Corps de l’article

Le premier article décrivait les étapes d’élaboration d’un programme efficace pour le retour dans la communauté des patients souffrant de schizophrénie et « réfractaires aux traitements ». Dans cette description, nous avions mentionné que l’aspect le plus critique d’un tel programme était peut-être l’interaction constante entre le personnel soignant et les patients tout au cours de la journée. Le nombre de ces interactions, ou le nombre potentiel de celles qui pourraient se produire (puisque le nombre est moindre que le nombre optimal, Paul et Lentz, 1977), peut être utilisé pour fournir plus de feedback et de soutien, que n’importe quelle autre combinaison d’autres interventions de groupes ou d’expériences que les patients vivent typiquement dans un traitement interne. Malheureusement, il est rare de voir une discussion sur comment les interactions personnel soignant/patients peuvent être optimisées pour favoriser un traitement efficace. Dans cet article, nous présentons une information détaillée sur des techniques interactives que nous estimons particulièrement utiles pour faciliter des résultats positifs en réhabilitation. Nous commençons la discussion en focalisant sur les lignes directrices qui guident les comportements du personnel soignant. S’en suit une discussion sur des techniques d’intervention spécifiques.

Lignes directrices des comportements de l’équipe soignante

Renforcer les comportements adaptés

Il est toujours nécessaire que l’équipe renforce immédiatement les comportements appropriés et désirables. Les participants devraient recevoir des compliments verbaux, et un crédit sous la forme de jetons et de points à chaque fois qu’ils ont démontré une pleine participation dans les groupes, ou qu’ils ont atteint une cible comportementale lors des activités, lors d’une tâche ou d’une autre interaction informelle avec l’équipe. Cependant, s’il survient des comportements non réussis ou inadéquats, le personnel devrait spécifier au client la raison pour laquelle il n’a pas gagné un point ou un jeton, et être sûr de faire suivre cette explication d’une incitation pour la prochaine opportunité de gagner son jeton.

Utiliser la méthode de façonnement

Quand les patients ne fonctionnent pas encore au niveau de performance correspondant à leur critère cible, l’équipe a besoin de renforcer les approximations du comportement désiré. On devrait définir spécifiquement celles-ci lors des réunions de programmation, de sorte que les professionnels de toutes les disciplines puissent être en mesure de cibler de façon constante les critères de performance appropriée. Analogues aux cibles des check-lists de comportement, ces critères de performance sont systématiquement augmentés au fur et à mesure que les personnes atteignent et dépassent les cibles prescrites.

Le feedback devrait être spécifique

Partout où l’on donne des points et des jetons, l’équipe devrait toujours spécifier pour quel critère ou comportement l’individu a gagné un compliment, des points, et ou des jetons. Voici un exemple, « Vous avez fait réellement du bon travail de mise en place de vos draps et de votre oreiller sur le lit. Vous avez gagné 10 points et atteint votre cible « Vérification de la chambre ce matin ». Continuez à bien travailler. » Partout où c’est possible, on devrait remettre les distinctions en points, en compliments, et en jetons en présence d’autres patients. Cela augmente les effets du renforcement social, et fournit aux autres des exemples de comportements appropriés par des modèles de pairs.

Ne pas renforcer les échecs

Il peut s’avérer difficile pour le personnel de ne pas prêter attention à un patient lorsqu’il échoue quelque chose. Mais le faire renforcera le comportement d’échec. Occasionnellement, il est approprié de converser avec un résident qui ne réussit pas quelque chose, mais cela se passe typiquement lors des activités/des groupes structuré(e)s, et prend la forme d’une séquence d’incitations (voir la procédure en trois étapes).

Renforcer les comportements exemplaires

Tout comportement exemplaire et aidant devrait être louangé et reconnu avec un renforcement verbal et non verbal positif. On peut donner des jetons supplémentaires mais à la condition que les comportements n’aient pas déjà été renforcés par d’autres moyens (comportements inscrits sur les check-lists comportementales, ou un aspect de la cible de participation au groupe, etc). Des exemples de comportements socialement appropriés concernent diverses corvées et de petites tâches auxquelles l’équipe peut penser, ou pour lesquelles le patient se porte volontaire.

Techniques interactives pour gérer les demandes et les comportements inadaptés des patients [1]

Cette section décrit plusieurs techniques pour gérer les comportements inadaptés lors des interactions personnel/patients.

