié à l’action » et d’un « rapport professionnel aux savoirs » au travers desquels nous avons procédé à la lecture et à l’analyse des mémoires. La partie empirique est constituée de deux sections, correspondant à deux « temps » de l’étude. Chacune d’elles présente les questions de recherche, le corpus, les résultats et une discussion. Une conclusion tente d’esquisser une synthèse générale et de prolonger la réflexion.

Options épistémologiques et explicitation des processus

Notre approche s’inscrit dans le paradigme de la psychologie historico-culturelle (Vygotski, 1985 ; Wallon, 1959 ; Meyerson, 1948 ; Mucchielli, 1994 ; Rochex, 1995a) et de la sociologie psychologique actuelle (Lahire, 1998, 1999). Cette perspective vise à dépasser les conceptions dualistes des rapports individu/société et solipsistes de la personne (Mead, 1963) et à « lier de plus en plus finement l’économie psychique aux cadres de la vie sociale » (Lahire, 1999, p. 53). Il s’agit également d’aborder les objets de recherche, quels qu’ils soient, par leur contexte social d’émergence et d’existence et d’éviter ainsi de les essentialiser.

Nous considérons que conceptualiser sa pratique et porter sur son action un regard réflexif sont des dispositions (ou compétences) d’abord construites sur un plan collectif et interpsychique, puis appropriées au niveau intrapsychique. Toute compétence se construit en effet dans l’interaction entre les personnes et les contextes, selon un double processus d’extériorisation et d’internalisation : « extériorisation » de compétences, de dispositions, de schèmes de pensée et d’action ; et « internalisation », construction, consolidation de ceux-ci. Le mémoire professionnel stimule le développement de la pensée par ce double mouvement : l’explicitation de la pratique et sa formalisation permettent d’améliorer la compréhension du réel, de le clarifier pour soi-même et de construire de nouveaux savoirs ; lesquels sont ensuite enregistrés, appropriés, intériorisés de manière intrapsychique. Et c’est ainsi que la pensée fait son chemin au travers de ses productions (Bruner, 1996).

Appui sur des savoirs formalisés et passage à l’écriture

La réalisation d’un mémoire professionnel suppose un travail de lecture, de recherche documentaire, afin que l’auteur réfère son propos à d’autres paroles que la sienne, qu’il ne « s’appuie pas sur ses propres convictions, ses seules croyances, ni même sur sa propre expérience personnelle de validité réduite » (Baillat et al., 2001). Interroger une situation rencontrée sur le terrain consiste à apprendre à la nommer, à la formuler conceptuellement. Les savoirs formalisés constituent des outils validés dont l’enseignant en formation peut user pour nommer sa pratique (pratique d’abord vécue et non formalisée) et la comprendre. Les savoirs permettent de s’inscrire dans une communauté de pensée, de trouver sa place dans une « polyphonie énonciative » (Chanfrault-Duchet, 1999). À travers les multiples voix qu’exprime l’auteur du mémoire – celles de l’institution, du terrain, de la tradition, de la recherche –, il construit la sienne. Le mémoire professionnel vise l’instauration d’un dialogue intrapsychique, d’une délibération interne, d’un déplacement psychique entre des « places symboliques », d’une négociation inter-personnelle de significations. Écrire un mémoire professionnel n’est pas un acte solitaire. L’écriture, par sa fonction d’externalisation de la pensée, sauve l’activité cognitive de l’implicite, la rend publique, négociable et solidaire (Bruner, 1996). Destiné à autrui et s’élaborant dans l’interaction avec des auteurs, des formateurs et avec des pairs, le mémoire professionnel offre un cadre pour une activité inter-psychique ; il est un espace discursif dialogique (Vygotski, 1985).

On sait en outre que l’écrit permet d’introduire de la rigueur dans la perception et dans le classement du monde, d’organiser cognitivement l’expérience vécue (Lahire, 1998). Il aide, dans l’après coup, à passer de l’action à la conscientisation des actions. Il permet le jugement, la distanciation critique, la décontextualisation et la relativisation : mettre en mots, c’est séparer du réel, ce qui contredit l’illusion d’une « immédiateté », d’une « transparence » entre le réel et son expression par le langage (Bautier et al., 1997). L’effort de conceptualisation de sa pratique professionnelle implique de faire des choix parmi différents cadres interprétatifs, et de prendre ainsi conscience que le langage « n’épuise » pas le réel, que comprendre quelque chose d’une certaine manière n’empêche pas qu’on puisse le comprendre également d’autres manières (Bruner, 1996). Dans le mémoire professionnel, l’exercice d’écriture doit permettre une « prise de conscience et prise de distance avec soi-même, avec son histoire, avec les dispositions et les habitus qui s’y sont cristallisés » (Davisse et Rochex, 1995, p. 198). L’écriture de la pratique incite le jeune enseignant à se placer à l’extérieur de l’action et à adopter une position d’« exotopie » (Bakhtine, 1977) : rapport distancié à la pratique professionnelle, médiatisé par le langage.

