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Le syndrome métabolique associe des anomalies morphologiques, physiologiques et biochimiques qui évoluent en fonction du temps, prédisposant le sujet atteint à l’athérosclérose et à ses complications. Décrit dans la première partie du xxe siècle, sa définition et sa sémantique ont évolué en fonction des connaissances, avec d’une part une caractérisation précise du « syndrome X » par Reaven, en 1988 [1], qui pointe l’insulinorésistance comme l’anomalie physiopathologique la plus souvent associée et, d’autre part, l’apparition récente de plusieurs définitions du syndrome métabolique, en raison de l’augmentation de la prévalence de l’obésité. Les modifications importantes, progressives, des facteurs environnementaux, psychologiques et sociaux ont en effet probablement orienté la programmation génétique des générations contemporaines, pratiquement sans distinction de localisation géographique, vers un phénotype dit gaspilleur. De plus, au-delà du caractère héréditaire assez bien établi des facteurs de risques métaboliques, des origines foetales à l’athérosclérose sont également proposées [2] : il en résulte un intérêt majeur pour la détermination de critères diagnostiques aisés à mettre en oeuvre, reconnus, pour tenter de traiter les facteurs de risque du syndrome métabolique dès l’enfance, et jusque chez l’individu âgé.

Critères diagnostiques

Le syndrome métabolique se caractérise par une constellation d’anomalies physiologiques et biochimiques, asymptomatiques, qui peuvent coexister avec des facteurs génétiques et acquis. La résistance à l’insuline, longtemps considérée comme le dénominateur commun, laisse progressivement l’obésité viscérale ou centrale occuper une place prépondérante. Parmi les nombreuses définitions proposées, deux, très différentes, font référence : celle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) [3] (revue en 1999) et celle du National Cholesterol Education Program Adult Treatment Panel III (NCEP ATP III) [4] (Tableau I). L’augmentation de la prévalence du syndrome métabolique chez les adolescents a conduit l’ATP III à adapter sa définition : les critères sont, chez les adolescents, dépendants de l’âge et du sexe pour la pression artérielle, l’obésité abdominale et les dyslipidémies.

Tableau I

Critères et seuils de diagnostic du syndrome métabolique (selon l’OMS et le NCEP ATP III).

Critères et seuils de diagnostic du syndrome métabolique (selon l’OMS et le NCEP ATP III).

La régulation du glucose est un élément clé selon l’OMS ; son évaluation reste difficile en dehors d’un contexte de recherche et l’utilisation d’un marqueur intermédiaire (insulinémie à jeun, index HOMA - homeostasis model assessment estimated insulin resistance) n’est pas définie. Selon l’ATP III, une glycémie à jeun suffit à établir le facteur de risque, et les diabétiques sont exclus de cette définition car considérés comme patients à haut risque cardiovasculaire devant être traités. Les seuils de pression artérielle sont proches selon les deux définitions, avec une plus grande exigence pour l’ATP III. Les dyslipidémies comptent pour 1 (OMS) ou 2 (ATP-III) facteurs de risque ; les seuils sont identiques pour les triglycérides (TG), tandis que les critères retenus pour le HDL-cholestérol (HDL-C) sont plus exigeants dans la définition ATP III. Le diagnostic de l’obésité est fondé sur le tour de taille pour l’ATP III, l’indice de masse corporelle (IMC) ou le rapport tour de taille/tour de hanche pour l’OMS. La corrélation entre tour de taille et IMC est satisfaisante, mais le tour de taille varie selon l’ethnie : ainsi, le Groupe Européen d’études de la Résistance à l’Insuline (EGIR) propose des normes différentes et spécifiques pour les Européens : ≥ 94 cm chez l’homme et ≥ 80 cm chez la femme [5]. La micro-albuminurie, critère présent uniquement dans la définition de l’OMS, est en pratique d’une fréquence faible chez les sujets non diabétiques.

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Chez l’adulte, la présence d’un syndrome métabolique augmente fortement le risque d’accidents cardiovasculaires et de survenue d’un diabète de type 2 par rapport à des sujets présentant un nombre de facteurs de risque inférieur ou égal à 2 (Figure 1). Chez l’adolescent, et plus particulièrement chez l’enfant, la quantification de ce risque est difficile en raison de l’absence d’études épidémiologiques sur la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs ; cependant, une relation est établie entre une obésité dans l’enfance et le niveau du risque cardiovasculaire à l’âge adulte [6], et de récentes études ont identifié les dysfonctionnements endothéliaux comme les prémices de complications à l’âge adulte [7].

