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Insomnie et hypnotiques

L’insomnie se définit par des difficultés à initier ou à maintenir le sommeil ou par un sommeil non réparateur (American Psychiatric Association [APA], 2001). Elle est dite chronique lorsque présente depuis six mois ou plus (American Sleep Disorders Association [ASDA], 1997). Les difficultés de sommeil sont fréquentes : environ 18 % de la population québécoise se considèrent insatisfaits de leur sommeil (Ohayon et Caulet, 1996). L’insomnie peut entraîner de nombreuses conséquences sur le fonctionnement diurne, telles que des symptômes anxieux et dépressifs, une utilisation abusive d’alcool et des problèmes de santé plus fréquents (Breslau et al., 1996 ; Morin et Ware, 1996 ; Ohayon, 2002).

Plusieurs personnes souffrant d’insomnie ont recours à la pharmacothérapie pour tenter de soulager leurs difficultés de sommeil. Entre 4 % et 10 % de la population générale utilisent une médication, avec ou sans ordonnance, pour promouvoir le sommeil (Mellinger et al., 1985 ; Ohayon et Caulet, 1996). Les données issues de la population québécoise indiquent une prévalence d’utilisation d’hypnotiques prescrits de 3,8 % (Ohayon et Caulet, 1996). Les benzodiazépines (BZD) figurent parmi les hypnotiques les plus utilisés.

Certaines personnes utiliseront une médication hypnotique pour une période plus longue que celle prévue au départ. Parmi les déterminants de l’utilisation à long terme, l’âge, l’état de santé et la détresse psychologique sont les facteurs qui lui ont été associés le plus souvent (Egan et al., 2000 ; Mellinger et al., 1985 ; Olfson et Pincus, 1994 ; Simon et al., 1996). Les personnes qui prolongent leur utilisation souffrent plus souvent d’une maladie physique et prennent une dose quotidienne plus élevée que celles qui cessent leur utilisation après une courte période (Barnas et al., 1993).

Les hypnotiques de la famille des BZD sont généralement efficaces pour réduire le délai d’endormissement et les éveils nocturnes, augmenter la durée du sommeil et améliorer la qualité subjective du sommeil des patients souffrant d’insomnie chronique (Nowell et al., 1997). Les BZD altèrent toutefois la physiologie du sommeil : elles augmentent la proportion de stade 2 et réduisent les stades 3 et 4, ces derniers étant les stades de sommeil profond associés à la récupération physique. De plus, elles peuvent comporter certains effets indésirables. Par exemple, l’utilisation de BZD à longue demi-vie [par exemple, nitrazepam (Mogadon™), flunitrazepam (Rohypnol™) et flurazepam (Dalmane™)] peut entraîner des déficits de performance à des tâches psychomotrices (Hindmarch, 1991 ; Moskowitz et al., 1990). Les molécules à courte durée d’action [triazolam (Halcion™), brotizolam (Lendormin™) et midazolam (Versed™)], quant à elles, seraient plus souvent associées au développement de la tolérance (Kales et al., 1995) et à une insomnie de rebond plus fréquente et plus intense lors de l’arrêt (Lader, 1992). Des déficits de performance mnésique et attentionnelle ont aussi été rapportés le lendemain de l’utilisation des BZD à courte durée d’action (Bixler et al., 1991 ; Hindmarch et al., 1993). Enfin, l’utilisation chronique de BZD chez les aînés a été associée à des risques plus élevés de chutes et de fractures (Ray et al., 1987) et d’ accidents de la route (Ray et al., 1992).

Le risque de développer une dépendance (physique ou psychologique) aux BZD a été largement documenté (Roy-Byrne et Cowley, 1991) et est probablement à la source de la controverse qui a longtemps entouré l’utilisation de ces médicaments. Bien que cette dépendance physique ne semble pas se manifester par une augmentation volontaire des doses ou l’abus délibéré de la médication, elle peut entraîner un inconfort lors de l’arrêt et être sous-jacente à une utilisation chronique plus ou moins justifiée. Dans un contexte d’utilisation des BZD comme hypnotiques, la dépendance physique se manifesterait surtout par l’apparition d’insomnie de rebond suite à l’arrêt de la médication (Busto et al., 1986 ; Petursson et Lader, 1981). L’une des hypothèses avancées pour expliquer le cycle du développement de la dépendance aux hypnotiques s’appuie en grande partie sur ce constat : les personnes poursuivraient leur utilisation des hypnotiques, malgré un désir de les cesser, afin d’échapper aux mauvaises nuits de sommeil qui suivent l’arrêt de la médication (Morin, 1993 ; Schneider-Helmert, 1988).

