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Marc Molgat : On a parfois l’impression aujourd’hui que les jeunes ne répondent pas aux attentes de la société. Comment expliquez-vous cette situation?

Madeleine Gauthier : Pour répondre à cette question, j’aimerais donner une vision plus générale de ce que je pense des attentes de la société. Je pense que les jeunes d’aujourd’hui sont dans une position un peu difficile par rapport aux attentes de la société en ce sens qu’ils entrent dans un contexte où la présence des institutions mises en place par les cohortes précédentes est très forte. Les jeunes n’ont pas participé à leur création et n’ont pas la mémoire de ce qui a conduit le Québec, par exemple, à se donner un État fort à travers des institutions d’éducation, de santé et de services sociaux. Et je parle du Québec parce que c’est la société que je connais le mieux et que les principales institutions sociales sont provinciales. Je pourrais sans doute dire la même chose par rapport à certaines institutions canadiennes. Les exigences que posent ces institutions n’ont pas la même importance et ne représentent certainement pas la même chose pour les jeunes que pour leurs aînés.

Je pense à ma propre génération, celle qui est née dans les années 1940. Nous savons pourquoi nous avons le système de santé actuel et pourquoi nous pensons davantage à l’améliorer qu’à le reléguer au système privé ou à le démolir d’une certaine façon. Les générations plus jeunes n’ont pas été témoins de ce qui existait avant, comment ce pouvait être difficile de se faire soigner et comment cela dépassait les capacités financières d’une bonne partie de la population. Il y avait des inégalités énormes par rapport à la santé. Il n’est pas surprenant devant les critiques qui visent en ce moment le système de santé que des jeunes puissent penser qu’un autre système pourrait améliorer la situation.

C’est la même chose pour l’éducation. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas connu la réforme de l’éducation des années 1960 qui avait comme objectif l’accès de tous les Québécois au moins à l’éducation secondaire. Pour une majorité de Québécois de l’époque, accéder au système d’éducation équivalait à assurer sa promotion sociale ou se trouver un emploi presque de façon garantie. Pour les jeunes d’aujourd’hui, l’éducation peut être encore un moyen de promotion sociale, mais pour un certain nombre seulement. Pour plusieurs autres, ça ne l’est plus et la question de la promotion individuelle est davantage liée à d’autres dimensions, dont celle de l’accès à l’emploi. Or, on sait que même les plus scolarisés ont aujourd’hui certaines difficultés d’accès à l’emploi. Alors si l’institution d’éducation ne permet pas de viser d’autres objectifs que ceux-là, l’exigence de la scolarisation peut paraître lourde. C’est en ce sens que la position de la jeunesse m’apparaît difficile, celle-ci n’ayant pas participé à l’élaboration des objectifs et des idéaux auxquels on lui demande de correspondre.

Marc Molgat : Diriez-vous que les objectifs actuels vont plus loin que ces objectifs initiaux? C’est-à-dire qu’on pourrait penser que, globalement, les objectifs de démocratisation de l’enseignement ou de réduction des inégalités face à la santé ont été atteints et qu’aujourd’hui, on en demande encore plus. Et c’est ce « plus » que perçoivent aujourd’hui les jeunes. Je pense notamment aux objectifs de réussite scolaire et de prévention en matière de santé.

Madeleine Gauthier : Je pense que oui. Je pense que c’est d’abord ces exigences qu’ils perçoivent. Ils ont accès à l’éducation, mais maintenant on ne leur demande pas seulement d’aller à l’école, mais on leur demande aussi de réussir. On généralise cette exigence à tout le monde sans tenir compte du fait que certains ne peuvent peut-être pas atteindre le barème fixé pour tous. Avoir 100 % d’élèves qui ont un premier diplôme d’études secondaires, soit un diplôme après onze ou douze années d’études, c’est beaucoup demander. Il y a encore plusieurs sociétés où atteindre sept ans ou neuf ans d’études est déjà vu comme une exigence forte. Pour nous, l’exigence c’est le maintien aux études au-delà même de la limite de l’obligation scolaire et la réussite de ces études par la sanction du diplôme.

