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L’auteur, professeur émérite à l’École d’aménagement urbain et régional à l’Université de Waterloo, est bien connu dans tous les pays froids, l’un de ses ouvrages ayant même été traduit en japonais. Il fut président fondateur de l’Association internationale des villes d’hiver. Il connaît bien l’hiver québécois et parle le français avec élégance. Norman Pressman se fait un habile défenseur de l’à-propos climatique dans l’aménagement urbain.

L’ouvrage est consacré aux situations des pays froids, surtout ceux qui connaissent environ trois mois de gel et de neige. Heureusement, Norman Pressman rappelle d’excellents ajustements thermiques de l’habitat en Norvège, Suède, Finlande, Suisse (canton de Berne), Islande, Groenland, Alaska, Canada et Japon (Hokkaïdo). Par ailleurs, les exemples contraires sont encore plus nombreux, ceux qui ne présentent pas de solutions pertinentes à l’hivernalité. Poliment, l’auteur met en garde l’importation de l’exotic myth de type californien ou autre. Il appelle de ses voeux le fait que l’on perde l’habitude d’établir le confort de l’hiver d’après un modèle estival et que l’on réponde directement aux conditions hivernales. L’expression «Northern Latitudes-Southern Attitudes» exprime bien ce qu’il faut éviter. C’est du respect des pays froids qu’il s’agit. En arriver à ce que la saison la moins chaude soit intégrée dans le système des valeurs culturelles. Le monde nordique n’a pas encore atteint ce stade: «The ideal winter-city has still to be created» (p. 106).

Sa plus réçente production comprend deux parties: principes du confort hivernal et stratégies globales du design. Ces divisions permettent de parler du sujet en synergie sous de multiples angles. L’idée majeure de la première partie influence l’ensemble du texte; dès la préface, l’auteur avertit ses lecteurs qu’il sera surtout question de concepts. Là repose la plus grande valeur du livre. Le que faire et le pourquoi faire sont des valeurs antérieures au comment faire. Shaping Cities for Winter enseigne, inspire et guide tant les constructeurs que les citoyens qui exigent que leurs villes soient plus vivables. Il suffit, non pas d’élever matériellement des immeubles, mais de le faire suivant un système très large de préoccupations. Les édifices s’emboîtent dans un quartier, puis dans l’ensemble de l’espace contigu, enfin dans une région. Tout doit être considéré, grandes et petites choses: accès au soleil, coupe-vent, ombre des édifices, vue paysagère, sentier pédestre, socialisation, qualité de l’air intérieur, évitement du stress, chauffage de l’abribus, etc. Les nombreux carnavals d’hiver ne suffisent pas à démontrer que les villes organisatrices assurent au maximum le bien-être de leurs hivernants; les affaires et les touristes ne sont pas les seuls porteurs de l’âme de l’hiver.

Au nombre des très nombreux conseils qui touchent soit un réaménagement, soit un premier aménagement, l’auteur nous offre dix propositions: accroître la densité du bâti; réanimer les hinterlands immédiats; intégrer davantage les endroits publics à la culture urbaine; tenir compte des microclimats; réduire la dépendance voiturière; inventer des styles de vie; favoriser tout type de déplacements pédestres; s’adapter aux besoins des personnes âgées; apprécier sa ville de résidence ainsi que respecter l’environnement naturel. Si de telles recommandations ne sont pas exclusives aux pays tempérés froids, c’est que l’auteur vise un aménagement «toutes saisons», pourvu que les problèmes d’hiver reçoivent leurs solutions.

Ce nouvel appel de l’auteur au «think winter», écrit de façon claire et empathique, est accessible à tous, d’autant plus qu’il est accompagné d’encarts poétiques ainsi que d’une quarantaine d’illustrations démonstratives. Shaping Cities for Winter se présente comme un traité condensé de l’habitabilité en zone moyennement froide. Les citoyens auraient-ils intérêt à se priver d’un vade-mecum du savoir habiter en hiver?