Extinction

L’équipe devrait ignorer un patient qui parle de façon insensée, qui demande quelque chose qu’elle ne peut donner, ou qui demande quelque chose déjà allouée plusieurs fois, etc. Si un patient mélange à la fois une conversation ou un comportement appropriés avec un comportement/conversation inapproprié(e), l’équipe devrait répondre seulement au discours basé sur la réalité (la technique de renforcement différentiel). On devrait ignorer un comportement indésirable à moins qu’il ne résulte d’une infraction sur la check-list des comportements inadaptés. Dans ce cas, l’équipe devrait inciter le patient à utiliser la technique en trois étapes.

La technique en trois étapes

La technique en trois étapes est une séquence d’incitation qui devrait être utilisée lorsque le comportement cible a besoin plus que de l’extinction pour diminuer. Cette technique sert aussi au patient à identifier des alternatives aux comportements inappropriés. Elle consiste en la séquence d’étapes suivante.

a) Refléter les sentiments/intentions

Après la demande du patient, commencez par formuler sur un ton neutre ce que le patient ressent (par exemple, « Je peux voir que vous voulez que je vous aide » ; ou « je peux voir que vous ressentez de la colère juste là »). Cette formulation peut faire en sorte que le patient se sente « écouté », et contrecarrer des sentiments négatifs préexistants.

b) Énoncer les limites de la situation

La forme de cet énoncé devrait être : [le comportement dans lequel vous vous engagez] est inadapté, et quand une personne fait ça, il arrive [ceci]. N’utilisez pas les mots « vous » ou « je ». Par exemple, « Je vais vous descendre de niveau », ou « Quand vous faites ça, on vous retire des points. » Des commentaires plus appropriés de la part des membres de l’équipe seraient « Quand une personne agit ainsi dans notre unité, elle ne peut gagner certains privilèges ». En dépersonnalisant l’interaction, l’équipe réduit les chances d’un comportement agressif dirigé contre elle, et facilite la généralisation de comportements adaptés au-delà du contexte actuel.

c) Inciter le patient à utiliser des comportements alternatifs

Classiquement, lorsque le patient agit inadéquatement, il tente d’obtenir quelque chose, mais s’y prend mal pour l’avoir. Donc, pour cette troisième partie de la technique en trois étapes, il faut indiquer au patient quoi faire pour obtenir ce qu’il veut. Les patients avec des troubles psychotiques chroniques ont généralement de la difficulté à générer des alternatives ou à se projeter dans le futur. Le personnel devrait aider les patients à générer et à nommer des alternatives à leurs comportements inappropriés.

Il est important que les membres de l’équipe pratiquent souvent la technique en trois étapes. Le personnel signale régulièrement que cette dernière semble non naturelle, est peu commode, et difficile au début. Le directeur du programme doit rappeler à l’équipe que ces sentiments sont fréquents lorsqu’on apprend de nouvelles habiletés. Une autre difficulté émane de la dispensation de la séquence en trois étapes d’un ton de voix neutre. Quand les sentiments d’un patient sont reconnus et la réalité établie selon les faits, le patient vit alors la situation comme une lutte avec la réalité, et non comme une lutte avec l’équipe. Cela promeut les activités de résolution de problème vers son propre comportement et l’environnement, au lieu de tenter simplement que l’équipe change les choses.

Temps d’arrêt

Le temps d’arrêt implique de soustraire le patient à toute source de renforcement. Pendant ce temps, le patient ne peut pas recevoir l’attention sociale de la part de l’équipe ou de ses pairs, n’a pas accès aux autres items qui servent de renforcement, nourriture, TV, radio, et magazines. Cette procédure a été beaucoup explorée, et les résultats démontrent son efficacité à éliminer de nombreux comportements inadaptés, d’agression, de vol, d’auto lésion, etc.

On peut utiliser le temps d’arrêt pour gérer l’agitation et en rompre l’escalade. Cependant, l’équipe devrait toujours faire des efforts pour éviter d’y recourir. Cela signifie que l’équipe a besoin d’être vigilante à toute escalade d’un patient, et partout où cela est possible, utiliser d’autres interventions comme l’encouragement, l’incitation verbale, la réorientation, etc., pour guider le comportement du patient dans une direction plus appropriée avant la survenue d’infractions plus graves.

