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Au nombre des éléments qui fondent l’identité canadienne, un des plus importants a été la « culture des communications ». Entendons par là le souci de vaincre les distances, c’est-à-dire l’espace transocéanique qui sépare le continent des autres métropoles et l’espace transcontinental qui relie les trois océans frontaliers. Cet ouvrage s’attache à un court segment de cette magnifique histoire d’intégration nationale : les vingt-trois années décisives du développement de la navigation à vapeur et de l’amélioration des réseaux navigables reliant l’Atlantique et les Grands Lacs le long du Haut Saint-Laurent.

L’étude s’ouvre sur le premier voyage de l’Accommodation de John Molson sur le lac Saint-Louis, en amont de Montréal (1816) et s’achève sur l’intégration du système triangulaire Montréal/rivière Outaouais/fleuve Saint-Laurent, réseau navigable qui allait influer à la fois sur les structures de la technologie des transports et sur celles de la grande entreprise. L’auteur résume ainsi cette mutation : « une voie de transport segmentée, parcourue par quelques embarcations qui vont et viennent isolément sans dépasser leur propre plan d’eau, devient une voie ininterrompue entre Montréal et les Grands Lacs, sorte de précurseur de la Voie maritime du Saint-Laurent. »

Loin d’être un simple éloge enthousiaste de la navigation à vapeur, cet ouvrage situe les bateaux à vapeur dans le cadre des sociétés commerciales auxquelles ils appartenaient et qui étaient dirigées par des individus fascinants dont l’auteur retrace minutieusement l’histoire dans le contexte de leur époque. C’est ainsi que les deux premiers chapitres traitent de certains de ces navires d’un nouveau genre qui inaugurèrent l’époque de la navigation à vapeur. Quatre chapitres sont consacrés à l’Américain Horace Dickinson, entrepreneur américain qui ne laissa personne indifférent. L’auteur termine en expliquant comment le réseau Grands Lacs/Outaouais/Saint-Laurent précipita une « période de rivalité suicidaire » entre les intérêts regroupés autour du Saint-Laurent et ceux du secteur Outaouais/Rideau, période qui culmina à l’époque de la construction du canal Laurentian.

Abondamment et adéquatement illustré et annoté, accompagné d’une bibliographie détaillée, cet excellent ouvrage n’est incomplet que sur un point : il lui manque un chapitre final dans lequel Frank Mackey eût partagé ses réflexions sur l’impact global de son étude sur les futurs travaux historiques relatifs aux transports dans notre pays. Peut-être y trouvera-t-il l’idée d’un autre livre.

Traduction : Pierre R. Desrosiers