Afin d’atténuer les effets indésirables et les risques de tolérance et de dépendance associés aux BZD, de nouvelles molécules non benzodiazépiniques, telles l’imidazo-pyridine (Zolpidem™), la pyrazolopyrimidine (Zaléplon™) et la cyclopyrollone (Zopiclone™), ont été développées au cours des dernières années. Contrairement aux BZD qui produisent des effets hypnotiques, anxiolytiques, myorelaxants et anti convulsivants, ces nouvelles molécules ont des effets hypnotiques plus sélectifs. Bien qu’elles semblent produire moins d’effets secondaires et d’insomnie de rebond que les BZD traditionnelles, des données récentes indiquent que ces nouvelles molécules ne sont pas dépourvues d’effets indésirables ou d’un risque de tolérance et de dépendance (Wagner et al., 1998). De plus, les effets d’un usage chronique demeurent peu étudiés.

De façon générale, la pharmacothérapie demeure un adjoint utile pour traiter l’insomnie ponctuelle. C’est toutefois l’utilisation prolongée d’hypnotiques qui, dans plusieurs cas, est maintenue par des facteurs psychologiques et comportementaux (Morin, 1993), qui représente un problème potentiel. Dans les problématiques d’insomnie chronique, les approches non pharmacologiques, seules ou en combinaison avec la pharmacothérapie ponctuelle, devraient être privilégiées (National Institute of Health, 1984 ; 1991).

Le traitement cognitivo-comportemental de l’insomnie

Le TCC de l’insomnie met l’accent sur les facteurs psychologiques et comportementaux qui jouent un rôle dans le maintien de l’insomnie. Les objectifs principaux de ce type d’intervention sont de promouvoir une bonne hygiène du sommeil, réduire l’activation physiologique et cognitive au coucher, éliminer certaines habitudes néfastes au sommeil et corriger les conceptions erronées par rapport au sommeil et aux conséquences de l’insomnie. Le but est aussi d’enseigner des méthodes pour mieux composer avec les difficultés de sommeil résiduelles pouvant persister même après un traitement ciblant l’insomnie. Le TCC de l’insomnie figure parmi les traitements de choix, utilisé seul ou en combinaison avec la pharmacothérapie (Morin et al., 1994).

Le TCC de l’insomnie peut être implanté sous forme de rencontres individuelles, de rencontres de groupe ou encore à l’aide d’un manuel d’auto-traitement (bibliothérapie) (Mimeault et Morin, 1999). Il est souvent administré à une fréquence hebdomadaire, généralement en petits groupes (de quatre à six personnes), sur une période variant entre six et dix semaines.

La tenue d’un journal quotidien du sommeil est une procédure standard dans le traitement de l’insomnie. Cet agenda du sommeil (Morin, 1993) inclut généralement des entrées pour divers paramètres qualitatifs et quantitatifs du sommeil (l’heure du coucher, le délai d’endormissement, le sentiment d’être reposé au lever, etc.) ainsi que pour le type, la fréquence et le dosage du ou des hypnotiques utilisés (incluant l’alcool et les médicaments en vente libre). L’agenda est utile pour illustrer et évaluer le progrès, la sévérité des symptômes d’insomnie et de sevrage et l’observance aux recommandations du sevrage.

Il existe plusieurs interventions cognitivo-comportementales spécifiques au traitement de l’insomnie pouvant être ou non combinées entre elles.

Le contrôle par le stimulus

La composante appelée « contrôle par le stimulus » consiste en une série de règles comportementales favorisant la régularisation du cycle veille-sommeil (Bootzin, 1972). Cette technique vise à amener l’individu à ré-associer le lit et l’environnement de la chambre à coucher avec le sommeil plutôt qu’avec l’activation et la frustration causées par l’incapacité de dormir. Les règles à suivre sont : (a) aller au lit seulement lorsque somnolent ; (b) utiliser le lit et la chambre à coucher seulement pour le sommeil et les activités sexuelles (ne pas lire, regarder la télévision ou faire de résolution de problèmes) ; (c) sortir du lit et aller dans une autre pièce lorsque incapable de dormir dans un délai de 15 à 20 minutes ; (d) retourner au lit uniquement lorsque la somnolence revient (cette étape est répétée aussi souvent que nécessaire durant la nuit) ; (e) se lever à la même heure tous les matins sans égard à la quantité de sommeil obtenue la nuit précédente (l’utilisation d’un réveil-matin est alors conseillée) ; et (f) éviter les siestes diurnes. Dans les cas particuliers où les siestes sont difficilement évitables (par exemple, chez les personnes âgées), il est recommandé que les siestes aient lieu après 15∈h, durent moins d’une heure et respectent les autres règles de contrôle par le stimulus. Plusieurs études ont démontré l’efficacité du contrôle par le stimulus, soit comme modalité de traitement unique ou lorsque combiné avec d’autres procédures (Morin et al., 1994 ; Morin et al., 1999 ; Murtagh et Greenwood, 1995).