Du point de vue de la santé, le système normatif est très exigeant pour les jeunes. À mon avis, la prévention est souvent présentée de façon négative et même coercitive. Le système normatif ne se présente pas dans une perspective dynamique ou positive. Je m’explique. Le système de prévention est souvent vu par les jeunes comme l’interdiction de faire des choses. À bas les drogues, les maladies transmises sexuellement, les jeux vidéos, la conduite automobile dangereuse, etc. La publicité gouvernementale et les programmes d’intervention s’appuient sur cette orientation. Tout cela au lieu de parler avec les jeunes de promotion de la santé. Même la promotion de la santé peut comporter des effets pervers. Prenons l’exemple des jeunes mères. Aujourd’hui, les jeunes femmes qui attendent un enfant sont, je dirais, « contraintes » à se soumettre à une multitude de règles. Je suis étonnée de voir toutes les obligations qui s’imposent aux jeunes femmes pendant la grossesse : suivre des cours, apprendre des choses par rapport à elles-mêmes, à l’enfant et à l’accouchement, suivre un régime alimentaire sévère, etc. J’en suis à me demander si, avec tout cela, on ne perd pas le plaisir d’être enceinte, d’attendre et de mettre au monde un enfant. Je me souviens d’une époque pas très lointaine où, dans le cadre d’une de mes recherches, j’avais rencontré une jeune femme qui m’a dit : « Ben moi, je veux pas y aller au cours prénatal, parce qu’on nous dit qu’il faut manger du foie, pis moi j’aime pas ça le foie. » Il s’agit bien sûr d’un exemple, d’une petite anecdote, mais qui illustre ce que je veux dire quand je parle de promotion de la santé qui peut avoir une connotation négative. Évidemment, toutes ces initiatives sont sans doute une des raisons qui font en sorte que nous nous classons parmi les sociétés qui ont les plus faibles taux de mortalité à la naissance au monde. On a de beaux bébés en santé, mais parfois je me demande à quel prix. Ce n’est pas qu’on ne doive pas avoir cet objectif, mais ne pourrait-on pas l’atteindre en étant un peu plus souple dans les exigences?

Marc Molgat : Est-ce qu’on pourrait aller jusqu’à dire que ces attentes, ces demandes produisent des marges chez les jeunes? Est-ce que les réactions face à ces demandes peuvent être telles que les jeunes choisissent de vivre autrement?

Madeleine Gauthier : Oui, cela produit des marges. Cela peut aussi avoir un autre impact encore plus sérieux que celui d’être à la marge. Des marges sont produites quand on taxe les 15 à 25 % de jeunes qui ne se rendent pas au diplôme secondaire de « décrocheurs ». On vient alors de créer des marginaux, on vient de créer des individus qui ne correspondent pas aux idéaux de l’institution scolaire et de la société. C’est la même chose par rapport à l’âge idéal ou aux normes qu’on fixe pour avoir un enfant. Les travaux de Johanne Charbonneau sur la maternité à l’adolescence illustrent fort bien ce phénomène de stigmatisation. Tant qu’elle n’est pas accompagnée d’un emploi ou de ressources financières suffisantes, la maternité est perçue, dans notre système, comme « étant à risque ». Si la mère est « trop jeune », comme dans le cas des grossesses adolescentes, elle est aussi perçue de manière négative. Du point de vue de plusieurs intervenants médicaux et sociaux, il faut prévenir ces types de grossesse. Et quand une jeune femme va à l’encontre de ces normes, un quasi stigmate lui est attaché. Il s’agit là de deux exemples qui me frappent le plus. On crée aussi des chômeurs de la même manière…

Nos normes sociales contribuent à la création de marges qui, il me semble, pourraient ne pas exister, mais il faudrait à ce moment-là qu’on repense la manière de réaliser nos objectifs comme société. Prenons l’objectif de la diplômation à titre d’exemple. Une recherche que j’ai dirigée récemment au sujet de l’insertion professionnelle des jeunes non diplômés montre que cinq ans après leur sortie du secondaire ou du collégial sans avoir obtenu un diplôme, une bonne proportion d’entre eux sont allés chercher une compétence ou un diplôme d’une autre manière que par la voie dite régulière. Certains ont eu beaucoup de difficultés pendant leurs études secondaires. Avoir 17 ans en Secondaire III, soit l’équivalent de la 9e année ailleurs au Canada, c’est difficilement tolérable du point de vue psychologique, mais on continue de dire aux jeunes dans cette situation : il faut continuer dans cette voie-là. Mais notre recherche montre que les jeunes ont inventé des stratégies. Ils sortent de l’école à l’âge où l’obligation scolaire se termine et ils vont éventuellement s’inscrire à l’éducation des adultes. Alors pourquoi les avoir entre-temps stigmatisés? Pourquoi ne pas plutôt réfléchir à ce fait en partant des stratégies des jeunes eux-mêmes pour atteindre l’objectif de scolarisation? Cette question se pose d’autant plus, que c’est souvent l’attrait que leur font miroiter certains employeurs ou la société de consommation qui les attire hors de l’école. Pourquoi ne pas agir aussi à ce niveau?

Marc Molgat : Jusqu’ici, nous avons surtout parlé des changements dans les attentes de la société. Mais être jeune aujourd’hui n’a pas la même signification qu’il y a 20 ans. Les questions qui affectent les jeunes ont changé. Vous avez commencé vos recherches sur les jeunes vers le début des années 1980, au moment où les difficultés des jeunes sur le marché du travail paraissaient des plus inquiétantes. D’autres problèmes, par exemple celui de l’itinérance des jeunes, commençaient également à préoccuper tant les intervenants que les chercheurs. Comment décririez-vous l’évolution des difficultés que rencontrent les jeunes adultes depuis une vingtaine d’années?