Lorsque les autres interventions ont échoué et que le temps d’arrêt est nécessaire, on devrait procéder selon les étapes suivantes :

  1. Identifier pour le patient le comportement qui a abouti à un temps d’arrêt.

  2. Lui dire quelles sont les conséquences d’un tel comportement (i.e., temps d’arrêt et une croix pour le comportement sur la check-list de comportements socialement inadaptés) avec une perte de points pour le niveau de la semaine prochaine.

  3. Lui dire comment et quand il accomplira son temps d’arrêt.

L’équipe devrait être loyale et neutre, ni froide ni rude. En outre, l’équipe ne devrait pas discuter ou débattre de quoi que ce soit avec le patient. On devrait lui indiquer de se rendre dans l’espace du temps d’arrêt désigné, et ignorer toutes les tentatives de s’engager dans une discussion sur l’incident qui y a mené. De 5 à 10 minutes environ est généralement une durée adéquate pour un temps d’arrêt. Il n’est pas souhaitable que les chambres de patient soient des espaces de temps d’arrêt parce qu’il y a beaucoup trop d’objets personnels qui puissent servir de source de renforcement.

Il est utile d’identifier très tôt dans le traitement les patients pour lesquels des temps d’arrêt pourraient être nécessaires, avant que ce ne soit requis. Si on fait cela, on peut alors travailler avec le patient les détails de ce temps à l’avance. Ces détails englobent les comportements qui mèneront le personnel à indiquer qu’une période de temps d’arrêt est nécessaire, l’endroit où il aura lieu, et sa durée.

À l’occasion, un patient refusera de commencer un temps d’arrêt. Dans de tels cas, l’équipe devrait éviter d’argumenter avec lui. On devrait rappeler au patient que tous les privilèges seront suspendus jusqu’à ce qu’il ait terminé son temps d’arrêt. Après cela, s’il continue à argumenter, on devrait simplement lui répondre « Le temps d’arrêt ne commencera que lorsque vous serez dans votre lieu de temps d’arrêt. » Si un patient quitte ce lieu avant le temps alloué, il devrait recommencer entièrement.

Les exemples suivants illustrent des réponses de l’équipe, appropriées et inadéquates, à un éventail de comportements.

Exemples

a) Réponse inadéquate de l’équipe à un comportement harcelant

Patient. — Est-ce que je peux avoir une cigarette ?
Intervenant. — Je vous ai dis il y a une demi-heure que vous pourriez en avoir une à 3 heures.
Pt. — c’est dans combien de temps ?
Int. — Dans environ dix minutes.
Pt. — (s’éloigne en marchant quelques secondes et ensuite revient à la charge) C’est le moment maintenant ?
E — Non ! Allez chercher quelque chose à faire.
Pt. — Quand est-ce que je peux avoir ma cigarette ?
Int. — ignore le patient
Pt. — Puis-je l’avoir un petit peu plus tôt ?
Int. — (s’énervant) — D’accord, je vous en donnerai une plus tôt ; parce que vous êtes un type sympa, mais je ne veux plus vous voir avant une heure et demi !

Dans ce cas le patient a appris qu’il peut obtenir ce qu’il veut s’il persiste dans son comportement inadapté. Les patients apprennent pendant combien de temps ils doivent harceler le membre de l’équipe avant d’obtenir une cigarette. Cette interaction augmentera probablement la fréquence d’un tel comportement chez le patient.

b) Réponse inadaptée à un comportement dépendant

Patient. — C’est quand le repas ?
Intervenant. — Dans environ une heure.
P.- C’est quand mon prochain groupe ?
Int. — Dans environ 5 minutes.
P. - Puis-je faire un tour dehors maintenant ?
Int. — Non, pas maintenant.
P. — À quel niveau est-ce que je suis ?
Int. — Vous connaissez le niveau auquel vous êtes. Je ne suis pas votre mère/père.
P — Est-ce que j’ai un groupe cet après-midi ?
Int. — Non.
P — Quelle heure est-il ?
Int. — À peu près midi. Vous savez, il y a une horloge juste là au-dessus.

