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Introduction

Les problèmes de motivation ne sont plus seulement l’apanage des élèves du primaire et du secondaire, ils sont devenus également le lot de bon nombre d’étudiants à l’université. Comme au secondaire, la faible motivation à apprendre qui caractérise certains étudiants universitaires de premier cycle est vue comme une des raisons principales qui les amènent à abandonner leurs études. Dans une enquête menée auprès d’étudiants ayant interrompu leurs études, Crespo et Houle (1995) constatent que les trois raisons qu’ils invoquent le plus souvent pour expliquer leur abandon sont la perte d’intérêt pour la discipline, une pédagogie inadéquate et le manque d’encadrement de la part des professeurs. Les étudiants qui abandonnent ne sont pas les seuls à voir leur motivation diminuer face à leurs études. Les résultats que nous avons obtenus lors d’une enquête menée auprès des étudiants d’une université québécoise montrent que plus ils avancent dans leurs études, moins ils se sentent motivés (Bédard et Viau, 2001). En effet, la moyenne obtenue par les étudiants qui entreprennent leur formation (deux sessions complétées et moins), à une question portant sur leur motivation générale à suivre, leurs cours est de 7,66 sur 10, alors que celle de leurs collègues ayant complété trois ou quatre sessions diminue à 7,23. Quant aux étudiants qui sont sur le point de terminer leurs études (cinq sessions complétées et plus), leur degré de motivation n’est que de 6,66.

Pour faire face aux problèmes de motivation des étudiants à l’égard de leur formation universitaire, le corps professoral est invité à repenser sa pédagogie et à opter pour des activités pédagogiques innovatrices, dans lesquelles les étudiants doivent s’engager plus activement (Conseil supérieur de l’éducation, 2000). Plusieurs professeurs ont emboîté le pas dans cette direction et ont transformé leurs cours pour laisser une plus grande place à des activités telles que l’apprentissage par projet ou par problèmes, dans lesquelles les étudiants sont les principaux acteurs de leur apprentissage. En optant pour ces activités pédagogiques et en diminuant ainsi l’importance des exposés magistraux traditionnels, les professeurs supposent que tous les étudiants comprendront l’utilité et l’intérêt de s’investir en classe et seront ainsi plus motivés à apprendre.

En est-il vraiment ainsi ? A priori, on peut penser qu’il va de soi que les étudiants montreront une plus grande motivation face à des activités pédagogiques dans lesquelles ils jouent un rôle plus actif. Or, ce n’est pas nécessairement le cas. En réalité, certains professeurs ont observé que l’implantation d’activités pédagogiques innovatrices dans leurs cours a créé plus de mécontentement chez leurs étudiants que de motivation. Habitués à des exposés magistraux dans lesquels leur participation est minimale, plusieurs étudiants considèrent que les nouvelles activités pédagogiques sont trop exigeantes et qu’après tout, « c’est au prof d’enseigner » (Langevin, Bruneau et Thériault, 1999). Force nous est de constater qu’une pédagogie renouvelée est un bouleversement non seulement pour le professeur, mais aussi pour les étudiants.

Dans le but d’obtenir un portrait plus précis de cette problématique, nous avons entrepris une étude sur des dimensions motivationnelles, plus particulièrement sur les perceptions qu’ont les étudiants à l’égard des activités pédagogiques innovatrices qui leurs sont les plus souvent proposées dans le cadre de leurs études universitaires. Deux questions de recherche ont guidé notre étude. Quelles perceptions les étudiants ont-ils des activités pédagogiques innovatrices qui leur sont proposées ? Ces perceptions se modifient-elles avec l’expérience au fil des années d’études ? Cette seconde question est importante, car la réponse qu’on y apportera nous aidera à mieux juger de la variabilité des perceptions des étudiants à l’égard des activités pédagogiques innovatrices durant leurs études universitaires.

