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Stebbins, sociologue canadien d’origine américaine, est un des rares spécialistes de langue anglaise au Canada à étudier la francophonie hors Québec. Après avoir publié aux Presses de l’Université de Toronto un livre sur le style de vie (un concept sur lequel il a abondamment écrit) des francophones à Calgary, l’auteur nous présente un ouvrage portant sur l’ensemble des francophonies du Canada, incluant le Québec.

Ce que Stebbins vient de produire est plus qu’un simple livre sur la francophonie au Canada : il s’agit probablement du premier du genre à être publié en anglais. Certes, le classique Du continent perdu à l’archipel retrouvé des géographes lavallois Dean Louder et Éric Waddell a été traduit en anglais et publié à la Louisiana State University Press, mais aucune monographie n’avait encore été publiée en anglais sur le Canada français.

Si l’auteur n’ose pas admettre ouvertement que son livre est sans précédent, il n’hésite pas toutefois, et avec raison, à indiquer qu’il comble un vide. On peut lire à l’endos du livre « Canada suffers from an unfortunate cultural void, in that most Canadians lack knowledge about the country’s francophones. Given that first – and second language francophones make up over thirty percent of this nation’s population, and that French is one of three truly world languages, such ignorance is hardly blissful… This book is for people about this ignorance. » C’est un immense défi que s’est imposé Stebbins et, il va sans dire, son livre à lui seul ne peut le surmonter. Mais, avouons-le : la bonne volonté de l’auteur impressionne.

Et l’ouvrage impressionne lui aussi. D’abord, la bibliographie renferme les références les plus importantes et les plus récentes sur la francophonie au Canada. Ensuite, Stebbins donne une place particulière à l’Acadie. En effet, elle n’est pas considérée au même titre que les autres francophonies minoritaires canadiennes, car il établit une nette distinction dans l’organisation de son ouvrage entre les francophonies canadiennes et l’Acadie. Enfin, le ton n’est pas nostalgique ni « québécocentrique », ce qui est rafraîchissant. Bref, on constate rapidement qu’il s’agit d’un livre écrit par un chercheur qui possède une profonde connaissance du sujet.

Divisé en quatre parties (Present and Past, Majority Societies, Minority Societies, The Future), l’ouvrage compte 12 chapitres. Dans la première partie, l’auteur aborde les principaux concepts qui se rapportent à l’étude de la francophonie et il propose un bref historique du Québec en relation aux communautés francophones canadiennes. Dans la seconde partie, il est question des sociétés majoritaires qui sont, d’après Stebbins, le Québec et l’Acadie. Certains, dont les Acadiens, seraient surpris de se voir donner le titre de communauté francophone « majoritaire ». Selon nous, s’il est vrai que l’Acadie dispose d’institutions sociales plus nombreuses et mieux enracinées que celles de l’Ouest, par exemple, il nous semble quelque peu illusoire de la percevoir comme majoritaire. Heureusement, les propos de l’auteur sur l’Acadie ne sont pas ternis par ce qualificatif. La troisième partie du livre porte sur les minorités francophones et, ici encore, une contraction apparaît. À notre avis, bien qu’il soit fréquent que l’on traite, à tort ou à raison, des francophones des provinces de l’Ouest comme faisant partie d’un seul groupe, jamais n’a-t-on englobé en une entité unique, cependant, les Franco-Ontariens et les Franco-Terreneuviens ! Aborder la question des immigrants francophones de Terre-Neuve est on ne peut plus louable. Mais n’aurait-il pas été souhaitable de les inclure dans un chapitre sur les francophones de la Colombie-Britannique et du Nord ? De cette façon, on aurait félicité Stebbins d’avoir eu l’audace d’introduire des groupes franco-canadiens marginalisés et peu explorés. Inutile d’ajouter que l’Ontario français aurait mérité qu’on lui réserve son propre chapitre.

La dernière partie du livre propose quelques réflexions intéressantes sur l’avenir de la francophonie au Canada.

Bref, même si son organisation aurait pu être différente, le livre de Robert Stebbins constitue un apport sans précédent à la diffusion de la connaissance générale du Canada français auprès des anglophones de chez nous, voire de l’extérieur. Espérons seulement qu’il sera à la mesure du mandat que s’est fixé l’auteur : sensibiliser davantage les anglophones du Canada, qu’ils soient étudiants ou francophiles, à l’égard des francophones qui partagent leur pays.