Dans ce cas, le patient obtient à nouveau ce qu’il veut en utilisant un comportement inapproprié. Son comportement dépendant est renforcé par une attention négative de la part du personnel. D’autre part, ce comportement peut aussi être renforcé si le patient obtient peu d’interactions avec le personnel.

c) Usage approprié des procédures en trois étapes et du temps d’arrêt pour un patient provocateur qui ne répond pas à la séquence en trois étapes

Patient. — Est-ce que je dois participer à un groupe maintenant ?
Intervenant. — Il semble que vous ne soyez pas très sûr de votre emploi du temps ; mais il y a d’autres façons que de me demander pour savoir si vous avez un groupe. Quelle serait une façon de vous renseigner ?
P. — Je peux vous demander
Int. — On dirait que vous voulez vraiment dépendre de moi en ce moment, mais vous avez besoin de trouver une autre façon de trouver l’information. Peut-être pourriez-vous regarder l’horaire juste affiché là-bas, ou sur votre porte.
P. — Peut-être que j’irai demander à un des (autres) infirmiers.
Int. — Bon, vous pourriez faire cela, mais rappelez-vous que l’un des objectifs de votre contrat de comportement est d’apprendre comment faire les choses par vous-même, aussi si vous demandez à quelqu’un d’autre, vous perdrez une chance de gagner des jetons.
[note — l’utilisation de la procédure en trois étapes telle que décrite plus haut s’avère suffisante pour la grande majorité des patients. Toutefois, dans certains cas, il pourrait y avoir une escalade, menant à un temps d’arrêt comme il est décrit plus bas. Le dialogue suivant débute lorsque l’interaction décrite plus haut prend fin].
P. — Je m’en fiche, Je veux aller à la boutique de cadeaux.
Int. — Je sais que vous voulez sortir de l’unité, mais vous êtes au niveau 3 aussi vous ne pouvez pas.
P. - J’étais au niveau 5 !
Int. — Ce n’est pas bien clair pour vous ce qui s’est passé.
P. Était-ce votre idée de me mettre au niveau 3 ?
Int. — Ce n’est pas clair pour vous pourquoi vous êtes au niveau 3 ; peut-être que vous pouvez réfléchir sur comment éviter les comportements qui vous ont mené au niveau 3.
P. — Je me fous de tout cela
Int. — Vous vous sentez en colère en ce moment.
P. - Ouais ! Peut-être que je vais vous frapper si vous ne me laissez pas tranquille.
Int. — (NOM) je pense que vous en êtes arrivé à un point où vous avez besoin de prendre une pause [un temps d’arrêt]. Celle-ci commencera dès que vous aurez rejoint votre lieu de temps d’arrêt
P — Non. Non. Allons à l’extérieur. J’ai juste besoin d’aller dehors pour reprendre mes idées.
Int. — Votre temps d’arrêt commencera dès que vous aurez rejoint votre lieu de temps d’arrêt
P — J’ai juste besoin d’aller dehors.
Int. — La période de temps d’arrêt commencera dès que vous aurez rejoint votre lieu de temps d’arrêt
P. Voyons ! Laissez-moi aller dehors.
Int. — La période de temps d’arrêt commencera dès que vous aurez rejoint votre lieu de temps d’arrêt
P — je ne le ferai pas [marche dans le couloir].
S — Vous serez restreint sur l’unité jusqu’à ce vous ayez complété votre période de temps d’arrêt

Il est important que tout le personnel suive fidèlement ces lignes directrices, et utilise les techniques décrites plus haut. Par exemple, la plupart des membres du personnel utilisent correctement l’extinction, l’incitation en trois étapes et les procédures de mise à l’écart, mais qu’un ou deux autres membres décident qu’ils « n’en n’ont pas l’énergie » et qu’ils cèdent à des demandes qui ne sont pas légitimes, il s’ensuit une situation de renforcement intermittent, rendant le comportement encore plus difficile à éliminer dans l’avenir.

Contrat de comportement

Les procédures pour développer des contrats de comportement comprennent de nombreuses techniques notées précédemment et dans le premier article. Ce sont l’analyse fonctionnelle, les systèmes de prime, et l’utilisation appropriée d’incitations verbales. Ce qui suit est un exemple d’un contrat comportemental efficace qui emploie ces principes. La patiente âgée de 24 ans souffrait d’un trouble psychotique. Après avoir été admise à l’unité, elle avalait souvent, ou prétendait avoir avalé, des objets dangereux tels un crucifix (bijou), des crayons, effaces, billes, etc.