Figure 1

Risques liés à la présence du syndrome métabolique défini selon le NCEP ATP III (suivi à 8 ans).

Risques liés à la présence du syndrome métabolique défini selon le NCEP ATP III (suivi à 8 ans).

Comparaison entre les sujets avec 3 facteurs de risque ou plus et ceux avec 0 à 2 facteurs de risque. Le risque relatif d’événements cardiovasculaires et de diabète est ajusté avec l’âge (à gauche). La part attribuable du risque (% de la population) pour chaque type d’événement est indiquée (à droite).

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L’absence de consensus dans la définition du syndrome métabolique est un handicap pour le dépistage ; la définition de l’ATP III permet un diagnostic plus pratique, mais moins précis, que celle de l’OMS, tandis que la prévalence du syndrome métabolique semble moins importante selon les critères de l’OMS. Une nouvelle définition a récemment été proposée par l’IDF (International Diabetes Federation), correspondant à une adaptation de l’ATP III [8] : focalisée sur l’obésité centrale, elle inclut des points de coupure spécifiques de l’ethnie pour certains facteurs de risque.

Le dépistage du syndrome métabolique est crucial, ce dernier prédisposant au diabète de type 2 et aux pathologies cardiovasculaires. Une analyse post hoc de WOSCOPS souligne d’ailleurs que le risque global lié au syndrome métabolique est dépendant du nombre d’éléments servant à définir ce syndrome [9] : ainsi, une concentration plasmatique de protéine C-réactive (CRP) supérieure à 3 mg/l fait progresser de 2,3 à 4 le risque d’accidents cardiovasculaires des femmes atteintes de syndrome métabolique. L’avenir de la définition du syndrome métabolique réside donc sûrement dans l’intégration de facteurs complémentaires pertinents (marqueurs pro-inflammatoires - CRP, interleukine 6 - ou prothrombotiques - fibrinogène…) et prédictifs du risque cardiovasculaire.

Épidémiologie

La prévalence du syndrome métabolique dépend de sa définition, de l’année de l’étude, de l’âge et du sexe de la population, ce qui complique les analyses entre pays et entre continents [10, 11]. En constante augmentation, elle pose un problème majeur de santé publique et représente un fardeau socio-économique pour les systèmes de santé. La prévalence du syndrome métabolique augmente également dans les pays concernés par des problèmes de malnutrition et d’accès à une information médicale de qualité. Fortement dépendante de l’âge de la population étudiée, elle risque également de progresser avec l’allongement de l’espérance de vie. Aux États-Unis, le syndrome métabolique concerne globalement 30 % de la population, avec une incidence de 7 % pour les 20-29 ans, qui culmine à 44 % pour les 60-69 ans. En France, quelques données sont disponibles, notamment au travers des études Desir (Data Epidemiological Study on the Insulin Resistance syndrome) [12] et Monica [13]. La prévalence est estimée à 16 % (homme) et 11 % (femme) selon l’étude Desir, et à 22,5 % (homme) et 18,5 % (femmes) selon l’étude Monica. Cette dernière met également en exergue une grande disparité nord/sud : environ 26 % pour les Lillois, contre 15 % pour les Toulousains.

Le diabète de type 2 et l’obésité sont les deux acteurs principaux du développement récent du syndrome métabolique. On estime à 194 millions le nombre d’individus diabétiques dans le monde, avec une projection de 334 millions à l’horizon 2025. L’accroissement soutenu des formes les plus sévères et le rajeunissement de la population diabétique sont les deux caractéristiques marquantes de cette évolution. Le diabète, dont les seuls coûts financiers sont estimés par l’OMS entre 2,5 % et 15 % des budgets de santé, réduit également l’espérance de vie et induit une profonde mutation de la qualité de vie.