La restriction du sommeil

Les personnes souffrant d’insomnie peuvent passer de longues périodes au lit dans un état d’éveil, mais s’efforçant de récupérer le sommeil perdu. Cette durée excessive de temps passé au lit contribue à fragmenter le sommeil et à perpétuer l’insomnie. Le but de la restriction du sommeil est de consolider le sommeil sur une plus courte période de temps passé au lit en déterminant à l’avance une période allouée au sommeil, appelée « fenêtre de sommeil » (Spielman et al., 1987). Cette fenêtre devrait être égale à la durée moyenne du sommeil enregistrée au niveau de base (à l’aide de l’agenda du sommeil). Elle sera ajustée périodiquement en se basant sur l’efficacité du sommeil (le ratio du temps total de sommeil au temps passé au lit multiplié par 100) de la dernière semaine. Ainsi, si l’efficacité du sommeil est inférieure à 80 %, 15 minutes sont retranchées de la fenêtre de sommeil. Si, au contraire, elle est égale ou supérieure à 85 %, quinze minutes peuvent y être ajoutées. Lorsqu’elle varie entre 80 et 85 %, elle reste inchangée. L’ajustement de la fenêtre est poursuivi jusqu’à ce qu’une durée optimale de sommeil soit atteinte. La fenêtre de sommeil ne devrait généralement pas être réduite à moins de cinq heures afin de prévenir une somnolence diurne excessive. La restriction du sommeil induit une légère privation de sommeil, favorisant ainsi un endormissement plus rapide, une plus grande continuité du sommeil et diminuant la variabilité de ce dernier d’une nuit à l’autre. L’efficacité de cette technique a été démontrée, qu’elle soit utilisée seule (Friedman et al., 1991 ; Spielman et al., 1987) ou en combinaison avec d’autres interventions cognitivo-comportementales (Morin et al., 1999). Cette intervention est utile pour réduire l’insomnie de rebond pendant la période de sevrage des hypnotiques.

La relaxation

L’insomnie est généralement associée à des degrés élevés de tension, d’anxiété et d’activation tant le jour que la nuit (Freedman et Sattler, 1982). L’objectif des différentes procédures de relaxation est de réduire cette activation. Il existe plusieurs types d’entraînement à la relaxation, tels que la relaxation musculaire progressive, l’imagerie mentale, l’auto-hypnose, la méditation, etc. Dans le cadre du traitement de l’insomnie primaire, ce type d’interventions produit des résultats supérieurs à des conditions contrôles, mais demeure inférieur à la restriction du sommeil et au contrôle par le stimulus (Morin et al., 1994 ; Murtagh et Greenwood, 1995). La relaxation musculaire progressive s’est toutefois avérée une procédure efficace pour améliorer le sommeil et réduire l’utilisation d’hypnotiques chez des adultes souffrant d’insomnie et prenant régulièrement des hypnotiques (Lichstein et al., 1999)

La restructuration cognitive

Les personnes souffrant d’insomnie entretiennent souvent des croyances et des attitudes erronées qui alimentent la détresse émotionnelle et les perturbations du sommeil (Morin et al., 1993). Ces cognitions incluent des conceptions erronées par rapport aux causes et aux conséquences de l’insomnie, des attentes irréalistes à propos de ce que devrait être une bonne nuit de sommeil et l’impression de n’avoir aucun contrôle sur son sommeil. L’objectif de la restructuration cognitive est de remettre en question ces cognitions et de les remplacer par des pensées alternatives plus adaptées. Il existe plusieurs techniques pour identifier et restructurer les cognitions erronées (Beck et al., 1979), et certaines d’entre elles ont été adaptées aux cognitions liées à l’insomnie (Morin, 1993). L’efficacité de la restructuration cognitive n’a pas été évaluée comme modalité unique de traitement, mais plusieurs études ont démontré des gains thérapeutiques significatifs lorsque cette technique est intégrée à une intervention à composantes multiples (Morin et al., 1999). La thérapie cognitive peut être très utile pendant le sevrage d’hypnotiques, en modifiant les croyances erronées sur le sommeil et en amenant le patient à développer une plus grande tolérance aux symptômes de sevrage (Pat-Horenczyk et al., 1994).