Transformation du rapport à l’action

Par le mémoire professionnel, on vise le développement, voire la transformation du rapport au réel et à la pratique professionnelle, vers davantage de réflexivité. Il s’agit d’aider les jeunes enseignants à construire un rapport distancié à l’action, à dépasser le niveau du « faire », de la compétence technique, du mimétisme ou de l’acte instinctif ; il s’agit de les aider à devenir acteurs de leur pratique, à questionner leurs cadres de référence initiaux et à mesurer le « caractère multidimensionnel et paradoxal de toute action humaine » (Boutinet, 1998, p. 121). Comme cet auteur, nous opérons une distinction entre « faire » et « agir » : l’« agir » se distingue fondamentalement du « faire », aux niveaux de la responsabilité individuelle, du sens accordé à la situation, des raisons d’agir. Le « faire », autrement dit l’action instrumentale, enferme la personne dans « une suite d’objectifs juxtaposés sans que ceux-ci soient intégrés au sein d’une praxis susceptible de leur donner sens » (Boutinet, 1998, p. 120) ; au contraire « l’agir » suppose une distance et une prise de conscience des motifs, des mobiles qui guident les choix (Rochex, 1995b). Devenir un professionnel « acteur » de sa pratique suppose le passage du « faire à l’agir » et la confrontation à la complexité du réel. Le professionnel « ouvre la porte à des situations qu’il trouve incertaines ou particulières où il se met en état de surprise, de perplexité et de confusion ; il réfléchit aux phénomènes qu’il constate et aux premières conclusions que son comportement lui a implicitement dictées ; ensuite, la poursuite de l’expérimentation lui permet de comprendre les phénomènes autrement, et de transformer la situation » (Schön, 1994, p. 97). On considère donc qu’une démarche professionnelle consiste, face à l’échec, à s’interroger, à chercher des solutions et à construire des réponses.

Buts de l’étude

Notre expérience auprès des enseignants en formation nous laisse penser que l’élaboration d’un mémoire professionnel ne permet pas forcément à son auteur de se développer professionnellement. Si certains mémoires attestent d’une implication dans un processus de formation, de transformation de soi et de subjectivation vers davantage de réflexivité, d’autres laissent supposer que leurs auteurs s’acquittent seulement d’une tâche et se mettent en règle avec l’institution. C’est donc dans une perspective d’interrogation critique des pratiques de formation et parce que « les mémoires professionnels ne nous parlent pas seulement de leurs acteurs mais sans doute tout autant de leur formation » (Rochex, 2003, p. 104), que nous avons entamé notre étude et cherché à définir des indicateurs de développement professionnel et de réflexivité. Plus précisément, il nous a semblé intéressant de chercher à opérationnaliser notre conception du « faire » et de « l’agir » à travers deux dimensions majeures : le rapport distancié à l’action et le rapport professionnel aux savoirs.

Définition des indicateurs

Un rapport distancié à l’action

Le mémoire professionnel doit permettre d’opérer une distanciation vis-à-vis de sa pratique, c’est-à-dire être capable d’observer et de décrire des situations éducatives vécues, de les analyser selon plusieurs points de vue explicites, de formuler des hypothèses explicatives (ou compréhensives), de rechercher de l’information qui les réfute et/ou les corrobore, de rechercher des pistes de solutions, d’en expliciter les fondements et d’évaluer leurs effets (Perrenoud, 1990; Schön, 1994; Mathis, 2001). Il ne doit ni constituer une simple narration d’un travail personnel sans analyse et réflexion critique, ni être une réflexion théorique ou historique extérieure à l’expérience du professeur stagiaire (Baillat et al., 2001).

