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L’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.) est une astéracée originaire du continent américain. Citée parmi les espèces envahissantes [1], son extension en France semble récente, mais les problèmes de santé publique posés par son expansion géographique sont de plus en plus inquiétants [2].

Naturalisée en France au milieu du xixe siècle, elle est restée relativement peu connue des allergologues jusqu’au milieu des années 1960. En 1966, R. Touraine et al. [3] détaillent son rôle dans un certain nombre de pollinoses de la région lyonnaise et signalent les risques pour la santé publique de son extension géographique. En effet, le pollen de l’ambroisie est à l’origine de très fortes allergies (pollinose, rhinite saisonnière) dont les symptômes sont, par ordre décroissant de fréquence, des rhinites, des conjonctivites, de l’asthme et, plus rarement, de l’eczéma et de l’urticaire [4].

Localisée principalement dans la région Rhône-Alpes, elle est considérée comme un véritable « polluant biologique » et fait l’objet d’arrêtés d’éradication dans plusieurs départements (Rhône, Drôme, Vaucluse, Ardèche[1]…). Des campagnes d’arrachage sont même organisées depuis plusieurs années par le Conseil Régional Rhône-Alpes pour limiter les émissions de pollen.

Biologie et écologie de la plante

Le genre Ambrosia comprend plus de quarante espèces[2], dont cinq sont répertoriées en Europe. Deux espèces sont principalement responsables des problèmes d’allergie : A.artemisiifolia L. (synonyme : A. elatior L.) et A. trifida L. En Europe, seule l’ambroisie à feuilles d’armoise (A. artemisiifolia) joue un rôle prépondérant dans les phénomènes d’allergie, du fait de populations très importantes.

A.artemisiifolia est une plante annuelle qui, depuis quelques années, se développe et colonise de nombreux habitats comme les champs cultivés, les bords de route et de rivière… Comme toutes les plantes annuelles, sa survie est liée à la production de semences qui permettent à l’espèce de passer l’hiver et de donner, lorsque les conditions sont favorables, de nouvelles plantes adultes. Ces semences sont produites en grande quantité et peuvent rester dans le sol, en dormance, pendant de nombreuses années [5].

À l’état adulte, la plante peut atteindre une hauteur de 40 cm à 1,50 m en fonction du milieu (Figure 1) et produire de grandes quantités de pollens (de l’ordre du million de grains), après la floraison qui intervient fin juillet, lorsque la durée des jours commence à diminuer. L’émission de pollen, maximale fin août/début septembre [6], est favorisée par un climat sec et ensoleillé et des températures nocturnes supérieures à 10 °C. De par leur petite taille (18 à 22 µm), les grains de pollens peuvent voyager sur de très grandes distances et toucher des zones où l’espèce est encore absente.

Figure 1

Ambrosia artemisiifolia L.

Ambrosia artemisiifolia L.

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Chronique de son expansion en France

Les origines de son arrivée en France et du développement de son aire de distribution ne sont pas évidentes. De récents travaux, réalisés à partir de données issues des herbiers français, indiquent, avec une bonne certitude, qu’il y a eu plusieurs points d’arrivée de l’ambroisie sur le territoire, échelonnés dans le temps (données en cours de publication). Native d’Amérique du Nord, elle a d’abord été cultivée dans les Jardins Botaniques (Lyon, 1763 ; Paris, 1775 ; Poitiers, 1791…) ; le premier signalement[3] dans un milieu naturel date quant à lui de 1865. Il concerne un spécimen trouvé dans un champ de l’Allier, dans une localité dont le nom n’a malheureusement pu être déchiffré. D’abord localisée dans quelques sites des départements de l’Allier, du Rhône, de l’Ardèche et de la Loire, elle gagne ensuite rapidement d’autres départements, tout en restant relativement discrète. Elle a ainsi été observée dans 12 départements en 1900, 20 départements en 1920, 29 départements en 1940… et 47 départements en 2002 (Figure 2). En 2004, on la signale[4] dans 63 département [7].

Figure 2

Chronologie de l’extension d’Ambrosia artemisiifolia L. en France, de 1865 à 2002.

Chronologie de l’extension d’Ambrosia artemisiifolia L. en France, de 1865 à 2002.

Les nouveaux départements où l’espèce est apparue entre deux périodes sont colorés en vert.

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Le mode de propagation des premières introductions (1870-1880) n’est pas bien établi : semences de légumineuses (trèfles ou luzerne), pharmacie de touristes américains (villes thermales) [8] ? Il est toutefois certain que l’armée américaine, au cours de la Première Guerre mondiale (avec le fourrage importé pour les chevaux) et de la Seconde Guerre mondiale, a fortement contribué au développement de nouvelles populations [4]. Par ailleurs, la grande variété des zones que peut coloniser cette espèce dans une même région indique l’existence probable de multiples moyens de dispersion permettant à la plante d’occuper des milieux très différents. En particulier, sa colonisation des parcelles agricoles pourrait être due à sa présence dans des lots de semences importés des États-Unis. Dans le passé, des semences d’ambroisie ont d’ailleurs été identifiées dans des semences de céréales [9] ou de luzerne [10] en provenance des États-Unis, l’ambroisie servant alors de marqueur géographique. Plus récemment, on peut penser que d’autres mécanismes de propagation connus ou soupçonnés, comme l’utilisation de graviers pour la construction, de marne pour le chaulage des terres cultivées, de compost, ou le déplacement de terre végétale… ont amplifié l’étendue de sa dispersion, les sols cultivés constituant la base d’installation des populations au moins sur le front nord de colonisation [11]. Enfin, l’apparition et le développement de populations d’ambroisie dans les jardins semblent en partie liés à l’utilisation de graines de tournesol pour les oiseaux [12].

Conclusions

Bien qu’il semble maintenant possible de trouver des pollens d’ambroisie un peu partout en France [13], il reste important de contrôler le développement de l’espèce dans les zones où elle est encore peu présente. En effet, du fait de la faible sélectivité du désherbage, même un apport minime de semences dans une nouvelle parcelle cultivée ou dans un bord de route peut constituer le début d’une population. Du fait de la présence d’ambroisie dans de nombreux jardins de particuliers, il paraît également important de développer rapidement un contrôle des semences pour les oiseaux. De fait, même si la probabilité d’installation durable de l’espèce dans ces milieux doit encore être démontrée, sa gestion dans les milieux où elle est installée est tellement complexe qu’il est préférable de prévenir toute nouvelle possibilité d’infestation.