Plan de traitement — Marie

Une bonne partie des comportements de Marie sont motivés par un besoin d’attention constante de la part de l’équipe, ou pour obtenir plus de nourriture. En outre, Marie n’a pas de stratégies de coping adéquates pour faire face à la frustration qu’elle éprouve, quand ses besoins ne sont pas immédiatement comblés. Lorsque nous accordons de l’attention à ces comportements, nous les renforçons et augmentons les chances qu’ils continuent. Par conséquent, il est important d’ignorer autant que possible ces comportements, tout en suggérant des occasions à Marie de s’engager dans des comportements appropriés, et de recevoir un renforcement (attention) pour ceux-ci. Ci-dessous se trouve un profil de notre approche proposée à Marie.

Tableau 1

Approche du traitement envers des comportements appropriés et inappropriés

Approche du traitement envers des comportements appropriés et inappropriés

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Comportements appropriés

Puisque Marie présente une fréquence élevée de comportements mal adaptés, il est très important de renforcer les comportements appropriés lorsqu’ils se produisent. Nous pouvons le faire en apportant à Marie un accès à ce qu’elle veut, en fournissant des éloges sociaux, et en lui donnant un moment seul à seul avec un membre de l’équipe.

Tableau 2

Liste des récompenses et jetons que Marie peut accumuler

Liste des récompenses et jetons que Marie peut accumuler

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a) Jetons et renforçateurs associés

Les membres du personnel ne doivent lui fournir aucune nourriture ou aucun privilège spécial, etc. sans s’être mis d’accord avec l’équipe de traitement. De même, Marie doit acheter, avec les jetons gagnés pour sa participation au programme, tout item qu’apporte dans l’enceinte sa famille (par exemple nourriture). Le tableau 3 dresse la liste des privilèges qu’elle peut gagner, accompagnés de leur coût.

Tableau 3

Liste des privilèges et de leurs coûts

Liste des privilèges et de leurs coûts
*

Les visites de la famille peuvent durer un maximum de 2 heures. La famille n’est pas autorisée à donner de la nourriture à Marie. Elle devrait être (et a été) dissuadée d’en apporter. Cependant, si elle le fait, elle doit la donner au personnel et Marie devra l’acheter avec des jetons. Une partie de la nourriture pour le repas coûte 10 jetons.

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b) Compliments/Renforcement verbal

En plus des jetons et de renforçateurs concrets auxquels Marie (et en fait, tous les patients) aura accès dans le programme, le personnel doit lui fournir beaucoup de commentaires positifs et des louanges partout où elle fait quelque chose d’approprié. Ceci comprend des commentaires positifs (« Vous portez un joli chemisier », « Vous êtes bien coiffée aujourd’hui », « J’apprécie votre aide pour m’en sortir avec l’époussetage aujourd’hui », etc.) et autant de comportements non verbaux (des sourires, des tapes dans le dos, etc). Suivez les lignes directrices suivantes. Tout au long de la journée, à chaque jour, et à chaque changement, tous les membres du personnel doivent faire un effort pour « capter » Marie en train de faire quelque chose d’adapté, et apporter immédiatement une certaine attention positive pour cela. Il est important que le personnel se concentre sur ces comportements. Par exemple, ne faites pas de déclarations comme : « Marie, je suis heureux que vous ne vous comportiez pas de travers en ce moment. » ou « Est-ce que vous ne vous sentez pas mieux quand vous n’êtes pas dans la chambre d’isolement ? » À la place, faites des déclarations comme « C’est un beau métier sur lequel vous travaillez, Marie », « C’était gentil à vous de faire ces commentaires à Jacques, Marie. »

c) Temps avec un membre du personnel

Au moins une fois à son premier changement et une fois au second, Marie recevra une attention en tête-à-tête de la part du personnel (aide ou autre membre) pour une période de 10 minutes. L’agent l’informera, « Marie, j’ai 10 minutes pour passer un peu de temps avec vous. » Cette attention se poursuivra aussi longtemps qu’elle se comportera de manière appropriée et positive. Cela peut comprendre l’engagement d’une conversation sociale adaptée, travailler sur un métier, faire un jeu, etc.

On s’attendra à ce qu’elle soit positive pendant ses séances de tête-à-tête. Si elle commence à discuter de thèmes négatifs tels que se plaindre du personnel ou d’autres résidents, que personne ne prend soin d’elle, le membre du personnel en tête-à-tête doit lui donner une incitation verbale, comme suit : « Marie, j’aimerais pouvoir continuer [à parler avec vous, à jouer à ce jeu de cartes, etc.] mais vous devrez arrêter [n’importe quel comportement inadapté]. Si vous [commencez à discuter de choses plus positives, à faire attention à notre jeu de cartes, etc.] nous pourrons poursuivre ce temps ensemble ».