Des travaux, en particulier ceux de Guigue (2001), Gomez et Hostein (1996) et Rochex (2003), ont mis en évidence une variabilité des postures vis-à-vis de la pratique. Guigue a travaillé sur des « écrits intermédiaires », c’est-à-dire produits au cours d’une année par des enseignants dans le cadre de l’élaboration de leur mémoire professionnel. La chercheuse a dégagé trois types de positionnement : certains décrivent les situations de classe avec réalisme et précision ; ils font preuve de distanciation critique, s’intéressent aux réels effets de leurs actions sur les apprentissages des élèves ; ils mènent une recherche de compréhension des situations vécues. Cette posture « professionnelle » procède à une véritable analyse de pratique. Chez d’autres, au contraire, il semble que le travail d’écriture ne soit pas l’occasion d’une réflexion sur leur pratique réelle, mais débouche plutôt sur une reconstruction : c’est le travail de préparation qui est mis en valeur, et non l’analyse a posteriori. Aucune difficulté n’est évoquée et l’intérêt porté aux élèves est faible. Enfin, chez d’autres encore, l’écriture a peu de liens avec la pratique : un discours général et prescripteur est tenu, permettant d’envisager des pratiques à venir. Dans ces deux derniers cas, c’est l’action qui est valorisée, au détriment de son analyse. Rochex (2003) distingue quant à lui les mémoires qui s’ancrent dans la volonté de tester un dispositif ou de mettre en oeuvre un projet, et les mémoires qui relèvent d’une tentative d’élucidation et d’élaboration d’une difficulté professionnelle. Le point de départ des premiers peut constituer un obstacle à ce que les auteurs se confrontent véritablement au réel de leur pratique, alors que les seconds permettent davantage aux enseignants de s’impliquer en interrogeant ce qui fait « résistance ».

À la lumière de ces travaux, nous avons défini cinq dimensions, indices d’un rapport professionnel à la pratique :

  • la situation professionnelle et/ou le sujet d’étude sont clairement délimités ;

  • les actions sont analysées d’un point de vue critique ;

  • les difficultés et les réussites des élèves sont prises en compte dans le bilan des actions ;

  • de nouvelles pistes d’action sont proposées en fonction de l’analyse ;

  • l’analyse comporte une réflexion sur le rôle de l’enseignant.

Nous avons choisi le critère d’analyse suivant : un mémoire professionnel appartient à la catégorie « rapport professionnel à la pratique » s’il révèle clairement la présence de trois à cinq indicateurs.

Un rapport professionnel aux savoirs

Le développement professionnel concerne également la transformation du rapport aux savoirs qui suppose de se détacher d’une conception esthétique du savoir (selon laquelle le savoir est intéressant en soi, sans alimenter nécessairement la pratique) et/ou d’une conception applicationniste (selon laquelle le seul savoir légitime est celui qui peut se traduire directement dans l’action), pour construire un « rapport professionnel aux savoirs » (Altet, 2000). Les savoirs formalisés doivent constituer pour l’enseignant un « réservoir » dans lequel il peut puiser pour comprendre son activité (Bourdoncle, 1998), pour porter un autre regard sur une pratique ou une situation ; ils sont des outils de distanciation de la pratique et de recadrage des actions.

Le rapport aux savoirs des jeunes enseignants est étudié par le biais d’entretiens individuels et à partir des travaux d’écriture tels que le mémoire professionnel. C’est un concept multidimensionnel (Charlot, 1997) qui est abordé, dans le champ de la formation professionnelle selon deux dimensions : la nature des savoirs théoriques que les jeunes enseignants utilisent quand ils tentent d’analyser leur pratique professionnelle (Benoit, 1999) et la fonction de ces savoirs vis-à-vis de leur pratique professionnelle (Gomez et al., 1996 ; Aroq et Bouissou, 2001).

Dans le cadre de notre étude, il nous a donc semblé pertinent de distinguer deux éléments :

  • D’une part, la nature des savoirs formalisés que les enseignants utilisent quand ils tentent d’analyser leur pratique professionnelle, en retenant particulièrement la distinction savoirs disciplinaires / savoirs des sciences humaines et sociales ; autrement dit, la distinction entre « savoirs à enseigner » / « savoirs pour ou sur enseigner ». La référence à des travaux strictement issus du champ disciplinaire pourrait révéler un rapport au métier trop limitatif, valorisant la dimension du « maître instruit » au détriment de la dimension « spécialiste des apprentissages des élèves » (Paquay, 1994 ; Gomez et al., 1996 ; Guigue et Crinon, 2003).

