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Le retour de l’âge du cuivre ?

Des mutations du gène codant pour la Cu/Zn superoxyde dismutase (SOD1) ont été décrites dans les formes familiales de sclérose latérale amyotrophique (SLAF), mais sans que le gain de fonction qu’elles entraînent apparaisse directement lié à une modification de l’activité de l’enzyme. Une libération inappropriée de cuivre avait été mise en cause, mais cette hypothèse semblait devoir être abandonnée à la suite de travaux réalisés dans des modèles transgéniques de souris mutantes SOD1. En effet, les neurodégénérescences observées sur des souris surexprimant une SOD1 mutée (mSOD1) étaient les mêmes qu’on invalide ou non le gène codant pour sa protéine chaperon, la CCS, qui optimise l’insertion du Cu2+ dans le site actif cryptique de la SOD1, alors que l’activité dismutase était réduite chez les souris CCS-/-/mSOD1 comparativement aux souris mSOD1 [1]. Cependant, d’autres auteurs avaient observé que la CCS n’est pas nécessaire à l’insertion du Cu2+ dans la SOD1 et que, par conséquent, l’absence de CCS ne devait pas obligatoirement abolir la liaison de l’ion métallique à l’enzyme [2]. Un article récent relance l’hypothèse de l’implication du cuivre en présentant un modèle génétique dans lequel la diminution des concentrations de cuivre au niveau de la moelle épinière prolonge la du-rée de vie des souris SOD1G86R [3]. Cette mu-tation abolit l’incorporation du cuivre dans le site actif de l’enzyme et les souris développent rapidement une neurodégénérescence fatale entre trois et quatre mois. Les auteurs ont ensuite croisé les souris SOD1G86R avec des souris mottled/brindled (Mobr) qui portent une mutation inactivatrice sur un gène du chromosome X codant pour une ATPase qui transporte le Cu2+ à travers la lumière intestinale. Les mâles Mobr (Mobr/Y) sur le fond C57BL/6 meurent généralement dans les 2 à 3 semaines qui suivent leur naissance. Cependant, les auteurs ont réussi à croiser des femelles C57BL/6 hétérozygotes pour Mobr à leurs souris mâles SOD1G86R sur un fond FVB/N et à obtenir des souris Mobr sur fond hybride. Celles-ci sont grises, survivent au-delà de 6 mois, sans phénotype majeur, et présentent une concentration cérébrale de cuivre supérieure de 47 % à celle du fond C57BL/6 pur. La capacité d’obtenir des souris mâles hémizygotes Mobr qui survivent suffisamment longtemps pour développer le phénotype SLAF lié à la SOD1G86R, tout en identifiant facilement la présence du gène Mobr grâce à la couleur grise des souris, a grandement facilité la recherche de l’influence du déficit en cuivre sur la longévité des souris porteuses du transgène SOD1G86R. Les auteurs ont tout d’abord vérifié qu’à l’âge de 3 mois le déficit en cuivre dans la moelle épinière des souris hybrides MobrG86R atteignait 60 %, indépendamment du fond génétique et du sexe. Toutefois, malgré le double fardeau génétique, les courbes de survie de Kaplan-Meier indiquaient que les souris Mobr SOD1G86R vivaient 130 jours, soit 9 % de plus que les souris SOD1G86R. De plus, à l’âge de 125 jours, l’analyse de la région lombaire de la moelle montrait une pathologie moins développée chez les doubles transgéniques, sans modification de l’activité SOD. S’ils n’apportent pas vraiment d’information quant aux mécanismes par lesquels le cuivre intervient dans la pathologie de certaines formes de SLAF, il n’en reste pas moins vrai que ces résultats renforcent l’hypothèse selon laquelle l’interaction Cu2+-SOD1 est impliquée.

