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Introduction

Le mode de déglaciation dans les Laurentides occidentales n’est pas directement connu ; les modèles de déglaciation entre la Moraine de Saint-Narcisse et la Moraine de Sakami sont donc très généraux (Dyke et Prest, 1987 ; Vincent, 1989 ; Dyke et al., 2003 ; Occhietti et al., 2004). Sauf pour le Témiscamingue (Veillette, 1983, 1988, 1994, 1996 ; Daigneault, 1986), il n’existe pas de données suffisamment détaillées qui permettent de définir le patron de déglaciation du plateau Laurentidien, au nord de la vallée du Saint-Laurent (fig. 1a).

Des travaux réalisés dans les secteurs adjacents au plateau Laurentidien ont permis d’identifier la Moraine Mars-Batiscan à l’est (Bolduc, 1995 ; Govare, 1995 ; Robert, 2001) (fig. 1b) et de prolonger le tracé de la Moraine de Saint-Narcisse jusqu’aux lobes B et C de l’Outaouais (Barnett, 1988 ; Occhietti, 2001 ; Robert, 2001) (fig. 1b). Les nouvelles positions frontales des moraines de Saint-Narcisse et Mars-Batiscan ont été corrélées respectivement au complexe du massif Algonquin (Chapman et Putnam, 1984 ; Daignault et Occhietti, travaux en cours) et aux moraines de Cartier-Saxon (10 ka 14C) en Ontario (Lowell et al., 1999 ; Occhietti, 2001 ; Robert, 2001) (fig. 1b). Ces nouveaux tracés démontrent que la marge glaciaire était, dans ces secteurs, pratiquement linéaire et orientée est-ouest, contrairement aux modèles précédents qui proposaient un tracé très arqué (Prest et al., 1968 ; Harrison, 1972 ; Dyke et Prest, 1987 ; Veillette, 1996). Ces nouvelles données nous ont motivé à effectuer la cartographie des dépôts et formes quaternaires d’un secteur du plateau Laurentidien formant un transect qui longe le 47e degré de latitude nord entre le Témiscamingue, à l’ouest, et le Saint-Maurice (fig. 1a et 1b), auquel nous avons ajouté quelques secteurs complémentaires. Dans l’hypothèse d’une marge glaciaire en recul parallèle à celle de la Moraine de Saint-Narcisse, le transect fait la jonction entre la Ceinture morainique de Cartier I, à l’ouest (Boissonneau, 1968), et la Moraine Mars-Batiscan, située à une latitude similaire, 500 km plus à l’est (Robert, 2001) (fig. 1b). La reconstitution du patron de déglaciation du transect Saint-Maurice–Témiscamingue a pour objectifs de contribuer à mieux définir le mode de déglaciation des Laurentides occidentales, de compléter le patron de déglaciation entre le lac Supérieur et le Saguenay (fig. 1b) et d’apporter de nouvelles données sur le mode de déglaciation de secteurs intermédiaires entre la Moraine de Saint-Narcisse et la Moraine de Sakami.

Figure 1

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a) Localisation du territoire étudié ; la bande noire représente le transect Saint-Maurice–Témiscamingue ; b) localisation des principales moraines du sud-ouest du Québec et du sud-est de l’Ontario.

a) Location of the study area. The black strip represents the Saint-Maurice–Témiscamingue transect area; b) location of the main moraines in southwestern Québec and southeastern Ontario.

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Méthodologie

Cartographie des dépôts et formes glaciaires

La présence des moraines « mineures » a déjà été signalée dans plusieurs travaux effectués au nord de la vallée du Saint-Laurent (Harrison, 1972 ; Lamothe, 1977 ; Occhietti, 1980 ; Chapman et Putnam, 1984 ; Daigneault, 1986 ; Gagnon et Morelli, 1986). Ces moraines de largeur métrique apparaissent en séries et sont transversales aux vallées. Des taux de retrait glaciaire ont été estimés à partir de ces séries de moraines. Cependant, le potentiel cartographique de ces moraines pour la reconstitution des différents tracés de la marge glaciaire en recul était sous-estimé. Les photographies aériennes à l’échelle de 1/40 000, utilisées pour cartographier les dépôts et formes glaciaires dans la plupart des études, rendent mal l’abondance de ces formes mineures.

Dans le cadre de travaux visant à repérer la Moraine Mars-Batiscan en Haute-Mauricie, Robert (2001) a constaté que les photographies aériennes à l’échelle de 1/15 840 et de 1/20 000 permettaient d’observer des formes mineures non perceptibles sur les photographies aériennes à plus petite échelle. Cette méthode cartographique dresse un inventaire détaillé et exhaustif des dépôts et formes glaciaires, en particulier celui des nombreuses moraines de largeur métrique (fig. 2a, 2b, 2c, 2d). La forte densité de ces tronçons morainiques identifiés dans l’axe de la Moraine Mars-Batiscan a permis de prolonger le complexe morainique sur plus de 70 km vers l’ouest (fig. 3a).