  • D’autre part, la fonction de ces savoirs dans l’analyse qui est faite de la pratique professionnelle. Nous avons distingué six fonctions, non exclusives les unes des autres ; elles correspondent aux étapes de la démarche d’analyse qui structurent classiquement les mémoires professionnels : 1) montrer l’intérêt du sujet, 2) comprendre le problème initial, 3) justifier les actions menées, 4) bâtir le dispositif d’action, 5) analyser les résultats, 6) faire évoluer les hypothèses ou les questions de départ. Un rapport professionnel aux savoirs suppose que l’auteur du mémoire se réfère aux savoirs formalisés dans le but de comprendre les effets de ses actions et non seulement pour les mettre en oeuvre.

C’est ainsi que nous avons défini deux indicateurs pour qualifier un rapport professionnel aux savoirs formalisés (l’analyse porte sur l’ensemble des trente pages des mémoires) :

  • Les savoirs formalisés utilisés sont variés : l’auteur du mémoire ne se réfère pas seulement aux savoirs de la discipline qu’il enseigne (textes officiels, savoirs académiques, ouvrages de didactique) mais a recours également aux travaux des sciences de l’éducation.

  • Les usages des savoirs théoriques sont variés : les références ne servent pas seulement à cerner la question de départ et à bâtir les dispositifs d’action (ce qui témoignerait plutôt d’un rapport applicationniste aux savoirs) mais aussi à analyser les résultats, les difficultés rencontrées, à réfléchir aux actions au-delà de leur seule réalisation et à faire évoluer les questions de départ.

Étude empirique 1

Pour chacune des études, les objectifs et le corpus, les résultats et une discussion des résultats sont présentés.

Corpus et objectifs de l’étude

Le travail a porté sur un corpus de 19 mémoires professionnels réalisés par des professeurs d’histoire-géographie de collèges et lycées (correspondant, en France, à l’enseignement du « secondaire »). Ces 19 professeurs composaient une promotion d’enseignants en formation. L’une d’entre nous, professeure de géographie, avait facilement accès à ce corpus ; c’est cet élément qui en a déterminé la constitution. Précisons que ce petit corpus limite les ambitions de généralisation à propos des aspects quantitatifs des mémoires ; mais cela ne constitue pas un véritable obstacle à notre étude, qui cherche plutôt : 1) à tester des outils de lecture des mémoires professionnels et à vérifier leur pouvoir discriminant ; et 2) à étudier la manière dont s’articulent, au coeur des travaux écrits, le rapport à la pratique et le rapport aux savoirs.

Résultats

Les résultats sont présentées en fonction des deux indicateurs choisis : le rapport à l’action et le rapport aux savoirs.

Rapport à l’action

Les résultats indiquent une forte variabilité. On peut en effet considérer que huit mémoires témoignent d’un rapport professionnel à l’action : on relève en effet la présence marquée de trois à cinq des critères définis ci-dessus. Pour six autres mémoires, aucun de ces critères n’apparaît clairement, ce qui engage à considérer que leurs auteurs n’ont pas construit un rapport professionnel à l’action. La prise en compte des difficultés et des réussites des élèves s’avère l’indicateur le plus discriminant. Enfin, pour cinq autres mémoires, le bilan est mitigé. Leur positionnement est intermédiaire.

Rapport aux savoirs

Rappelons que le rapport aux savoirs est examiné au regard de la nature des savoirs et de leur fonction.

En ce qui concerne la nature des savoirs, les références que l’on a inventoriées (139 au total) sont les suivantes : savoirs savants d’histoire et/ou de géographie, didactique de l’histoire et de la géographie, sciences de l’éducation, textes officiels, manuels scolaires, mémoires professionnels. Les références les plus couramment utilisées sont celles de la « didactique de l’histoire et de la géographie » (54 sur 139) et de « sciences de l’éducation » (35 sur 139). Dans la mesure où nombre des ouvrages cités en « didactique » relèvent parfois davantage de la mise en oeuvre des programmes scolaires que de la réflexion didactique, on peut considérer que les auteurs de ces mémoires ont surtout mobilisé des savoirs relatifs à la discipline enseignée, cherchant des réponses à leurs interrogations sur le « comment faire ? ».

Les savoirs théoriques sont nettement plus utilisés pour concevoir et préparer une action que pour l’analyser après coup. On note ensuite que les mémoires faisant appel à des références de sciences de l’éducation utilisent celles-ci pour analyser les résultats et faire évoluer les hypothèses et non pas seulement pour cerner la question de départ ou concevoir un dispositif d’action. Ils témoignent, plus que les autres, d’un rapport professionnel aux savoirs.