Effets indésirables des médicaments : encore trop d’hospitalisations

Plus de 6 % des admissions à l’hôpital sont dues à des effets indésirables des médicaments (EIM), selon l’étude prospective de M. Pirmohamed et al. [4] réalisée entre novembre 2001 et avril 2002 sur plus de 18 000 patients admis dans deux grands hôpitaux généraux au Royaume-Uni (couvrant une population de 700 000 individus). Les patients admis pour EIM sont significativement plus âgés que ceux admis pour d’autres causes. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, notamment l’aspirine, sont le plus souvent impliqués. Plus de 2 % des patients admis pour EIM sont décédés directement de cette cause, le plus souvent par hémorragie gastro-intestinale (soit 0,1 % à 0,2 % des décès de l’ensemble des patients hospitalisés). Le coût annuel estimé de ces EIM pour le Service national de santé serait d’environ 700 000 €. La plupart de ces EIM auraient pu être facilement évités. Ces résultats sont en accord avec ceux d’autres études [5] mettant en évidence la morbidité et la mortalité importantes dues aux EIM, ainsi que la lourde charge hospitalière et financière qu’elles représentent. Même si le bénéfice clinique des médicaments impliqué dans les EIM est indiscutable, les auteurs de l’étude recommandent que des mesures de prévention soient prises, en particulier quant à l’information des patients et des prescripteurs.

La pouponnière de dinosaures engloutie

Une fois encore, les gisements de fossiles du site de Yixian (province de Leao-ning, au nord-est de la Chine) viennent de nous apporter de précieux renseignements sur les dinosaures. Grâce à eux, nous avons pu voir le plumage de certaines espèces ((→) m/s 2001, n° 10, p. 1093) et, récemment, un oeuf embryonné renfermait un poussin en parfait état de conservation prêt à casser sa coquille ((→) m/s 2004, n° 10, p. 864). Désormais, c’est aussi leur comportement qui nous est dévoilé. Comme les oiseaux et les crocodiles d’aujourd’hui, il semble en effet que les dinosaures prenaient soin de leurs petits [6]. Dans la partie inférieure du site, près de Shangyuan, on vient de trouver un groupe de 34 jeunes Psittasaurus rassemblés autour d’un adulte. Le squelette de l’adulte (crâne, vertèbres cervicales, côtes, omoplates) repose au-dessus des petits. Ceux-ci sont de la même taille - donc du même âge -, les fémurs mesurant entre 30 et 34 mm de long. Ils forment un groupe homogène, et non pas une accumulation de squelettes transportés d’ailleurs. Sans aucun doute, ils étaient ensemble au moment de leur mort. Depuis quand étaient-ils sortis de l’oeuf ? Il est difficile de le dire - l’âge de l’éclosion des Psittasaurus n’est pas connue, mais leur développement et la calcification des os laissent supposer qu’ils n’étaient pas nés de la veille. Contrairement à d’autres squelettes (comme ceux de Sinosauropteryx) mis à jour sur le même site - complètement aplatis par les sédiments qui les ont recouverts -, l’ensemble du groupe est resté en relief et apparaît en trois dimensions. La façon dont ils sont rassemblés, ainsi que leur position, attestent d’une mort rapide et imprévue. Ont-ils été emmurés dans un « terrier » souterrain ? Ont-ils été noyés dans leur nid par une inondation soudaine ou bien étouffés par une pluie de cendres volcaniques ? La dernière hypothèse semble la moins probable en raison de la faible quantité de sédiments qui les entourent, faible quantité qui empêche aussi d’avoir une idée sur les autres hypothèses. L’étroite proximité entre l’adulte et les petits indique que celui - ou celle-ci - en prenait soin après l’éclosion. On sait que les crocodiles et les oiseaux prodiguent des soins à leurs petits en les protégeant contre les prédateurs, en leur fournissant abri, nourriture et protection. Toutefois, ces comportements auraient pu être acquis après la séparation des ordres au cours de l’évolution. On sait maintenant qu’ils se sont transmis à travers des millions d’années et qu’ils étaient déjà présents chez les dinosaures.

Une aptitude inédite chez les Mandarins !

