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Introduction

L’éducation a toujours été un souci et un motif d’inquiétude pour les sociétés modernes et elle reste présente dans beaucoup de débats. Son engagement dans le système de vie existant, ou prétendu, explique clairement qu’elle soit en réadaptation continue ; le modèle de l’éducation est celui de la société même. Néanmoins, l’éducation est toujours une affaire culturelle, politique, économique. C’est une question qui, en définitive, est historique et changeante, et qu’il convient de mesurer dans ses propres conséquences. L’enseignement formatif, considéré comme l’ensemble des connaissances théoriques et pratiques acquises dans une programmation publique et orientée vers l’acquisition d’une technique ou d’un métier, varie selon les temps et selon le positionnement d’un pays dans le système.

Il reste que la traduction, considérée au sens générique comme matière englobant la pratique écrite et orale, a toujours existé, mais n’a pas toujours été enseignée, du moins d’un point de vue théorique : les services professionnels sont apparus très tôt dans l’histoire (au temps des pharaons et même avant). Les écoles de traducteurs étaient courantes au Moyen-Âge, comme celles de Bagdad ou de Tolède, mais il ne s’agissait pas réellement d’écoles, puisqu’elles ne permettaient pas d’apprendre ou d’enseigner à traduire avec méthode. Les écoles de formation sont bien postérieures (peu avant la Révolution française et pour des aspects de formation très concrets). Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’apparition de certains organismes pour répondre à ce besoin de formation. L’École de Genève fut la première à mettre en place un programme d’études. La constitution de la Fédération Internationale des Traducteurs (FIT) fut aussi d’une grande aide en ce sens. La réflexion sur le système de formation est loin d’être close et elle est toujours d’actualité.

La traduction de nos jours

Entre-temps, qu’est-ce qui a changé ? Maintes choses. Premièrement, sans doute le sentiment de nécessité absolue de la traduction dans les relations de communication entre les sociétés et les êtres humains, avec la hausse des échanges économiques, politiques, culturels, etc. Deuxièmement, l’augmentation du nombre d’établissements de traduction, surtout en Europe, avec les problèmes logiques de croissance (manque de critères communs dans la formation et dans l’exercice de la profession). Troisièmement, l’apparition de beaucoup de travaux de recherche dans le domaine de la traductologie, avec des orientations pédagogiques et didactiques dans son enseignement. Quatrièmement, l’emploi de nouvelles technologies qui ont déclenché une véritable révolution dans le domaine de la communication (voir Internet et autres). Cinquièmement, la crise du système éducatif en général et la manifestation d’un phénomène nouveau, dit mondialisation, avec des implications directes sur la traduction.

La traduction, un besoin accru

Les conditions propices, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à la création des études de traducteur-interprète et à la naissance des théories autour de cet exercice sont aujourd’hui accrues. En effet, le nouvel ordre économique et politique a instauré des relations sociales et humaines où la norme est le respect de toutes les langues d’expression et où la traduction apparaît de plus en plus nécessaire. Les organismes supranationaux (ONU, OTAN, UE, etc.) et les institutions internationales en général protègent l’utilisation des langues de tous leurs membres, ce qui donne l’occasion de produire un flux important de documentation traduite et de travaux en multiples directions linguistiques. La progression du marché de la traduction et l’augmentation conjointe des établissements universitaires et des diplômés, ont relancé l’activité et la reconnaissance de ces professionnels jadis anonymes. L’avancée des études théoriques autour de la traduction et de sa didactique en particulier n’est que le signe d’une nouvelle réalité culturelle et communicative qui ne semble pas devoir reculer.

La prolifération des Écoles de traducteurs

L’augmentation du nombre d’écoles où la traduction est enseignée est fonction du besoin absolu des professionnels en ce domaine dans notre société. Derrière cette création d’écoles de traducteurs, on devine une stratégie d’ensemble : la protection des langues nationales, afin d’assurer une consolidation dans un environnement politique et culturel. Un pays comme l’Espagne possède une quinzaine d’universités publiques et un grand nombre d’établissements privés où l’on apprend à traduire non seulement l’espagnol, mais aussi les trois autres langues de l’État : le catalan, le basque et le galicien. La Belgique est également un modèle de formation linguistique diversifiée. Conséquence immédiate de cette prolifération : la présence à court terme d’un grand nombre de professionnels de la traduction ou de l’interprétation dans la société (beaucoup plus présents dans un État que dans d’autres). Mais cette prolifération exige des actions concrètes et urgentes sur la formation des étudiants et sur l’uniformisation des règles pour faire face aux exigences du marché et à la situation de l’offre et de la demande. En effet, la concurrence est une norme non seulement économique, mais aussi académique, culturelle, etc.