Si elle répond à cette incitation, faites-lui en l’éloge (« Je vous remercie. Je suis heureux que nous puissions continuer à passer un certain temps ensemble. ») et continuez votre tête-à-tête avec elle. Si elle ne répond pas à cette incitation, levez-vous, ignorez-la et allez interagir avec un autre résident, etc. Si Marie s’engage dans un comportement dangereux et destructeur, mettez en oeuvre les mesures de contention, d’isolement, ou de temps d’arrêt si nécessaire, en utilisant la procédure spécifiée au-dessous. À la fin de votre tête-à-tête, dites à Marie : « J’ai été très content de notre temps passé ensemble. Voici votre jeton pour avoir été positive ».

Veuillez noter que ces tête-à-tête peuvent se dérouler seulement si Marie a des comportements appropriés. Il est interdit de mettre en place ces sessions lorsque Marie est en situation de temps d’arrêt, en contention, en isolement ou a refusé de participer à une activité, et il ne faut pas non plus excuser Marie de d’autres activités pour tenir ces sessions. On peut procéder à ces tête-à-tête si Marie se trouve sur l’unité pendant une période de temps libre, ou encore a été excusée d’une activité pour une raison légitime, etc.

d) Habiletés sociales

Marie fera partie de plusieurs groupes qui focalisent sur les habiletés qui amélioreront son répertoire de stratégies de coping. Ces groupes sont : 1) un groupe sur l’efficacité personnelle (un jeu de rôle d’entraînement aux habiletés sociales). Les objectifs dans ce groupe inclueront l’expression de sa frustration et de sa colère par des moyens matures ; 2) un groupe de résolution de problèmes interpersonnels ; et 3) un groupe de loisirs UCLA Recreation.

Comportements inadaptés

Les procédures mentionnées plus haut aideront à augmenter la quantité de temps pendant lequel Marie s’engage dans des comportements appropriés. Cependant, il est peu vraisemblable qu’elle développe simplement ces comportements pendant la nuit, et elle continuera certainement à utiliser des comportements inadéquats pour attirer l’attention, puisque c’est ce qui lui a le plus réussi par le passé. Les réponses du personnel soignant sont maintenant décrites.

a) Procédures de retrait d’attention (ignorer) et d’incitation

On peut faire face à certains comportements de Marie en lui soufflant d’arrêter son comportement, et en l’ignorant ensuite. Ignorer Marie lorsqu’elle parle bizarrement, qu’elle demande quelque chose que vous ne puissiez pas lui donner, qu’elle demande ce qu’elle a déjà demandé plusieurs fois, etc.

Les incitations verbales sont des déclarations qui lui spécifient qu’elle a adopté un comportement (ou devrait l’adopter), et les conséquences de celui-ci. Si le comportement et les conséquences sont positifs ou appropriés, l’incitation est une incitation positive. S’ils sont négatifs, alors l’incitation l’est aussi. Les incitations sont généralement des affirmations « Si… alors… » : « Marie c’est l’heure du groupe. Si vous rejoignez le groupe maintenant, vous gagnerez un jeton d’assiduité ». (Incitation positive). « Marie, si vous arrêtez de parler fort en classe et que vous vous concentrez sur vos prescriptions, vous gagnerez un jeton de participation ». (Incitation positive). « Si vous encaissez 20 jetons, vous pouvez acheter une visite de deux heures avec votre famille ». (Incitation positive). « Marie, si vous continuez à geindre au cours de notre conversation, je devrai y mettre fin et vous ne recevrez pas votre jeton ». (Incitation négative).

Puisque nous ne voulons jamais nous centrer exclusivement sur les comportements négatifs, nous devrions toujours coupler les incitations verbales négatives à une incitation positive. Par exemple : « Marie, si vous continuez à perturber l’unité du groupe en parlant fort et à argumenter, vous aurez un temps d’arrêt, et recevrez un jeton d’amende ». (Incitation négative). « Cependant, si vous pouvez rester tranquille et parler aux autres d’une manière calme, vous pouvez éviter un temps d’arrêt, et interagir avec les autres dans la salle de jour » (incitation positive).

b) Coûts de la réponse

Pour certains comportements que l’on ne peut ignorer, qui ne répondent pas aux incitations verbales, et qui perturbent ou violent les droits des autres patients, nous appliquons des coûts de réponse, ou des amendes. Les amendes pour Marie devraient s’élever à 5 jetons pour tout comportement recensé sur la feuille Socially Inappropriate Behavior Sheet, avec un maximum de 5 jetons enlevés par incident (par exemple, si elle hurle et frappe à la fois quelqu’un, c’est seulement une perte de 5 jetons même s’il s’agit de 2 comportements intolérables ; mais si elle récidive une heure plus tard, elle perd 5 autres jetons).