Pour expliquer les aptitudes cognitives élevées des primates (hominidés compris), une hypothèse classique est celle de « l’intelligence sociale ». Chez ces animaux, la vie en groupe nécessite que les individus sachent apprécier le statut social de leurs congénères ainsi que les liens sociaux établis entre eux : cette contrainte serait à l’origine de leurs capacités intellectuelles importantes. Dans une étude récente [7], nous montrons que cette hypothèse peut s’appliquer à des oiseaux connaissant également la vie grégaire. Le Diamant mandarin est un oiseau australien monogame vivant en grands groupes. Mâles et femelles forment des couples fidèles et utilisent leurs cris pour s’appeler l’un l’autre lorsqu’ils perdent le contact visuel. Alors que de précédentes expériences menées sur des Diamants en captivité avaient clairement confirmé que la femelle répond à la voix de son partenaire [8], la réciproque n’avait curieusement jamais été observée. Nos travaux montrent que les cris des femelles sont pourtant bien caractéristiques de chaque individu et que le mâle a donc la possibilité d’identifier vocalement sa partenaire. Pour valider l’hypothèse selon laquelle cette absence apparente de reconnaissance était due à un problème de contexte social lors des expériences, nous avons observé la réaction de mâles en présence d’oiseaux accompagnants. Nos résultats montrent que le mâle répond préférentiellement à sa partenaire uniquement s’il est accompagné d’un mâle et d’une femelle formant un couple établi. En effet, dans le cas où il est en présence d’individus célibataires (deux mâles ou un mâle et une femelle ne formant pas un couple), le mâle testé répond indifféremment à la voix de sa dulcinée ou à celle d’autres femelles. Ces expériences mettent en évidence une aptitude jusqu’alors ignorée chez les oiseaux : la capacité d’évaluer les relations sociales établies entre des congénères. Nous, les primates, ne sommes donc pas seuls à comprendre les liens qui unissent nos semblables !

Il n’est bon bec que de Darwin

Les pinsons « de Darwin » regroupent 14 espèces répertoriées par Charles Darwin lors de sa visite dans l’archipel des îles Galapagos et Cocos au cours de son fameux voyage sur le Beagle en 1835. Bien que ces oiseaux, de la famille des Fringillidés, proviennent d’une même espèce venue du continent, leur mode de vie et le type de leur alimentation ont modifié la forme de leur bec. On trouve, par exemple, les pinsons granivores terrestres à gros bec (Geospiza difficilis) ou les pinsons mangeant de la chair de cactus, à bec plus fin et plus long qui atteignent les fleurs et les fruits (G. scandens et G. conirostris). C’est pourquoi, en raison du caractère exemplaire de cette anagenèse orientée, ces pinsons n’ont cessé d’illustrer les ouvrages sur l’évolution. À l’heure de la génétique moléculaire, il était naturellement tentant de faire une étude comparative de l’expression spatio-temporelle des gènes du développement dans ces différentes espèces afin de déterminer les facteurs agissant sur la morphologie cranio-faciale ainsi que sur la taille et la forme du bec. Une équipe américaine vient d’analyser - sur 6 espèces de pinsons terrestres de Darwin - les profils d’expression de facteurs de croissance connus pour être exprimés au cours du développement cranio-facial aviaire [9]. Leur expression dans le mésenchyme de la proéminence du bec a été corrélée avec sa taille et sa longueur. Alors que Shh et Fgf8 ne montrent aucune variation, certaines Bmp (bone morphogenetic proteins), comme Bmp2 et Bmp7, ont une expression faiblement corrélée à la taille du bec, mais pas à son épaisseur. En revanche, la corrélation entre le développement et la morphologie du bec, d’une part, et le profil d’expression spatio-temporel de Bmp4, d’autre part, est absolument frappante, l’élévation la plus forte se produisant dans l’espèce G. magnirostris qui, comme son nom l’indique, est dotée du bec le plus considérable. Pour apporter une preuve de l’influence de Bmp4 sur la morphologie des becs, l’équipe a provoqué des variations de son expression au cours du développement en utilisant une association avec un vecteur rétroviral (du sarcome aviaire) compétent pour la réplication (RCAS). Effectivement, la diminution de Bmp4 aboutit à des becs plus étroits et plus petits, alors que son augmentation entraîne une augmentation de volume du bec (Bmp4 étant injecté dans le mésenchyme fronto-nasal). Un article conjoint vient corroborer ce rôle déterminant de Bmp4. La forme des becs, chez des poulets et des canards, a pu être modifiée en faisant varier la quantité de Bmp4 dans les régions spécifiques [10]. Les variations de la régulation de Bmp4 ont donc certainement joué un rôle essentiel dans l’évolution des becs des pinsons de Darwin. Il convient à présent d’étudier l’ensemble des voies de signalisation qui contrôlent Bmp4.