Le travail des théoriciens

Le travail de recherche traductologique s’est accrû considérablement au cours des dernières décennies. Celui-ci a contribué à forger des bases théoriques sur lesquelles repose l’exercice (une longue dette envers celui-ci), à orienter la profession et à approfondir le domaine pédagogique (on n’envisage plus de théorie sans formulation didactique), mais on est loin encore de jouir d’un point de vue égalitaire sur la question. On est toujours loin de formuler une théorie unique de la traduction, mais en revanche, on n’a jamais été aussi près de présenter ses implications. Translation Studies, le courant né aux Pays-Bas et en Israël durant les années soixante-dix a été un des premiers à poser le problème et à donner des solutions. Cette théorie surmonte aujourd’hui les difficultés à l’aide d’implications avec d’autres orientations plus pragmatiques. Ce comportement – de relation et de rapprochement avec d’autres positions – s’est généralisé dans la plupart des courants surgis à l’aube du grand éveil traductologique. Dans le domaine didactique, ce sont sans doute les courants d’origine textuelle, de l’analyse du discours et de la théorie du sens qui ont contribué le plus à forger la pédagogie de ces dernières années : les études de Jean Delisle, Maurice Pergnier, Karla Déjean Le Féal, et bien d’autres, avec une approche communicative, ont été à la base de la formation de nos derniers traducteurs.

L’absence de critères communs formatifs et professionnels

C’est bien sûr un autre symptôme de notre époque. Si les recherches scientifiques sont le produit du monde universitaire et s’appuient, presque toujours, sur l’existence des unités académiques, ce sont les plans d’études comportant un accès à la recherche, c’est-à-dire au doctorat, qui sont propices à créer des données scientifiques et sont appelés à apporter des réponses aux problèmes de leur spécialité. Cependant, tous les programmes d’études n’ont pas les mêmes débouchés ou possibilités d’accès à la recherche, et ils n’ont même pas la même signification académique. Dans le domaine international, il n’y a aucune coïncidence dans l’encadrement de cet apprentissage : dans des pays comme l’Espagne, la formation des traducteurs et interprètes est l’affaire des facultés ou d’unités supérieures de recherche avec une durée d’études de quatre ou cinq ans (selon les universités) et elle comporte un encadrement scientifique donnant accès au troisième cycle doctoral, où la composante théorique n’est pas négligeable. En Belgique, en France, en Allemagne, et dans d’autres pays, les instituts de formation ou les Écoles supérieures, sont chargés de cet enseignement durant trois ou qutre ans, avec des matières orientées presque exclusivement vers la pratique et où le doctorat n’est pas prévu. Cela aura évidemment une répercussion sur le recrutement des professeurs qui devra être fait sur les bases philologiques.

Un fait qui est en rapport avec la considération académique des étudiants en traduction est celui du statut professionnel du traducteur-interprète qui ne jouit pas de la même considération partout. Tandis que dans certains pays il jouit d’une considération sociale en tant que professionnel libre et pratique des tarifs officiels respectables, dans beaucoup d’autres, ce professionnel est loin d’avoir une position de prestige et ses tarifs sont très inférieurs, soumis la plupart du temps à la loi de l’offre et de la demande.

La crise du système éducatif

Il faut convenir que l’enseignement en général (celui de la traduction ne fait pas exception) souffre aujourd’hui d’une perte de reconnaissance. La dévaluation du système éducatif est le fruit d’un état de transition logique qui bouleverse les valeurs classiques. Mais si la traduction présente en général les mêmes symptômes que les autres matières d’enseignement face à la mondialisation, ils semblent accrus à cause de la nouveauté de la mise en oeuvre de son expérience didactique. En effet, quelques décennies ne suffisent pas à généraliser une pratique ou à mettre d’accord toute une société sur sa viabilité. La traduction expérimente aussi une crise de croissance dans le domaine didactique et professionnel.

Les grands progrès réalisés durant les années 1980, surtout avec l’émergence des théories communicatives et interculturelles et leurs propos pédagogiques, se ressentent aujourd’hui à cause des attentes générées par une société dite de l’information et des connaissances. Les références pour l’apprentissage deviennent de moins en moins sûres à cause des changements continus ; le modèle d’organisation scolaire semble déjà vieilli, de même que le rôle des enseignants.

Le système éducatif et formatif actuel est un produit du xixe siècle, comme le dit Feito (2001 : 192) ; le souci principal est de discipliner le futur travailleur, qui est destiné à faire le même travail toute sa vie. L’incapacité des universités et des écoles à former les étudiants et à leur inculquer aussi des comportements est évidente. Les étudiants sont perçus comme des récipients vides que l’enseignant doit remplir de connaissances.

L’idée est que, dans le futur, le travailleur sera forcé de changer d’emploi plusieurs fois pendant sa vie. Le travailleur est quelqu’un qui doit avoir une capacité d’auto-direction. Depuis quelques années, on a constaté l’importance de former des individus complets, dotés de connaissances et de compétences étendues et approfondies, capables d’apprendre, et convaincus de la nécessité d’augmenter leur niveau de connaissances. Cela requiert une organisation différente du travail ainsi qu’une force de travail dans cette organisation. Une force de travail qui devra être capable d’un apprentissage rapide. Comme le suggère Reich (1991 : 201-202), l’habileté la plus importante doit être transférée d’une manière informelle entre les travailleurs au fur et à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience, au lieu de l’acquérir à travers l’éducation et l’apprentissage formels. La capacité d’apprendre en travaillant dépendra des qualités et des compétences développées auparavant.