Cet article rend compte des résultats obtenus auprès des étudiants inscrits à des programmes de formation des maîtres dans une faculté d’éducation. L’intérêt d’examiner la dynamique motivationnelle de ces étudiants, à l’égard des activités pédagogiques innovatrices qui leur sont proposées, réside dans le fait que lorsqu’ils seront eux-mêmes des enseignants, ils auront à choisir et à planifier des activités dynamiques qui devront susciter la motivation de leurs élèves. Leurs perceptions des activités pédagogiques qu’ils auront accomplies à l’université deviendront alors une source d’information privilégiée qui les incitera, ou non, à aller de l’avant dans la mise en place d’une pédagogie dynamique axée sur la participation de leurs élèves.

La présente étude a donc pour but de vérifier l’hypothèse selon laquelle les perceptions (de l’utilité d’une activité, de compétence et de contrôlabilité) des étudiants inscrits à des programmes de formation des maîtres varient en fonction des activités pédagogiques innovatrices qu’ils réalisent dans leurs cours.

Les résultats obtenus lors d’une enquête préliminaire montraient qu’au fil de leurs études, les étudiants se disaient de moins en moins motivés. Nous avons décidé d’explorer davantage cette piste de recherche en énonçant la question suivante : « Les perceptions (de l’utilité d’une activité, de compétence et de contrôlabilité) des étudiants inscrits à des programmes de formation des maîtres à l’égard des activités pédagogiques innovatrices diminuent-elles en fonction du nombre de sessions qu’ils ont complétées à l’université ? »

Avant d’aborder les éléments méthodologiques de la présente étude ainsi que l’analyse et la discussion des résultats, définissons les dimensions motivationnelles sur lesquelles repose cette étude.

Déterminants de la motivation : les perceptions des étudiants

Dans le cadre de cette étude, la motivation à l’égard d’une activité pédagogique se définit comme un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un étudiant a de lui-même et de l’activité qui lui est proposée et qui l’incite à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but (Viau, 1994 ; Viau et Bouchard, 2000 ; Viau et Louis, 1997). Cette définition, d’inspiration sociocognitive (Eccles, Wigfield et Schiefele, 1998 ; Pintrich et Schrauben, 1992), suppose donc que la motivation d’un étudiant comprend trois principaux déterminants : la perception [1] qu’il a de la valeur d’une activité pédagogique, la perception qu’il a de sa compétence à la réaliser et sa perception de contrôlabilité qu’il peut exercer sur son déroulement.

La perception de la valeur d’une activité est le jugement qu’un étudiant porte sur l’intérêt ou l’utilité d’une activité en vue d’atteindre les buts qu’il poursuit (Eccles, Wigfield et Schiefele, 1998). Le terme « intérêt » renvoie au plaisir intrinsèque qu’on retire de la réalisation d’une activité (Schiefele, 1991), alors que le terme «utilité» fait référence aux avantages qu’on retire à la réaliser. En milieu universitaire, tout en souhaitant que les activités soient intéressantes, les étudiants désirent surtout qu’elles leur soient utiles pour acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leur future profession. C’est pour cette raison que, dans le cadre de cette étude, la perception de la valeur d’une activité a été abordée selon son utilité plutôt que de son intérêt. Nous la nommerons donc la perception de l’utilité de l’activité.

La perception de sa compétence, telle que la définit Bandura (1986), Schunk (1991) et Pajares (1996), est formée des jugements qu’une personne porte à l’égard de ses capacités à organiser et à exécuter une série d’actions afin de répondre à une situation à laquelle elle est confrontée. Pour rendre compte du contexte d’apprentissage scolaire, nous avons adapté cette définition en précisant que la perception de compétence est un jugement par lequel un étudiant, avant d’entreprendre une activité, évalue ses capacités à apprendre de manière adéquate. Le processus de perception de compétence d’un étudiant est accentué lorsqu’on lui demande d’effectuer des activités qu’il n’est pas sûr de réussir (Viau, 1994). Ainsi, ayant souvent réussi leurs études secondaires et collégiales en contexte d’enseignement traditionnel, les étudiants universitaires peuvent être amenés à se questionner sur leur compétence à apprendre lorsqu’ils sont invités à participer à des activités pédagogiques innovatrices dont les objectifs et les modes de fonctionnement leur sont souvent inconnus.

