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À la lumière des multiples transformations organisationnelles, les auteurs poursuivent l’objectif d’adapter les notions en psychologie du travail et en comportement organisationnel à la nouvelle réalité du travail.

Plusieurs orientations ont guidé la préparation de la seconde édition du volume. Premièrement, une orientation analytique : le livre offre un cadre d’analyse très structuré pour aider à résoudre les problèmes humains en milieu de travail. Les principes de la psychologie du travail et du comportement organisationnel sont abondamment illustrés à l’aide d’exemples d’entreprises. Deuxièmement, une orientation pédagogique : les cas ont été rédigés par une multitude de professeurs universitaires qui oeuvrent dans les secteurs de la psychologie du travail ou du comportement organisationnel. Les auteurs ont conservé les grilles d’autoévaluation de l’édition de 1996 afin de permettre aux étudiants de bien saisir la portée et l’incidence des concepts sur ses activités quotidiennes. Les auteurs ont malheureusement renoncé à joindre les allocutions « propos de chercheur renommé » et « point de vue d’un gestionnaire » de l’édition de 1996 à l’édition de 2002. Ces allocutions permettaient d’effectuer un pont entre la théorie et la pratique. Troisièmement, une orientation technologique : Dolan, Gosselin, Carrière et Lamoureux ont élaboré un cd-rom qui soumet des solutions pratiques et exhaustives aux cas du volume. Le cd-rom offre également une présentation Power Point détaillée du plan de cours d’introduction à la psychologie du travail et au comportement organisationnel. Le matériel technologique propose une variété de figures, de tableaux et de graphiques visuellement attrayants.

Sur le plan du format, le volume est très bien rédigé. Les auteurs adoptent un style de rédaction simple et direct. La limpidité et la cohérence de la structure du livre permettent de comprendre sans difficulté le cheminement conceptuel des auteurs. Les tableaux, les figures et les caricatures sont très compréhensibles afin de permettre la clarification des concepts. La vulgarisation des notions complexes constitue vraisemblablement la principale qualité pédagogique du livre.

Les deux premiers chapitres expliquent les fondements de la psychologie du travail et du comportement organisationnel. Les diverses écoles de pensée en psychologie (e.g., le béhaviorisme, la psychologie cognitive) et les modèles traditionnels en comportement organisationnel (e.g., le modèle mécanisme ; le modèle organique ; le modèle de contingence) sont revus en détail. Les auteurs ne décrivent pas suffisamment leur modèle contemporain du comportement organisationnel (p. 25). Il faut souligner l’effort important des auteurs pour retracer l’évolution des divers courants théoriques en psychologie du travail et en comportement organisationnel à l’aide du tableau 1.8 (p. 26-27). Cependant, ils n’ont pas défini sommairement les notions de ce tableau pertinent. En effet, il peut sembler difficile pour un étudiant ou une étudiante n’ayant aucune connaissance en psychologie du travail et en comportement organisationnel de comprendre un certain nombre de concepts tels que la psychanalyse organisationnelle, la théorie de la dépendance des ressources ou le système sociotechnique. Toutefois, l’ouvrage comporte un glossaire des définitions courantes en psychologie du travail et en comportement organisationnel (p. 445-470).

Le chapitre trois se concentre sur les principaux modèles de la motivation au travail ainsi que sur la satisfaction au travail. La démonstration de la portée pratique de ces modèles constitue la principale qualité de cette recension de la documentation. Il est cependant surprenant que les auteurs ne se soient pas intéressés à la théorie sociocognitive Social-Cognitive Theory de Bandura (1986). En effet, plusieurs chercheurs qualifient ce modèle comme étant le plus grand progrès théorique dans l’histoire de la psychologie.

