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L’ouvrage que nous propose Marc-Urbain Proulx sur l’économie des territoires au Québec a été rédigé pour des étudiants en aménagement. Sa qualité première tient dans son excellente structure d’ensemble dans laquelle les trois parties et leurs chapitres successifs amène le néophyte en aménagement et développement du territoire à prendre connaissance des notions, concepts, modèles et théories en matière de développement territorial, éléments au regard desquels est discutée la situation des territoires du Québec.

Dans la première partie traitant de l’aménagement des territoires, Marc-Urbain Proulx nous présente la multiplicité et la diversité des lieux du développement au Québec selon leur degré de spécialisation dans les activités d’extraction des ressources forestières, minières, agricoles, paysagères, etc. (chapitre 1). Puis il schématise les grands modèles de l’économie spatiale (Von Thunen, Burgess, Weber) et leur lisibilité dans l’espace québécois (chapitre 2) ainsi que leur hiérarchie, après avoir exposé la théorie de la place centrale (chapitre 3). Il complète cette première partie par un court historique de la formation du territoire québécois qui nous amène à ce qu’il nomme la dynamique spatio-économique contemporaine (chapitre 4).

Dans la seconde partie, il est question de la gestion des territoires au Québec. Les notions de région, d’espace vécu, de local et de régional sont passées en revue (chapitre 5), puis l’auteur nous guide de fort belle manière à travers l’évolution de la gestion publique de ces territoires infranationaux au Québec : mise en place des municipalités, des MRC, des régions, politiques de regroupements municipaux (chapitre 6) : autant de développements qui se sont succédés au fil du temps et qui ont marqué non seulement le découpage du territoire québécois, mais aussi la façon dont sa gestion a été assurée. Dans le chapitre suivant, la gestion actuelle de ces territoires est examinée : la formation des MRC (Municipalités Régionales de Comté), des agglomérations urbaines est discutée dans une perspective de gestion locale (chapitre 7), c’est-à-dire de « gouvernance » locale. La gestion gouvernementale est discutée dans le cadre du processus de décentralisation au Québec (chapitre 8).

Dans la troisième partie, l’auteur nous convie à l’analyse du développement des territoires. Usant toujours de sa méthode didactique, cette partie s’amorce avec la présentation des modèles explicatifs du développement territorial (avantages comparatifs, étapes de la croissance de Rostow, base exportatrice, industries industrialisantes, développement endogène, etc.) (chapitre 9). C’est cependant au regard des étapes de croissance de W. Rostow que Marc-Urbain Proulx nous propose une lecture de l’évolution économique des territoires non métropolitains du Québec (chapitre 10). Dans ce chapitre, il est préférable pour les lecteurs de bien attacher leurs ceintures de sécurité, car c’est à très vive allure (19 pages!) que nous parcourons trois siècles de développement économique dans les régions du Québec. Il manque quelques détails et quelques nuances! Mais le but de l’ouvrage n’est pas de faire l’histoire de développement économique au Québec, mais bien de situer comment les régions ont évolué selon des parcours très variés. Pour une prochaine édition, il serait sans doute préférable d’user d’une autre stratégie, le chapitre donnant trop peu de matériel pour permettre d’aborder le chapitre suivant sur le soutien aux activités économiques (chapitre 11). Là encore, l’ouvrage passe en revue les théories plus récentes sur les types de « nouvelles régions économiques » : nouveaux districts industriels, districts marshalliens revus et corrigés, technopôles et autres, ce qui nous amène à la question de l’appui au développement local et du rôle de soutien du territoire au développement économique. Une recherche effectuée par l’auteur dans les 96 MRC et communautés urbaines nous fournit une vision des « territoires » économiques (mais les MRC sont-elles des territoires économiques, s’interroge-t-il à la page 262?) et de leur évolution récente (1992-1997). Cette enquête est complétée par un énoncé des principes et des étapes des processus d’organisation et de planification territoriale. Les trois derniers chapitres achèvent cette présentation de la dynamique du développement territorial en nous amenant dans les zones plus floues de l’interaction territoriale (chapitre 12), de la planification stratégique en matière de développement régional (chapitre 13) et de la définition d’une politique territoriale par l’État central (chapitre 14). Les principes de ces trois conditions sont bien énoncés, mais plus faiblement appuyés par des exemples tirés de l’expérience québécoise ou étrangère.

Dans son ouvrage, Marc-Urbain Proulx a su parfaitement développer sa vision d’une démarche de développement économique pour les régions non métropolitaines du Québec. Il ancre cette vision dans une connaissance exhaustive des théories et des modèles classiques de la géographie économique, de la science régionale et de l’économie spatiale. Il en fait une brève discussion, mais, surtout, il les insère parfaitement dans une perspective d’action de développement local dynamique et en transformation rapide dans le contexte de globalisation-mondialisation actuel. Il inclut dans cette perspective les dimensions sociologiques et politiques qui ont enrichi la vision du développement local au cours des deux dernières décennies.

Le seul reproche que nous pourrions faire à ce volume, c’est de ne donner qu’une dimension secondaire aux territoires québécois. Bien sûr, l’auteur discute de la pertinence et de l’application des modèles au contexte québécois, mais il nous manque des données essentielles sur l’évolution de l’économie des régions québécoises pour bien analyser et accompagner la démarche qu’il nous propose.

Marc-Urbain Proulx ne nous dit pas non plus comment il entend délimiter les « régions » économiques du Québec : il fait souvent référence aux 96 territoires de MRC, plus rarement aux 17 régions administratives, et lorsqu’il discute dans son chapitre dix de l’évolution économique des territoires non métropolitains, il se rapporte à des régions traditionnelles comme Charlevoix, la Gaspésie ou la Côte-Nord par exemple.

Au-delà de ces quelques critiques mineures, L’économie des territoires au Québec est incontestablement une lecture essentielle et indispensable pour tout enseignant et tout étudiant en aménagement, en gestion et en développement local et régional au Québec.