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Avant même d’aborder les textes du présent numéro, on aura remarqué un changement de taille : la revue a fait peau neuve, à l’extérieur comme à l’intérieur. L’ancien format, conçu par Régis Normandeau et inauguré en 1992 dans le numéro 50, nous a rendu de fiers services pendant de longues années. La nouvelle maquette, créée par Mario Mercier, Nathalie Bonenfant, Mélanie Lefebvre et Marie-Noëlle Turcotte de orangetango, a séduit d’emblée l’équipe de rédaction de la revue en raison de son élégance, de sa simplicité et de sa facilité de lecture. Espérons qu’elle plaira aussi à nos lecteurs et lectrices.

Le moderne, donc, et le classique : le dossier du présent numéro porte sur Claire Martin, celle qui a tant marqué les lettres québécoises des années 1960, avec ses nouvelles fines et caustiques, son remarquable Doux-amer, où les rôles homme-femme sont allègrement redistribués (les dominants et les dominés ne sont pas toujours ceux qu’on pense), puis ses mémoires, Dans un gant de fer et La joue droite, merveilles d’ironie, oeuvres à la fois intensément personnelles et portraits au scalpel d’une époque et d’un milieu. Puis, dans les années quatre-vingt-dix, on le sait, c’est le retour aux lettres pour la romancière silencieuse depuis longtemps : voient le jour un délicieux petit recueil de nouvelles, puis trois brefs romans où on reconnaît bien sa griffe. C’est cette carrière en deux temps, exceptionnelle à bien des égards, qui est soulignée ici. Deux études portent sur Dans un gant de fer, sans doute son oeuvre maîtresse. Patricia Smart examine les questions de vérité et de référentialité que pose l’oeuvre en s’attardant notamment aux lettres du public qu’a reçues Claire Martin. Laurent Mailhot propose une relecture attentive sous plusieurs angles, dont celui des références culturelles. Michel Lord s’attarde à la représentation de l’espace dans les nouvelles, où il découvre un mouvement de chute qui sépare presque à tous coups les couples parfois à peine formés. Enfin, André Brochu étudie le portrait du sentiment dans L’amour impuni et dans La brigande, deux romans récents tout en contrastes, l’un portant sur un amour heureux entre hommes, l’autre sur une amitié féminine destructrice.

Dans la section « Études », Michel Lacroix esquisse un premier bilan de la question de la mondanité montréalaise vers 1918, autour de la revue Le Nigog. Isabelle Boisclair montre que le dernier roman d’Anne Hébert, Un habit de lumière, est tout entier consacré à la question des aliénations identitaires que subissent les membres de groupes dominés (femmes, immigrants, pauvres, enfants…) Suivent les chroniques toujours attendues de nos collaborateurs habituels.

Bonne lecture.