Tableau 1

Les usages de la référenciation théorique

Les usages de la référenciation théorique

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Articulation des rapports à l’action et aux savoirs

Si l’on s’intéresse conjointement aux deux dimensions « rapport à l’action » et « rapport aux savoirs », on remarque leur cohérence :

  • parmi les huit mémoires témoignant d’un rapport professionnel à l’action, les références en sciences de l’éducation sont les plus nombreuses et les savoirs sont largement utilisés pour analyser les résultats et pour faire évoluer les hypothèses ;

  • parmi les six mémoires les plus éloignés d’un rapport professionnel à l’action, les références en sciences de l’éducation sont nettement plus rares, et le rapport au savoir, applicationniste.

Discussion

La présence globalement assez faible des références aux sciences de l’éducation, comparativement aux références à des savoirs disciplinaires, ne surprend pas, quand on sait qu’en France l’identité professionnelle des enseignants du secondaire s’ancre dans un attachement fort à la discipline qu’ils enseignent et qu’ils ont étudiée à l’université, et quand on sait qu’ils ont été peu familiarisés lors de leurs études avec les sciences de l’éducation. On note également que les savoirs sont plus largement utilisés dans les mémoires pour justifier des actions menées que pour les analyser après leur réalisation. Sans doute peut-on là voir l’effet des pratiques courantes, dans la profession et en formation, qui insistent davantage sur la planification et la préparation des cours que sur leur analyse a posteriori.

Les indicateurs que nous avons construits semblent pertinents et opérationnels : la prise de distance vis-à-vis de la pratique paraît impliquer un rapport professionnel aux savoirs formalisés, alors que la valorisation de l’action (au détriment de l’analyse de celle-ci) semble s’accompagner d’un rapport instrumental aux savoirs formalisés. Autrement dit, on peut considérer le rapport à l’action et le rapport aux savoirs formalisés comme deux postures interdépendantes. Nos indicateurs sont discriminants. Il permettent de dégager des profils contrastés : certains enseignants, entrent dans un processus de transformation de soi. Pour eux, le mémoire professionnel constitue l’occasion d’opérer un passage entre un « faire » et un « agir ».

En outre, la lecture de ces dix-neuf travaux nous a permis d’affiner notre regard et, progressivement, de mettre au jour une nouvelle dimension concernant les positionnements des auteurs dans leur mémoire. En effet, au-delà de la nature des savoirs utilisés et de leur fonction dans le corps du mémoire, on peut étudier, sans doute, le rapport que le scripteur entretient avec l’auteur qu’il cite, au travers de la manière dont la référence est introduite dans le texte et s’articule à la parole du scripteur. Autrement dit, il s’agit d’analyser la « fonction dialogique » des savoirs afin de comprendre si les auteurs des mémoires utilisent les références pour soutenir leur propre parole, s’ils mènent un dialogue avec les auteurs cités, s’ils se positionnent dans un rapport d’échange ou au contraire s’il s’inscrivent plutôt dans un rapport de dépendance à l’autorité énonciative ; cette dimension est particulièrement étudiée dans le champ de la didactique de l’écriture (Nonnon, 1995 ; Delamotte, Gippet, Jorro et Penloup, 2000 ; Crinon et Guigue, 2002). Dans cette perspective, l’écriture, loin de se réduire à une compétence technique, est à considérer comme une activité complexe, cognitive, dialogique, identitaire et sociale.

Par ailleurs, un certain nombre de mémoires ont attiré notre attention par le caractère hétérogène de leur contenu, par la variabilité des postures de leurs auteurs. Ces travaux présentent un caractère plus métissé, plus disparate que les autres plus « typés » et ont résisté à notre velléité de classement. Ils méritent en cela une analyse approfondie. Il nous semble en effet capital de nous préoccuper des profils intermédiaires, constituant, dans nombre d’études, les cas les plus fréquents et les plus ordinaires, mais souvent aussi négligés par les chercheurs. Produits complexes et singuliers, ils sont pourtant souvent à l’origine des analyses les plus riches (Lahire, 1999).

Étude empirique 2

Corpus et objectifs de l’étude

Notre nouvel objectif est de mettre à l’épreuve un indicateur concernant la fonction dialogique des savoirs et de vérifier s’il est en relation avec les deux indicateurs précédemment définis.