Caractéristiques morphologiques et sédimentologiques

Les moraines de largeur métrique sont hautes et larges de quelques mètres (fig. 2). Ce sont des tronçons morainiques qui dépassent rarement 1 500 m de longueur. Ces moraines sont asymétriques ; les nombreuses vérifications de terrain démontrent que la majorité des moraines ont une forte pente sur le coté proximal et une faible pente du coté distal (fig. 2a et 2d). En coupe transversale, la structure interne apparaît composée d’écailles de till de fusion et de sédiments juxtaglaciaires sableux (fig. 2c). Les bourrelets peuvent également être constitués d’un mélange de blocs et de gravier intercalés de sable stratifié (fig. 2d). Dans certains secteurs où les moraines de largeur métrique forment des séries régulières, la distance entre les bourrelets peut être mesurée. Dans le transect, cette distance reste de l’ordre de 100-120 m.

Cette description correspond aux moraines frontales de récession (Lliboutry, 1965), sédimentées lors de courtes haltes du front glaciaire en recul. Les moraines de récession sont associées à un rééquilibrage de la glace et constituent de brèves positions de la marge glaciaire (Embleton et King, 1971 ; Sugden et John, 1982 ; Menzies, 1996 ; Pagé, 1999). Les moraines de largeur métrique situées au nord de la vallée du Saint-Laurent sont donc des éléments qui identifient directement les positions successives de la marge glaciaire en recul.

Établissement d’un patron de déglaciation

Les données de la cartographie systématique et détaillée des formes glaciaires ont été reportées sur des cartes topographiques à 1/50 000, puis numérisées. Après vérification sur le terrain (ajout ou rejet de moins de 10 % des formes glaciaires), les données confirmées ont été intégrées à un système d’information géographique. C’est l’orientation des moraines de largeur métrique qui a servi à constituer le patron local de la déglaciation, indispensable à la compréhension du mode de déglaciation d’un territoire aussi étendu que celui du transect Saint-Maurice–Témiscamingue. En raison de l’abondance des moraines de largeur métrique (près de 19 000 tronçons morainiques dans la totalité des secteurs cartographiés), le patron de déglaciation qui en résulte est très fiable.

Le patron de déglaciation a été établi en cinq étapes qui se différencient par l’échelle d’analyse des données. Cette démarche tient compte des données locales de la déglaciation et les intègre dans le schéma de déglaciation d’ensemble, à l’échelle du transect.

  1. Échelle d’analyse de l’ordre du kilomètre : identification des tronçons morainiques.

  2. Échelle d’analyse de l’ordre d’une dizaine de kilomètres : corrélation des tronçons morainiques parfaitement alignés, c’est-à-dire avec orientation axiale similaire et en prolongement latéral les uns des autres. Ces alignements corrélés, parallèles, correspondent à des positions réelles du front de l’inlandsis.

  3. Échelle d’analyse de moins d’une centaine de kilomètres : prolongement latéral des alignements corrélés qui ressortent le mieux en fonction de l’orientation de chacun des alignements corrélés. Ces positions prolongées latéralement forment la jonction entre deux alignements corrélés en respectant le parallélisme par rapport aux alignements corrélés situés au nord et au sud. Les positions prolongées latéralement font ressortir exactement le patron de déglaciation puisqu’elles sont conformes aux données observées. À cette étape, les moraines de largeur décamétrique et les buttes morainiques sont associées aux positions prolongées latéralement. De telles positions correspondent à des haltes marquées du front de l’inlandsis et seront parfois identifiées par des noms formels de moraines. Les autres variables, comme les eskers et les épandages fluvioglaciaires, permettent de vérifier la cohérence entre les positions prolongées latéralement et la dynamique glaciaire. Cette étape fournit un patron de déglaciation solidement fondé sur les données de terrain.

  4. Échelle de l’ordre de 100 à 200 km : l’étape précédente permet d’obtenir un patron brut de déglaciation fidèle aux données de terrain. Il existe toutefois des zones intermédiaires caractérisées par des lacunes entre les positions alignées latéralement. Des corrélations latérales entre des ensembles de positions prolongées latéralement sont donc nécessaires pour obtenir le patron de déglaciation à l’échelle du transect. Afin de ne pas présumer de la linéarité du tracé de la marge glaciaire, ces corrélations latérales ont dû être faites entre regroupements de moraines aux mêmes caractéristiques, telles la distance moyenne entre les moraines de largeur métrique (retour à l’étape 1), l’orientation, ou le type de tracé de la marge glaciaire. Les positions frontales interprétées obtenues restent cohérentes avec les directions de l’ensemble des données de terrain ; elles s’intègrent parfaitement au patron brut de déglaciation basé sur le réseau de moraines mineures observé. Les positions frontales interprétées comprennent donc des données réelles de terrain et proposent un tracé cohérent lorsque ces données réelles sont discontinues.

  5. Échelle globale : création du modèle chronologique à partir des taux de retrait glaciaire.