Lorsque Marie doit recevoir une amende en jetons, on devrait l’informer de cela sous un ton neutre. La déclaration devrait englober une description de son comportement et des conséquences, et être suivie d’une incitation positive en faveur du comportement approprié. Voici un exemple : « Marie, vous avez manqué le groupe sur la médication [description du comportement], vous perdrez par conséquent un jeton [description de la conséquence]. Souvenez-vous que si vous respectez les groupes, vous obtenez un jeton pour chacun d’eux [Incitation positive lui rappelant comment elle peut gagner des jetons] ».

On devrait alors demander à Marie de rendre un des jetons qu’elle a gagnés. Si elle le rend, on devrait la remercier de se conformer à son programme de traitement. Si elle résiste, on devrait lui remettre à l’esprit, une fois, que le refus de restituer un jeton aura pour résultat d’en perdre un autre. Si elle le remet à cet instant, on ne devrait entreprendre aucune action supplémentaire, mais si elle persiste dans son refus, le personnel doit indiquer sur la feuille d’enregistrement la perte d’un jeton de plus.

c) Temps d’arrêt du renforcement

Utilisez avec Marie cette procédure pour une agitation modérée si elle est incapable de recouvrer le contrôle sur son comportement par une incitation. Nous utiliserons le bout du couloir si possible, et la pièce de repos si nécessaire. Marie devra s’asseoir là pour la durée de son temps d’arrêt, lequel est de 10 minutes de comportement silencieux, calme.

d) Procédures d’isolement/de contention

Lorsque Marie s’engage dans des comportements qui sont dangereux ou perturbateurs, comme se mutiler, être menaçante vis-à-vis d’elle-même ou des autres, mettez en oeuvre la procédure suivante : Incitez Marie comme suit : « Marie, votre [comportement] est inacceptable et vous devrez l’arrêter. Si vous le faites, vous pourrez rester ici [dans l’unité, en classe] et avoir la chance de gagner des jetons. Si vous continuez à faire [comportement inadapté], vous aurez un temps d’arrêt et recevrez une amende en jetons. » Si elle répond à la sollicitation, faites-lui en l’éloge : « Merci Marie. Je suis heureux que vous allez pouvoir [continuer ce jeu, etc] avec nous. » Dans le cas contraire, informez-la : « Marie, puisque vous avez décidé de ne pas contrôler [le comportement], vous aurez besoin d’un temps d’arrêt, et vous avez 5 jetons d’amende. Vous avez 30 secondes pour vous calmer et prendre votre chaise, et aller au bout du couloir. Vous pouvez revenir dans [l’unité d’hospitalisation, le jeu, la classe, etc.] quand vous serez restée silencieuse pendant 10 minutes ».

Si elle se calme et va se mettre à l’écart, invitez-la à rejoindre l’activité interrompue à la fin de sa période de calme : « Marie, vos 10 minutes sont terminées. Vous pouvez maintenant retourner à [n’importe quelle activité]. »

Si elle ne va pas faire son temps d’arrêt et se calmer, changez l’amende de 5 jetons pour une de 15, et mettez en oeuvre la mesure d’isolement si nécessaire. (Pour le programme de Marie, l’isolement constitue la mesure la moins restrictive après le temps d’arrêt. Si des contentions (même des poignets) sont nécessaires, on doit les utiliser conjointement à l’isolement. Marie ne doit pas être hors de l’unité si elle est sous contention, puisque le comportement qui y a mené est un comportement inadapté, et parce qu’elle reçoit toutes sortes de renforcement quand elle y est.

Lorsque Marie doit être mise en isolement ou sous contention procédez de la façon suivante :

  1. Informez Marie, « Marie, vous aurez besoin de [aller à l’isolement, etc.] parce que [énoncez le comportement particulier dont il s’agit]. Vous reviendrez de la chambre d’isolement après une heure de comportement calme, etc. »

  2. Placez Marie en isolement, mais sans faire de commentaire verbal, de déclaration, sans soupirs, sans grognement, etc., et sans aucun contact visuel. La procédure entière doit s’effectuer dans le plus parfait silence.

