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Voici un énième volume sur la mondialisation. Cette fois, on utilise la notion de Nouvel ordre mondial (nom), une expression employée pour la première fois par le président Bush après l’effondrement de l’Union soviétique et l’émergence des États-Unis comme seule superpuissance. Rappelons qu’au début des années 1970, les sociétés multinationales – dont les activités n’ont cessé de se multiplier et de s’intensifier depuis le début du 20e siècle – ont soudainement fait surface, ce qui a provoqué de vives discussions sur les règles du marché et mené à l’adoption, en 1974, du Programme d’action sur l’établissement d’un nouvel ordre économique international à la sixième session extraordinaire de l’onu. Les objectifs du nom proclamé par George Bush vont totalement à l’encontre de ceux du noei demandé alors par les pays du Tiers-monde.

Ce volume trace un portrait de l’état actuel de certains secteurs d’activité sous le régime du nom. À le lire, on pense à une pièce de théâtre en 12 actes, chacune présentant une facette particulière de la réalité en rapport avec ce phénomène. C’est sans doute son originalité et ce qui fait son intérêt. Le premier acte sert d’introduction à la pièce : le nom n’est pas qu’économique, il a des répercussions dans tous les domaines de la vie. C’est ce qui sera démontré.

La logique de profit du nom ne peut atteindre, à moyen terme, que la destruction de la vie. Le modèle de Marx est complété : l’argent, de moyen qu’il était au service des besoins humains, 1) est devenu une fin en vue de gains plus importants ; 2) a conduit à la production de biens de mort (armes de guerre, cigarettes, etc.) encore plus rentables ; et 3) à l’économie spéculative qui s’avère beaucoup plus profitable. Un dilemme moral confronte donc les citoyens de ce nom dont les lois entrent en contradiction avec la vie et ses besoins d’entretien et de croissance.

Le nom est issu de visées manipulatrices et de procédures bureaucratiques. Lorsqu’il a été imposé d’en haut, les intellectuels n’étaient pas prêts à y faire face et leur rôle est demeuré moins important que celui de la classe politique. À cet égard, les États-Unis ont largement contribué à sa diffusion. Déguisés en gardiens et promoteurs des droits humains, et pour des motifs prétendument moraux, ils ont attaqué des pays et utilisé les moyens de communication pour atteindre leurs buts. Malgré tout, des peuples pauvres et opprimés survivent, parce qu’ils ont sauvegardé leur spiritualité et maintenu vivant le rêve d’une société meilleure.

Les chapitres 4 et 5 se rapportent à la guerre dans les Balkans que les deux auteurs jugent illégale car elle violait les lois internationales. Sur le plan diplomatique, cette intervention s’avère un échec : elle n’a fait qu’exacerber le problème et intensifier le nettoyage ethnique. Il faudrait des critères pour déterminer la validité d’une intervention humanitaire, car cette guerre a été entreprise en fait pour des raisons politiques et sans justification humanitaire. Sur le plan légal, on met en doute l’impartialité du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie qui a été présenté comme preuve que le nom représente un âge d’or pour les droits humains.

Le soi-disant succès économique chilien est souvent présenté comme une expérience réussie du néolibéralisme : développement d’une agriculture d’exportation ; amenuisement du secteur public ; législations anti-syndicales ; privatisation de l’éducation, etc. Ce projet, mis en place par la dictature et ses alliés, a été institutionnalisé et peaufiné pendant près de deux décennies de sorte que, depuis 1990, on observe une consolidation de ce modèle capitaliste autoritaire.

Au Canada, l’éducation est reconnue comme un droit accessible à tous, mais la privatisation du système se fait insidieusement par la réduction des dépenses de l’État, l’augmentation des frais de scolarité, la subvention de la recherche universitaire par les grandes entreprises, etc. Pour contrer le rythme ascendant des intérêts privés, il faudrait promouvoir le bien commun et les valeurs altruistes, et expliquer l’importance du financement public pour que l’éducation demeure une expérience libératrice plutôt qu’une entreprise qui génère des profits intéressants.

En Inde, les effets néfastes du nom – libéralisation, privatisation et mondialisation – apparaissent surtout dans la féminisation de l’agriculture et de la pauvreté. En ville, les ouvrières sont soumises aux aléas du marché et des préjugés sociaux. En zone rurale, où se trouve 80 % de la population, l’ouverture des frontières aux monocultures a contribué à détruire l’agriculture de subsistance, obligeant les hommes à aller travailler en ville et laissant aux femmes le soin de s’occuper de la terre, une tâche si impossible qu’elles sont souvent forcées de se vendre.

Au Kenya, le nom a fait face à la résistance populaire. Au-delà des conflits ethniques, les paysannes se sont engagées avec courage et créativité pour revenir à l’agriculture de subsistance. Trois moments de cette lutte à la fois locale et internationale pour le contrôle du travail agricole et domestique des femmes sont présentés : 1) la substitution du café par des bananes ou d’autres cultures pour la consommation ou le commerce ; 2) une grève de la faim pour libérer des prisonniers politiques ; 3) la réappropriation de vastes étendues de terre.

Cuba a toujours eu à lutter contre l’impérialisme des États-Unis qui a culminé sous Batista. L’attaque lancée par Fidel Castro l’a été pour reconquérir une indépendance enfin libre du géant américain. Depuis, Cuba a montré que c’était une condition nécessaire au développement de son peuple, à preuve : le plus haut taux de médecins, d’enseignants de l’art et de techniciens de sports par habitant au monde, une mortalité infantile plus basse qu’aux États-Unis, une éducation de haute qualité, de nombreux laboratoires de recherche, une espérance de vie de 75 ans, etc.

Le nom réunit divertissement et consommation. En Amérique latine, la musique est une force vitale pour défendre les valeurs qui contribuent au bien-être de la société et de l’ordre mondial. Dans les années 1960 et 1970, beaucoup de nouvelles chansons ont stimulé l’esprit des forces démocratiques. À partir de 1980 et l’instauration de pouvoirs démocratiques néolibéraux, l’accent a été mis sur l’économie. Toutefois, depuis les années 1990, l’environnement, les femmes et la pauvreté font partie du répertoire contemporain des musiciens latino-américains.

Dans le nom, le savoir devient un bien de consommation. Idéalement, gouvernements et secteur privé devraient s’engager de façon égale. Aux gouvernements reviennent l’intérêt public, l’équité pour tous, la promotion des éléments de l’éducation négligés par le marché, les secteurs de la recherche fondamentale cruciaux pour la société. Des solutions de rechange humanistes au modèle dominant des affaires existent pour assurer une éducation supérieure libérale généralisée à la population étudiante et adaptée à la culture de chaque pays.

Ce volume ressemble à un numéro de revue scientifique. Les sujets abordés par les divers auteurs peuvent intéresser l’un ou l’autre lecteur, tous ne répondant pas nécessairement à leurs attentes. Plusieurs articles sont intéressants, d’autres moins. Tous offrent un point de vue humaniste.