Nous avons par ailleurs souhaité tester nos outils de lecture auprès d’un nouveau corpus ; pour cela, nous avons choisi de travailler sur des mémoires réalisés par des enseignants du premier degré (enseignement primaire) : dix-neuf mémoires ont été analysés, prélevés au hasard parmi l’ensemble des travaux d’une promotion (une cinquantaine de mémoires).

Enfin, la question de l’hétérogénéité, pointée préalablement, nous semblait devoir être davantage étudiée ; nous avons donc orienté notre analyse vers la compréhension des « fluctuations intra-individuelles ».

Résultats

Premièrement, la nature de la relation entre le scripteur et l’auteur du mémoire est une dimension qui s’avère intéressante : on a noté que certains enseignants utilisent les auteurs, les références, pour s’interroger eux-mêmes, pour se « mettre en débat » et donc délibérer psychiquement, alors que pour d’autres, le savoir est une parole légitime à appliquer plutôt qu’à discuter et qui n’aide pas à la confrontation psychique. Ils citent sans les commenter des textes officiels ou des préconisations trouvées au fil de leurs lectures ; les références théoriques sont strictement utilisées pour justifier le choix du sujet d’étude ou pour justifier les actions menées ; ils ne commentent pas, n’engagent pas de dialogue avec les auteurs cités, témoignant par là de leur difficulté à faire entendre leur propre voix parmi celles d’autres auteurs et à s’inscrire dans une « polyphonie énonciative » (Chanfrault-Duchet, 1999).

Deuxièmement, on note que la manière dont les scripteurs se positionnent vis-à-vis des auteurs qu’ils citent est plutôt en cohérence avec les autres indicateurs. La dimension « relation entre l’auteur et le scripteur » permet d’enrichir les analyses et de mettre en évidence des positionnements assez marqués dans un sens ou dans un autre. Ainsi, on a pu identifier deux cas de figure :

  • Dans certains mémoires, l’enseignant analyse sans complaisance les actions menées, non par rapport à une norme mais en fonction d’observations précises faites auprès des élèves. Il met en place de mini-expérimentations, évalue ses actions et en vient à reformuler ses questions de départ. Il utilise des savoirs, pour des usages variés et articulés à son argumentation. Ainsi, dans l’introduction, la référenciation théorique permet de montrer l’enjeu du travail ; elle aide plus loin à comprendre les raisons des difficultés rencontrées, puis à bâtir un nouveau dispositif ; enfin, elle permet d’analyser les observations recueillies. Sept mémoires correspondent à ce profil.

  • En revanche, dans d’autres mémoires, une partie théorique introduit le mémoire sans être articulée aux dispositifs d’action mis en oeuvre plus tard. Dans la présentation des actions, seul le travail de préparation est mis en valeur, au détriment des analyses a posteriori. Les références théoriques sont peu variées, jamais commentées, et n’aident pas à construire l’argumentation. Le scripteur n’explicite pas ses choix, use du style impersonnel des instructions officielles (recommandations et programmes nationaux) et adopte le plus souvent une attitude prescriptive. Six mémoires peuvent être rangés dans cette catégorie.

Troisièmement, on peut affirmer que les indicateurs définis par notre étude semblent pertinents, tant pour analyser des mémoires réalisés par des professeurs de collèges et de lycées, centrés sur une discipline (ici l’histoire-géographie) et des questions assez pointues de didactiques s’y rattachant, que pour des mémoires réalisés par des professeurs d’écoles primaires, dont le questionnement est souvent plus transversal.

Quatrièmement, comme nous avions commencé à l’entrevoir dans le premier corpus, une part importante des mémoires étudiés (précisément six sur dix-neuf) atteste d’une certaine hétérogénéité intra-individuelle des postures et fonctionnements psychiques de leurs auteurs. Ceux-ci n’entretiennent pas un seul type de rapport aux savoirs et à l’action, et peuvent se situer tour à tour sur des positionnements différents. Ainsi, par exemple : les difficultés des élèves sont prises en considération et analysées lors du bilan d’une séquence, mais sont laissées de côté quelques pages plus loin ; les références qui permettent de problématiser la question de départ prennent ensuite une autre fonction et semblent alors répondre à une tentative de conformité aux « canons » de l’exercice. Les paroles des auteurs cités sont ponctuellement commentées, intégrées au déroulement de la pensée, mais ailleurs elles sont au contraire plaquées dans le texte, sans articulation.