Madeleine Gauthier : Au moment où j’ai entrepris mes recherches sur les jeunes, la question du chômage occupait une place importante dans les préoccupations sociales. Depuis, il y a eu évolution du marché du travail et évolution aussi de la place des jeunes dans le marché du travail. Ce qui s’est passé au début des années 1980 n’était que l’annonce des mutations qu’allait connaître le marché du travail avec l’introduction de la flexibilité en emploi. Alors les jeunes, qui sont habituellement très sensibles à la conjoncture — parce qu’ils arrivent, eux, sur le marché du travail au moment où ces choses se passent — subissent les conséquences de ces changements. Les gens qui sont déjà installés sur le marché du travail ne se feront pas mettre à la porte pour faire une place aux jeunes. Ce sont donc d’abord les jeunes qui vont subir les conséquences des transformations du marché du travail.

On le voit encore aujourd’hui, même dans une période où les taux de chômage sont beaucoup plus bas pour les jeunes, une bonne partie de ceux qui entrent dans le marché du travail sont encore aux prises avec les effets de la flexibilité d’emploi. Ils ont des contrats de courte durée et doivent attendre avant d’obtenir la situation en emploi qui leur donnera une certaine sécurité, une certaine permanence. Il y a aussi les clauses orphelines qui existent dans des conventions collectives et qui permettent de traiter différemment les derniers qui entrent en emploi. Cela existe dans toutes sortes de domaines, même pour les plus scolarisés. On n’a qu’à penser à la profession d’enseignant au Québec : ce n’est pas pour rien qu’environ un jeune enseignant sur cinq abandonne l’enseignement avant même d’avoir atteint cinq ans d’ancienneté. Il s’agit de jeunes scolarisés qu’on promène d’un cours à l’autre, d’une classe à l’autre, d’une école à l’autre pendant trois, quatre, cinq ans et qui ne peuvent pas vivre la vie d’enseignant d’une manière un peu normale.

Alors tout ce modèle de la flexibilité d’emploi fait en sorte que les premières années d’insertion sur le marché du travail sont très exigeantes et ce n’est pas moins exigeant pour les gens qui ont une maîtrise ou un doctorat. Plusieurs de ma génération se disent : « S’il avait fallu qu’on nous pose les mêmes exigences qu’aux jeunes qui entrent, beaucoup d’entre nous n’aurions pas pu résister. Nous n’aurions pas pu faire face aux exigences de performance. » Dans tous les milieux de travail, on exige en ce moment tellement de performance que beaucoup de jeunes ont de la difficulté, même physique et psychologique, à y faire face. La conjoncture est assez bonne en ce moment du point de vue du nombre d’emplois offerts, mais en termes d’exigence de performance, d’accès à la régularité d’emploi, de correspondance entre la formation et l’emploi, ce n’est guère mieux que ce ne l’était.

Vous avez aussi évoqué les jeunes de la rue. Leur nombre n’a pas diminué. Par contre, les services aux jeunes de la rue ont quand même augmenté et leur situation est davantage vue, dans certains cas, comme étant le choix d’un mode de vie, ce qui n’était pas le cas quand le phénomène est apparu dans les années 1980. On avait plutôt l’impression, à ce moment, que ce type de marge était strictement économique ou encore qu’elle pouvait être liée à des problèmes familiaux ou de santé mentale. Il y a sans doute de tout cela dans le phénomène des jeunes de la rue aujourd’hui. Mais je crois qu’il y a plus. J’en suis à me demander s’il n’y a pas le signe de l’incapacité des institutions à mobiliser des jeunes autour d’idéaux plus constructifs que celui de relever le défi d’être capable de vivre dans la rue ou de consommer des drogues. On découvre aujourd’hui comment la rue peut être aussi une occasion de socialisation; on le découvre à travers une école de pensée comme celle de Michel Parazelli et d’autres en ce moment. Il y a là toute une différence de perspective avec ceux qui cherchent à protéger les jeunes de la rue ou encore à les en éloigner, voire les cacher ou les faire disparaître. Dans cette perspective nouvelle, opposée en quelque sorte aux deux autres, on part de la situation dans laquelle les jeunes se trouvent, qui est souvent le résultat d’une réaction à leur famille et aux institutions, notamment à l’institution scolaire, pour trouver une porte de sortie afin de réintégrer d’une certaine façon, la société dite normale.