Syndrome de Bardet-Biedl : de nouvelles découvertes !

Le syndrome de Bardet-Biedl (BBS), décrit initialement comme une unique entité clinique (avec obésité, rétinite pigmentaire, malformations rénales, anomalies des extrémités), est en fait extrêmement hétérogène. Jusqu’à présent, huit locus avaient été identifiés pour lesquels sept gènes avaient été isolés. Il manquait le gène correspondant à BBS3, localisé en 3p13. Il vient d’être identifié. Il s’agit du gène ARL6 (ADP-ribosylation factor[ARF]-like-6) dont le produit est localisé dans les cellules ciliées et qui semble jouer un rôle dans les transports intraflagellaires [11]. Quant aux autres protéines codées par ces gènes, leurs fonctions sont encore mal connues. Pourtant, on a observé que, chez Caenorhabditis elegans, ces mêmes protéines étaient toutes exprimées dans les neurones sensoriels ciliés. Il existait donc de sérieux indices pour supposer que les BBS faisaient partie des maladies avec défaut ciliaire (comme le syndrome de Kartagener [OMIM 244400] et certaines formes de néphronophthise ou d’hydrocéphalie). Cette hypothèse a été confirmée par la découverte d’une anosmie partielle ou totale chez près de la moitié des 19 patients atteints de syndrome de Bardet-Biedl [12]. De plus, les souris dont les gènes Bbs1 ou Bbs4 ont été invalidés attestent d’une perte de l’odorat objectivé par électro-olfactogramme. L’étude histologique de leur épithélium olfactif montre une réduction du réseau ciliaire, une désorganisation des dendrites et une diminution du piégeage des protéines olfactives (comme l’adénylylcyclase III et la protéine SPL3) dans les dendrites et les corps cellulaire (voir [13] pour la structure anatomique de la muqueuse olfactive). En revanche, les régions adjacentes de l’épithélium respiratoire ont une structure normale, identique à celle des témoins. Ce travail démontre le rôle essentiel joué par au moins deux des protéines déficientes dans le syndrome de Bardet-Biedl dans le développement, le maintien et le fonctionnement de l’épithélium olfactif, un rôle portant probablement sur le transport intraflagellaire, les mouvements des particules le long des axonèmes ciliaires et le transport dans le cytoplasme des dendrites. Plusieurs leçons peuvent être tirées des résultats de cette étude : tout d’abord, il est encore possible de faire des découvertes cliniques dans des syndromes connus pourtant depuis longtemps, surtout si la génétique donne quelques indications comme c’est le cas ici ; il faut ensuite penser à rechercher l’anosmie dans les maladies pléiotropes ; enfin, les mécanismes physiopathologiques du fonctionnement des neurones olfactifs devraient pouvoir aider à mieux comprendre les fonctions dendritiques dans d’autres syndromes neuronaux.

Acides gras Ω3 et expression de gènes cérébraux chez le rat

Les acides gras polyinsaturés (AGPI) sont des constituants importants des membranes biologiques et contribuent au maintien de l’intégrité cellulaire. Parmi les AGPI, les acides gras Ω6 et Ω3, et leurs précurseurs respectifs, l’acide linoléique et l’acide α-linoléique, sont des composants importants pour le système nerveux central où leur rôle dans l’apprentissage et la mémoire est bien connu. Ω6 et Ω3 sont des éléments dits essentiels car, ne pouvant pas être synthétisés de novo, ils doivent être apportés par l’alimentation. Des travaux récents avaient suggéré que ces composés agissaient en contrôlant l’expression de certains gènes dans le cerveau. Par une approche de génomique nutritionnelle, une équipe hongroise, associée à deux équipes australiennes [14], vient de confirmer et d’étendre ces premières données en montrant que, chez le rat, l’apport alimentaire d’acides gras Ω3 modifie l’expression de nombreux gènes cérébraux (plus d’une centaine). Parmi les gènes dont l’expression est augmentée, on peut noter des gènes impliqués dans la plasticité synaptique (D-cadhérine, α-synucléine), la transduction du signal (calmodulines) et le métabolisme énergétique (cytochrome c oxydase, cytochrome b, ATP synthase). Il reste à comprendre les mécanismes responsables de ces modifications de l’expression génique. Une modulation transcriptionnelle est certainement en cause puisque les AGPI règlent l’activité de nombreux facteurs de transcription. Mais des mécanismes post-transcriptionnels sont possiblement impliqués. Un champ de travaux dans ce domaine est ainsi ouvert qui devrait « nourrir » les recherches en épidémiologie nutritionnelle et moléculaire chez l’homme.