Discussion

Quelques réflexions émergent à l’issue de ce constat. D’une part, les six mémoires hétérogènes dans leur forme et leur contenu et peu fluides contribuent à remettre en cause, d’un point de vue conceptuel et méthodologique, la dichotomie entre « rapport professionnel aux savoirs et à l’action » versus « rapport non professionnel » (ou entre enseignant réflexif versus enseignant non réflexif). La cohérence intra-individuelle présupposée dans bien des recherches (et par bien des pratiques institutionnelles) est ici contestée.

Nous pensons que l’hétérogénéité intra-individuelle des mémoires – non exceptionnelle – illustre, en même temps qu’elle nous permet de mieux le saisir, le caractère multiforme et complexe de cet exercice : son double statut, à la fois dispositif d’évaluation et support de développement professionnel, en fait un objet paradoxal, susceptible d’entraîner des tensions entre une logique d’engagement, d’implication, de subjectivation et une logique instrumentale visant la validation et l’évitement de la difficulté.

Les fluctuations individuelles observées dans les mémoires engagent, en outre, à mieux prendre en considération le fait que la capacité de réflexivité et la mise en oeuvre d’une posture psychique de délibération et de questionnement ne s’établissent pas une fois pour toutes, s’expriment différemment selon les situations et les contextes. Rappelons qu’un mémoire professionnel évoque différents « temps » de la pratique professionnelle (sa réalisation s’étend sur huit mois environ) et qu’il témoigne du (des) rapport(s) au monde du scripteur. Et l’on peut comprendre l’hétérogénéité des productions écrites des stagiaires (leurs positionnements contrastés sur la dimension subjectivation-instrumentalisation) comme le reflet de leurs expériences plurielles de socialisation.

Cette remarque trouve un écho dans les travaux actuels de la sociologie dispositionnelle (Lahire, 1998 ; Dubet, 2000 ; Kaufmann, 2001 ; Corcuff, 2003) qui conduisent en effet à remettre en question, ou du moins à interroger la notion de réflexivité en tant que compétence qui serait acquise ou à acquérir « une fois pour toutes ». Un individu peut, à certains moments et pas à d’autres, porter un regard réflexif sur le monde qui l’entoure et, en l’occurrence, son action professionnelle ; ce qui renvoie à l’idée que la réflexivité est une disposition entendue, au sens de la sociologie, comme un ensemble de schèmes de pensée et d’action, socialement constitués à travers des conditions d’existence, non généraux car attachés à des domaines et des objets spécifiques, donc mis en oeuvre dans certains contextes et non nécessairement transposables. « L’homme n’est ni une construction logique, ni exempt de contradictions psychologiques » (Lahire, 2001, p. 146). Ces études se situent dans le prolongement des travaux de Bourdieu et tentent de dépasser une conception de l’habitus en tant qu’ensemble unique, unifié, homogène, lui préférant la notion de dispositions « plus ou moins durables et pas nécessairement intégrées » (Corcuff, 2003, p. 80). Ils ouvrent du coup à une réflexion sur l’identité, multiple et diverse. Les contextes sociaux (ou « modèles régionaux d’action », Boltanski et Thévenot, 1991) sont divers, véhiculent des normes différentes, parmi lesquelles évolue l’individu, qui doit apprendre à s’y adapter et à jouer avec elles. Les compétences et dispositions auxquelles il fait appel varient selon les situations, l’inhibition des unes étant nécessaire à l’expression et au développement des autres. Sur le plan psychique, elles entrent parfois en contradiction (Lahire, 1999). Ainsi par exemple, la disposition à analyser sa pratique peut entrer en contradiction avec d’autres dispositions acquises antérieurement… Et le rapport « professionnel » au savoir, reconnu comme favorable à la posture d’analyse de la pratique (et valorisé dans les instituts de formation) peut entrer en concurrence, en opposition, avec le rapport « esthétique ou intellectuel » au savoir, que la formation universitaire – dont ont préalablement bénéficié les enseignants – suppose généralement et installe durablement.

