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L’auteur figure parmi les incontournables pour quiconque s’intéresse à la pédagogie et à la didactique de la traduction, plus particulièrement de la traduction professionnelle anglais → français. Il présente ici un ouvrage didactique où la traduction professionnelle est mise de côté pour faire place à une forme particulière de traduction – la traduction didactique –, d’où l’usage du vocable « version », qui n’a plus guère droit de cité dans les programmes de traduction professionnelle de textes pragmatiques. L’ouvrage s’adresse à ceux et celles qui étudient la traduction didactique en vue de se présenter à un concours universitaire d’anglais en France (comme le Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement secondaire ou C.A.P.E.S.). Le corpus est presque exclusivement littéraire, si l’on ne tient pas compte des quelques données extraites de rapports de jury du C.A.P.E.S. Par conséquent, l’ouvrage présente relativement peu d’intérêt pour ceux qui se concentrent sur la traduction professionnelle. De plus, ceux et celles qui y chercheront des éclairages nouveaux sur la pratique de la traduction professionnelle risquent de rencontrer quelques embûches. Toutefois, quelques définitions particulièrement synthétiques et claires reflétant une réflexion solidement étayée sur la traduction (la définition de la langue comme système, p. 17 et 18, est remarquable à cet égard), un index unidirectionnel, fort utile en dépit de ses quelques failles (principalement à l’égard de notions « ambiguës » bien que fondamentales dans l’ouvrage, comme équivalence et fidélité), renvoie à bon nombre de notions abordées par l’auteur au fil de son manuel. On notera cependant certains emplois particuliers, comme celui de calque sémiotique (et non l’habituel calque sémantique), qui risquent de dérouter le novice, et que l’auteur aurait sans doute eu intérêt à définir, voire à situer par rapport aux autres types de calques. Sur ce plan, la présence de termes d’usage peu répandus risque de décourager ou de désarçonner tout lecteur qui, après avoir lu ce manuel, serait resté sur sa faim et souhaiterait enrichir ses connaissances par la lecture d’autres auteurs utilisant un métalangage plus généralement reconnu.

Dans certains passages, l’ouvrage n’est pas sans rappeler le manuel de stylistique comparée du français et de l’anglais de Vinay et Darbelnet, en ce sens que l’ouvrage est construit autour de l’observation de divers phénomènes contrastifs, triés parmi des copies d’étudiants et des traductions littéraires. Par conséquent, l’auteur laisse parfois l’impression que son propos s’articule, bien que de manière très juste, autour d’observations faites a posteriori et non de principes établis a priori. À ce sujet, on pourrait lui objecter que, si l’on peut tirer avantageusement parti de l’observation d’erreurs commises au fil des traductions, il semble risqué de faire reposer l’édifice pédagogique presque exclusivement sur des ratés aussi nombreux que les solutions heureuses.

L’ouvrage est présenté de manière structurée, bien que l’on se perde parfois dans la numérotation des rubriques. Le propos s’articule autour de 12 chapitres qui, au lieu de présenter les compétences à acquérir pour savoir traduire, reprennent habilement les principales difficultés de l’opération de traduction de manière originale et intéressante. C’est sans doute ce qui explique le caractère très pragmatique du manuel, les rappels théoriques n’occupant qu’une place restreinte par rapport aux exemples et aux conseils. En effet, les cas sont nombreux et les explications, succinctes; par conséquent : « Autodidactes, prenez garde ! »

Chaque chapitre se termine par une courte bibliographie suggérant des lectures complémentaires. De toute évidence, l’auteur a fouillé son sujet, et les principaux auteurs à consulter sont effectivement recommandés. Toutefois, si l’on peut comprendre l’importance de lire des auteurs en français pour comprendre la problématique de la traduction anglais → français, l’absence presque totale d’ouvrages de référence en anglais n’a pas vraiment sa raison d’être. Cependant, le lecteur qui souhaite se préparer à un concours universitaire français trouvera dans cette bibliographie d’ouvrages principalement en français non seulement des traités de la traduction didactique, mais de la traduction en général, y compris de l’interprétation et de la traduction professionnelle telle que la conçoivent de nombreuses écoles de pensées. Toutefois, comme nous l’avons déjà indiqué, il devra au préalable être rompu au métalangage pour se prémunir contre les écarts terminologiques que nous laisse entrevoir le manuel.

Notons au passage que, sans aucun doute en raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur, l’ouvrage compte de nombreuses coquilles, qui seront certainement éliminées lors d’une éventuelle réimpression, et contre lesquelles l’éditeur saura se prémunir avant la publication du volume 2.

En marge d’observations justes, l’auteur présente certaines affirmations qui étonnent parfois, du moins chez le lecteur francophone nord-américain. Par exemple, l’auteur explique que la tradition en France voulant que certains titres de film ne soient pas traduits dans la version française ne dérangerait pas le spectateur, car ce dernier comprendrait le titre de ces films, de toute manière, après les avoir vus. Irions-nous jusqu’à penser la même chose si ces films étaient en chinois, en japonais, en finnois? Pourquoi chercher à justifier ce laisser-faire lorsqu’il est question de l’anglais? Il est regrettable que l’auteur sanctionne dans un manuel pédagogique cette façon de concevoir la traduction, fût-elle universitaire, et qu’il ne profite pas plutôt de l’occasion pour rappeler à ses lecteurs qu’on ne traduit pas pour des personnes bilingues mais bien pour des gens qui en ont besoin.

Le lecteur qui s’intéresse à la traduction professionnelle s’étonnera sans doute de noter qu’au chapitre de la fidélité, l’auteur soutient qu’il est possible de mesurer le degré de fidélité d’un texte à l’aune de l’adéquation des formes. En effet, ce principe étonne le traducteur, car il s’écarte largement de la tendance à l’égard de la révision professionnelle, voire du contrôle de la qualité, que l’on observe en traduction professionnelle. Étonné de prime abord, nous y avons néanmoins lu un parti pris pour la littéralité (p. 17) en ce qui a trait à la traduction didactique et non une prise de position générale pour la traduction dans son ensemble.

Le chapitre traitant de la typographie commence par un petit détour en grammaire du texte, et traite des paragraphes, ce qui semble plutôt être le début d’une série d’explications de la grammaire contrastive du texte. Or, ce n’est pas le cas, et l’auteur recommande de respecter la forme du texte en traduction didactique. La norme présentée à l’égard de la typographie est résolument française. En effet, on n’y trouve aucune mention des écarts géolinguistiques possibles, ce qui s’explique en partie par la nature du lectorat visé. On trouve néanmoins quelques mentions à l’égard des différences entre l’anglais britannique et l’américain, mais rien sur les autres variétés d’anglais, ni sur les autres variétés de français.

En résumé, voilà un bon livre pour celui ou celle qui se prépare à un concours universitaire d’anglais, surtout pour la compréhension de l’anglais britannique. Son corpus, exclusivement littéraire, comprend également des rapports de jury du C.A.P.E.S. qui ont servi à illustrer certains principes cités par l’auteur. Le lecteur qui s’intéresse davantage à la pédagogie de la traduction professionnelle y trouvera néanmoins quelques chapitres intéressants, à plus forte raison s’il réfléchit à la traduction de l’anglais au français. Finalement, cet ouvrage, permettra à ceux qui étudient l’anglais langue étrangère de perfectionner leurs connaissances de la langue de Shakespeare et leur habileté à faire de la version didactique de textes littéraires.