L’obésité, première maladie non infectieuse de l’histoire, est quant à elle une priorité de l’OMS en termes de prévention et de prise en charge. Au niveau mondial, 300 millions d’individus sont obèses, avec une incidence dans les pays industrialisés d’environ 15 % à 30 % de la population. Comme pour le diabète de type 2, la prévalence infantile, alarmante, atteint 15 % à 16 % des sujets américains ou européens âgés de 6 à 17 ans. De plus, la gravité chez l’enfant est sous-estimée, car un nombre important de jeunes, s’ils ne sont pas obèses, sont en surcharge pondérale et présentent donc un risque accru de développer une obésité à l’âge adulte. Il semble donc crucial de diagnostiquer précocement l’obésité infantile, en routine (courbes d’indice de masse corporelle ajustées avec l’âge), afin de mettre en place des prises en charge adaptées.

Étiologie et hypothèses physiopathologiques

Malgré la complexité du vivant, des critères diagnostiques pertinents et accessibles pourraient être la garantie d’un dépistage efficace et précoce de populations à risque ; dans ce cadre, les propositions de l’IDF [8] constituent une première avancée qu’il faudrait poursuivre par la reconnaissance du syndrome métabolique comme indication thérapeutique, au-delà de l’intervention hygiénodiététique réalisée en première intention. Par ailleurs, les firmes pharmaceutiques n’ont pas encore identifié de molécules novatrices capables de défier les mécanismes physiopathologiques du syndrome métabolique.

Si l’insulinorésistance semble au coeur des anomalies parce qu’elle prédispose au diabète de type 2, aux dyslipidémies qui lui sont associées et à un état pro-inflammatoire, elle n’est toutefois pas directement corrélée à l’hypertension. En revanche, l’obésité représente le facteur important dans l’étiologie du syndrome métabolique, contribuant à l’hyperglycémie, l’hypertension et l’hypercholestérolémie [14]. Les troubles du métabolisme des lipides sont, quant à eux, à l’origine de l’accumulation de graisse viscérale associée à un excès d’acides gras libres provenant d’une lipolyse élevée dans le tissu adipeux ; la recapture et le stockage d’acides gras libres au niveau hépatique entretient l’évolution du syndrome métabolique en favorisant la résistance périphérique à l’insuline, la production de VLDL et la néoglucogenèse. Ces perturbations du métabolisme des acides gras provoquent également un dysfonctionnement endothélial à l’origine du processus d’athérogenèse [15]. Au-delà de ses rôles de stockage de lipides neutres et de source d’acides gras, le tissu adipeux est un organe endocrine et paracrine qui secrète de nombreuses protéines, les adipokines (TNFα, IL6, adiponectine, leptine…), qui jouent un rôle majeur dans l’homéostasie énergétique et l’inflammation vasculaire, et constituent probablement le lien moléculaire entre obésité et syndrome métabolique : un tel lien pourrait être à l’origine de nouvelles cibles thérapeutiques.

Approches thérapeutiques

La plupart des patients présentant un syndrome métabolique nécessitent une thérapie médicamenteuse associée à des mesures alimentaires ; quelques stratégies multifactorielles pourraient étoffer l’arsenal thérapeutique existant, essentiellement constitué de composés ciblant un facteur de risque spécifique.

Obésité

Les mesures hygiénodiététiques constituent la priorité n° 1 dans la prise en charge des patients [16] : compte tenu de la prévalence de l’obésité, des efforts importants doivent être conduits en intégrant les principaux acteurs (milieu scolaire, personnel soignant et éducatif, médias…), l’objectif étant une perte de 5 % à 7 % du poids corporel ; l’exercice physique modéré et régulier doit être encouragé, les sports d’endurance privilégiés. L’ATP III recommande un changement multifacettes des habitudes de vie : réduction de l’apport de graisses saturées (< 7 % de l’apport calorique total) et de cholestérol (< 200 mg par jour), augmentation de la consommation de stérols/stanols végétaux (2 g/jour) et de fibres solubles (10-25 g/jour).

L’obésité (IMC > 30 kg/m2), multifactorielle, est due à des dysfonctionnements de médiateurs biologiques de la régulation du poids et à des influences génétiques, socioculturelles et environnementales. Face à l’évolution épidémique de cette pathologie, l’arsenal thérapeutique est pauvre, et le succès des deux molécules disponibles, la sibutramine (inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, anorexigène) et l’orlistat (inhibiteur de lipases intestinales et de l’absorption de graisses), est plutôt limité, en raison d’effets secondaires (augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle pour la sibutramine, troubles gastro-intestinaux avec carence vitaminique et stéatorrhées pour l’orlistat) limitant leur prescription en présence d’autres facteurs de risque du syndrome métabolique (Figure 2).