L’effet de la mondialisation

Le système mondialisé est la toile où les parties sont interdépendantes et constituent un réseau d’échanges, d’emprunts et d’accords de coopération. Un phénomène qui n’est aucunement nouveau dans notre histoire : comme la construction de l’empire romain, du système religieux ou même celle de l’université, qui nous occupe, et qui fait partie du sentiment ou de l’ambition la plus profonde de l’être humain (nous universalisons ou mondialisons tous nos critères ou perspectives). Ceux qui pratiquent la langue, ont un esprit de généralisation, d’expansion ou de mondialisation, essayant d’appliquer les mêmes règles partout, et de l’imposer à d’autres. La mondialisation est une façon de regarder le monde, la culture, la langue, la traduction…

L’esprit de ce nouvel ordre – qui entend autrement les relations universelles ou mieux qui n’entend qu’une seule manière de faire : mondialement –, a atteint également l’éducation, et c’est précisément cet état de l’enseignement de la traduction à de l’ère de la mondialisation qu’il nous intéresse de décrire dans cet article. Dans le nouvel état, le monde est ressenti comme unité de coopération, de responsabilité et de développement. Éduquer une société c’est dorénavant éduquer le monde, éduquer tous les individus.

Le phénomène de la mondialisation, défini en anglais comme le making universal ou la world-wide extension ou, comme l’on préfère dire en espagnol globalización, repose sur la conviction que tout acte a une répercussion directe sur la planète. En fait, la mondialisation, ou tendance des marchés, des entreprises, de la culture et de toute une série de rapports sociaux qui y s’incluent jour après jour, à s’étendre pour avoir une dimension mondiale qui dépasse les frontières nationales, ne serait envisageable que s’il y avait un moyen de communication capable de vaincre Babel. Celui-ci est bien Internet, quoiqu’il ne soit pas le seul.

Le nouvel espace, celui de la communauté (comme celui de la aldea global en espagnol), est un terme bien nostalgique qui essaie de définir une relation intime d’un endroit qui, malgré l’ampleur de la désignation (le monde entier), est contrôlable. La notion d’espace est l’une des premières à subir une transformation, puisqu’elle se rapporte à toutes les autres et fait partie de tous et de chacun. Internet est devenu l’espace où tout se produit, où tout est intégré. Nous formons tous constamment l’espace d’Internet, le web, et Internet intervient continuellement dans la formation de la communauté.

Le temps de la mondialisation est un temps ouvert qui nous soumet à de nouveaux défis dont il est difficile de préciser la portée. Le phénomène de la mondialisation est fondé certes sur l’hypothèse d’une communication efficace et, de ce point de vue, la traduction constitue bien l’un des enjeux de la nouvelle ère. Aujourd’hui, personne ne peut nier le rôle fondamental que la traduction joue dans les relations humaines. Dans un monde où l’on parle à peu près 5 000 langues et où on est toujours loin de s’accorder sur une seule et unique langue comprise de tous (une réalité qui est en plus contestée par une grande partie des utilisateurs), les relations ne peuvent être assurées qu’à l’aide de la traduction. Le nouvel ordre social découlent des conflits du xxe siècle (un ordre retardé par l’apparition de nouveaux éléments en ce début de xxie siècle) exige des interlocuteurs une volonté affirmée de communication et aussi un changement de perspective dans la formation des traducteurs pour que celle-ci puisse jouer un rôle plus efficace.

La mondialisation apporte de nouveaux défis, certes, mais elle nous introduit dans une dynamique, aussi inquiétante que passionnante, qui va déterminer nos actions dans l’enseignement de la traduction et le comportement des traducteurs dans l’avenir, un avenir qui se fait déjà présent. La mondialisation établit de nouvelles relations entre les enseignants, les étudiants, mais aussi entre les administrateurs.

Le Web apporte un système de formation basé sur l’information généralisée (de la théorie et de l’histoire de la traduction, de sa bibliographie, etc.) et les aides documentaires et terminologiques. La didactique n’y est pas absente : à travers Internet, on peut suivre des cours de traduction incluant des exercices, avec correction automatique ou personnalisée. On peut discuter avec quelqu’un ou participer à des forums – pour exprimer des doutes, pour partager des informations, etc. À travers le Web, on peut aussi traduire (système de traduction automatique) et on peut vendre également ses propres services de traduction. Le Web nous rapproche du monde, nous rapproche des langues et des cultures ; à travers lui tout est vu de plus près.

Mais comment agit, sur l’enseignement de la traduction, le phénomène de la mondialisation ?

Certes, la traduction est incapable de vaincre ses propres démons. Le rêve de la traduction a toujours été de pouvoir répondre à toutes les situations de communication et de fournir des opérations universelles capables de résoudre des conflits interlinguistiques entre les peuples et les cultures ; une réalité indispensable pour mener à bien un projet universel de collaboration comme celui qui a été décrit. Malgré tous les inconvénients théoriques, dont l’impossibilité de trouver des « universaux » linguistiques, comme le préconisaient Mounin et d’autres linguistes du xxe siècle, et la conviction que la langue est un outil imprécis, incapable de résoudre tous les problèmes de communication à travers des critères seulement linguistiques, la traduction reste toujours un outil nécessaire et indispensable pour la compréhension humaine, qui atteint son but grâce à d’autres ressources communicatives.