Enfin, la perception de contrôlabilité se définit comme la perception qu’a un étudiant du degré de contrôle qu’il peut exercer sur le déroulement d’une activité pédagogique (Deci, Vallerand, Pelletier et Ryan, 1991). Les nouvelles activités pédagogiques, telles que l’approche par projet, l’étude de cas ou l’apprentissage par problèmes ciblent une plus grande prise en charge par les étudiants de leur apprentissage que les activités plus traditionnelles comme l’exposé. On peut donc penser que ces nouvelles activités influeront de façon significative sur le degré de contrôlabilité des étudiants et susciteront chez eux une plus grande motivation.

La motivation à apprendre est un phénomène complexe et d’autres déterminants peuvent en être la source, dont l’estime de soi (Wigfield, Eccles, Mac Iver, Reuman et Midgley, 1991), les attributions causales (Weiner, 1992) et la conception qu’a l’étudiant de l’intelligence (Tardif, 1992). Le choix que nous avons fait des trois déterminants qui viennent d’être présentés repose sur l’importance qui leur est accordée dans les travaux contemporains sur la motivation (Eccles, Wigfield et Schiefele, 1998) et sur l’état de nos travaux entrepris auprès des élèves du secondaire. De plus, l’étude des dimensions motivationnelles dont il est question dans cet article fait partie d’une enquête plus large comprenant des dimensions liées aux conceptions et aux stratégies d’apprentissage des étudiants. Lors de l’élaboration du questionnaire, nous avons donc dû faire des choix dans l’ensemble des dimensions cognitives et motivationnelles liées à l’étudiant afin que l’instrument de collecte de données puisse être administré dans des classes durant les heures de cours régulier.

Méthode

Variables

Les trois perceptions mesurées ont été définies dans la section précédente. Dans le cadre de cette étude, nous avons qualifié d’innovatrice une activité pédagogique centrée sur l’apprentissage de l’étudiant et qui lui demande de jouer le rôle principal en s’inscrivant dans un processus de réflexion et de résolution de problèmes. Les activités pédagogiques innovatrices auxquelles les étudiants devaient se référer pour exprimer leurs perceptions étaient au nombre de cinq: l’étude de cas, l’apprentissage par problèmes, l’apprentissage par projet, le séminaire de lecture et l’atelier. Pour certains chercheurs, ces deux dernières activités peuvent être considérées comme peu innovatrices, puisqu’elles sont bien connues des étudiants. Nous avons senti le besoin de les inclure en tant qu’activité innovatrice, car les étudiants y jouent un rôle de premier plan en prenant en charge les tâches souvent complexes qui leur sont demandées. De plus, pour plusieurs professeurs, ces activités sont considérées comme innovatrices car, ainsi que le souligne Béchard (2001), en contexte universitaire, « les innovations pédagogiques sont souvent décrites comme tout ce qui ne relève pas de l’enseignement magistral » (p. 258).

Dans le questionnaire qui a servi à la collecte de données, chaque étudiant devait d’abord identifier le type d’activités pédagogiques auxquelles il participait le plus souvent dans sa formation universitaire et répondre aux énoncés relatifs à ses perceptions pour ce type d’activités seulement. On trouvera au tableau 1 le nombre d’étudiants par type d’activités pédagogiques et leur définition.

Sujets

Les 1 028 sujets qui ont été sélectionnés pour cette étude (l’étude originale a été menée auprès de 4 800 étudiants d’une université québécoise) sont des étudiants de premier cycle d’une faculté d’éducation inscrits à l’un des quatre programmes de formation des maîtres suivants : baccalauréat en enseignement au secondaire, baccalauréat au préscolaire et au primaire, baccalauréat en anglais langue seconde et baccalauréat en adaptation scolaire. L’âge moyen des sujets est de 21,6 ans (σ = 2,95) et 87 % sont de sexe féminin. Le pourcentage élevé des sujets féminins est assez représentatif de la clientèle qui fréquente des programmes de formation des maîtres. L’écart entre le nombre de filles et de garçons n’invalide pas l’étude, car celle-ci, faut-il le rappeler, n’a pas pour objectif de comparer les perceptions des sujets selon leur sexe. Enfin, précisons que la moyenne générale obtenue par les sujets dans leurs cours complétés à l’université est de 3,1 sur 4,3 (σ = 0,53) et la moyenne de leur cote R à l’admission est de 27,1 (σ = 3,4) (cote standardisée reflétant les résultats scolaires du collégial).

