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En 1994, le groupe de C. Roifman décrivait le premier déficit immunitaire héréditaire affectant les lymphocytes T et dû à une mutation dans un gène codant pour la tyrosine kinase Zap-70, responsable de l’absence d’expression de la protéine [1]. Depuis, plusieurs patients porteurs de telles mutations du gène ZAP-70 ont été décrits dans la littérature ; ces patients n’ont pas de lymphocytes T cytotoxiques CD8+ circulants et leurs lymphocytes T CD4+ ne sont pas fonctionnels. L’étude de ces déficits immunitaires a permis de mettre en évidence, chez l’homme, le rôle crucial de la tyrosine kinase Zap-70 dans la fonction des lymphocytes T [2, 3] (Figure 1). La description de ce déficit immunitaire humain a précédé la construction de souris invalidées pour le gène ZAP-70, souris dont le phénotype diffère de celui des patients porteurs d’une mutation de ce gène, puisqu’elles n’ont ni lymphocytes T CD4+ ni lymphocytes T CD8+ en périphérie. La kinase Zap-70 s’associe normalement au récepteur T pour l’antigène (TCR) et propage, grâce à son activité enzymatique, les signaux induits après reconnaissance de son ligand spécifique par le TCR [3] (Figure 1).

Figure 1

Les cascades de signalisation induites par l’activation de Zap-70.

Les cascades de signalisation induites par l’activation de Zap-70.

La reconnaissance par le TCR (T cell receptor) de son ligand, sous la forme d’un complexe peptide + CMH (complexe majeur d’histocompatibilité), présenté par la cellule présentatrice d’antigène induit la phosphorylation des motifs ITAM (immunoreceptor tyrosine-based activation motif) du complexe TCR/CD3-ζ. Cela permet l’association de la tyrosine kinase Zap-70 au TCR. Zap-70, une tyrosine kinase activée par phosphorylation, modifie l’activité de plusieurs enzymes en les phosphorylant, entraînant ainsi le déclenchement de plusieurs voies de signalisation indispensables à la réponse immune T.

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Récemment, un groupe Japonais a mis en évidence une mutation ponctuelle spontanée du gène Zap-70 dans une souche de souris, SKG, présentant une arthrite rhumatoïde très comparable à la polyarthrite rhumatoïde humaine [4]. Dans cette souche de souris, contrairement à ce que l’on observe dans les souris Zap-70-/-, les lymphocytes T CD4+ et CD8+ sont présents en périphérie [5]. Cette mutation ponctuelle qui vient d’être décrite n’affecte pas l’expression de Zap-70 mais affecte son association au TCR, perturbant en aval la signalisation induite par ce récepteur activé. Dans ces souris, la sélection positive et négative des lymphocytes T ne se fait pas correctement. Les auteurs proposent l’explication suivante : en partant de l’hypothèse selon laquelle les sélections positive et négative nécessitent un certain niveau de signalisation par le TCR, niveau qui n’est pas atteint dans les thymocytes de la souris mutante, les lymphocytes T finalement sélectionnés seront ceux qui présentent la plus forte avidité pour les ligands qu’ils rencontrent lors de leur sélection, c’est-à-dire les peptides du soi associés aux molécules du complexe majeur d’histocompatibilité. Ainsi seront sélectionnés des clones T autoréactifs, qui, dans une souris « sauvage » auraient été sélectionnés négativement, et donc éliminés.

Cette interprétation des résultats n’explique cependant pas la prédominance de la réaction autoimmune envers les structures articulaires ; en effet, si le défaut de signalisation par Zap-70 conduit à une sélection de lymphocytes T réagissant contre des antigènes du soi, on s’attend à trouver d’autres signes d’auto-immunité.

Depuis dix ans maintenant, l’importance de la tyrosine kinase Zap-70 dans la réponse des lymphocytes T est reconnue. Cependant, cette protéine n’a pas encore livré tous ses secrets. Par exemple, alors que l’on pensait que cette kinase était spécifiquement exprimée dans les lymphocytes T, son expression est aujourd’hui utilisée comme marqueur pronostique chez les patients atteints de leucémies lymphoïdes chroniques B [6]. Il reste donc encore beaucoup à découvrir sur les divers rôles de ZAP-70.