Figure 2

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Stéréogrammes et photographies de terrain montrant la présence de plusieurs moraines consécutives de largeur métrique (flèches blanches) sur des photographies aériennes à l’échelle de 1/15 840. Les moraines sont délimitées par les rectangles blancs : a) moraines du lac de la Dam (photographies Q-66 179-130-131, feuillet topographique 31-O/3) ; b) moraines à l’ouest du réservoir Baskatong (photographies Q-69 821-70-71, feuillet topographique 31-K/16) (reproduction des photographies aériennes autorisée par la Photocartothèque québécoise, ministère des Ressources naturelles, Québec) ; c) et d) coupes transversales de moraines de largeur métrique du lac Gros Bois, Haute-Mauricie (Robert, 2001).

Stereograms and field pictures of consecutive metric-width moraines (white arrows) on air photographs, scale 1:15 840. The moraines are delimited by white rectangles. a) Lac de la Dam moraines (photographs Q-66 179-130-131, topographic map 31-O/3); b) moraines on the west side of Lac Baskatong (photographs Q-69 821-70-71, topographic map 31-K/16) (air photographs reproduced with the permission of Photocartothèque québécoise, Ministère des Ressources naturelles, Québec); c) and d) cross section of Lac Gros Bois metric-width moraines, Haute-Mauricie (Robert, 2001).

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Résultats

Disposition générale des moraines, des eskers et des épandages fluvioglaciaires

Les moraines de largeur métrique sont réparties sur l’ensemble du terrain d’étude (fig. 3a, b, c et d). Leur densité apparente est forte, principalement au sud de Manouane, au nord du réservoir Baskatong et à l’ouest du lac Pomponne. Les zones de faible densité sont situées près du réservoir Mitchinamécus, à l’est du lac de l’Écorce et au nord de Témiscaming (fig. 3b, c et d). Les moraines de largeur décamétrique sont moins nombreuses que les moraines de largeur métrique (fig. 3a, 3b, 3c et 3d) et constituent leur prolongement dans la plupart des cas. Les bourrelets morainiques sont transversaux aux vallées et souvent localisés à l’amont des épandages fluvioglaciaires.

Les eskers du plateau Laurentidien identifient les derniers écoulements glaciaires. Leur fréquence est très variable sur l’ensemble du territoire (fig. 3a, 3b, 3c et 3d). Près de Manouane, au lac de l’Écorce et au Témiscamingue, les eskers sont courts, alors qu’entre le lac Byrd et le lac aux Foins, les trains d’eskers sont beaucoup plus longs (fig. 3b, 3c et 3d). Indépendamment de leur taille, les eskers sont en majorité perpendiculaires aux moraines. À plusieurs endroits, des regroupements d’eskers convergent ou divergent. Ces changements de direction démontrent la présence de rentrants ou de lobes de la marge glaciaire.

Les épandages fluvioglaciaires à l’est et à l’ouest du transect sont épais et limités aux vallées. Dans les régions moins montueuses, comme la région des lacs Byrd et aux Foins, les épandages fluvioglaciaires recouvrent de grandes superficies et sont de faible épaisseur.

Établissement du patron de déglaciation

Sous-ensembles diachroniques et fronts morainiques

La reconstitution des alignements corrélés a permis de subdiviser le transect Saint-Maurice–Témiscamingue en quatre zones diachroniques différenciées par les orientations des fronts morainiques (fig. 4a). Les orientations des zones A et B, du côté oriental, varient graduellement d’ENE-OSO à E-O puis redeviennent ENE-OSO. Elles sont davantage E-O dans les zones C et D, du coté occidental (fig. 4a). À même latitude, les fronts morainiques à l’est du transect sont donc plus anciens que les fronts morainiques du Témiscamingue.

Figure 3

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Moraines de largeur métrique et décamétrique et eskers du transect Saint-Maurice–Témiscamingue et des secteurs complémentaires : a) région de La Tuque cartographiée par Robert (2001). La zone en gris englobe les moraines de largeur métrique constituant le prolongement de la Moraine Mars-Batiscan ; b) région de Manouane ; c) secteur nord-ouest du réservoir Baskatong ; d) région du Témiscamingue.

Metric and decametric-width moraines, and eskers from the Saint-Maurice–Témiscamingue transect and complementary sectors; a) La Tuque area mapped by Robert (2001). The grey zone includes the metric-width moraines forming the Mars-Batiscan Moraine; b) Manouane area; c) Réservoir Baskatong area; d) Témiscamingue area.

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Les fronts morainiques cartographiés correspondent à des moraines de largeur décamétrique associées à des positions prolongées latéralement bien développées. Ces fronts identifient permettant d’identifier des positions dedes haltes bien marquées de la margeu front glaciaire en retrait. Nous avons identifié, à l’est, le prolongement occidental de la Moraine Mars-Batiscan (fig. 4c) et, au Témiscamingue, quatre fronts morainiques successifs : les moraines A et B du lac Beauchêne et les moraines A et B du lac Ogascanane (fig. 4c).