Tableau 1

Nombre d’étudiants par type d’activités pédagogiques et leur définition

Nombre d’étudiants par type d’activités pédagogiques et leur définition

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Instrument

Le questionnaire comporte 23 dimensions relatives au profil d’apprentissage des étudiants dont trois sont liées directement aux dimensions motivationnelles faisant l’objet de la présente étude [2]. Pour mesurer ces dimensions, il était demandé aux étudiants d’exprimer à l’aide d’une échelle de type Likert, de 1 (totalement en désaccord) à 5 (totalement en accord), leurs perceptions de l’utilité (trois items, σ = 0,77), de la compétence à apprendre (trois items, σ= 0,73), de la contrôlabilité dans le déroulement (deux items, corrélation de 0,58) en se référant à une des cinq activités pédagogiques innovatrices qui leur étaient présentées dans le questionnaire. Chaque étudiant devait d’abord identifier l’activité pédagogique à laquelle il participait le plus souvent dans ses cours et, ensuite, répondre aux énoncés en se référant uniquement à celle-ci. Demander aux étudiants de faire cette sélection est un choix dicté par un souci de ne pas les mettre en situation de devoir répondre à des énoncés au regard de types d’activités auxquelles ils n’auraient jamais ou très peu participé.

Une première validation du questionnaire a été effectuée lors d’une préexpérimentation (n = 123). À partir des résultats obtenus, les analyses d’items ont été effectuées à l’aide du coefficient alpha (σ) de Cronbach. Seules les dimensions et les sous-dimensions présentant un coefficient σ de 0,80 et plus ont été conservées. Des analyses d’items ont été refaites lors de l’enquête finale auprès des 4 800 répondants et confirment les résultats obtenus lors de la préexpérimentation.

Procédure

Les questionnaires ont été distribués dans les classes en octobre. Avec l’accord du professeur, un sondeur a présenté l’objectif de l’enquête aux étudiants et leur a donné les consignes d’usage. En moyenne, les répondants ont pris 30 minutes pour remplir le questionnaire. Après ce temps, même s’ils n’avaient pas terminé, il leur était demandé de remettre leur questionnaire.

Sur le plan déontologique, les étudiants ont été informés par le sondeur qu’il était de leur droit de ne pas participer au sondage et que, dans ce cas, ils n’avaient qu’à remettre vierge leur copie de questionnaire. De plus, chaque étudiant signifiait son accord à participer à l’étude et donnait la permission aux chercheurs d’avoir accès à son dossier universitaire en signant une formule de consentement située à la première page du questionnaire.

Résultats

L’hypothèse de recherche a été vérifiée en comparant les trois perceptions des étudiants en fonction des activités auxquelles ils affirment avoir participé le plus souvent dans le cadre de leurs cours. Pour ce faire, nous avons comparé les moyennes des perceptions à l’aide d’analyses de la variance simple, suivies de comparaisons multiples (tests de Bonferroni) lorsque l’analyse de la variance était significative (Norusis, 2002).

Au tableau 2, les moyennes obtenues pour la perception de l’utilité varient de manière significative selon les activités que les étudiants désignent comme les plus couramment rencontrées dans leur formation (F = 18,08 ; p < 0,001). Les étudiants qui ont bénéficié de l’apprentissage par projet (4,25) et de l’étude de cas (4,19) jugent ces activités plus utiles que les étudiants qui ont le plus profité du séminaire de lecture (3,82) et de l’atelier (3,92). L’apprentissage par projet est jugé significativement plus utile que l’apprentissage par problèmes (3,98). Il n’existe cependant pas de différences statistiquement significatives entre l’apprentissage par projet et l’étude de cas, ni entre cette dernière et l’apprentissage par problèmes.

Tableau 2

Moyennes obtenues (sur 5) et écarts-types pour les trois perceptions en fonction des activités pédagogiques choisies par les étudiants

Moyennes obtenues (sur 5) et écarts-types pour les trois perceptions en fonction des activités pédagogiques choisies par les étudiants

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Le tableau 2 fait voir également que le niveau de perception de compétence des étudiants est très élevé, et ce, quel que soit le type d’activités pédagogiques auquel ils se réfèrent. L’analyse de la variance ne révèle aucune différence significative entre les moyennes obtenues pour toutes les activités (F = 1,87 ; p = 0,113). La perception de compétence des étudiants ne semble donc pas varier en fonction des types d’activités qui leur sont proposés. Lors de la discussion des résultats, nous avancerons deux interprétations pour expliquer ce résultat qui vient infirmer un volet de l’hypothèse.