S’il est vrai que la traduction souffre toujours d’un manque de théorisation concrète (on est loin de réussir une perspective unique), ce qui est manifeste au moment de construire sa pédagogie, la nouvelle situation créée à partir des échanges d’information et de l’utilisation des nouvelles technologies – les aspects les plus visibles de la mondialisation – impose une pragmatique qui s’avérera sans doute efficace dans des concrétisations futures, qui permettront peut-être une vision globale de la théorie. Le temps est fini aussi pour les textes théoriques qui n’accordent pas de place au savoir pratique et aux conséquences didactiques, comme le préconisait il y a quelques années Lieven d’Hulst (1994 : 12) : « Une vue aussi globale que possible de la discipline y est prônée – fut-elle panoramique – ». La traduction devra être plus claire dans ses positions, plus facile et maniable dans son application, et toujours possible si elle veut gagner la bataille de la mondialisation qui s’annonce imposante. Une société en cours de mondialisation, comme la nôtre, exige un changement de perspective dans le domaine de l’enseignement et de la profession. La traductologie devra opérer une prise de conscience et tirer des conclusions sur les nouveaux intérêts de la communication en général et, enfin, de la traduction.

Les actions communes

La tendance aujourd’hui est d’universaliser l’éducation – objectif utopique si l’on pense aux différences entre les sociétés dites avancées et celles du tiers monde – et de créer des réseaux d’homogénéisation dans des espaces supranationaux. Ainsi, l’enseignement est soumis en Europe à un agenda européen relatif à l’éducation qui privilégie et parfois même impose (l’imposition n’étant pas encore très forte) des politiques particulières de valorisation, de financement, d’évaluation, des niveaux, de formation pédagogique, etc. L’idée est que tous les citoyens européens partageront à long terme un même type d’enseignement avec des critères égalitaires. Les programmes Erasmus-Socrates, Tempus ou Lingua ont initié cet esprit de collaboration et d’échange, qui porte rapidement ses fruits dans nos cours, intégrés par des étudiants venus de l’Europe entière. Des études ont été faites pour introduire des mécanismes de contrôle et des observatoires de comportements précis. Ce comportement de collaboration, entamé au carrefour de la construction européenne, inspire aussi la politique du nombre d’universités dans leurs relations avec d’autres établissements des différents continents.

L’une des facettes les plus remarquables de la mondialisation est le pouvoir de l’information et la capacité de gérer ses résultats. Il n’est pas difficile par exemple d’arriver à un plan pédagogique d’ensemble ou à une formation en traduction identique sur la planète. Certes, avec la poussée des communications, un plan d’études en Belgique ou en Espagne peut être connu en même temps au Japon ou aux États-Unis ; Internet a ainsi accompli sa mission de divulgation universelle. Cet effet de la connaissance immédiate de l’information produit une réaction de rapprochement vis-à-vis de l’objet représenté. La proximité physique ou visuelle des plans d’études serait donc à partir de maintenant une réalité avec des résultats évidents. Néanmoins, les choses ne pourraient pas se présenter si facilement dans le contexte d’uniformisation de l’enseignement : un plan d’études est toujours quelque chose de plus complexe que la simple mise en accord à travers Internet, elle est en rapport avec la représentation culturelle et académique de chaque peuple ou langue-culture. L’éloignement entre les peuples et entre les langues a été tellement profond à travers le temps que personne n’oserait croire qu’en un seul jour tout pourrait être autrement.

De la langue unique au multilinguisme

Il est indéniable que le nouvel ordre social a besoin d’une communication plus efficace et que les solutions passent par l’utilisation d’une ou de plusieurs linguas francas, par la connaissance de quelques autres langues véhiculaires ou par la mise au point de procédés linguistiques généralisateurs ou métis, susceptibles d’être compris par une majorité dans les rapports humains. Cela permettrait de réaliser le rêve de la communication et aiderait sans doute à la mondialisation. L’anglais est sans doute la langue la mieux placée pour atteindre ce but, mais ce n’est pas chose facile. Le multilinguisme est une devise des temps nouveaux qui rend toujours indispensable la traduction. La communication multilingue est certes le grand débat de nos jours (Bueno 2001) et l’un des outils de la mondialisation, mais cette notion reste bien complexe, puisque, comme l’a montré Marquant (2001 : 13), la communication multilingue « n’existe nulle part ni pour personne », « le terme recouvre trop de pratiques et de notions différentes, voire même disparates ». Elle serait a priori le rêve de Babel, celui de vaincre tous les obstacles linguistiques et de permettre l’échange d’information et de la communication entre tous les utilisateurs et dans toutes les langues, mais la réalité est bien autre. Il existe depuis toujours de graves problèmes de consolidation linguistique, et le risque aujourd’hui est certes la disparition massive, comme l’a justement signalé Claude Hagège dans son livre Halte à la mort des langues (2000). Certes, la concurrence linguistique est de plus en plus forte et cela peut avoir des répercussions sur l’exercice de la traduction (dans la politique des emprunts ou des barbarismes surtout).

Les conséquences du multilinguisme sur l’apprentissage de la traduction se font déjà sentir. La présence de plus en plus fréquente des débats multilingues dans les écoles – pratique déjà répandue dans quelques pays – est la preuve de tout cela.