Pour avoir une meilleure vue d’ensemble sur le patron de déglaciation régional, nous avons analysé l’orientation des moraines de secteurs complémentaires localisés au nord et au sud du transect (ouest du Saint-Maurice, nord de Manouane, nord-ouest du réservoir Baskatong et région au sud-est du village de Témiscaming [fig. 4b]).

Figure 4

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Traitement des données du transect Saint-Maurice-Témiscamingue : a) alignements corrélés et subdivision du transect en quatre secteurs (étape 2) ; b) positions prolongées latéralement et distance moyenne entre les moraines de largeur métrique (étape 3) ; c) positions frontales présumées du plateau Laurentidien (étape 4).

Data analysis of the Saint-Maurice–Témiscamingue transect: a) correlated morainic alignments and the four sectors of the transect (step 2); b) ice frontal positions established from the lateral correlation of morainic alignments, and mean distance between metric-width moraines (step 3); c) interpreted ice frontal positions on the Laurentian Plateau (step 4).

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Caractéristiques du mode de retrait et corrélation à l’échelle du transect

En intégrant les secteurs complémentaires, nous avons tracé les positions frontales interprétées, puis identifié huit zones dont le mode de retrait est homogène (fig. 4c). Le tracé le plus distal de la marge glaciaire, à l’est (fig. 4c, zone Z), s’infléchit OSO. Très régulier, il est marqué par des lobes mineurs localisés uniquement à l’aval des vallées principales. Dans cette zone, la distance entre les moraines de largeur métrique indique un retrait glaciaire relativement lent (fig. 4b).

Plus au NNO, le tracé du front de déglaciation reste infléchi OSO (fig. 4c, zone A). Complètement à l’ouest, près de l’Outaouais (fig. 4c, zone A1), le tracé est orienté ENE-OSO et, comme pour la zone A, reste très régulier. Le retrait glaciaire est rapide, puis ralentit vers le nord de ces deux zones (fig. 4b).

Les zones B et B1 (fig. 4c) sont caractérisées par un ralentissement du retrait glaciaire (fig. 4b). À certains endroits, les moraines de largeur décamétrique sont plus importantes (fig. 3). À l’est, le tracé du front de déglaciation est linéaire et orienté ENE-OSO, alors qu’au Témiscamingue, il garde une orientation E-O. Dans les deux zones, les lobes sont d’échelle régionale (20 à 30 km de largeur) et nous avons identifié un rentrant majeur dans la région de Manouane (fig. 4c). Nous notons donc une transition entre une marge glaciaire linéaire à retrait lent et une marge glaciaire subséquente au tracé plus variable et à retrait plus rapide.

Dans les zones C et C1, le tracé du front glaciaire est caractérisé par des lobes de faible amplitude (ex. les lobes du lac Pomponne, du lac de l’Écorce et du réservoir Mitchinamécus) (fig. 4c). À l’est, le tracé de la marge glaciaire est orienté ENE-OSO et, en allant vers l’ouest, il devient E-O. Le taux de retrait glaciaire de la zone C est variable, mais augmente globalement vers le NO (fig. 4b). Dans la zone C1, le retrait glaciaire est plus constant.

Le tracé E-O de la marge glaciaire de la zone D est constitué de grands lobes de faible amplitude (fig. 4c). Le retrait glaciaire y est plus rapide que dans le reste du transect (fig. 4b).

Durée et âge estimés de la déglaciation du transect

Le calcul de la durée de la déglaciation du transect tient compte de la distance entre les limites des zones homogènes et du taux de retrait moyen de chaque zone, en posant comme hypothèse que les moraines de largeur métrique sont annuelles. Les taux de retrait mesurés sur les photographies aériennes et sur le terrain varient entre 99 et 124 m/an (fig. 5), avec un taux moyen de l’ordre de 110 m/an pour tout le transect. La durée de la déglaciation ainsi calculée entre les positions frontales de la fin de la Moraine Mars-Batiscan du secteur oriental et les positions frontales les plus proximales du secteur occidental est établie à 600 ans, pour une amplitude de retrait de 70 km. Basée sur la distance entre les moraines mineures, cette durée est donc mesurée en années sidérales, équivalentes des années étalonnées ou calibrées calculées à partir des âges 14C.

Figure 5

Durée et cadre chronologique de la déglaciation sur le transect Saint-Maurice–Témiscamingue (étape 5). La durée de la déglaciation de chaque zone est évaluée en fonction des taux de retrait. Les âges attribués aux positions frontales sont calculés à partir de l’âge de la Moraine Mars-Batiscan à 11,46 ka cal.

Chronological framework and duration of deglaciation on the Saint-Maurice–Témiscamingue area transect (step 5). Duration of the deglaciation of each area is calculated with the rate of ice retreat. The ages of ice frontal positions are based on the age of the Mars-Batiscan Moraine at 11.46 ka cal.