Au regard de la perception de contrôlabilité sur le déroulement de l’activité, les résultats présentés au tableau 2 montrent que c’est le groupe d’étudiants ayant le plus souvent réalisé des projets qui ont le sentiment de contrôle le plus élevé sur le déroulement de cette activité (3,98). Ce groupe se distingue, sur le plan statistique, de tous les autres (F = 17,14 ; p < 0,001). Quant aux moyennes obtenues par les autres groupes, elles ne se distinguent pas sur le plan statistique.

La question de recherche liée à une diminution des perceptions en fonction du nombre de sessions complétées est vérifiée en comparant les moyennes des perceptions des étudiants en fonction du nombre de sessions qu’ils ont complété à l’aide d’une analyse de la variance univariée pour plans factoriels (cinq niveaux de types d’activités par trois niveaux du nombre de sessions complétées). Le tableau 3 rapporte les résultats obtenus (moyennes ajustées) pour les trois perceptions qui font l’objet de cette étude selon le nombre de sessions complétées.

Seul le test F de l’effet principal « nombre de sessions » est rapporté, car les analyses ont montré qu’il n’existe aucune interaction significative entre les deux facteurs, suggérant de cette façon que l’effet « nombre de sessions » est indépendant du « type d’activités ». Les moyennes présentées sont toutefois celles obtenues en fonction du nombre de sessions (tous types d’activités confondus), ajustées en fonction du facteur «type d’activités».

Tableau 3

Perceptions des étudiants (sur 5) et écarts-types en fonction des cinq activités pédagogiques confondues en fonction du nombre de sessions complétées (moyenne ajustée)

Perceptions des étudiants (sur 5) et écarts-types en fonction des cinq activités pédagogiques confondues en fonction du nombre de sessions complétées (moyenne ajustée)

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Les résultats du tableau 3 révèlent que les perceptions de l’utilité et de la compétence des étudiants qui commencent leur formation (0-2 sessions complétées) sont statistiquement plus élevées que celles des étudiants ayant complété 3 ou 4 sessions ou 5 sessions et plus. Il n’y a cependant pas de différence statistiquement significative selon le nombre de sessions au regard de la perception de contrôlabilité sur le déroulement des activités. De plus, il n’existe aucune différence statistiquement significative entre les résultats obtenus par les étudiants ayant complété 3 ou 4 sessions et ceux qui terminent (cinq sessions et plus).

Discussion

Les résultats obtenus montrent que l’apprentissage par projet et les études de cas sont les activités pédagogiques perçues les plus utiles par les étudiants ayant désigné ces activités comme les plus souvent rencontrées dans leur formation. L’utilité que ces étudiants accordent à l’apprentissage par projet et aux études de cas peut s’expliquer par le fait que ces activités pédagogiques sont plus signifiantes et plus authentiques à leurs yeux, c’est-à-dire qu’elles leur proposent un contexte d’étude qui ressemble à celui de leur future profession (Brophy, 1999). Le séminaire de lecture étant loin de rencontrer cette condition, il est perçu par les étudiants comme l’activité la moins utile à leur formation.

On peut être surpris que l’apprentissage par problèmes ne soit pas perçu, par les étudiants qui ont été les plus souvent exposés à cette activité, comme aussi utile que l’apprentissage par projet et les études de cas. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que la définition qui était donnée dans le questionnaire d’enquête à cette activité (recherche de notions théoriques nécessaires à la compréhension d’un problème, éventuellement à sa résolution) ne contenait aucune référence à des situations professionnelles. De plus, on peut penser que dans les cours, la nature même des problèmes qui sont soumis aux étudiants et les procédures d’exécution imposées par les professeurs demeurent académiques et ne sont pas à l’image de ce qu’ils rencontreront dans leur pratique professionnelle. Si tel est le cas, les problèmes soumis aux étudiants ne restent à leurs yeux que des « devoirs à remettre au prof ».

