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Voix et Images consacrait en 1984 aux auteurs de langue anglaise un petit dossier intitulé « Littérature canadienne-anglaise ». Enveloppé d’une terne couverture grise, le numéro avançait bien timidement en des terres peu fréquentées, et ce, deux années avant que Clément Moisan ne publie l’un des rares essais comparés sur les littératures du Québec et du Canada anglais : Comparaison et raison. Essais sur l’histoire et l’institution des littératures canadienne et québécoise. En introduction au numéro, Richard Giguère avait choisi d’interviewer l’un des pionniers des études comparées, Douglas Gordon Jones, fondateur de la revue de traduction Ellipse. En évoquant l’idée d’une « littérature québécoise de langue anglaise », Jones défendait la nécessité de la situer à la fois dans son contexte des littératures canadiennes-anglaises et dans celui de son appartenance au Québec ; aussi, les concepts de « poète-traducteur », de « frontière » et de « traduction littéraire » lui semblaient les plus appropriés pour tenter de comprendre les liens et les divergences entre la littérature québécoise et les littératures canadiennes-anglaises.

Aujourd’hui, en nommant le dossier qu’elle dirige « La littérature anglo-québécoise », Catherine Leclerc inscrit résolument ce corpus dans le cadre de la vie littéraire au Québec. Le numéro témoigne ainsi, par ses avancées, des changements qui ont eu cours depuis un quart de siècle, soit depuis « l’invention d’une minorité » anglo-québécoise, comme l’écrivait avec justesse Josée Legault en 1992. S’inspirant des problématiques de la traduction (chez A. M. Klein pour Sherry Simon ; chez Gail Scott pour Gillian Lane-Mercier) et du lieu (chez Mordecai Richler, Gail Scott et David Homel pour Martine-Emmanuelle Lapointe ; chez Robyn Sarah, Mary di Michele et Erin Mouré pour Lianne Moyes), les articles de ce dossier font état des « zones de contact » (comme celle de la Shoah, tel que l’écrit Christine Poirier, ou celle de la représentation de l’autre, comme le propose Yan Hamel) qui existent entre ce « corpus étranger et familier » à la fois, et l’idée qu’on s’est construit de la littérature québécoise. En étude libre, Jean-François Chassay étudie la présence de la musique — et des Beatles — dans le roman L’hiver de force de Réjean Ducharme.

Toujours dans le cadre du trentième anniversaire de la revue, nous offrons à nos lecteurs, en couverture, un magnifique diptyque composé d’une photographie prise par le célèbre photographe montréalais William Notman, montrant une vue de la rue Sainte-Catherine, vers l’est, au coin de la rue Stanley, en 1915, et d’une relecture de ce cliché par le photographe Andrzej Maciejewski en 2000. Avant le dossier, on trouvera deux témoignages de correspondants étrangers, cette fois du Brésil et des Pays-Bas. Zilá Bernd écrit dans son texte : « Ceux qui ont la chance d’avoir la collection complète de Voix et Images disposent d’un patrimoine culturel de premier ordre. » Cette idée, que nous partageons avec nos correspondants et auteurs, a inspiré le comité de rédaction, qui annoncera à l’automne comment il compte rendre accessible ce patrimoine.

Bonne lecture !