Mais pourquoi ne l’a-t-on pas su plus tôt… ?

L’insuffisance cardiaque aurait-elle une parenté avec les maladies neurodégénératives ? Telle est la question posée par l’étude de A. Sanbe et al. [15]. L’idée qui prévaut à ce jour est que les mécanismes moléculaires responsables du développement d’une insuffisance cardiaque sont multiples. De nombreux gènes morbides associés aux formes idiopathiques des cardiomyopathies - une des principales causes d’insuffisance cardiaque - ont ainsi été identifiés, rendant compte de l’hétérogénéité clinique de ces maladies. En fait, à la lumière de cet article, il se pourrait qu’une voie commune soit la cause de la défaillance du myocarde quel qu’en soit le primum movens. L’observation est la suivante : les souris exprimant une forme mutée de l’α-B-cristalline, une protéine de la famille des petites heat-shock proteins, développent une cardiomyopathie par surcharge en desmine, caractérisée par la présence de nombreux agrégats périnucléaires. À l’aide de ce modèle - et aussi en infectant des myocytes néonatals avec un adénovirus recombinant pour l’α-B-cristalline mutée - les auteurs se sont intéressés à la nature de ces agrégats qui s’avèrent être des agrésomes, comme l’indique la présence d’ubiquitine, d’éléments du protéasome et du fait de leur suppression lorsque les microtubules sont dépolymérisés. Les agrésomes sont des amas insolubles de protéines mal assemblées et non éliminés par le protéasome qui participent à la formation de dépôts amyloïdes au cours de nombreuses maladies dégénératives. D’ailleurs, dans les myocytes des souris malades comme dans les myocytes en culture infectés par l’adénovirus, il existe des inclusions périnucléaires colorées par le rouge Congo, un marqueur des dépôts amyloïdes qui pourraient contenir ces agrésomes. De plus, les myocytes des souris transgéniques sont marqués par un anticorps qui reconnaît les formes intermédiaires des dépôts amyloïdes. Mais, le plus surprenant est que cet anticorps marque aussi de façon diffuse les coupes histologiques de coeur de patients souffrant de différentes formes de cardiopathie idiopathique dilatée ou hypertrophique. Cause ou conséquence ? La question de la présence de dépôts amyloïdes dans des cardiopathies très diverses est soulevée par cette première observation. Et l’on peut s’étonner qu’elle n’ait pas été posée plus tôt !

Quand les ZIC s’associent

La malformation de Dandy-Walker (DWM) se caractérise par une hypoplasie du vermis cérébelleux accompagnée d’une dilatation kystique du quatrième ventricule. Dans la plupart des cas, elle se traduit par des troubles moteurs (hypotonie, ataxie) et, dans 50 % des cas environ, par un retard mental. Elle est souvent associée à des anomalies chromosomiques ou à des syndromes malformatifs divers. L’absence de transmission mendélienne fait supposer à son origine un modèle polygénique. Parmi les nombreux cas rapportés dans la littérature avec remaniement chromosomique, l’association DWM et microdélétion du bras long du chromosome 3 a été plusieurs fois observée. Une équipe américaine vient de rassembler sept cas de ce type [16]. La région interstitielle délétée, initialement très grande, en 3q24-25, a été réduite par cartographie physique pour aboutir à une région de 1,9 Mb. Malheureusement, aucun des 13 gènes contenus dans cette région ne pouvait être impliqué dans le développement du cervelet. En revanche, à 250 kb de la zone candidate, l’équipe a repéré deux gènes étroitement liés et codant pour des facteurs de transcription à doigt de zinc, excellents candidats pour le développement du cervelet. Il s’agit des gènes ZIC1 et ZIC4, homologues de la mutation odd-paired de la drosophile. Chez la souris, l’invalidation de Zic1 provoque une hypoplasie cérébelleuse sévère [17]. Quant à Zic4, dont le rôle n’avait pas encore été précisé, l’équipe américaine montre qu’il est exprimé dans le système nerveux murin, selon un profil d’expression superposable à celui de Zic1. Pour obtenir un modèle murin de malformation de Dandy-Walker avec microdélétion du chromosome 3, des souris hétérozygotes Zic1+/- et Zic4+/- ont été produites. Toutes ces souris ont une hypoplasie du cervelet, avec défaut de la foliation et hypoplasie du vermis, mais seules les souris qui sont à la fois Zic1+/- et Zic4+/- reproduisent de la façon la plus constante et la plus typique la malformation de Dandy-Walker. Il semble donc très probable que, dans les cas avec microdélétion du chromosome 3, la perte conjointe à l’état hétérozygote de ZIC1 et de ZIC4 soit responsable de la malformation de Dandy-Walker. Désormais, l’exploration de la région 3q2 devrait être réalisée, mais il est fort probable qu’il existe bien d’autres causes - génétiques ou non - à la malformation de Dandy-Walker, si inquiétante quand elle est découverte lors d’une échographie foetale.