Marc Molgat : Dans ce que vous évoquez, il est clair qu’il existe des manières très différentes de concevoir la jeunesse ou de la définir. La question que je voudrais vous poser part de certains idées que vous avez énoncées il y a une dizaine d’années dans la revue Nouvelles pratiques sociales. Vous y écriviez qu’une définition n’est jamais totalement innocente et que c’est lorsqu’on commence à nommer des réalités et à former des points de vue à leur sujet que les pratiques sociales s’en trouvent modifiées. Est-ce qu’il vous semble exister aujourd’hui une manière dominante de nommer la jeunesse et d’intervenir auprès d’elle? Est-ce qu’on cherche surtout à la protéger, à la cacher quand ses frasques sont devenues trop gênantes pour la société? Ou est-ce qu’on l’aborde plutôt là où elle est pour essayer, dans des cas plus difficiles, de trouver un nouveau point de départ, ou dans les autres situations, d’essayer de mettre en valeur certaines possibilités, certaines compétences, certaines habiletés?

Madeleine Gauthier : Je pense qu’il y a deux visions de la jeunesse qui n’ont pas le même poids dans la société même si la deuxième, l’approche dynamique, est en train de faire son chemin. La première vision de la jeunesse, c’est en partie ce que vous venez de décrire dans votre question et qui est liée à une perspective soit de prévention, soit de protection. En voulant protéger les jeunes de ceci et de cela, on fait peu appel à l’individu comme acteur de sa situation. On lui impose des normes à suivre : un régime alimentaire, des interdits, des étapes à suivre dans son développement, etc. Je pense qu’il s’agit là de l’orientation qui prévaut quand on regarde ce qui se passe dans les services sociaux, les services de santé, la publicité gouvernementale, la sécurité publique… Michel Parazelli a utilisé une expression qui fait image pour illustrer cette attitude : « Prévenir l’adolescence » (Gauthier et Guillaume, dir., 1999 : 55).

L’autre vision considère que l’individu peut être un acteur de sa situation, c’est-à-dire qu’il peut lui-même faire des choix à travers les moyens à sa disposition, peut-être même se tromper. Au lieu de l’encadrement, on lui offre des perspectives émancipatrices. Je pense ici au « décrocheur » qui peut trouver sur son chemin la possibilité de parfaire ses études ou de se donner une formation. Je pense à la jeune femme qui pourra disposer de services qui vont l’aider à assumer sa maternité. Il me semble qu’il faut considérer les jeunes comme étant capables de faire des choix à travers la multitude de moyens que leur offre la société et, ainsi, réaliser leurs projets et leurs espoirs. Ça change toute la perspective dans la façon que peuvent avoir les services sociaux, par exemple, de travailler avec ceux qu’on considère trop souvent encore comme en marge de la société.

Marc Molgat : Les conséquences de la première vision peuvent-elles être ressenties à d’autres niveaux ou auprès d’autres personnes que les jeunes eux-mêmes?

Madeleine Gauthier : Oui, je pense que cette vision peut avoir, comme effet pervers si on n’y prend garde, de contribuer à dévaloriser les individus et les institutions de base de la société, comme la famille, vus comme étant incapables de se tirer de la situation ou de contribuer à la sortie de la situation. J’aimerais donner comme exemple la dévalorisation du rôle de parent. Il y a des personnes et des groupes qui commencent à s’élever contre cette tendance en ce moment. Je pense notamment à une mesure sociale dont il est très délicat de discuter tellement les objectifs poursuivis sont nobles et répondent à l’attente de la plupart, soit le système de garderies au Québec. Le premier objectif de ce système, ne l’oublions pas, n’est pas d’aider les parents qui travaillent. Le premier objectif est de donner la chance à tous les enfants d’avoir une bonne éducation dès le premier âge, dès la petite enfance. Cela s’inscrit en plein dans la perspective de cette école de la prévention selon laquelle tout se passe avant l’âge de cinq ans. Dans cette perspective, il faut donc que l’État intervienne pour assurer à chaque enfant une bonne santé et une bonne éducation.

Face à cette manière de faire et de dire les choses, l’autre école de pensée va demander : « Mais est-ce qu’on tient compte du rôle des parents dans l’orientation de ces milieux de garde? » Il y a peut-être des parents qui préféreraient compter sur d’autres formes de soutien, en particulier pendant les premiers mois de vie de l’enfant, des parents qui souhaiteraient que les congés de maternité et de paternité soient plus longs et plus généreux, par exemple.

J’ai déjà soulevé cette question dans le cadre de la préparation du Sommet du Québec et de la jeunesse en l’an 2000, et les tenants de la première option ont dit : « On se rend compte, quand on place les enfants dans un système de garde qui fonctionne bien, que les succès sont plus importants lorsque les parents sont tenus à l’écart que lorsqu’on les associe à ce qui se passe dans la garderie. » Il me semble que cette vision domine en ce moment celle qui veut que les parents ne soient pas nécessairement les plus compétents pour éduquer leurs enfants. On se retrouve alors devant un cercle vicieux : les parents ne sont pas assez compétents et ils ne peuvent acquérir cette compétence parce qu’on les juge incompétents ! Il arrive alors ce qu’on voit : des parents qui ont de la difficulté à imposer certaines normes à leurs enfants ou qui ont de la difficulté à prendre eux-mêmes leurs responsabilités parce qu’on les en a éloignés. Cela a des effets jusqu’à l’école primaire et tout au long de l’éducation des enfants.