Figure 2

Composantes du syndrome métabolique, traitements médicamenteux et mécanismes d’action.

Composantes du syndrome métabolique, traitements médicamenteux et mécanismes d’action.

Les facteurs de risque du syndrome métabolique sont regroupés en 2 sous-ensembles, métaboliques et vasculaires. Les classes de médicaments ou de composés mentionnés dans le traitement des facteurs de risque du syndrome métabolique sont citées à titre indicatif.

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Diabète de type 2

L’évolution des connaissances sur le diabète de type 2 a orienté l’approche thérapeutique du contrôle de la glycémie et de l’insulinémie vers une stratégie de correction du risque global, associant dyslipidémies, hypertension et hypercoagulabilité. En raison de la place de l’insulinorésistance dans la pathogénie du diabète de type 2, des interventions visant à restaurer la sensibilité périphérique à l’insuline sont très attractives. Parmi les antidiabétiques, l’acarbose abaisse l’hyperglycémie postprandiale et a démontré son efficacité à réduire la survenue d’infarctus du myocarde, de même que l’incidence de l’hypertension [17]. Les sulfonylurées stimulent la sécrétion d’insuline pancréatique, mais exposent les patients à un risque d’hypoglycémie. De son côté, la metformine réduit la production hépatique de glucose et cible l’insulinorésistance sans effet de prise de poids ; malgré certains effets secondaires (acidose lactique, notamment) [18], la metformine utilisée en monothérapie ou en combinaison est un blockbuster souvent proposé en première intention. Enfin, les glitazones modifient la physiologie des tissus adipeux, et donc le métabolisme des acides gras et des hydrates de carbone au niveau du muscle squelettique et du foie ; elles préservent la fonctionnalité des cellules β de Langerhans et exercent des effets vasculoprotecteurs [19-21]. Au-delà de l’amélioration de la résistance périphérique à l’insuline et de leur capacité à moduler les biomarqueurs du diabète de type 2, les effets bénéfiques des glitazones sur le dysfonctionnement de l’endothélium vasculaire contribuent à diminuer l’athérogenèse et, potentiellement, les manifestations cliniques qui lui sont associées (résultats de l’étude Proactive avec la pioglitazone, à venir fin 2005). En revanche, les glitazones stimulent la prise de poids (il faut toutefois examiner précisément l’adipogenèse, et comparer ses localisations abdominale ou sous-cutanée, ainsi que le développement d’oedème), et un traitement avec la rosiglitazone peut s’accompagner d’une détérioration du profil lipidique [22].

Dyslipidémies

Le bénéfice des traitements hypolipémiants en termes de prévention d’événements cardiovasculaires est clairement établi depuis l’étude 4S [23] et, plus généralement, par les études utilisant les statines et suivant le LDL-cholestérol (LDL-C) comme facteur de risque indépendant. Néanmoins, il faut considérer d’autres types de dyslipidémies, les hypertriglycéridémies associées à un taux faible de HDL-cholestérol (HDL-C) et présentant une accumulation de particules LDL petites et denses, très athérogènes. L’apoprotéine B (ApoB) et le non-LDL-C sont notamment des marqueurs de choix du risque vasculaire chez le diabétique ; la production hépatique des VLDL à partir des acides gras libres en constitue le mécanisme physiopathologique principal, et souligne l’intérêt putatif d’autres molécules que les statines, tels les fibrates : au-delà de leurs propriétés hypolipémiantes, les fibrates ont en effet des actions pléiotropes, anti-athérogènes directes au niveau de la paroi artérielle [24]. L’étude VA-HIT, utilisant le gemfibrozil, démontre l’efficacité de l’augmentation du HDL-C et de la baisse des triglycérides (sans modification des concentrations de LDL-C) sur la prévention secondaire de la pathologie coronarienne [25] ; des analyses complémentaires ont précisé ces effets bénéfiques au sein de sous-populations de sujets diabétiques ou insulinorésistants, ainsi que pour d’autres événements cardiovasculaires. L’étude Field, utilisant le fénofibrate en prévention secondaire chez des patients diabétiques, a pour objectif premier d’étudier la morbi-mortalité (notamment les événements cardiovasculaires) (résultats attendus fin 2005) et de souligner les relations entre physiopathologie des lipides, hydrates de carbone et athérosclérose, d’une part, et l’intérêt d’une approche multimodale de ces troubles métaboliques, d’autre part.