Conclusion

D’une interrogation initiale sur le mémoire professionnel (en tant que production écrite), notre étude a progressivement évolué vers un questionnement à propos de la personne qui construit un mémoire. Un « glissement » de nos intérêts s’est opéré : après une première étude « d’évaluation-bilan » des mémoires, nous avons adopté une démarche plus compréhensive et plus « clinique ». Ce travail a débouché sur des résultats divers, montrant, d’une part, une forte variabilité interindividuelle des positionnements des enseignants dans leur mémoire et, d’autre part, une réelle variabilité intra-individuelle. Celle-ci peut se comprendre à condition de ne pas considérer les apprenants comme des sujets épistémiques, mais comme des acteurs sociaux, évoluant, se socialisant, dans un environnement polymorphe, hétérogène, contradictoire. Une approche sociopsychologique non dualiste semble la plus appropriée à un tel objectif. 

Un certain nombre d’observations faites auprès des jeunes élèves, collégiens et lycéens (Bautier et al., 1997 ; Bautier et al., 2000) peuvent être transposées aux enseignants en formation, quant à leur manière de se positionner vis-à-vis de la formation, des formateurs, des tâches qu’ils ont à effectuer, des apprentissages : si pour certains le mémoire est l’occasion de s’impliquer dans une activité de pensée et de questionnement, d’autres s’acquittent avant tout d’une tâche. Les problèmes auxquels se confrontent les enseignants en formation ne sont pas si différents des problèmes des élèves plus jeunes, quand ils ont à faire des apprentissages dans la classe, en dehors de leur contexte de vie. Il s’agit pour les uns et pour les autres de passer d’un rapport pratique au monde à un rapport réflexif et « secondarisé » (Bautier et Rochex, 2004). Le mémoire professionnel est, dans son principe, le support d’un processus psychique d’analyse, de réflexivité, et de développement dans une logique de subjectivation. Or on observe chez certains enseignants (mais peut-être aussi chez les formateurs ?), une confusion entre la tâche (écrire un mémoire) et l’activité, le processus psychique d’interrogation. Dans ce cas, il y a survalorisation de l’oeuvre et des procédures, au détriment des processus (Boutinet, 1998).

Rappelons la dimension sociopolitique de la réflexivité qui permet de saisir une difficulté supplémentaire que rencontrent les enseignants en formation : la réflexivité est une disposition métacognitive particulière, proche d’une disposition à exercer un pouvoir (Lahire, 1998 ; Aroq et al., 2001). Or le rapport complexe qui s’établit entre les enseignants en formation et l’institution – les premiers souvent pris dans un rapport de dépendance vis-à-vis de la seconde – peut gêner et contredire la mise en oeuvre d’une posture réflexive.

Ces constats, plutôt que de contraindre à un abaissement du niveau d’exigence, doivent plutôt aider à prendre la mesure de l’ambition du projet de formation, de transformation et de développement professionnel. Former les enseignants à une pratique professionnelle réflexive nécessite alors de les accompagner par un travail didactique soutenu et approfondi, prenant en considération leur complexité et leur diversité.

Pour cela, l’approche sociodidactique (Bautier et al., 2000) nous semble pertinente et ne peut être que vivifiante pour les formateurs ; car elle permet d’interroger les pratiques d’enseignement-apprentissage en tant qu’éléments décisifs dans la construction de la posture des apprenants ; car les effets d’une formation sont toujours coconstruits. On peut penser que des pratiques d’enseignement et de formation qui se laisseraient envahir par une logique instrumentale ne pourraient que favoriser un rapport instrumental à l’apprentissage et à la formation chez les apprenants. Il s’agit donc de penser et de mener la formation dans une logique de subjectivation.

Notre étude encourage à complexifier le regard porté sur les enseignants en formation. Par leur double statut (ils sont professionnellement responsables sur le terrain et encore en formation) et par le nombre important de leurs partenaires (les « autrui significatifs » (Mead, 1963)), ils se trouvent confrontés à une diversité des points de vue qui s’expriment sur le métier, l’éducation, les élèves, et construisent sans doute des dispositions variées, pouvant entrer en contradiction (Rayou et Van Zanten, 2004). En raison d’une identité en construction, ils sont sans doute particulièrement perméables aux multiples « voix » de leurs interlocuteurs, lesquels peuvent constituer autant de référents identitaires et intellectuels.

Une fois de plus, la perspective sociodidactique s’avère heuristique : elle procède à une rigoureuse contextualisation des objets d’étude, évitant ainsi de les réifier ; elle refuse aussi de « psychologiser » les difficultés des apprenants ; et elle adopte une approche compréhensive et non normative. Enfin, autre intérêt à nos yeux, elle permet d’établir des rapports renouvelés entre didactique, psychologie et sociologie.