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En âge absolu, la position du front glaciaire la plus ancienne du transect correspond à la limite nord de la Moraine Mars-Batiscan. Cette moraine est corrélée (fig. 1b) avec la Ceinture morainique de Cartier I (Robert, 2001) dont l’âge de 10 000 14C BP (environ 11,46 ka cal.) marque la fin du Dryas récent (Lowell et al., 1999). Le transect aurait donc été déglacé en 600 ans pendant le début de l’Holocène, entre environ 11,46 et 10,86 ka cal., et la position la plus récente du transect, au nord-ouest de ce dernier, aurait donc un âge de l’ordre de 10,86 ka cal. (environ 9580 ans 14C BP).

Variations du taux de retrait glaciaire, du transect à la Moraine de Sakami

Le taux moyen de retrait glaciaire entre la limite proximale du transect et la Moraine de Sakami (datée de 8000 ans 14C BP [Hillaire-Marcel et al., 1981], soit environ 9 ka cal.), varie d’est en ouest, en fonction de la longueur de territoire déglacé comprise entre 370 km à l’est et 530 km à l’ouest (fig. 6 et 7). Le taux moyen est de l’ordre de 200 m/an à l’est, dans l’axe passant par le lac Saint-Jean, et de l’ordre de 280 m/an à l’ouest, dans l’axe lac McConnell-début de la Moraine d’Harricana, si l’on prend en compte les âges calibrés de la fin du transect et de la Moraine de Sakami, respectivement de 10,86 et 9 ka cal. Ces taux correspondent assez bien à ceux évalués par les auteurs dans différents secteurs compris entre la vallée du Saint-Laurent et la Moraine de Sakami (fig. 6). La déglaciation du transect est donc lente, 110 m/an en moyenne, par rapport à la déglaciation holocène postérieure.

Interprétation

Pour faciliter les comparaisons avec les travaux antérieurs sur la déglaciation au nord de la vallée du Saint-Laurent, nous avons exprimé les âges calibrés BP, calculés par les taux de retrait, en âges ka 14C BP équivalents. À partir du modèle de la figure 5, nous avons évalué (fig. 7) le tracé des isochrones de 10 ka 14C (11,46 ka cal.), 9,9 ka 14C (11,2 ka cal.), 9,63 ka 14C (11,06 ka cal.) et 9,58 ka 14C (10,06 ka cal.). L’isochrone de 10 ka 14C illustre un tracé linéaire est-ouest de la marge glaciaire, entre la Moraine Mars-Batiscan et la Moraine de Cartier I, qui marque le front de déglaciation à l’aube de l’Holocène, du Saguenay jusqu’au lac Supérieur (Lowell et al., 1999 ; Occhietti, 2001 ; Robert, 2001) (fig. 1b). Les prolongements hypothétiques vers l’ouest des isochrones subséquents (fig. 8) attribuent un âge de 9,9 ka 14C à la Moraine de Cartier II et de 9,63 ka 14C à celle d’Obabika. Ces prolongements établissent le lien entre la région du lac Supérieur et celle du Saguenay.

De 10 ka 14C à 9,9 ka 14C (fig. 7), après l’important ralentissement marqué par la Moraine Mars-Batiscan, le retrait glaciaire s’est accéléré passant de 66 m/an à 113 m/an, pour ralentir de nouveau vers 9,9 ka 14C (fig. 5). Nous croyons que les positions post-Mars–Batiscan s’inscrivent d’abord dans une période de réchauffement climatique marqué qui a été interrompue brièvement par une légère dégradation climatique entre 9,9 ka 14C et 9,63 ka 14C. Cette diminution à 100 m/an des taux moyens de retrait annuel pourrait correspondre au refroidissement climatique associé à l’oscillation du Préboréal dont l’âge est évalué à 9,8-9,7 ka 14C (Yu, 2000 ; Teller et al., 2002). Le ralentissement est observé sur l’ensemble du transect.

Vers 9,63 ka 14C (fig. 7), la marge glaciaire, au tracé de plus en plus irrégulier, devient très dépendante de la topographie, ce qui engendre des retraits différentiels ou de petits lobes reliés à différents types de rééquilibrages de la glace. Le tracé de cette marge glaciaire reste dans l’ensemble linéaire et orienté ENE-OSO. Le retrait glaciaire s’est globalement accéléré (fig. 5).

Discussion

Modèles de déglaciation antérieurs

Les modèles de déglaciation proposés successivement pour la région Mattawa-Témiscamingue sont variés (Prest et al., 1968 ; Harrison, 1972 ; Vincent et Hardy, 1977, 1979 ; Veillette, 1983, 1988, 1994, 1996 ; Dyke et Prest, 1987 ; Richard et al., 1989). Ces modèles ont toutefois toujours impliqué un décalage latitudinal entre la marge des masses glaciaires d’Hudson et du Nouveau-Québec–Labrador et un rentrant majeur du tracé du front glaciaire dans l’axe de l’Outaouais (fig. 8). Ces positions frontales ont été tracées à partir de l’analyse des marques d’écoulements glaciaires, des formes fluvioglaciaires, des indices d’inondation lacustre et des datations au 14C.