Le chapitre trois comporte aussi une synthèse exhaustive des modèles de la satisfaction au travail ainsi que des déterminants et des conséquences de la satisfaction au travail. Bien que les auteurs discutent abondamment du lien entre la satisfaction au travail, le roulement du personnel, l’absentéisme et la performance, ils ne mettent pas suffisamment en évidence la contribution de l’engagement organisationnel dans cette relation. Ils affirment que la relation entre la satisfaction et la performance est relativement faible. Une telle prise de position s’appuie probablement sur la méta-analyse d’Iaffaldano et de Muchinsky (1985) qui révèle une corrélation de ,17 (amplitude de l’effet) entre ces deux variables. Ce qui s’est produit par la suite est impardonnable. Pourtant, la méta-analyse d’Iaffaldano et de Mushinsky (1985) comporte de nombreux problèmes de mesure (Schmidt et Hunter 1996). Une méta-analyse très récente démontre une corrélation modérée de ,30 (amplitude de l’effet) entre la satisfaction au travail et la performance (Judge et coll. 2001). Il semble important de poursuivre un programme de recherche imposant sur cette relation. Par conséquent, je suis fortement en désaccord avec Dolan, Gosselin, Carrière et Lamoureux lorsqu’ils déclarent que la relation entre la satisfaction au travail et la performance au travail demeure controversée.

Le chapitre quatre présente une démarche de gestion pour tirer le meilleur parti d’une équipe de travail. On y démontre le lien entre les divers processus de gestion d’une équipe de travail, l’innovation et la créativité humaine. Le chapitre cinq offre un tour d’horizon complet des processus de communication organisationnelle. Les auteurs apportent une contribution tangible à la littérature en effectuant une analyse du rôle des nouvelles technologies (e.g., intranet, internet, vidéoconférence) dans la communication organisationnelle.

Le chapitre six examine la gestion des conflits en milieu de travail. Les auteurs insistent sur le fait que la gestion des conflits est un investissement très important, non seulement parce que les situations conflictuelles risquent de nuire à la qualité des résultats d’une équipe de travail, mais également parce que les employés s’attendent à ce que les gestionnaires assument un leadership dans ce domaine. Ils recommandent des stratégies appropriées pour gérer et solutionner les conflits.

Une revue complète des modèles du leadership est présentée dans le chapitre sept. On y souligne que la majorité des modèles traditionnels du leadership prédisent peu l’efficacité d’un leader. À la lumière d’un tel résultat peu convaincant, Dolan, Gosselin, Carrière et Lamoureux s’orientent plutôt vers l’analyse des nouveaux courants théoriques, tels que les substituts du leadership, le leadership transactionnel et transformationnel et la théorie de l’attribution appliquée au leadership. Les auteurs n’ont pas fait appel aux modèles Vertical Dyad Linkage et Leader Member Exchange (LMX) pour décrire la nature de la relation dyadique entre le leader et les différents subordonnés.

Le chapitre huit se concentre sur le processus de décision. Ce chapitre présente une analyse critique du modèle de Vroom et Yetton et des diverses techniques de résolution des problèmes (e.g., le remue-méninges, la méthode Delphi, la technique du groupe nominal). Les auteurs constatent que la psychologie du travail valorise surtout la rationalité lors de la prise de décision. En contrepartie, ils fournissent un modèle politique de la prise de décision afin d’apporter une vision alternative à l’approche rationnelle de la prise de décision.

Le chapitre neuf se penche sur la gestion individuelle et organisationnelle du stress au travail et analyse le stress au travail en adoptant un cadre théorique orienté vers la santé organisationnelle. Il est nécessaire d’intervenir simultanément sur le bien-être des employés, les caractéristiques organisationnelles et la performance organisationnelle afin de réduire l’incidence négative du stress au travail. Les auteurs postulent que la combinaison des caractéristiques individuelles (e.g., la personnalité, l’efficacité personnelle à composer avec les facteurs stressants) et des caractéristiques organisationnelles (e.g., le climat organisationnel, la nature de la tâche) contribue à déterminer la nature du stress au travail et de l’épuisement professionnel. Dans la conclusion du chapitre, ils recommandent une multitude de politiques en gestion des ressources humaines visant à contenir les effets dysfonctionnels du stress au travail.