L’analyse des résultats relatifs à la perception de compétence montre qu’il n’existe aucune différence statistiquement significative entre les groupes d’étudiants. La nature ou les caractéristiques propres à chaque activité ne semblent pas influer sur leur sentiment de compétence ; les étudiants se sentent capables d’apprendre, quelle que soit l’activité qu’on leur propose. Ces résultats suggèrent deux interprétations. D’abord, on peut penser que la perception de compétence à apprendre des étudiants à l’université est moins influencée par les activités pédagogiques du fait que ceux-ci ont atteint un niveau d’autonomie dans leur façon d’apprendre. Ayant été confrontés dans leur histoire scolaire à plusieurs méthodes pédagogiques, les étudiants universitaires peuvent avoir le sentiment qu’ils sont capables de faire face à toutes les activités pédagogiques qui leur sont offertes et d’en faire les apprentissages souhaités. On peut aussi penser que les étudiants imaginent que les activités pédagogiques innovatrices qui leur sont offertes demandent de leur part l’utilisation des mêmes stratégies d’apprentissage. Par exemple, ils peuvent penser que dans les études de cas, comme dans les ateliers ou l’approche par problèmes, il s’agit irrémédiablement d’appliquer une série de procédures connues pour arriver à une réponse. Ces deux interprétations doivent être explorées davantage dans des études ultérieures, car dans la documentation scientifique, la perception de compétence en fonction d’une activité est considérée l’un des déterminants les plus importants de l’autorégulation des apprentissages (Bouffard-Bouchard, Parent et Larivée, 1991) et de la motivation des étudiants (Pajares, 1996).

L’analyse des résultats fait également ressortir que l’apprentissage par projet est l’activité pédagogique qui favorise le plus la perception de contrôlabilité. Dans la réalisation de projets, les étudiants ont souvent une bonne marge de manoeuvre dans la démarche à suivre, ce qui les amène à avoir le sentiment d’une plus grande responsabilité et d’un plus grand contrôle sur le déroulement de leur apprentissage. On peut difficilement expliquer pourquoi les étudiants ne démontrent pas un degré de contrôlabilité aussi élevé envers les études de cas et l’apprentissage par problèmes. Il serait intéressant d’examiner les consignes de travail qui accompagnent ces deux types d’activités pédagogiques afin de mieux juger si des procédures rigoureuses et routinières sont imposées aux étudiants et font en sorte que ces derniers peuvent difficilement avoir la perception qu’ils ont du contrôle sur le déroulement des études de cas et des problèmes qui leur sont soumis.

Enfin, les résultats du tableau 3 montrent que le niveau de perception des étudiants de l’utilité de l’activité et de compétence à la réaliser, tout en restant élevé, diminue de façon significative aux troisième et quatrième sessions, ce qui correspond pour la majorité des étudiants en formation des maîtres à leur deuxième année à l’université. Les activités profitent-elles, en première année, d’un effet de nouveauté qui s’estompe à la deuxième année ? Est-ce dû plutôt au fait que les étudiants, étant plus souvent en stage dans les écoles à la deuxième année, voient les activités pédagogiques innovatrices à l’université moins utiles à leur formation ? Quant à leur perception de compétence, peut-on envisager que les notes obtenues en première année influent sur l’évaluation de leur capacité à réussir autant qu’ils le souhaiteraient ? Malheureusement, les données de l’enquête ne permettent pas de répondre à ces questions et d’autres études seraient nécessaires pour mieux comprendre les raisons qui amènent les étudiants de deuxième année à moins percevoir que leurs collègues de première année l’utilité des activités innovatrices qui leur sont proposées et leur compétence à les réaliser.