Grève dans les transports… d’acides aminés neutres

La maladie de Hartnup - qui porte le nom de la première famille atteinte - est une anomalie génétique autosomique récessive rare dont les manifestations cliniques (dermatite photosensible et symptômes neurologiques intermittents) sont très variables et parfois même inexistantes. C’est pourquoi le diagnostic repose surtout sur les signes biologiques : amino-acidurie et excrétion intestinale excessive d’acides aminés neutres. Les études physiopathologiques, en particulier en culture cellulaire, ont montré que cette maladie résulte d’un défaut de transport des acides aminés neutres à travers les bordures en brosse de l’intestin grêle et du tube proximal rénal. Le gène en cause, inconnu jusqu’à ce jour, vient d’être identifié par deux équipes indépendantes. La première a mis en évidence le locus en 5p15 grâce aux descendants de la famille Hartnup [18]. Or, la région homologue de 5p15 chez la souris, portée par le chromosome 13, contient deux gènes codant pour des transporteurs d’acides aminés : Slc6a18 et Slc6a19, appartenant à la famille des solute carriers 6. Le gène Slc6a19, récemment isolé [19], un transporteur du système B(O) - d’où son autre dénomination, BoAT1, - est fortement exprimé dans le rein et l’intestin. Il semblait un bon candidat. En analysant le gène humain orthologue, SLC6A19, les chercheurs ont retrouvé des mutations non seulement chez des sujets de la famille Hartnup, mais aussi dans plusieurs autres familles. La seconde équipe est parvenue aux mêmes conclusions en étudiant des familles australiennes [20]. Le gène SLC1A5, un autre gène codant pour un transporteur d’acides aminés neutres, localisé sur le chromosome 19 et considéré un temps comme un candidat possible, semble devoir être définitivement rejeté. SLC6A19 code pour un transporteur d’acides aminés neutres dépendant du sodium ; il contient 12 domaines transmembranaires avec des boucles extracellulaires et intracytoplasmiques. La topologie prédite suggère que les extrémités amino- et carboxyterminales sont intracytoplasmiques. Les mutations sont distribuées sur l’ensemble du gène et plusieurs malades sont des hétérozygotes composites. Il convient donc à présent d’étudier les relations phénotype/génotype, les manifestations cliniques ne se produisant peut-être que chez des sujets ayant deux mutations abolissant le transport des acides aminés neutres.