Par ailleurs, depuis que la simvastatine s’est révélée avoir une efficacité indépendante d'un impact sur le LDL-C, au sein d’une sous-population de sujets diabétiques [26], l’impact favorable des effets pléiotropes des statines est établi en clinique, au-delà de leur effet hypocholestérolémiant, et cette classe thérapeutique représente un traitement majeur du risque cardiovasculaire global. Niacine, ezetimibe et séquestrants biliaires complètent l’arsenal hypolipémiant.

Hypertension artérielle

L’hypertension artérielle est une pathologie individuelle et une condition de comorbidité du syndrome métabolique, puisqu’elle est le plus fréquemment associée au diabète de type 2 ou à l’obésité, et réciproquement. Les mesures hygiénodiététiques peuvent diminuer la pression artérielle systolique jusqu’à 15 mm Hg. Les différentes classes d’antihypertenseurs n’ont pas la même incidence sur les autres anomalies du syndrome métabolique. Six familles, plus des associations, sont disponibles [27] (Figure 2), et les études cliniques Hope et Life [28, 29] soulignent l’intérêt de la modulation du système rénine-angiotensine dans le traitement du diabète ; elles sont en accord avec des résultats suggérant que l’activation des récepteurs de l’angiotensine 2 (AT II) augmente la masse adipeuse et l’intolérance au glucose [30]. Par ailleurs, des propriétés antidiabétiques potentielles ont été récemment identifiées pour le telmisartan, un antagoniste des récepteurs AT II de type 1 [31] ; elles seraient dues à ses propriétés d’agoniste partiel des récepteurs PPARγ, mimant les effets bénéfiques des glitazones sans entraîner leurs effets secondaires. Le telmisartan pourrait ainsi représenter un antihypertenseur aux propriétés cardiométaboliques prometteuses, et le prototype d’un traitement multimodal du syndrome métabolique.

Les facteurs de risque prothrombotiques et pro-inflammatoires sont plus difficiles à caractériser. De faibles doses d’aspirine et des agents antiplaquettaires peuvent être recommandés en prophylaxie en cas de risque accru de thrombose artérielle, bien qu’aucune preuve de leur efficacité chez les sujets diabétiques asymptomatiques n’ait été établie. Un état pro-inflammatoire spécifiquement relié à la pathologie vasculaire et à ses facteurs de risque ne peut être diagnostiqué ; aucun médicament n’est disponible pour traiter ce facteur de risque, mais les statines, les fibrates et les glitazones peuvent être recommandées si des facteurs métaboliques associés doivent être corrigés.

En conclusion, aucun traitement antidiabétique, antihypertenseur ou hypolipémiant n’a aujourd’hui d’efficacité spécifique chez les patients atteints d’un syndrome métabolique, c’est-à-dire d’efficacité différente de celle observée chez les patients sans syndrome métabolique. Celui-ci ne constitue donc pas une cible thérapeutique, puisqu’aucun mécanisme pathogénique universel et mesurable n’est établi (même si la réduction du risque vasculaire global chez ces patients doit être considérée). De plus, aucune étude clinique rapportant l’évaluation de la modulation des multiples facteurs de risque du syndrome métabolique n’est encore disponible pour justifier l’approbation du concept et d’un médicament. Toutefois, l’intérêt d’une approche multifactorielle d’une molécule avec un mécanisme d’action multimodal est perceptible ; des résultats positifs des études Field et Proactive et l’approbation d’une molécule first in class (muraglitazar, modulateur PPARαγ, rimonabant, antagoniste CB1, par exemple) en seraient les preuves.

Nouvelles approches : quelques exemples

PPAR

Les fibrates et les glitazones sont des agonistes des récepteurs activés par les proliférateurs de peroxisomes (PPAR), respectivement des sous-types α et γ. Les trois isoformes α, γ et δ des PPAR sont des facteurs de transcription sensibles aux lipides et aux acides gras libres ; leur modulation régule de nombreux gènes directement impliqués dans le métabolisme des acides gras, des lipoprotéines et des hydrates de carbone, ainsi que l’activité d’autres facteurs nucléaires impliqués dans des processus inflammatoires et prothrombotiques. Au-delà des deux classes disponibles dotées d’effets métaboliques et vasculoprotecteurs, de nouveaux ligands PPAR présentant un spectre d’activité élargi sont en développement : ils pourraient constituer le traitement prototype du syndrome métabolique [32] (Figure 3).

