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Inventé par E. Neher et B. Sakmann [1], le patch-clamp - qui pourrait être traduit en français par électrophysiologie moléculaire - est la technique de référence pour l’étude électrophysiologique des canaux ioniques [2]. Chaque canal est traversé par un flux ionique élevé (~106 ions/seconde) et génère un courant électrique. Ce courant est faible (~ 1 picoampère) mais serait mesurable s’il n’était noyé dans l’activité électrique globale de la cellule. Le patch-clamp consiste donc à enregistrer l’activité électrique d’un fragment microscopique de membrane cellulaire, isolé électriquement du reste de la surface cellulaire et ne contenant que quelques canaux. On utilise une électrode de verre, remplie d’une solution conductrice, dont la pointe a un diamètre de l’ordre du micromètre. L’électrode, manoeuvrée à l’aide d’un micromanipulateur, est approchée de la surface d’une cellule, puis « scellée » sur la membrane en imposant une dépression à l’intérieur du capillaire de verre par l’intermédiaire d’un cathéter relié à une prise d’air du porte-électrode.

L’arrangement de départ, dans lequel l’orifice de la pipette est scellé sur une cellule intacte, est appelé configuration « attachée » (Figure 1A). Un système électronique enregistre le courant et impose un potentiel électrique transmembranaire.

Figure 1

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Une seconde configuration (Figure 1B) s’obtient en séparant la pipette de la cellule. Lors de cette manoeuvre, le patch de membrane reste fixé à la pipette et sa face intracellulaire, dirigée vers l’extérieur de la pipette (d’où l’appellation de patchinside-out), devient accessible. Il existe également une configuration outside-out obtenue, à partir de la configuration « attachée », par destruction du patch et éloignement de la pipette. On arrache ainsi une collerette de membrane qui, en se rabattant, referme l’orifice de la pipette en orientant sa face extracellulaire vers l’extérieur.

Ces configurations permettent d’étudier les canaux ioniques à l’échelon individuel. La Figure 1C montre que le courant porté par un canal ionique prend la forme d’un échelon rectangulaire, le canal oscillant entre état ouvert et état fermé. La mesure de l’intensité du courant élémentaire (noté i) à des potentiels imposés (V), en présence de solutions ioniques variées, permet de déterminer la conductance du canal (g) et sa sélectivité ionique. La mesure du temps fractionnel d’ouverture (aussi appelé probabilité d’ouverture, Po) permet d’étudier l’effet d’agents de régulation ou de bloquants. Le courant moyen traversant un canal s’écrit : <i> = iPo.

Une quatrième configuration, appelée « enregistrement en cellule entière » (whole cell recording), est d’un principe totalement différent. Si, partant de la configuration « attachée », on brise le patch en exerçant une forte aspiration, la solution de pipette entre en contact avec le milieu intracellulaire. Dans cette condition, la pipette enregistre le courant traversant la surface membranaire totale. On ne distingue plus les canaux individuels (Figure 1D). Lorsqu’un seul type de canal est actif, le courant macroscopique mesuré vaut NiPoN est le nombre total de canaux. Si dans le cas d’enregistrements en canal individuel on travaille le plus souvent à l’état stationnaire, en cellule entière en revanche, la procédure de base consiste à mesurer les courants produits par l’application séquentielle de sauts de potentiels à durée fixe de valeur variable (Figure 1E). Cette variante est particulièrement adaptée aux courants des tissus excitables parce qu’elle renseigne sur les propriétés dynamiques des courants étudiés.