Une question fondamentale dans l’offre de formation en traduction est le choix linguistique. La politique linguistique explique la priorité d’une langue sur une autre ; les conséquences qui en dérivent ne sont jamais négligeables. Le critère langue maternelle/langue étrangère n’est plus sûr et risque de disparaître, étant donné la diversité des étudiants dans une université et leur provenance. Les langues de travail ne sont pas toujours les mêmes dans les systèmes de différents pays et cultures, mais le rapprochement est aujourd’hui une réalité incontestable, du moins pour ce qui est des langues reconnues universelles. Les programmes officiels acceptent volontiers la présence de plus en plus prégnante d’autres langues, même minoritaires, soit dans des cours parallèles ou comme activité para universitaire, ce qui permet à l’étudiant d’élargir le champ de conceptualisation linguistique et sa connaissance des autres cultures.

Il semble que les modèles didactiques et traductologiques, fondés sur la comparaison d’une ou de deux langues (hérités de la stylistique comparée) qui survivront certainement toujours, feront de plus en plus place à d’autres modèles, multilingues et capables de donner une réponse à un système de relations plus complexe. De la même manière dont les dictionnaires multilingues prolifèrent, verra-t-on naître des manuels à multiples directions linguistiques.

L’interdisciplinarité comme objectif

L’idée de l’interdisciplinarité (ou de la transdisciplinarité, comme d’autres préfèrent la nommer) est un phénomène lié sans aucun doute à la mondialisation, qui a des répercussions non seulement sur le traitement et l’étude des langues, mais aussi sur n’importe quelle autre discipline. Le contact plus facile avec d’autres spécialités a une répercussion positive sur la traduction, toujours liée au transfert d’informations de tout genre de textes. Cet effet s’avère spécialement important pour la traduction dite spécialisée (scientifique, technique, médicale, économique, juridique, etc.), puisqu’elle concerne de nombreux textes et recourt à des aides terminologiques – surtout à travers Internet – pour opérer plus aisément sa mission.

Internet joue le rôle d’un immense campus dans sa possibilité de rassembler et de gérer tant d’informations. Le rôle des réseaux de l’information et de la toile dans la configuration des rapports d’enseignement s’avère d’une importance capitale. Aucune activité n’a autant besoin de contact avec le monde et avec les différents savoirs que la traduction. La condition est qu’elle accepte l’information à l’état brut, plurielle, et sans classement, ce qui est somme toute normal puisque les cultures doivent être étudiées sans aucun sectarisme (comme la traduction elle-même).

Étant donné les nouvelles exigences dans l’éducation de l’apprenti traducteur, la formation requiert l’apprentissage de nouvelles disciplines, de nouvelles techniques et de nouveaux outils pour être menée à bien. L’importance des métaconnaissances dans le domaine de la traduction, à savoir la connaissance informatique de nos étudiants, la connaissance de la programmation dans le langage d’au moins un progiciel, la maîtrise de la documentation… sont des aptitudes nécessaires à cette profession. Et cela non seulement pour les traducteurs techniques, mais aussi pour les traducteurs des sciences humaines ou les littéraires.

Les mécanismes d’aide à l’enseignement

À l’époque de la mondialisation, la fonction d’enseignement rrevêt différentes formes : encadrée, comme à l’école ou à l’université, et libre, à l’aide des nouvelles technologies. Les deux participent d’une problématique différente et n’ont pas les mêmes buts par rapport aux étudiants, mais elles sont complémentaires à vrai dire et doivent être tenues en compte au moment d’envisager l’enseignement.

Le nouveau rôle de l’école traditionnelle est la formation du noyau stable et des références qui permettront d’affronter les changements permanents auxquels nous soumet la nouvelle production culturelle. Le rôle des aides technologiques est d’appuyer les connaissances acquises en classe ou de découvrir les multiples représentations d’un problème. Certes, avec Internet et d’autres systèmes de communication, nous avons aussi la possibilité de suivre des cours plus ou moins stables avec une présence à distance, mais ces possibilités, réelles dans le domaine aussi de la traduction, ne doivent pas masquer sa signification pratique et complémentaire.

Certaines formules sont venues s’ajouter de nos jours aux possibilités de formation, ou mieux d’actualisation des connaissances : l’autoformation et la formation permanente. Deux grandes exigences du traducteur professionnel, qui se sert indifféremment des deux méthodes selon l’intérêt de la recherche.

Le cours de traduction a enregistré un changement très important ces dernières années, et on s’attend sans doute à des renouveaux : la dynamique des nouvelles méthodes pédagogiques des enseignants, et l’application des nouvelles avancées dans la traduction technique et spécialisée, audiovisuelle, etc. L’application des aides auxiliaires et les nouvelles technologies ont fait changer substantiellement le cours.

Il est important pour le travail de l’élève et du professionnel de suivre les aides à la traduction. Sans doute les performances viennent-elles de l’utilisation de tout un tas de procédés techniques : aides directes, mémoires de traduction et autres. Mais tout cela ne peut pas nous faire oublier que le style, la qualité… ne sont pas le fruit provenant de l’aide technique, mais d’un travail personnel et sérieux, impossible à remplacer dans la tâche du traducteur.