Figure 3

Agonistes PPAR α/γ/δ : une triade complète pour traiter les facteurs de risque du syndrome métabolique.

Agonistes PPAR α/γ/δ : une triade complète pour traiter les facteurs de risque du syndrome métabolique.

Un agoniste PPAR non sélectif d’un sous-type peut corriger les troubles lipidiques par ses propriétés PPARα activatrices, les troubles glucidiques par ses propriétés PPARγ activatrices, et exercer des effets vasculoprotecteurs par cet agonisme dual PPARα et γ. L’agonisme PPARδ pourrait contribuer à augmenter l’énergétique musculaire et diminuer la masse adipeuse, sous réserve de démonstration de son intérêt clinique.

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Conceptuellement, des agonistes duaux PPARα-γ exerceraient des effets simultanés sur les dyslipidémies, l’insulinorésistance et l’hyperglycémie, tandis que des pan-agonistes PPARαγδ renforceraient les propriétés hypolipémiantes de l’activation de PPARα et corrigeraient la surcharge pondérale grâce à l’activation de PPARδ [33]. Ces combinaisons d’affinité pourraient en outre compenser certains effets secondaires dus à l’activation d’un sous-type particulier, et éviter certaines interactions médicamenteuses. Parallèlement à ce concept, la recherche d’un modulateur sélectif PPAR est poursuivie par certaines firmes, pour s’affranchir des effets secondaires liés au mécanisme d’action des PPARγ [34]. Si certaines approches ont fait la preuve de leur efficacité clinique, aucune nouvelle molécule n’est commercialisée, et la démonstration de la sécurité ainsi que l’amélioration de la marge thérapeutique des PPAR sont les points clés de ces stratégies.

Endocannabinoïdes

Les deux médicaments disponibles à ce jour pour le traitement de l’obésité présentent des effets indésirables ; les anorexigènes ont été retirés du marché européen car ils étaient associés à de graves effets secondaires (hypertension pulmonaire, valvulopathies, dépression et risque de suicide). Les possibles raisons de cette pénurie de médicaments sont multiples : difficultés à perdre du poids, à maintenir et à stabiliser la baisse, probablement relatives à un manque de connaissance de la régulation du poids corporel, de la prise alimentaire et de la dépense énergétique.

Les effets de la marijuana sur la stimulation de l’appétit ainsi que la pharmacologie des cannabinoïdes ont suggéré la possibilité d’applications thérapeutiques bien avant la découverte des récepteurs spécifiques impliqués dans les effets du delta 9-THC (tétrahydrocannabinol) [35]. Deux récepteurs humains ont été clonés : CB1, exprimé au niveau central, et CB2, exprimé dans les cellules immunitaires et dans le système nerveux central ; le récepteur CB1 est impliqué dans la régulation de l’appétit, et l’administration de delta 9-THC entraîne une hyperphagie chez les rongeurs et les humains. Les propriétés anti-inflammatoires du delta 9-THC et la détection de récepteur CB2 dans des plaques d’athérosclérose chez l’homme suggèrent l’intérêt d’un agoniste du récepteur CB2 dans le traitement de l’athérosclérose [36].

La découverte du rimonabant [37], premier cannabinoïde agoniste inverse/antagoniste du récepteur CB1, a permis de mieux comprendre la pharmacologie du système endocannabinoïde et son rôle dans la physiopathologie de l’obésité et de l’addiction. Le rimonabant possède une activité anorexique en aigu, mais également à long terme, entraînant une diminution du poids corporel : les études de phase III RIO-North America et RIO-Europe, réalisées sur deux ans [38], montrent qu’il réduit le poids corporel et améliore les profils lipidique (augmentation du HDL-C et diminution des triglycérides) et glucidique (augmentation significative de la sensibilité à l’insuline, déterminée par l’index HOMA). Ainsi, durant la première année, le nombre de sujets présentant un syndrome métabolique a chuté de 50 % chez les patients traités avec le rimonabant à la dose de 20 mg/jour. De plus, des études statistiques suggèrent que la réduction des facteurs de risques du syndrome métabolique par le rimonabant n’est pas la seule conséquence d’une perte de poids, mais provient également de l’antagonisme du récepteur CB1 au niveau périphérique (tissu musculaire squelettique, tissu adipeux…). Enfin, les résultats préliminaires de l’étude Stratus-US [38] indiquent que le rimonabant double la proportion de patients cessant de fumer et réduit la prise de poids corporel consécutive à l’arrêt chez les sujets obèses ou en surcharge pondérale.

