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L’Académie et l’Office de la langue française se résigneront, le néologisme fera son chemin. On parlait des fondamentaux de l’économie pour désigner les conditions et variables majeures de son dynamisme. En traduction littérale de l’adjectif substantivé anglais, les fondamentaux de la géographie renvoient aux questions essentielles de la discipline. Les auteurs proposent au lecteur un « socle » sur lequel bâtir « de grandes masses de granite », dirait-on en paraphrasant Bonaparte; car le lecteur est prévenu d’emblée, on a dû faire des choix, on ne prétend pas tout couvrir.

A. Ciattoni et Y. Veyret dirigent une dizaine d’auteurs qui troussent huit chapitres denses et de qualité à l’intention des étudiants et professeurs soucieux d’acquérir ou d’actualiser les connaissances de base. Concepts et catégories de l’analyse spatiale sont mis en scène avec sobriété et élégance par T. Saint-Julien. Un second chapitre classique met en place population et peuplement (G. Baudelle). En troisième lieu seulement, et c’est significatif, Y. Veyret consacre un court développement aux milieux, à l’environnement et aux risques. G. Di Méo traite ensuite avec brio de la marqueterie des États, des territoires et de leur aménagement. Les villes sont analysées dans leur espace, réseaux et environnement (A. Ciattoni). L. Carroué présente la mondialisation, thème désormais incontournable. L’analyse des activités économiques (R. Chapuis, A. Metton) précède un dernier chapitre (J.-P. Marchand) consacré aux outils, de la carte traditionnelle à la télédétection et aux outils mathématiques « empruntés ». Marque distinctive de la collection « Campus », une partie « Documents et méthodes » suit le corps du texte; des commentaires de documents (cartes, textes, tableaux) permettent d’illustrer par des cas précis les énoncés théoriques.

Donner à voir l’ensemble de la discipline en 160 pages de texte et 50 pages de documents commentés tient de la performance. Le pari est tenu. Dans ce format contraignant, on ne peut chicaner les auteurs sur tel ou tel « trou » dans la présentation. On pourrait préférer des choix différents (un chapitre « campagnes » où vit encore la moitié de l’humanité, un traitement moins homéopathique des questions de localisation, etc.), mais ceux des auteurs se défendent bien. En revanche, on peut imaginer quelques levées de boucliers sur la portion plus que congrue faite à la géographie physique. Les auteurs (p. 63) constatent que « la place de la géographie physique s’est largement modifiée au cours des dernières décennies, parallèlement à l’ancrage de la discipline dans les sciences sociales ». Même si l’on souscrit à cette analyse, n’aurait-il pas mieux valu, sans nécessairement mobiliser un chapitre d’épistémologie, en faire la défense et l’illustration dans une véritable introduction?