Face à ce même enjeu, je pense que l’autre école de pensée va plutôt parler de la valorisation du rôle de parent, sans toutefois abolir les services qu’on a mis en place parce que ces services sont là, aussi, pour les aider à découvrir et à assumer leur rôle.

Marc Molgat : Vous avez donné beaucoup d’exemples au sujet de la situation des jeunes au Québec. À votre avis, existe-t-il des similitudes entre la réalité des jeunes au Québec et celle des jeunes francophones à l’extérieur du Québec?

Madeleine Gauthier : Je commencerai ma réponse en parlant d’abord de la recherche parce que c’est surtout à partir de la recherche que je connais les francophones des minorités linguistiques, que ce soit les Acadiens ou les jeunes francophones de l’Ontario ou de l’Ouest. Je me rappelle, par exemple, un congrès de l’ACFAS à Sherbrooke auquel j’avais participé et qui avait porté sur les jeunes de minorité linguistique. L’impression qui m’est restée à la suite de cette journée de colloque m’a bouleversée. J’ai ressenti qu’on avait une perception généralement négative de la jeunesse dans les groupes minoritaires et que les recherches conduisaient à des conclusions tout aussi négatives. C’est comme si, en se percevant minoritaire, on n’arrivait pas à se percevoir acteur de la situation; mais plutôt victime. Évidemment, je dirais qu’il y a des degrés divers dans cette perception. Par exemple, j’ai été étonnée de voir comment certains travaux de recherche montraient un changement de perspective chez les Acadiens du Nouveau-Brunswick. Je dirais qu’ils n’ont pas peur de se situer dans la Francophonie internationale. Pour avoir opéré ce renversement de perspective, il a fallu justement ne plus se voir comme victime ou comme un groupe en train de perdre du terrain. Il y a aussi toutes les recherches qui montrent l’« hybridation », si on peut employer ce terme, des francophones minoritaires, en particulier dans l’Ouest. Ils sont en train de développer une identité qui n’est ni anglophone ni francophone, mais qui est une sorte d’identité hybride. Je pense qu’il serait important de continuer à interroger la réalité dans cette perspective, pour voir si cette hybridation va faire en sorte que ces jeunes francophones disparaîtront ou qu’ils se construiront une identité qui ressemble davantage à l’identité acadienne. Il pourrait alors se développer des identités francophones fortes, capables de se mesurer à l’identité québécoise dans le cadre de la Francophonie.

Marc Molgat : Outre la question de l’identité, il y a aussi celle de la mobilité ou de la migration puisque, comme vous le savez, les communautés francophones minoritaires à l’extérieur du Québec sont souvent dispersées sur le territoire et une partie d’entre elles résident dans des régions à l’extérieur des centres urbains, dans le nord de l’Ontario par exemple ou encore dans le sud ou le nord du Manitoba. Comme vous avez fait des travaux sur la migration des jeunes au Québec, y aurait-il quelques enseignements à tirer de ces recherches pour les francophones qui vivent en région et qui voient partir leurs jeunes avec un certain sentiment de perte?

Madeleine Gauthier : Oui, il y a probablement des leçons à tirer des études que nous avons faites. Ces recherches montrent d’abord que les jeunes qui quittent leur région ne la quittent pas nécessairement pour ne plus y revenir. Sauf qu’il y a une condition à cela. La région d’origine doit demeurer attrayante pour ces jeunes qui vont étudier à l’extérieur, souvent dans les grands centres urbains où se trouvent les programmes de formation qu’ils recherchent. Il faut savoir par contre que les jeunes qui quittent les municipalités rurales du Québec ne retournent pas nécessairement dans ces mêmes municipalités. Après avoir fait des études collégiales ou des études universitaires, il n’y a pas nécessairement d’emplois disponibles pour eux dans ces milieux. Mais il peut y avoir des emplois disponibles dans les centres de service à proximité du milieu qu’ils ont quitté. Cette situation doit exister aussi au nord de l’Ontario et dans les régions éloignées des grands centres dans les autres provinces. Sinon ces jeunes francophones qui migrent, selon l’endroit où ils vont s’installer, peuvent finir par s’intégrer définitivement à l’endroit où ils vont s’installer.

Il y a une certaine nécessité de s’assimiler au milieu nouveau — pas nécessairement au plan linguistique — pour être capable de s’intégrer. C’est peut-être le danger qui guette les jeunes francophones des régions à l’extérieur du Québec. La crainte des populations des localités de petite densité en Ontario, si les jeunes ne reviennent pas, c’est qu’ils finiront par s’assimiler à moins de s’installer dans des communautés où il y a une forte concentration de francophones. C’est peut-être le choix qu’ils font.