Les systèmes on line et offline

Les nouvelles technologies appliquées à l’enseignement de la traduction peuvent être utilisées dans un système de communication à travers la toile (on line) ou en dehors de celle-ci (offline)

Les systèmes d’aide on line permettent au traducteur d’utiliser une grande panoplie de ressources dans son travail quotidien, comme la traduction assistée et automatique, l’aide terminologique ou la documentation. Sans négliger sa capacité formative, comme il a aussi été indiqué.

En dépit des croyances, les technologies on line ne sont pas les plus nombreuses : l’espace électronique est beaucoup plus vaste que celui d’Internet ou le World Wide Web. Il compte sur des technologies comme le téléphone, la radiotélévision, l’argent électronique, les réseaux télématiques comme Internet, les technologies multimédias, la réalité virtuelle, etc. Le but d’une e-éducation est d’apprendre aux gens à se mouvoir, à intervenir, à agir et à se mettre en rapport dans l’espace électronique. Ce réseau, qui doit être évidemment fermé, et constituer un Intranet, doit faire siennes les valeurs de respect, d’intimité et de la vie privée des étudiants. Voilà l’une des différences pratiques avec le monde d’Internet.

Le but le plus important de l’espace électronique, européen ou autre, est précisément d’adapter les systèmes d’éducation et de formation à la société des connaissances et, en cela, il coïncide avec le but de l’enseignement en général. Les e-bibliothèques, les e-musées, etc. constituent des infrastructures nécessaires pour réussir cette mission.

Les conséquences non prévues ou les risques de la mondialisation

Les avantages de la mondialisation ne peuvent pas cacher les risques et les conséquences non prévues dans sa réalisation. Comme il a été signalé par de nombreux auteurs (voir par exemple, Martin Carnoy (1999)), derrière la mondialisation se cache toute une idéologie dont les traits caractéristiques sont, entre autres, la volonté de s’ériger en vision totalitaire de la réalité et la vision morale de la réalité. Certains, enfin, se posent la question de savoir si ces faits sont tolérables, défendables ou même souhaitables, mais la réalité est plus rude et ne permet pas, en dehors des critiques, de changer quoi que ce soit à ce dessein.

En s’appuyant sur les considérations générales de Martin Carnoy (idem) sur la mondialisation et en nous servant d’elles pour exprimer la situation concrète dans laquelle vivent les traducteurs (aussi bien étudiants que professionnels), voici les conséquences qui en dérivent pour leur entourage, à savoir l’État, l’université, la société, l’individu. Pour les États et pour les universités, la mondialisation apporte une perméabilité, ou porosité, des frontières où l’on réalise la traduction, ce qui aura des répercussions sur le nombre de candidats ou de professionnels de la traduction ; les plans d’études seront aussi mis en question et valorisés selon de multiples paramètres. Pour la société, on doit compter sur la poussée de l’individualisme dans le comportement personnel et dans le travail du traducteur, mais aussi sur l’apparition d’autres agents que l’État ou les universités. Pour ce qui est de la culture, l’accroissement de la quantité d’informations visuelles disponible aboutira à la saturation (qui conduit inéluctablement à la méconnaissance), mais il est indéniable que l’accroissement de la quantité d’information contribuera à changer le sens des connaissances et du savoir.

Le phénomène de la multiculturalité en soi pose des problèmes évidents pour le monde du travail et pour les individus surtout. Pour le monde du travail, l’auto-apprentissage et l’auto-emploi auront une répercussion capitale et changeront les comportements des traducteurs. Pour les personnes, le comportement individualiste accentuera l’autonomie et la liberté, mais il accentuera également la solitude d’un groupe déjà reconnu comme solitaire ; dans ce sens-là, la demande prévisible de traducteurs polyvalents, prêts à se confronter à tout type de textes ou de missions, sera dans le futur problématique pour les individus dont les attitudes sont trop individualistes.

L’État est de moins en moins légitimé pour ordonner l’éducation. En effet, étant donné la dispersion des ressources d’apprentissage et la diversités des acteurs, la mondialisation entraînera un effet de déplacement d’autorité sur les compétences éducatives.

Il est important de tenir compte dans l’enseignement du fait que l’éducation est transmise à des étudiants en contact avec la mondialisation, et donc exposés à ces risques. Les bienfaits d’Internet sont considérables, mais les problèmes qu’il pose aussi. L’un des risques les plus importants est le fait de ne pas prendre en compte l’information qui n’apparaît pas sur la toile ou d’opérer des restrictions dans nos choix. Cependant, les risques d’exclusion sont aussi très importants pour ceux qui ne contrôlent pas l’information fondamentale et ceux qui restent en marge des nouvelles technologies. Une grande partie du savoir traditionnel peut être également menacée si elle ne circule pas sur la toile ou sur les systèmes électroniques, ou si elle ne le fait pas convenablement.

La relation des établissements d’enseignement avec les nouvelles technologies a certes toujours été problématique et nous ne pensons pas que cette nouvelle situation changera du jour au lendemain, mais ici, comme dans tous les aspects des progrès, on doit compter sur le caractère progressif de l’application de ces progrès.