L’hygiène du sommeil

L’hygiène du sommeil vise à fournir à l’individu des informations de base sur le sommeil et l’insomnie, ainsi que sur les facteurs environnementaux et les habitudes de vie pouvant nuire au sommeil. Ces informations ont généralement trait à l’impact sur le sommeil (a) de la caféine et des autres stimulants ; (b) de l’alcool ; (c) de l’activité physique ; et (d) de facteurs environnementaux, tels que la lumière, le bruit et la température de la chambre (soit trop ou pas assez élevée). L’hygiène du sommeil n’est généralement pas utilisée seule dans le TCC de l’insomnie ; cependant, il est important d’identifier les comportements du patient ou les éléments de son environnement (par exemple, consommer des boissons alcoolisées ou contenant de la caféine en soirée, dormir sur un matelas inconfortable) qui peuvent nuire à son sommeil et hypothéquer le succès des autres composantes thérapeutiques.

L’arrêt des hypnotiques

Le soutien et les encouragements du clinicien à cesser la médication ne sont généralement pas suffisants pour produire des changements à long terme, surtout chez les utilisateurs ayant à maintes reprises essayé en vain de cesser leurs hypnotiques. La plupart de ces personnes ont besoin d’un encadrement structuré avec des objectifs précis. Le sevrage supervisé semble constituer une composante essentielle à l’arrêt des BZD chez les utilisateurs chroniques. L’ajout du TCC ciblant spécifiquement l’insomnie est très important pour aider l’individu à gérer ses difficultés de sommeil, lesquelles deviennent plus manifestes durant le sevrage, ainsi que pour aider à réduire ou à mieux tolérer les symptômes de sevrage. Il est généralement préférable de débuter le sevrage tôt dans le processus thérapeutique plutôt que d’attendre en fin de TCC, même lorsque les personnes appréhendent l’arrêt de la médication (Espie et al., 1988).

De façon générale, l’arrêt de la médication en tant que tel s’effectue de façon graduelle et sous supervision médicale. Ceci peut se faire dans le cadre de consultations hebdomadaires brèves avec le médecin ou un autre membre du personnel soignant (infirmière), durant lesquelles l’intervention porte sur l’atteinte des objectifs de diminution de la médication et sur la gestion des effets du sevrage. Les plans de sevrage sont individualisés : ils prennent en considération le type de BZD (à courte ou longue durée d’action), le dosage et la fréquence d’utilisation. Les diminutions hebdomadaires du dosage varient également en fonction du confort et de la perception d’efficacité personnelle de l’individu ainsi que de la présence ou non de symptômes de sevrage. La durée du programme de sevrage devrait néanmoins être limitée (8 à 10 semaines) et ce, afin de promouvoir une mobilisation des efforts de l’individu sur une période pré-déterminée et d’éviter que le sevrage ne se prolonge indûment. Certaines balises peuvent être établies pour respecter ces limites temporelles. Un plan initial de sevrage peut, par exemple, comprendre les balises suivantes : avoir diminué le dosage de 25 % à la deuxième semaine, de 50 % à la mi-traitement et de 100 % à la dixième semaine.

Figure 1

Exemple d’un plan de sevrage individualisé : Lorazépam 2 mg

Exemple d’un plan de sevrage individualisé : Lorazépam 2 mg

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Les étapes à suivre sont décrites dans un plan de sevrage écrit remis à la personne (Morin et al., 2000). La première de ces étapes est le développement d’objectifs réalistes. Chaque semaine, la personne se fixe un objectif avec l’aide du médecin concernant la quantité de médication et la fréquence d’utilisation pour la semaine à venir, puis évalue à quel point elle pense être capable de le rencontrer. Quand la personne ne croit pas fermement en ses capacités d’atteindre son objectif (c’est-à-dire lorsque sa perception d’efficacité personnelle est peu élevée), il est préférable de réviser l’objectif fixé ou encore le reporter à la semaine suivante (Bélanger et al., soumis).