Il me semble qu’il existe deux possibilités, qui pourraient être des objectifs des communautés de faible densité. Un premier objectif serait de voir de quelle manière on peut ramener les jeunes scolarisés. Et, comme je le dis, il ne faut pas être obnubilé par le rêve de les ramener à l’endroit précis d’où ils sont partis, parce que ce n’est peut-être pas là que le jeune va trouver réponse aux aspirations qu’il aura développées, à la fois par ses études et par le contact avec des milieux de plus grande densité qui offrent toutes sortes de services, dont des activités d’ordre culturel. Un deuxième objectif serait d’accepter que les jeunes doivent se déplacer. Il est certain que s’ils s’en vont dans une université anglophone du coeur de Toronto, ils auront moins de possibilités de s’intégrer à une communauté francophone. Dans ces cas, il peut y avoir plus de crainte de perte que s’ils restaient sur place; mais s’ils restent sur place, il faudra se rendre à l’évidence que cette jeunesse soit moins scolarisée, qu’elle doive se contenter d’emplois moins rémunérateurs, que la communauté ne puisse pas s’enrichir des expériences et des connaissances que ces jeunes pourraient aller acquérir ailleurs. Je pense que, dans le monde actuel, si la région où on se trouve n’offre pas un système d’éducation post-secondaire à proximité parce que la densité démographique ne le permet pas, il devient impératif que les jeunes partent pour obtenir ce qu’il leur faut pour vivre dans la société actuelle. Le défi, c’est de garder le lien et de leur offrir la possibilité de revenir par des mesures d’attraction : emploi intéressant, intérêt pour le couple ou la famille s’il y a lieu, et ainsi de suite.

Marc Molgat : À votre avis, quels sont les grands défis auxquels devront faire face les jeunes — et je suis tenté de dire aussi à quels grands défis devront faire face les milieux d’intervention jeunesse — pour les prochaines années?

Madeleine Gauthier : Il est peut-être difficile, au départ, de lier les deux, défis et monde de l’intervention, mais le monde de l’intervention va avoir à se positionner par rapport aux défis qui vont se poser à la jeunesse. Je pense qu’un des grands défis qui va se poser — et je pense que c’est encore plus vrai pour la jeunesse québécoise que pour la jeunesse ontarienne — c’est le défi démographique. Le problème démographique est bien sûr lié à la baisse de la natalité. Mais la question démographique se pose différemment selon les sociétés. Pour la jeunesse ontarienne, il s’agit davantage d’intégrer les jeunes immigrants à la société puisque l’Ontario trouve plus facilement réponse à son problème démographique par l’immigration. Cette province réussit à attirer et à conserver plus d’immigrants que ce n’est le cas du Québec, pour ne parler que de ces deux territoires. Au Québec, le défi démographique est donc davantage lié à la natalité. On peut se demander quel effort la population est prête à faire, de ce point de vue, tant pour l’accueil des immigrants que pour favoriser une hausse de la natalité. Il incombe alors aux gouvernements, aux institutions et aux services, de montrer aux jeunes couples qu’il y a un défi collectif à relever tout en respectant les choix individuels. Dans le contexte actuel, de multiples facteurs font en sorte qu’on repousse toujours le moment d’avoir un enfant. Ainsi, la question de la reproduction est devenue une question éminemment individuelle, un choix personnel, alors que la question démographique est de l’ordre des enjeux collectifs. On sait que plus la proportion de Québécois va diminuer, plus le poids de la seule province francophone au Canada va diminuer. Plus alors, il lui sera difficile de conserver son caractère distinct et sa place importante dans la fédération canadienne. Mais il y a d’autres enjeux liés à la question démographique. Dans quelques années, la population québécoise aura vieilli au point où les plus de 45 ans auront dépassé en nombre les moins de 45 ans. Dans une telle situation où la pyramide des âges est inversée, le poids des services destinés aux personnes vieillissantes, par exemple, va peser sur une minorité de personnes. Or, comment peut-on faire en sorte de présenter les choses pour que ce qui est un choix éminemment individuel puisse être considéré comme un apport à la collectivité, un apport qui doit être reconnu et soutenu par l’ensemble de la société?

Le Québec a donc un choix à faire : ou il augmente le niveau d’immigration en suivant l’exemple de l’Ontario, ou il s’organise pour que la société accompagne mieux les jeunes dans leurs choix individuels. La deuxième option me paraît tout aussi intéressante que l’autre mais représente aussi un enjeu fondamental. Il faudrait que la société, par les moyens qu’elle fournit aux jeunes qui ont choisi d’avoir des enfants, passe le message suivant : « Vous avez fait un choix et ce choix est apprécié parce qu’il répond à des besoins qui sont d’ordre collectif. »

Marc Molgat : D’autant plus que les jeunes parents d’aujourd’hui souhaitent avoir plus d’enfants qu’ils n’en ont en réalité. Les recherches sont très claires à ce sujet.