Le conflit culturel né en traduction (et responsable des différents traitements de la traduction : locale, générale, sexualisée ou féminine, politique, coloniale, etc.) ne fera semble-t-il que s’accroître dans le paysage de la mondialisation. Le manque de contrôle et de règles fixes en matière de traduction y contribuera sans doute.

Il y a aussi un risque l’originalité. En effet, l’information sur Internet souffre d’un manque de protection et de garantie des droits d’auteur. Il existe même des pages Web où les étudiants peuvent obtenir des travaux déjà faits, ce qui n’a rien de créateur.

Enfin, les conséquences ne sont pas les mêmes pour tous ni dans tous les cas : il y a des groupes qui tirent profit de l’expérience et d’autres qui ressentent des effets des changements sévères de perspective. Les incertitudes sont des sentiments habituels à l’aube de la mondialisation.

Pour le corps enseignant, la mondialisation ne semble pas représenter une menace, mais il peut être débordé par cette nouvelle situation. Il doit avoir beaucoup plus d’informations et le temps suffisant pour les digérer et pour les gérer. Une formation spécifique dans les nouvelles technologies s’impose, comme nous l’avons suggéré auparavant.

Il y a en outre des conséquences économiques sur le système éducatif. La mondialisation a évidemment un coût pour la société et l’université en particulier. Le mouvement de décentralisation et de réintégration générale, d’autonomie et d’expansion à la fois, exige l’adoption de mesures économiques capables d’adapter les systèmes. La politique d’échanges entre les universités (profs, étudiants, projets, diplômes, etc.), base sur laquelle agit la mondialisation, a également une répercussion importante sur les budgets. Dans une société mondialisée, l’enseignement est, comme toute autre activité, une action quantifiable qui a pour objectif la réussite de la rentabilité dans toutes ses étapes : le revenu des inscriptions, la réduction des coûts, les résultats des élèves, la réussite dans leur mission, la production scientifique, les débouchés des diplômés, etc. seront des références qui expliquent le succès ou l’échec de la gestion. L’enseignement est ressenti ainsi comme une autre activité économique et ce sont les établissements, surveillés par l’État, qui sont chargés de la mise en oeuvre des facteurs intervenants. De toute façon, on attend toujours des universités une action approfondie sur les moyens de perfectionnement du processus productif dans l’éducation.

La compétitivité entre les universités (par rapport aux critères signalés) est la première manifestation de ce comportement, et la cause de la disparition de quelques-unes de celles-ci à court ou long terme. En effet, les nouveaux critères survenus avec la nouvelle idéologie économique permettent de moins en moins l’existence d’établissements d’enseignement non rentables.

L’université publique rejoint aujourd’hui la politique des établissements privés : elle fait siens les critères de la rentabilité, de la rationalisation des moyens et de l’autogestion, en s’éloignant de plus en plus des critères qui ont inspiré un jour les services publics. Les établissements « efficaces » sont ceux qui assurenet la meilleure rationalisation des coûts, et les meilleures sélection et formation des professeurs.

Comme effet positif, signalons tout simplement que la mondialisation ouvre de grandes perspectives dans la démocratisation de l’enseignement, en garantissant à tous l’accès à l’éducation.

Le chemin à faire

L’État de la mondialisation n’est aujourd’hui qu’une perspective, appréciée vivement des uns, critiquée fortement par les autres. On est à un carrefour où l’on perçoit l’action d’hier et la perspective de l’avenir. C’est à coup sûr un mouvement sans marche arrière. Il convient donc de préciser sans délai des stratégies éducatives dans le contexte de la traduction, pour qu’elle accomplisse son rôle le mieux possible.

Pour ce qui est de l’apprentissage, il serait souhaitable que les apprentis traducteurs-interprètes apprennent l’habileté technique nécessaire pour manier les outils électroniques et cybernétiques. L’université, responsable de la formation, doit promouvoir les méthodes d’apprentissage, l’auto-apprentissage et les formules de collaboration avec les autres. En vue de cet état d’affirmation technique, il faudra aussi renforcer les mécanismes d’appui aux traducteurs : l’utilisation de systèmes d’aide on line et offline, les réseaux naturels d’appui entre collègues, l’apprentissage coopératif ainsi que d’autres formes de collaboration. La participation à des projets communs nationaux et internationaux (expérience déjà connue de nos jours et dont jouissent beaucoup d’établissements) s’avère très utile pour résoudre des problèmes généraux. Les services de collaboration avec les entreprises ou la société en général dans le cadre de la recherche représentent une bonne occasion de connaître les besoins et de mettre en oeuvre des solutions.

L’enseignant d’aujourd’hui est appelé à changer de rôle et à devenir un promoteur de l’apprentissage. Au lieu de contrôler ou d’être un responsable de la marche du cours, il devrait déléguer cette responsabilité de l’apprentissage aux autres membres du groupe. L’idée de former des gens pour leur donner des connaissances et des attitudes ne suffit plus aujourd’hui, il faut les éduquer pour qu’ils puissent participer d’une manière active à la société de l’information et des connaissances. Il faut habituer les élèves à savoir chercher et à découvrir par eux-mêmes le plaisir de la découverte. Ce nouveau rôle des enseignants exige aussi une formation spécifique et une actualisation de leurs savoirs. Un professeur serait dans cette perspective non pas un répétiteur de contenus (comme on le considère généralement), mais un gérant des connaissances et un coordinateur de la recherche. De ce fait, les étudiants sont également considérés comme des chercheurs et les établissements comme des centres de recherche.