Chez les personnes utilisant plus d’une BZD, une phase de stabilisation à l’utilisation d’une seule BZD constitue l’étape suivante. Cette période de stabilisation peut durer une ou deux semaines. À la fin de cette période, la personne ne devrait consommer qu’une seule médication pour le sommeil.

La première réduction est d’environ 25 % de la dose initiale. La réduction du dosage est répétée aux deux semaines jusqu’à ce que la plus petite dose disponible soit atteinte. Lorsque cette dose minimale est atteinte, des nuits sans médication sont introduites de façon progressive. Le choix des nuits avec ou sans médication se fait en fonction des difficultés anticipées. Initialement, il est préférable de choisir des nuits où il y a un minimum d’appréhension concernant le fonctionnement du lendemain (tout d’abord les fins de semaine), pour éventuellement introduire des nuits sans médication les soirs de semaine où l’individu anticipe des difficultés possibles en raison des exigences du lendemain (par exemple, examen, réunion importante).

Enfin, l’utilisation d’hypnotiques au besoin (prescriptions de type PRN) est graduellement abandonnée au profit d’une utilisation prévue à l’avance, par exemple, lors de nuits présélectionnées par la personne (lundi, mercredi et vendredi) et à un moment fixe (30 minutes avant d’aller dormir) et ce, peu importe s’il y a présence ou non de difficultés de sommeil. Cette prescription fixe peut faire en sorte que la personne ne puisse prendre sa médication lors d’une nuit plus difficile et, à l’opposé, doive obligatoirement en prendre une alors qu’elle n’en ressent pas le besoin. Cette procédure vise à affaiblir l’association entre le fait de ne pas dormir et le comportement de prise d’hypnotiques. Elle fournit également à la personne des occasions de mettre en pratique les stratégies de gestion des difficultés de sommeil apprises en cours de traitement.

La dernière étape est l’arrêt complet de la médication. Bien qu’apparemment évidente, cette étape mérite une attention particulière. Certains patients la considèrent très difficile et deviennent anxieux à propos de l’abandon de la médication et de ses conséquences potentielles sur leur sommeil. Il devient alors utile de leur rappeler que la quantité minimale de médication utilisée à ce moment a vraisemblablement très peu d’effets objectifs sur le sommeil. L’anxiété et les inquiétudes reliées à l’abandon de la médication, que le patient peut apprendre à gérer, sont des causes beaucoup plus probables des perturbations du sommeil anticipées (Morin et al., 2000).

Bien que l’efficacité des TCC pour l’insomnie primaire chez des personnes non médicamentées soit bien documentée (Greenwood et Murtagh, 1995 ; Morin et al., 1999 ; Morin et al., 1994), ce n’est que récemment, toutefois, que les chercheurs ont commencé à s’intéresser aux utilisateurs chroniques de BZD et autres hypnotiques. Ces études indiquent qu’un sevrage supervisé, avec ou sans le TCC, produit des réductions importantes dans la quantité (90 %) et la fréquence (85 %) d’utilisation d’hypnotiques (Baillargeon et al., sous presse ; Espie et al., 1988 ; Kirmil-Gray et al., 1985 ; Lichstein et Johnson, 1993 ; Lichstein et al., 1999 ; Morin et al., 1995 ; Morin et al., sous presse). Entre 70 % et 80 % d’utilisateurs chroniques sont abstinents à l’intérieur d’une période de 8 à 10 semaines (Baillargeon et al., sous presse ; Morin et al., sous presse). Bien que prometteurs, ces résultats doivent être tempérés, puisque les taux de rechute se situent autour de 20 % aux suivis de 6 et 12 mois après la fin du sevrage. Comme pour les autres problèmes d’abus de substances, il semble essentiel d’intégrer une composante de prévention de la rechute afin de maintenir les gains thérapeutiques.

Conclusion

En résumé, l’insomnie constitue un problème de santé très répandu menant souvent à l’utilisation de BZD et autres hypnotiques. Même si l’intention initiale est de limiter leur utilisation à une courte période, celle-ci s’avère souvent plus longue que prévu. Le sevrage des hypnotiques suite à l’utilisation prolongée peut donc s’avérer un défi de taille pour la personne et le clinicien. Toutefois, il existe maintenant des méthodes d’intervention efficaces permettant de faciliter l’arrêt de cette médication tout en préservant une qualité de sommeil adéquate.