Madeleine Gauthier : Les circonstances seraient favorables dans cette perspective. En ce moment, les jeunes redécouvrent l’importance des solidarités de proximité. Et c’est sans doute un autre défi pour la jeunesse actuelle, celui de pouvoir poursuivre dans cette voie. Au fil des ans, par la multiplication des services aux individus, les institutions ont envoyé le message qu’on n’avait plus tellement besoin des proches dans les périodes difficiles. Je pense que les jeunes se rendent compte aujourd’hui que les institutions n’arriveront jamais à compenser totalement les solidarités de base et la famille. En ce moment, la force des liens familiaux fait partie de la redécouverte de l’importance de ce type de solidarité. Et les jeunes, dans ce sens-là, disent aux institutions et aux aînés : « Nous, on a découvert que la qualité de vie, c’est particulièrement important. » Plusieurs jeunes femmes affirment aujourd’hui qu’elles ne veulent pas avoir une vie de superwoman comme celle de leur mère qui a travaillé à temps plein tout en s’occupant des enfants. Elles sont nombreuses à ne vouloir travailler que quatre jours par semaine.

En même temps, rares sont les jeunes femmes qui sont prêtes à délaisser le marché du travail. Il faut en être conscient. Les jeunes femmes sont aujourd’hui très scolarisées, davantage maintenant que les jeunes hommes. Celles qui ont un diplôme post-secondaire ou collégial, un baccalauréat, une maîtrise, un doctorat ne voudront pas perdre leurs acquis pour demeurer à plein temps à la maison avec leurs enfants. Elles vont demander — et les jeunes hommes aussi ont de plus en plus ce type de réclamation — à l’État et aux entreprises que le milieu du travail tienne compte des exigences que peut poser la famille, soit le fait d’avoir un, deux ou trois enfants. Si ces demandes de conciliation travail-famille restent lettre morte, je ne pense pas que les couples vont avoir plus d’enfants qu’ils n’en ont en ce moment. Il sera toujours trop difficile d’avoir deux enfants. Un premier, ça va, mais un deuxième et un troisième, c’est autre chose comme responsabilité et charge familiale. Et ce n’est pas seulement une question économique, loin de là. Alors s’il n’y a pas toutes sortes de moyens pour faciliter à la fois le maintien en emploi et le fait d’avoir à assumer des charges familiales plus importantes, rien ne va changer.

De ce point de vue, il faudrait aussi que la norme reliée aux trajectoires de vie change. En ce moment, il est entendu qu’il faut suivre une trajectoire très rigide : on va aux études le plus longtemps possible, on entre ensuite dans le marché du travail et on attend d’avoir toutes les conditions possibles pour avoir un enfant… Tant que cette norme va prévaloir, les couples n’auront pas davantage d’enfants parce qu’ils seront parvenus à un âge où le défi d’en avoir un deuxième ou un troisième ne sera plus possible. En ce sens, il faut peut-être penser que la période des études peut être un bon moment pour former une famille. Je pourrais développer cette question de différentes manières, parce qu’il y aurait de multiples façons d’aider les jeunes couples, mais essentiellement, il faut changer la représentation des institutions et la représentation que les jeunes ont eux-mêmes à l’égard de la rigidité des trajectoires de vie.

Marc Molgat : Nous avons parlé des grands défis que les jeunes risquent de rencontrer dans les prochaines années. Pouvez-vous dire un mot au sujet des difficultés qui pourraient affecter les jeunes dans un avenir rapproché?

Madeleine Gauthier : Je dirais que l’évolution des écarts entre les jeunes eux-mêmes est une source d’inquiétude. On commence à constater qu’il y a des jeunes qui profitent du contexte économique. Un exemple est celui du marché de l’habitation où de nombreux jeunes adultes ont réussi, au cours des dernières années, à se faire construire ou à s’acheter une maison. Ils ont une situation sur le marché du travail qui leur est finalement favorable, même si cela a parfois pris quelques années à l’obtenir ou à l’atteindre. Mais il y a certainement un écart entre les plus scolarisés et les moins scolarisés, qu’on remarque évidemment sur le marché du travail, mais aussi d’un point de vue financier, du point de vue du niveau de vie. On n’a qu’à constater les différences importantes de revenus entre ceux qui n’ont pas le diplôme d’études secondaires et ceux qui ont un diplôme universitaire. Il y a donc de nouvelles catégories sociales qui sont en train de se dessiner à l’intérieur même du groupe d’âge «jeune». Je pense qu’il va être très important d’être attentif à ce développement. En observant cette réalité, une question d’importance se pose : est-ce que dans cette cohorte, on va réussir à maintenir une classe moyenne forte, comme celle qui existait dans les sociétés québécoise et canadienne d’il y a peu? Ou est-ce qu’on ne va pas contribuer à faire grossir les extrêmes, à créer des écarts économiques importants?