Pour ce qui est des étudiants, il est nécessaire d’en faire les acteurs des processus de l’apprentissage et, pour cela, il faut qu’ils se rendent compte que ce qu’ils apprennent est important pour eux. La formation reçue est une expérimentation de la vie professionnelle future et de la vie tout simplement. L’étudiant en traduction, comme tout autre, doit chercher les connaissances dans la salle de classe comme à l’extérieur, et être capable de générer des connaissances.

D’ici quelques années, il y aura une grande différence dans la formation entre les anciens traducteurs et les modernes. Les premiers, qui ne connaissent pas les secrets des espaces technologiques, seront considérés comme des « handicapés » de la société de l’information.

En ce qui concerne les établissements, l’espace électronique de l’éducation, en Europe ou dans d’autres sociétés, est une hypothèse valable pour l’apprentissage à tous les niveaux et, bien sûr aussi, pour l’apprentissage et la recherche universitaire en Europe. Cela obligerait les écoles des traducteurs à s’interconnecter et à partager des ressources financières, technologiques et humaines.

Dans le cas précis des pays qui partagent une même langue (voir le monde hispanophone, l’espace de la francophonie, etc.), une collaboration par groupes de langues serait souhaitable et permettrait de réussir un consensus sur la mise en oeuvre de mesures qui faciliteraient le travail de traduction (exploitation des nouvelles technologies, préparation d’outils, solution de problèmes communs, vision d’ensemble…)

Conclusion

Au carrefour de la mondialisation, il reste un long chemin à faire, semble-t-il ; l’avenir est incertain, et l’aide et la collaboration sont indispensables. Un débat s’impose pour trouver des formules d’intérêt collectif sur l’enseignement des professionnels du futur, pour tirer profit des nouvelles technologies et pour ne pas manquer l’essai.

L’unification de critères relatifs à l’enseignement et à la profession est certes importante et elle permettrait des progrès significatifs dans l’expansion humaine. Mais la possibilité de communiquer tous ensemble est capitale. La mondialisation est un état semblable à Babel, une deuxième possibilité de vaincre l’isolement humain.

Il n’existe peut-être pas, depuis toujours, une société humaine aussi mondialisée que l’université, qui fait de la découverte et de la sauvegarde universelle de la culture et de la science le principe de son existence. La formation des traducteurs, faite en son sein, est l’expression de cette vocation et l’une des manifestations les plus universalistes dans cet esprit.

La traduction a bien sûr connu un grand essor, mais l’avenir paraît être encore plus prometteur. Le besoin incontournable de services de traducteurs-interprètes est mis en évidence par la multiplication des contacts professionnels, économiques, culturels, etc., et l’augmentation de la quantité d’information écrite et orale. Il est évident que le nouveau rôle joué par certaines langues, surtout l’anglais, et le phénomène du multilinguisme auront une répercussion sur la traduction et changeront le panorama linguistique, mais sa viabilité ne pourra jamais être mise en doute.

Les critères didactiques et formatifs poursuivent leur définition à côté d’une théorie qui n’est toujours pas unifiée (qui peut-être ne le sera jamais), qui se fait jour après jour, mais qui se montre très active ces derniers temps (on a connu beaucoup plus d’ouvrages en 50 ans qu’au cours des 20 derniers siècles). Les symptômes sont donc propres à une attitude de croissance et de développement continus.

Les nouvelles technologies on line et off line appliquées à la traduction sont en train de transformer le système d’enseignement des traducteurs et l’exercice de leur profession. Ces outils s’avèrent indispensables pour améliorer les résultats de la formation et mettre en place un système d’enseignement mondialisé.

Si les nouvelles technologies collaborent à élargir le rôle de la traduction, elles ne la représentent pas en totalité dans leur formation. À de nombreux égards, l’aide personnelle et la formation humaniste du professeur sont nécessaires ; il est important aussi de réserver beaucoup de temps à l’apprentissage de la formation de la pensée. Il ne s’agit pas de confondre la culture linguistique avec les industries de la langue et de la culture, quoique sans ces dernières le moment présent soit difficile à évaluer. Les nouvelles technologies sont utiles, mais à condition qu’elles ne minimisent pas les opinions des autres et qu’elles ne fassent pas obstacle aux choix à la liberté opérationnelle, le bon sens en définitive, qui a toujours guidé la profession de traducteur-interprète.

Au carrefour de la mondialisation, une mise en oeuvre d’actions communes s’impose et la création d’un observatoire capable d’évaluer les comportements dans le secteur de la traduction serait à cet égard bien intéressant.

Le temps de la mondialisation est un temps ouvert comme nous l’avons vu auparavant et un stimulus aussi pour l’action. Son espace n’est pas tangible, mais l’occupe en totalité. La mondialisation est ressentie comme un état et comme un but nécessaire.