L’hypothèse du décalage latitudinal de la marge méridionale des masses glaciaires d’Hudson et du Nouveau-Québec–Labrador (fig. 8) était fondée principalement sur les âges 14C du Témiscamingue et de la région de Mattawa (fig. 8). La révision par Anderson et al. (2001) de deux âges 14C (11 500 ± 180 BP, GSC-1429, et 11 800 ± 400 BP, GSC-1363) de Harrison (1972) au lac Turtle, à l’est du lac Nipissing, a permis de rajeunir l’âge minimal de la déglaciation de la région à 9 450 ± 50 BP (CAMS-4619) (fig. 8). Dans la révision de la synthèse de la déglaciation du Canada, Dyke et al. (2003) modifient le modèle de déglaciation de la région Mattawa-Témiscamingue en tenant compte de cette datation : l’isochrone 10 ka 14C passe au nord du lac Nipissing (fig. 9), minimisant ainsi le décalage latitudinal. Selon ce modèle, l’incision du rentrant dans l’axe McConnell-Harricana débute seulement après 10 ka 14C (fig. 9).

L’hypothèse du rentrant orienté dans l’axe de la vallée de l’Outaouais, comme le présente le schéma de déglaciation de Veillette (1996) (fig. 8), était associée étroitement à la présence de la Moraine du lac McConnell et de la Moraine d’Harricana. Ces moraines, alignées en position sub-méridienne sur 600 km auraient résulté de l’écoulement glaciaire accéléré en position interlobaire, à la jonction des masses glaciaires d’Hudson et du Nouveau-Québec–Labrador (Veillette, 1994, 1996). Cette hypothèse a été remise en question par Brennand et Shaw (1996) et Brennand et al. (1996) qui considèrent l’ensemble du complexe McConnell-Harricana comme un méga-esker ; selon eux, l’appel au vide créé par la présence d’un immense tunnel sous-glaciaire préexistant, aurait favorisé la configuration du complexe.

Figure 6

Taux de retrait glaciaire au nord de la vallée du Saint-Laurent estimés par divers auteurs.

Estimated rates of ice retreat north of the St. Lawrence Valley according to different authors.

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Figure 7

Isochrones du retrait glaciaire en années 14C BP et en années calendaires BP, à partir de l’hypothèse d’une corrélation entre la Moraine Mars-Batiscan et la Ceinture morainique de Cartier I (âge de 10 ka 14C). Les isochrones en traits continus postérieurs à 9,58 ka cal. correspondent au modèle au taux de retrait constant ; les tiretés correspondent au modèle au taux accéléré initial (surface en gris : Lac postglaciaire Barlow-Ojibway ; traits fins : eskers ; âge de la Moraine de Saint-Narcisse d’après Occhietti [2004]).

Isochrones of ice retreat in 14C years BP and cal years BP in the hypothesis of the Mars-Batiscan Moraine and Cartier I Morainic Belt correlation (10 ka 14C) The isochrones marked by a line and younger than 9.58 cal ka are associated to the constant-rate model, the dashed lines are associated to the initial faster-rate model. Shaded area: glacial Lake Barlow-Ojibway; fine line: eskers; the Saint-Narcisse Moraine age according to Occhietti (2004).

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Figure 8

Âges 14C de la région de Mattawa et du Témiscamingue (modifié de Veillette, 1996) et comparaison des positions du front glaciaire du modèle proposé dans cet article et des phases glaciolacustres et de retrait glaciaire de Veillette (1996). La zone grise représente l’extension maximale diachronique des lacs proglaciaires post-Algonquin, Barlow et Ojibway. Les principales accumulations de marge glaciaire sont en noir.

Radiocarbon ages from the Mattawa and Témiscamingue region (modified from Veillette, 1996) and comparison of the ice frontal positions according to the proposed model with the phases of ice retreat and glacial lakes of Veillette (1996). The shaded zone represents the diachronic maximal extent of proglacial lakes Post-Algonquin, Barlow and Ojibway. The main ice-front features are in black.

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Apport du modèle de déglaciation du plateau Laurentidien

Les formes glaciaires cartographiées dans la présente étude s’intègrent bien à la cartographie géomorphologique existante (Daigneault, 1986 ; Veillette, 1987a, b ; Veillette et Daigneault, 1987 ; Fullerton, 1993). Cependant, contrairement aux modèles de déglaciation du Témiscamingue (Harrison, 1972 ; Vincent et Hardy, 1979 ; Dyke et Prest, 1987 ; Veillette, 1988, 1994, 1996 ; Richard et al., 1989), le modèle de déglaciation que nous proposons pour le plateau Laurentidien illustre une marge glaciaire linéaire légèrement orientée ENE-OSO, avec des lobes de faible amplitude. Le modèle ne montre pas de rentrant majeur dans la partie ouest du transect, au Témiscamingue (fig. 8).