Un deuxième point qui est peut-être à la source d’un certain nombre de difficultés ou de constitution de marges chez les jeunes, c’est la perte de certains idéaux qui transcendent les catégories sociales et qui rejoindraient la majorité des jeunes. La question se pose à savoir s’il n’y a pas, en ce moment, un appétit tel de consommation que les signes de réussite y seraient intimement liés : le vêtement, la voiture et autres objets qui s’offrent quotidiennement. La lecture d’un ouvrage de Jean-Pierre Perrault et Gilles Bibeau sur les gangs de rue à Montréal m’interroge. Ces auteurs expliquent l’existence des gangs de rue par la tentation du prestige liée à l’accumulation de biens. En ce sens, et pour parler plus globalement, les biens seraient aujourd’hui le signe de réussite alors qu’au moment de la Révolution tranquille, c’était la scolarité qui marquait la réussite : « Qui s’instruit s’enrichit », avait-on l’habitude de dire. Est-ce que les idéaux de l’éducation et de la culture ne sont pas, en ce moment, supplantés par l’apparence liée aux vêtements ou même au corps? J’ai parlé des gangs de rue, comme «témoins» de cette tendance, mais je pourrais parler de la minceur chez les jeunes femmes et de la volonté d’avoir un corps parfait. Il s’en fait des sacrifices pour atteindre ces objectifs qui sont plus de l’ordre de l’apparence que de ceux de la formation, de la culture ou de l’éducation.

Marc Molgat : En suivant ce raisonnement, est-ce qu’on pourrait affirmer que certains idéaux liés à la justice sociale et à l’égalité, pourraient se voir supplantés par ces idéaux de consommation?

Madeleine Gauthier : On peut se demander si les idéaux de justice sociale et d’égalité vont demeurer. Je pense qu’il y a là un grand défi à la fois pour les générations aînées et dans ce qu’on propose aux jeunes aujourd’hui. Je pense qu’il y a tout un défi au niveau de la transmission des valeurs. Est-ce que notre société continue de transmettre des idéaux d’égalité et des stratégies collectives pour y parvenir? On avait l’habitude de penser que la coopération et le syndicalisme, bref l’esprit coopératif, caractérisaient le Québec et le Canada. D’ailleurs, il y a encore énormément de personnes syndiquées au Québec et au Canada, plus que dans plusieurs autres pays occidentaux. Mais on peut se demander si les jeunes ne sont pas en train de perdre cet idéal. Tout récemment, les jeunes Libéraux du Québec ont adopté une motion pour remettre en question la formule de l’accréditation syndicale. Selon leur point de vue, seuls ceux qui veulent participer au syndicat devraient y verser des cotisations et y participer. Mais remettre en question cette formule équivaut à remettre en question un acquis collectif de taille. Il y a là une critique de ce que nous avons trop longtemps considéré comme un acquis. Les jeunes du Parti libéral ont justifié leur position en affirmant que les jeunes n’en profitent pas : bien qu’ils contribuent au financement des syndicats, ils n’ont pas nécessairement plus de sécurité d’emploi ou plus d’accès à la permanence. Il y a tout un segment du marché du travail qui est réservé aux jeunes qui travaillent pendant leurs études et où ils ne pourront profiter de leur contribution. La même chose se passe avec les Caisses populaires. Les jeunes se demandent si les caisses sont « de leur côté ». Il y a donc une critique manifeste de ces institutions qui devraient incarner des idéaux de justice et d’égalité. Elle peut être le symptôme d’une perte d’idéaux collectifs, mais elle peut aussi nous conduire à améliorer les stratégies d’action collective. Il me semble qu’il faut se poser ces questions et les analyser sérieusement dans un avenir rapproché.

Il faut profiter de ces autres observations qui montrent qu’il y a actuellement un renouveau de militantisme chez les jeunes en dépit du reproche qu’on leur fait souvent de se désintéresser de la participation électorale. Une enquête récente auprès de jeunes militants partout au Québec montre que l’intérêt pour la chose publique commence à se développer très tôt, souvent dans la famille, mais encore plus dans les institutions d’éducation. Peut-être l’avons-nous oublié pendant un certain temps (voir dans Pronovost et Royer, dir., 2004 : 149-168). Si, un jour, j’ai dit que les définitions n’étaient jamais totalement innocentes, j’ai aussi écrit ailleurs que le regard orientait l’action (Châtel et Soulet, éd. 2002)! L’observation est le premier pas vers l’action. Il faut être conscient du type de regard qu’on pose et des effets inattendus qu’il peut entraîner.