En résumé, selon les résultats obtenus, l’apprentissage par projet est l’activité pédagogique universitaire qui est perçue par les étudiants ayant été les plus souvent exposés à cette activité comme la plus utile et sur laquelle ils ont le meilleur contrôle. Ces perceptions étant des déterminants motivationnels importants (voir cadre de référence), on peut penser que l’apprentissage par projet, tel qu’il est vécu par ces étudiants, est l’activité qui suscite le plus leur motivation à apprendre. L’apprentissage par études de cas vient au second rang. En revanche, les étudiants qui accomplissent le plus souvent cette activité ont le sentiment de moins bien contrôler son déroulement. Il en est également ainsi de l’apprentissage par problèmes qui vient au troisième rang des activités qui suscitent la motivation des étudiants. Enfin, les résultats indiquent que les perceptions des étudiants à l’égard de l’utilité des activités pédagogiques innovatrices et de leur compétence à les réaliser subissent une diminution au début de leur troisième session, c’est-à-dire lorsqu’ils entreprennent leur deuxième année d’étude à l’université.

Comme toute étude, celle-ci a des limites. D’abord, il faut se rappeler que les sujets ne se référaient pas nécessairement à la même réalité pour exprimer leurs perceptions. Par exemple, les 282 étudiants qui ont répondu aux énoncés du questionnaire en fonction des projets qu’ils avaient réalisés dans leurs cours, ne se référaient pas nécessairement au même projet. Certains pouvaient, en effet, se référer aux derniers projets qu’ils avaient concrétisés alors que d’autres se référaient à des projets plus anciens. La deuxième limite réside dans le nombre de sujets de chaque groupe. Les étudiants ayant répondu aux énoncés en fonction des séminaires de lecture (n = 88) et de l’apprentissage par problèmes (n = 56) étaient moins nombreux que les étudiants des autres groupes. Sachant qu’une classe dans la faculté d’éducation où s’est déroulée l’enquête peut contenir jusqu’à 50 et parfois 60 étudiants, on peut penser que pour ces deux activités pédagogiques, les sujets venaient d’une ou deux classes en particulier. D’un point de vue méthodologique, il est possible que nous ayons été confrontés à un effet de grappe trop homogène. Si tel est le cas, les résultats obtenus pour les séminaires de lecture et l’apprentissage par problèmes doivent être relativisés. Enfin, il importe de se rappeler que les étudiants qui ont contribué à la collecte de données ne réalisaient pas sur une base régulière toutes les activités pédagogiques qui étaient présentées dans le questionnaire ; pour cette raison, il était demandé à chaque étudiant d’exprimer ses perceptions envers l’activité pédagogique qu’il rencontrait le plus souvent. Les résultats ont donc une portée différente de ceux qui auraient été obtenus si chaque étudiant avait été invité à exprimer ses perceptions sur toutes les activités.

Conclusion

Les résultats obtenus dans le cadre de cette étude confirment l’importance d’étudier la dynamique motivationnelle qui anime les étudiants universitaires lors des activités pédagogiques innovatrices qui leur sont proposées. On ne doit pas oublier que les activités pédagogiques sont les moyens par lesquels les étudiants apprennent et se forment. S’ils ne perçoivent pas l’utilité d’activités pédagogiques qui leur demandent de participer activement, s’ils n’ont pas le sentiment qu’ils sont capables d’apprendre lors de ces activités et s’ils ne perçoivent pas qu’ils ont un certain contrôle sur leur déroulement, leur motivation en sera affectée ; ils ne s’engageront pas dans leur étude et certains seront tentés d’abandonner.

Du même coup, cette étude nous met en garde contre la croyance voulant que toute activité pédagogique innovatrice, demandant aux étudiants de travailler en mode coopératif et sur un sujet qui les intéresse, suscite d’emblée leur motivation. Ces activités susciteront leur motivation si elles rencontrent d’autres conditions. Les études sur les conditions motivationnelles ont surtout été menées dans des classes du primaire et du secondaire (Stipek, 1998 ; Brophy, 1999). Elles révèlent qu’une activité pédagogique favorisera les perceptions de valeur, de compétence et de contrôle d’un élève si elle rencontre plusieurs conditions dont les plus importantes sont la signifiance, l’authenticité et la diversité des activités. Des études semblables doivent être menées à l’université afin de vérifier si les activités pédagogiques innovatrices rencontrent ces conditions motivationnelles. Les résultats de telles études aideront les professeurs à proposer à leurs étudiants des activités pédagogiques innovatrices qui, tout en favorisant leur apprentissage, sauront susciter leur motivation tout au long de leur formation.