Le chapitre suivant traite de la perspective individuelle et organisationnelle de la carrière. Les auteurs remarquent qu’il est de plus en plus difficile de prédire la trajectoire de la carrière d’un individu. Dans un tel contexte, la gestion de la carrière est complexe mais indispensable pour les individus et les organisations. Ils identifient une variété de cheminement de carrière (e.g., la carrière transitoire, la carrière linéaire, la carrière spiralée). Les auteurs expliquent comment les individus réalisent leur choix de carrière à l’aide des travaux de Holland, Roe et de Super. Le développement de l’employabilité devient progressivement la norme en matière de gestion individuelle de la carrière. Dolan, Gosselin, Carrière et Lamoureux traitent brièvement de la modification du contrat psychologique à la lumière des diverses conceptions renouvelées de la carrière. Ils soulèvent aussi l’importance organisationnelle de gérer la carrière. La pénurie de main-d’oeuvre force les entreprises à s’investir davantage dans la gestion des carrières. Les auteurs énumèrent une multitude d’interventions organisationnelles pour gérer la carrière. Le mentorat constitue une intervention couramment utilisée par les praticiens. Les auteurs accordent de l’importance à d’autres types d’interventions, tels que l’affectation à un poste (pour des fins de développement professionnel), la gestion de la relève et l’évaluation du potentiel. Finalement, ils mettent en évidence un certain nombre de difficultés en matière de gestion de carrière. Les couples à double carrière, le plateau de carrière et la conciliation travail/vie privée ou familiale représentent des problématiques actuelles dans les organisations.

Le chapitre 11 examine la gestion du changement, le développement organisationnel (DO), les dimensions de la culture organisationnelle et la démarche d’intervention pour modifier la culture organisationnelle. Les auteurs ont réalisé une revue exhaustive des modèles du processus de gestion du changement. La nomenclature des multiples interventions en développement organisationnel constitue une qualité indéniable du chapitre. Les auteurs considèrent la culture organisationnelle comme étant un facteur social prédominant à gérer à l’intérieur des interventions en DO. Il est intéressant de noter qu’ils conceptualisent la culture organisationnelle et le climat organisationnel comme étant des construits interdépendants. Finalement, ils précisent comment la culture organisationnelle influence la nature des activités de gestion des ressources humaines.

Le chapitre 12 discute des retombées pratiques de la psychologie du travail et du comportement organisationnel dans le cadre des nombreuses transformations organisationnelles. Plus particulièrement, les auteurs se penchent sur les nouvelles formes d’organisation du travail (e.g., la gestion de la qualité totale, la réingénierie des processus d’affaires, le télétravail). Ils présentent également les concepts relatifs à la gestion par valeurs, l’intelligence émotionnelle et l’organisation apprenante. Ce dernier chapitre est très original puisqu’il expose le point de vue critique des auteurs à l’égard d’un certain nombre de pratiques qui émergent en psychologie du travail et en comportement organisationnel.

Malgré un traitement rigoureux des concepts, les auteurs ont timidement incorporé les nouveaux courants de recherche en psychologie du travail et en comportement organisationnel. Ils se limitent généralement à un traitement conventionnel des modèles traditionnels en psychologie du travail et en comportement organisationnel. L’objectif du volume d’actualiser les modèles et les notions en psychologie du travail et en comportement organisationnel est donc partiellement atteint. Il est opportun de recommander quelques notions théoriques novatrices afin d’alimenter ou d’enrichir les divers chapitres de la prochaine édition. L’efficacité personnelle self-efficacy (Bandura 1997) a un effet prononcé sur l’étude du comportement organisationnel. Ce concept a de nombreuses applications dans divers thèmes de la psychologie du travail et du comportement organisationnel tels que la motivation au travail, la gestion de la carrière, le leadership, la gestion des équipes de travail, l’organisation du travail, la gestion de la culture organisationnelle et l’organisation apprenante. Les comportements antisociaux ou contre-productifs en milieu de travail méritent une attention particulière dans la prochaine édition du volume. Les auteurs ont analysé en profondeur les postulats de la théorie de l’équité d’Adams. La théorie de l’équité constitue le précurseur de la notion de « justice organisationnelle ». Néanmoins, ils n’ont pas exploré en détail le rôle de la justice organisationnelle dans la prédiction du comportement organisationnel. Enfin, les comportements discrétionnaires organizational citizenship peuvent s’avérer un thème intéressant à prendre en considération dans une édition ultérieure du volume.

En résumé, Dolan, Gosselin, Carrière et Lamoureux ont produit un excellent livre d’introduction à la psychologie du travail et au comportement organisationnel. Je les encourage à adopter une perspective internationale dans une édition ultérieure. Cette orientation de recherche se cristallise manifestement en psychologie du travail. Cet ouvrage se révèle un livre de référence indispensable pour les étudiants qui désirent s’initier à la psychologie du travail et au comportement organisationnel.