Dans la région couverte par le transect, nous n’avons pas observé de constructions glaciaires sub-méridiennes qui puissent faire le lien entre la Moraine du lac McConnell, au sud-ouest, et la Moraine d’Harricana, au nord-est. Nos données ne contribuent pas à reconstituer la genèse du complexe interlobaire. Il nous semble toutefois difficile d’accepter qu’un seul événement soit à l’origine d’un seul méga-esker, comme le supposent Brennand et Shaw (1996) et Brennand et al. (1996). Il est beaucoup plus probable que le complexe McConnell-Harricana soit composé d’éléments diachroniques présentant des changements de modes de mise en place dans le temps, avec notamment la lacune du début de l’Holocène observé dans le transect.

Le modèle de déglaciation du plateau Laurentidien rend peu probable l’hypothèse d’une déglaciation précoce de la vallée de l’Outaouais-Témiscamingue au début de l’Holocène. Ceci ne contredit cependant pas les phases glaciolacustres des lacs post-Algonquin et Barlow présentées dans les travaux antérieurs (Harrison, 1972 ; Vincent et Hardy, 1979 ; Veillette, 1988, 1994, 1996). Notre modèle montre néanmoins que les âges attribués à ces phases glaciolacustres doivent être réexaminés à la lumière des nouvelles datations (fig. 8). Il ne préjuge pas non plus de la configuration ultérieure du front glaciaire, notamment de la présence d’un rentrant majeur dans la vallée de l’Outaouais-Témiscamingue au moment de la mise en place de la Moraine de Roulier (Veillette, 1996). Cette moraine, située à 80 km plus au nord de la position attribuée dans cette étude à 10,86 ka cal. (fig. 7), a été probablement mise en place entre 250 et 350 ans plus tard, selon le taux de retrait glaciaire régional considéré (entre 320 et 230 m par an, fig. 6).

Figure 9

Comparaison des isochrones du modèle de déglaciation de Dyke et al. (2003), révisé de Dyke et Prest (1987), et des isochrones du plateau Laurentidien proposés dans cette étude.

Comparison of the isochrones of deglaciation of Dyke et al. (2003), revised from Dyke and Prest (1987), with the isochrones of the Laurentian Plateau proposed in this study.

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En analysant la carte des eskers et des lacs glaciaires compris entre la Moraine de Saint-Narcisse et la Moraine de Sakami (fig. 7), on peut constater un changement majeur de la dynamique des masses glaciaires au nord du transect étudié. D’après l’orientation des eskers, les masses glaciaires d’Hudson et du Nouveau-Québec–Labrador commencent à s’écouler selon une orientation différente de part et d’autre de la Moraine d’Harricana, respectivement vers le sud et vers le SSO, à partir de la Moraine de Roulier. D’autre part, les taux de retrait glaciaire semblent pratiquement doubler de chaque coté de la Moraine d’Harricana, en relation avec la présence du Lac Ojibway, qui a favorisé une ablation accélérée par vêlage (fig. 7).

Le modèle de déglaciation du plateau Laurentidien montre que la limite sud des masses glaciaires d’Hudson et du Nouveau-Québec–Labrador était sensiblement à la même latitude vers 10 ka 14C , sans rentrant marqué dans la vallée de l’Outaouais. L’isochrone de 10 ka 14C (11,46 ka cal.) que nous proposons sur le plateau Laurentidien est plus septentrional que celui présenté dans le modèle de Dyke et al. (2003) et tient compte, à l’est, du tracé de la Moraine Mars-Batiscan établi récemment (Robert, 2001 ; Simard, 2003) (fig. 9). Pour éclaircir cette différence, les isochrones du plateau Laurentidien ont été confrontés aux datations effectuées dans la région du Témiscamingue. Nous avons utilisé les datations jugées « utilisables » selon les études antérieures (Terasmae et Hugues, 1960 ; Lowdon et Blake, 1968 ; Lewis, 1969 ; Lowdon et al., 1971 ; Blake, 1983 ; Veillette, 1983, 1988, 1996 ; Anderson et al., 2001) (fig. 8). Deux datations parmi toutes celles disponibles, GSC-3686 (10 100 ± 100 BP) (Veillette, 1988 ; Richard et al., 1989) et GSC-3467 (10 100 ± 180 BP) (Veillette, 1983 ; Richard et al., 1989), mesurées sur la matière organique en vrac de sédiments de fond de lac, semblaient indiquer effectivement un âge minimal de déglaciation plus précoce de 200 à 300 ans que celui de notre modèle (fig. 8). La nature des échantillons datés peut expliquer le vieillissement des deux âges 14C obtenus. La première datation (GSC-3686) a été effectuée sur une gyttja reposant sur un substrat légèrement calcaire (Veillette, 1996), ce qui a pu engendrer un effet par les eaux carbonatées (Richard et al., 1989). La deuxième datation (GSC-3467) a été mesurée sur de la gyttja recueillie sur la Moraine du lac McConnell (Veillette, 1996). Nous présumons que l’âge de cet échantillon a été surestimé, puisque les sédiments du complexe fluvioglaciaire peuvent être carbonatés (Richard et Larouche, 1989 ; Richard et al., 1989 ; Veillette, 1988 ; Anderson et al., 2001) et que le profil pollinique associé indique un épisode végétal plus récent (Richard et al., 1989 ; T.W.A. Anderson, communication personnelle, 2002). Il est donc très probable que l’isochrone de 10 ka 14C du plateau Laurentidien soit situé plus au nord, tel que proposé par notre modèle et conformément aux profils polliniques régionaux. Par contre, comme nous l’avons montré plus haut, l’isochrone de 10 ka 14C ne suit pas un rentrant dans l’axe de l’Outaouais et de la région de Mattawa-Témiscamingue ; il indique toutefois que l’axe de déversement du lac Huron vers l’Outaouais, via le lac Nipissing, est alors déglacé.

