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La gouvernance de la Commission sur les affaires de l’Union européenne (ue) est fondée sur deux stratégies majeures. La première propose l’élargissement de l’ue, en définissant la nature de l’association, le partage des pouvoirs et l’importance des décisions consensuelles pour la définition de solutions communes. La seconde porte sur son monopole d’expertise pour le conseil des ministres et le parlement européen. Aujourd’hui, la centralisation et une plus grande intégration de l’ue n’ont pas permis de développer une flexibilité optimale vers la globalisation économique. L’Union européenne en cherchant à aider les gouvernements nationaux à adopter des réformes en faveur du marché a plus produit de la centralisation que de la flexibilité, avec une pratique de subsidiarité insuffisante. Cependant, avec le processus d’intégration constant, il est de moins en moins possible de parler de modèle britannique ou rhénan. Avec le marché unique, un modèle européen semble voir le jour.

Dans le premier chapitre, Michele Fratianni met en évidence la relation entre l’élargissement de l’Union européenne et une intégration flexible. Le modèle concentrique adopté n’est pas toujours très cohérent eu égard à la gouvernance économique de l’Union européenne. En suivant le double objectif de son approfondissement et de son élargissement, l’ue à la fois réduit la prise en compte des différences des membres et renforce le pouvoir de certains membres au détriment d’autres. Il en résulte aujourd’hui, sans doute à cause de l’inadéquation relative des critères de Maastricht, un retard dans l’organisation d’une monnaie unique et quelques réticences à l’admission de nouveaux membres, compte tenu des coûts afférents. Le processus de coordination adopté n’encourage pas toujours la mise en place d’une gouvernance efficace.

Dans le chapitre 2, Mehmet Ugur définit la qualité de la gouvernance dans la capacité des autorités publiques à fournir des biens publics de manière non discriminatoire et efficace. Or, ces principes impliquent que les pouvoirs publics ne soient pas l’otage des bureaucraties ou des pouvoirs privés. La question est alors de savoir si dans les domaines des transports, de l’harmonisation des impôts ou des télécommunications l’ue a rempli correctement son rôle. La réponse de Mehmet Ugur est plutôt positive. Selon lui, l’ue favorise la mobilité transrégionale, ce qui permet de définir plus précisément la distribution des coûts et des avantages. Elle réduit la capacité des bureaucraties nationales et des acteurs privés à capturer l’autorité politique. Dans ce contexte, l’Union européenne échappe partiellement au clientélisme et aux coalitions d’intérêts nationaux.

L’Union européenne favorise à la fois la globalisation et la libéralisation des économies. Elle incite les gouvernants européens à accepter une délégation de pouvoir en faveur des autorités européennes. Cependant, dans le secteur de l’industrie du transport, les résultats sont décevants. Pour Martin Staniland (chap. 3), la libéralisation n’a pas amélioré les conditions de la concurrence, notamment dans le secteur des voies de communications dont les producteurs restent fondamentalement nationaux. En outre, le système des alliances et le renforcement des réseaux des aéroports principaux conduisent à la fois à la congestion des aéroports principaux et à la création de barrières à l’entrée.

Dans le chapitre 4, Kjell Eliassen, Catherine Monsen et Nick Sutter ont un avis positif sur la gouvernance européenne dans le domaine des télécommunications, qui est au centre à la fois d’un processus de libéralisation et de gouvernance supranationale. Au fond, le secteur des télécommunications accepte le principe fondamental de la concurrence, mais, compte tenu de ses spécificités, il suppose aussi des étapes de négociations et de compromis collectifs entre les différents acteurs. Aujourd’hui, la balance entre la compétition et la régulation fonctionne correctement, à l’écoute des changements technologiques.

Pour Chad Damro et Alberta Sbragia (chap. 5), les échanges transatlantiques représentent aujourd’hui les plus importantes relations commerciales au monde, compte tenu de l’importance de deux zones de développement dominantes (Amérique du Nord et Europe). Les indicateurs de marché et des investissements directs à l’étranger témoignent de la croissance de ces échanges, avec près de 400 milliards de dollars de commerce et d’investissement par an. Le système de l’Organisation mondiale du commerce permet de résoudre la plupart des problèmes relatifs à ces échanges, mais un ad hoc système transatlantique serait susceptible de réduire le potentiel de conflit.

Comparé au Système européen des banques centrales, le système de la Federal Reserve des États-Unis est moins rigide et moins centralisé. Sylvester Eijffinger et Edin Mulagic (chap. 6) mettent en évidence le dialogue entre les deux systèmes et à l’intérieur de l’Union européenne. Ils soulignent le dialogue monétaire qui s’instaure entre le Parlement européen et la Banque centrale européenne. Malgré des rapports accrus avec les instances démocratiques, les banques centrales ont d’énormes pouvoirs d’ordre économique et politique. Or, elles sont dirigées par des technocrates qui jouissent d’un haut niveau d’indépendance. Aujourd’hui, la société revendique une plus grande responsabilité et une transparence accrue des instances monétaires. Dans ces conditions, de nouveaux rapports entre le Parlement et la Banque Centrale devraient être institués.

Enfin, Miriam Campanella, dans une perspective institutionnaliste, s’interroge sur la faiblesse de l’euro en relation avec la gouvernance économique de la banque centrale européenne (bce). Elle considère que la bce est capable de répondre à la demande de gouvernance économique, notamment en situation de récession. En tout cas, la Banque centrale européenne dispose d’arguments et de moyens aussi efficaces que ceux de son homologue américaine. Cependant, la question keynésienne de la trappe de liquidité reste toujours ouverte. Une propension à une politique monétaire laxiste en l’absence d’ajustements structurels peut remettre en cause la stabilité économique et la croissance à court et à long terme de l’économie. Il faut enfin rappeler que la politique monétaire est nécessairement en prise avec les mouvements sociaux et politiques. Elle ne peut donc pas être complètement préétablie, indépendamment des réactions des citoyens.

Une meilleure gouvernance européenne apparaît aujourd’hui nécessaire. La question est de savoir si les instruments de gouvernance de l’Europe sont performants et suffisamment flexibles pour concourir efficacement dans une économie ouverte et dynamique. L’Union européenne fonctionne par évolution graduelle. Le livre fait un point sectoriel sur nombre de questions économiques concernant l’Europe, comme les télécommunications, les transports aériens, la compétition des devises, les taxes et impôts, l’élargissement de l’Europe et les relations transatlantiques. Il fait le point sur la capacité de gouvernance de l’Union européenne dans le processus de globalisation. Il apporte quelques réponses partielles, rarement contestables. Cependant, l’économie reste, au moins dans une conception structuraliste de l’économie, largement dépendante des conditions politiques et de la confiance des acteurs. Au moment où l’Europe s’interroge sur sa nouvelle constitution, et donc sur l’avenir collectif de ses composantes, les auteurs ne donnent sans doute pas un poids suffisant aux questions politiques, alors même qu’elles vont devenir essentielles dans le processus de globalisation et d’européanisation dans lequel s’engage les États européens.