AHL1, le gène qui décusse

Le syndrome de Joubert (JBTS), maladie récessive autosomique, se caractérise par une absence de vermis cérébelleux et se manifeste par des troubles de la coordination motrice, des anomalies du mouvement des globes oculaires associés à un comportement autistique. Plusieurs types cliniques ont été identifiés, correspondant à deux locus, en 9q34.3 (JBTS1) [21] et en 11p12-q13.3 (JBTS2) [22], mais aucun gène n’avait encore été identifié. Un nouveau locus vient d’être trouvé en 6q23.2-23.3 (JBTS3) chez des familles saoudiennes, et le premier gène impliqué dans le syndrome de Joubert identifié [23]. Il s’agit du gène AHI1 (Abelson helper integration site) qui code pour une phosphoprotéine cytoplasmique ayant un domaine coil-coiled, un domaine SH3 et sept répétitions WD40. Il est fortement exprimé dans le cerveau humain foetal, tout particulièrement dans le cortex cérébral et le cervelet. Par hybridation in situ sur coupes de cerveau murin, le profil d’expression spatio-temporel (depuis les premiers stades de développement embryonnaire jusqu’à l’âge adulte) montre qu’AHL1 est exprimé surtout dans les neurones dont les axones sont destinés à croiser la ligne médiane (décussation). Or, les malformations neurologiques du syndrome de Joubert correspondent à un trouble de la ligne médiane avec une absence de décussation axonale. Il est donc possible que la protéine prédite AHI1 intervienne avec des modulateurs connus comme Slit (initialement découvert chez la drosophile et signifiant « fente »), Éphrine (EPH-related receptor tyrosine kinase ligand), Robo (roundabout) (à qui m/s a récemment consacré une Brève ((→) m/s 2004, n° 9, p. 866) pour assurer la décussation axonale. Néanmoins, leur mode d’interaction reste à définir. Autre point important de ce travail, l’analyse phylogénétique des séquences d’AHI1 dans les espèces animales, en particulier les primates (fondée sur la méthode de parcimonie et de similarité), semble montrer une sélection naturelle positive. Elle serait survenue au cours de l’évolution des hominidés, avant ou après la séparation chimpanzé-homme : interrompue chez les chimpanzés, elle s’est poursuivie chez les humains, surtout au niveau de la première moitié du gène. Quant aux autres gènes correspondant aux deux locus identifiés et qui restent encore à découvrir, il sera intéressant de rechercher s’ils participent eux aussi à la décussation axonale, phénomène essentiel dans la formation du système nerveux, plus important chez l’homme que chez les autres primates.

C’est dans la tête que ça se passe

Depuis une trentaine d’années, on sait que le cerveau est un organe sexuellement dimorphique et que certains groupes de neurones sont plus ou moins développés selon le genre. C’est en particulier le cas pour deux noyaux du diencéphale impliqués dans le comportement sexuel et la sécrétion gonadotrope : le noyau du lit de la strie terminale (NST) et le noyau antéroventral périventriculaire de l’aire préoptique de l’hypothalamus (AVPV). Le premier est plus gros et plus riche en neurones chez le rat mâle que chez la femelle et c’est l’inverse pour l’AVPV. Ce dimorphisme sexuel neuronal est déterminé par la testostérone et ses métabolites pendant la période périnatale. En théorie, il pourrait dépendre de la naissance de ces neurones, leur migration, leur différenciation phénotypique et/ou leur mort. Certains indices semblaient cependant favoriser l’hypothèse d’une régulation hormonale de la mort cellulaire par apoptose. Ainsi, au cours de la période périnatale, pendant laquelle s’exerce l’effet différenciant de la testostérone, le NST des femelles présente plus de cellules pycnotiques que celui des mâles alors que, dans l’AVPV, la situation est à l’opposé. De plus, ces différences peuvent être compensées par un traitement hormonal. Un article récent apporte des arguments supplémentaires en faveur du rôle de la mort neuronale dans le dimorphisme sexuel des neurones du NST et de l’AVPV [24]. L’invalidation du gène codant pour Bax, un membre de la famille des protéines Bcl-2 qui déclenche l’apoptose, abolit les différences sexuelles observées pour le nombre total de neurones dans ces deux noyaux. Dans le NST comme dans l’AVPV, le nombre de neurones observés chez les souris Bax-/- mâles et femelles est le même, et il est supérieur de plus de 50 % que chez les animaux témoins. Bax apparaît cependant agir de manière sélective puisque, dans l’AVPV, une sous-population de neurones dopaminergiques maintient un dimorphisme sexuel chez les animaux dont le gène a été invalidé. La question qui se pose maintenant est de savoir si les neurones supplémentaires chez les souris Bax-/- forment des circuits fonctionnels pour les réponses neuroendocriniennes et comportementales des animaux. En d’autres termes, il restera donc à déterminer si les souris Bax-/- sont « au-delà du principe de plaisir » [25].