Sur la figure 7, nous proposons deux séries d’isochrones de déglaciation au nord du transect étudié. La première série d’isochrones (traits continus sur la fig. 7) est basée sur l’hypothèse d’un taux de retrait constant et proportionnel à la distance entre le transect et la Moraine de Sakami. Les taux de retrait seraient restés relativement constants, quoique plus lents du coté oriental, vers le lac Saint-Jean, soit de l’ordre de 200 m/an, et plus rapides du coté occidental, dans l’axe du lac McConnell et du tronçon méridional orienté SO-NE de la Moraine d’Harricana, soit de l’ordre de 300 m/an. Une deuxième série d’isochrones (tiretés sur la fig. 7) tient compte d’une accélération initiale des taux de retrait dans l’axe McConnell-Harricana, en relation avec la présence du Lac Barlow-Ojibway et de la plus grande distance par rapport au centre de dispersion du dôme du Nouveau-Québec–Labrador, puis d’un ralentissement relatif jusqu’à un taux de retrait régulier. Dans les deux cas, les isochrones ont été tracés perpendiculairement à l’axe des eskers. Le changement de dynamique de la marge de l’inlandsis en retrait se manifeste donc au nord du transect. À l’emplacement du transect, la marge glaciaire garde une dynamique d’ensemble qui évoque un vaste dôme glaciaire sur la baie d’Hudson et le Nouveau-Québec–Labrador. Les taux de retrait lents malgré le réchauffement climatique sont attribués à l’inertie de l’inlandsis, renforcée momentanément par l’oscillation du Préboréal. Au nord du transect, les masses de glace de la baie d’Hudson et du Nouveau-Québec–Labrador commencent à s’écouler selon des dynamiques distinctes.

Conclusion

La cartographie informatisée à partir de photographies aériennes à l’échelle de 1/15 840, avec vérification sur le terrain, représente une méthode adéquate et efficace pour analyser les marqueurs de la déglaciation d’un territoire peu accessible et établir le patron régional des différentes positions du front glaciaire en recul.

Le transect Saint-Maurice–Témiscamingue apporte plusieurs éléments nouveaux sur le mode de déglaciation dans les Laurentides occidentales au début de l’Holocène. Le front de déglaciation est orienté ENE-OSO. Ce tracé est marqué à l’est par une inflexion importante, puis devient presque linéaire vers l’ouest, contrairement aux modèles antérieurs postulant la présence d’un lobe majeur à l’ouest. À mesure que la déglaciation progresse vers le nord-ouest, le tracé du front de déglaciation devient de plus en plus irrégulier. Les nombreux lobes et rentrants, larges de quelques dizaines de kilomètres, résultent principalement de l'influence de la topographie, ce qui traduit un amincissement de la glace.

La durée de la déglaciation du territoire, de l’ordre de 600 ans, est établie en utilisant un taux de retrait glaciaire moyen de 110 m/an, basé sur la distance moyenne entre les moraines. Ce taux de retrait et l’estimation des taux de retrait moyens au nord du transect jusqu’à la Moraine de Sakami, entre 200 et 280 m/an, sont conformes aux taux évalués par l’ensemble des auteurs qui ont travaillé au nord de la vallée du Saint-Laurent.

La corrélation entre la Moraine Mars-Batiscan et la Moraine de Cartier I, en Ontario, précise le tracé du front de déglaciation au début de l’Holocène, vers 10 000 14C BP (11,46 ka cal.), sur 1 500 km entre le Saguenay et le sud du lac Supérieur. Un tel tracé de la marge glaciaire montre un faible décalage latitudinal entre le tracé des marges sud des glaces d’Hudson et du Nouveau-Québec–Labrador et l’absence d’un rentrant marqué du front glaciaire dans l’axe de la vallée de l’Outaouais-Témiscamingue pendant cette phase de la déglaciation. Cette nouvelle configuration de la marge glaciaire impose de revoir l’origine de la Moraine du lac McConnell et de reconsidérer les âges attribués à certaines phases des lacs proglaciaires de la région Mattawa-Témiscamingue.