Inducteurs de HDL-C

Le HDL-C représente une cible thérapeutique potentielle en raison de certaines données épidémiologiques disponibles (une élévation de 1 mg/dl réduit le risque cardiovasculaire de 2 % à 3 %), du rôle des différentes particules HDL dans les processus d’efflux de cholestérol via les transporteurs ABCA1 (ATP Binding Cassette A1) et ABCG1, de l’élucidation des mécanismes du transport inverse de cholestérol et, enfin, des propriétés vasculoprotectrices des HDL [39]. Une preuve du concept clinique est apportée par l’étude réalisée avec le complexe ApoA-I Milano/phospholipides administré par voie intraveineuse chez des sujets présentant un syndrome coronarien aigu [40] : la réduction du volume des plaques d’athérome au bout de cinq semaines souligne l’intérêt de l’injection parentérale ou de l’absorption orale de particules synthétiques mimétiques apoA-I, qui pourraient agir comme accepteurs de cholestérol à court terme, et celui d’approches pharmacologiques à long terme augmentant les concentrations de HDL-C. Les fibrates augmentent le HDL-C (de 10 % à 20 %) en induisant notamment la synthèse d’apoA-I, et l’acide nicotinique peut élever jusqu’à 30 % les concentrations de HDL via une diminution de leur catabolisme et de la synthèse hépatique de VLDL [41].

Néanmoins, des stratégies nouvelles ayant une efficacité supérieure sont à l’étude, notamment celles testant des inhibiteurs de CETP (protéine de transfert des esters de cholestérol), qui élèvent de façon impressionnante (de 30 % à 100 %) le HDL-C en bloquant l’élimination des esters de cholestérol des HDL vers les lipoprotéines riches en apoB. Torcetrapib et JTT-705 sont deux molécules en phases de développement clinique II-III, et la question clé réside en la démonstration de leur effet sur des marqueurs intermédiaires de l’athérosclérose et sur la morbi-mortalité cardiovasculaire [42]. Au-delà de ces perspectives cliniques, la recherche préclinique d’inducteurs de HDL est intense, en raison de la complémentarité de leurs mécanismes d’action avec les autres hypolipémiants.

Conclusions

Infléchir la prévalence du syndrome métabolique revient à réduire le poids corporel, l’insulinorésistance et le métabolisme oxydatif. Au-delà des mesures hygiénodiététiques à proposer en première intention, mais difficiles à faire accepter, il est peu probable que le contrôle des facteurs de risque individuels associés au syndrome métabolique procure de meilleurs résultats et soit éventuellement moins coûteux qu’une stratégie intégrée. Cependant, il existe un véritable défi à développer une thérapie prototype polypill, en raison de plusieurs facteurs : l’absence d’une définition claire du syndrome métabolique, liée à l’hétérogénéité des patients, la présence d’anomalies modérées, dont la conjonction augmente le risque cardiovasculaire, le seuil inconnu, pour une ou plusieurs anomalies, à partir duquel on engage un traitement médicamenteux et le degré d’efficacité à atteindre, et enfin les critères d’efficacité d’une molécule selon qu’elle traite un ou plusieurs facteurs de risque.

La démonstration d’un effet clinique devrait dépendre du recrutement des patients : les sujets porteurs d’anomalies individuelles modérées, mais présentant quatre ou cinq facteurs de risque associés, pourraient notamment être représentatifs en raison de la prévalence élevée du syndrome métabolique. Pour un composé à large spectre d’action, on peut postuler que le niveau d’efficacité requis pour la correction des anomalies simultanées du syndrome métabolique est inférieur à celui nécessaire, individuellement, au traitement des pathologies coronariennes ou du diabète de type 2. Néanmoins, ces prérequis ne sont pas établis ; un tel composé devra être approuvé selon la réglementation actuelle pour le traitement de facteurs de risque individuels, et associé à une prise de conscience et une amélioration de l’hygiène de vie. Des molécules pourraient illustrer prochainement ce concept, et représenter de nouvelles classes thérapeutiques capables de satisfaire le besoin médical lié à ce véritable problème de santé publique.