  3. Si son comportement continue à s’intensifier et requiert des interventions de plus en plus intrusives, procédez aussi en silence. Par exemple si elle est en isolement et qu’elle requière des contentions, pénétrez dans la chambre et placez-la sous contention sans aucune réaction verbale ou émotive de quelque nature que ce soit.

  4. Lors de sa période d’isolement/contention, le personnel doit continuer de s’abstenir de toutes interactions verbales et non verbales avec elle, ainsi que de tout contact visuel. La seule exception est la tâche de l’infirmier (ou de l’aide désigné, si l’infirmier n’est pas disponible), qui aura un contact verbal avec elle une fois toutes les 2 heures pour vérifier la circulation sanguine, et offrir de l’eau et d’utiliser la salle de bain. On procédera à l’examen de la circulation sanguine sans commentaire verbal. Les vérifications de la contention, de la rotation et les exercices des membres seront faites sans aucun commentaire verbal.

    Pour l’eau et la salle de bain, l’infirmier demandera : « Marie, voulez-vous boire de l’eau ? » et « Marie, avez-vous besoin d’utiliser la salle de bain ? » Si elle répond affirmativement à l’une ou l’autre de ces questions, apportez-lui de l’eau et/ou offrez-lui l’accès à la salle de bain autant que nécessaire, mais faites-le sans aucune verbalisation supplémentaire et avec un contact visuel aussi limité que possible.

  5. Si Marie est en isolement/contention à l’heure du repas, et incapable de se rendre dans la salle à manger, apportez-lui son plateau dans la chambre d’isolement, et l’infirmière lui demandera, « Marie, aimeriez-vous prendre votre [petit déjeuner, dîner, souper] ? » Si elle indique que tel est le cas, seul le nombre minimal de personnel nécessaire entrera dans sa chambre, et détachera/libérera un bras de la contrainte pour lui permettre de se nourrir elle-même. Ceci doit se faire sans aucune verbalisation ni contact visuel. (Puisque le personnel doit demeurer dans la pièce pendant que Marie mange, continuez à garder le silence et essayez de rester à l’écart de sa vue.) Si elle ne veut pas manger, ou ne fournit aucune autre réponse, ignorez-la et quittez la pièce, en reprenant le plateau repas. Inscrire que le repas lui a été offert.

    Si Marie devient non coopérative alors qu’elle mange, remettez-la sous mesure de contention (si elle l’était auparavant) et quittez la pièce. Ne faites aucune verbalisation ou n’ayez aucun contact visuel en le faisant.

  6. Quand Marie est sous contention, à cause de son histoire de comportements auto-destructeurs et de sa tendance à l’escalade, il sera nécessaire de réduire progressivement son niveau de contention, d’un échelon à la fois après chaque heure de comportement calme.

Quand on évalue les plaintes somatiques de Marie, et même lors de l’évaluation des coupures et des égratignures qu’elle peut s’être infligées, faites-le avec un minimum de discussion.

Conclusion

Les techniques interpersonnelles décrites dans cet article, (ainsi que celles de l’article précédant) se combinent pour former un environnement de traitement intensif où les patients reçoivent beaucoup de feedback positif et correctif sur leurs comportements. Selon notre expérience, pour la majorité des patients qui sont considérés « réfractaires aux traitements », de telles interventions sont essentielles. Même la majorité des patients agressifs peuvent être aidés avec une combinaison de feedback du milieu, des contrats de comportements et d’interventions de groupe ciblant les habiletés sociales appropriées, la résolution de problèmes et la gestion de la colère. Toutefois, il y a des patients pour qui cette approche n’est pas suffisante. Il est typique par exemple, que les patients qui requièrent des interventions supplémentaires sont ceux qui ont de graves déficits cognitifs. L’inattention en particulier s’avère un problème majeur puisqu’il est connu que ce déficit interfère avec les bienfaits de la réhabilitation sociale (Green, 1996 ; Silverstein et al., 1998). L’inattention pourrait résulter d’un déficit de motivation, des calmants, d’un véritable déficit d’attention, ou des effets de distraction des hallucinations ou des pensés troublantes. Dans le prochain article nous décrivons les techniques spécifiques pour améliorer le fonctionnement attentionnel des patients, afin qu’ils puissent participer et bénéficier pleinement de la réhabilitation psychiatrique.