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Introduction

Les infrastructures publiques d’une région sont-elles suffisamment développées? À l’évidence elles jouent un rôle moteur dans la vie économique et sociale et on comprend que beaucoup d’économistes et de décideurs publics y consacrent une attention particulière, offrant ainsi une diversité d’éclairages sur ce problème. L’originalité de cet article est d’étudier la question selon l’optique des jeux dynamiques et d’ancrer la réponse sur des considérations d’efficacité. Le terme infra­structures publiques désigne un large ensemble d’équipements comme par exemple les routes, les systèmes de distribution et de traitement des eaux, les systèmes d’irrigation, les aéroports, les transports publics, les écoles, les hôpitaux publics, etc. On peut les définir par la fonction qu’elles jouent dans l’économie; Hansen (1965) étudie ainsi les infrastructures qui offrent un support direct aux activités productives ou à la circulation des biens, ou encore celles qui permettent de développer le capital humain. Elles ont pour propriétés communes : i) de servir de base nécessaire à toute vie économique, ii) de générer des externalités, ce qui implique que leurs effets sociaux dépassent l’évaluation privée que les agents en font. Gardons à l’esprit cette seconde propriété sur laquelle nous reviendrons.

La question de savoir quel doit être le niveau d’investissement en capitaux publics n’est pas nouvelle (Arrow et Kurz, 1970), mais le débat a été relancé par une série de travaux empiriques consécutifs aux contributions d’Aschauer (1989a, 1989b, 1989c). Aschauer montre que les infrastructures ont un impact positif sur l’activité et soutient que la réduction des investissements publics aux États-Unis au début des décennies soixante-dix et quatre-vingt explique le ralentissement de la productivité américaine sur cette même période[1].

Les articles qui ont alimenté ce débat peuvent être regroupés, de façon un peu artificielle, en deux générations. La première génération rassemble des travaux qui proposent des analyses économétriques de la relation entre les infrastructures et la production. Il est clair cependant que montrer l’existence d’un tel lien ne suffit pas pour en déduire un problème de sous-équipement comme le fait rapidement Aschauer (Tatom, 1991). De plus, pour reprendre Gramlich (1994), la question importante au fond n’est pas celle de la pénurie, puisqu’un excès serait tout aussi indésirable; il s’agit plutôt de savoir si les décisions ont été les bonnes.

Les travaux de la seconde génération s’efforcent de vérifier si les politiques observées correspondent à des comportements optimisateurs. Ils mobilisent pour cela une gamme de techniques qui va de l’analyse coûts-bénéfices (U.S. Congressional Budget Office, 1983 et 1988; Gramlich, 1994) à des méthodes plus complexes, par exemple en calculant les prix implicites des facteurs quasi fixes de façon à détecter d’éventuelles déviations par rapport à l’équilibre de long terme où les coûts sont minimisés (Berndt et Hansson, 1992; Shah, 1992; Morrison et Schwartz 1994, 1996a et 1996b). Parce que les infrastructures sont des biens durables dont les effets s’inscrivent dans le temps, les comportements optimisateurs sont parfois définis aussi comme ceux qui permettent une croissance optimale (Taylor, 1991; Holtz-Eakin et Schwartz, 1995; Button, 1998; Glomm et Ravikumar, 1994 et 1997; Aschauer, 2000).

Ce critère d’optimisation est recevable mais compte tenu de la nature « bien public » des infrastructures et dans la mesure où de nombreuses décisions d’investissements publics sont décentralisées, un autre critère, celui de l’efficacité, ne peut être négligé[2]. La question deviendrait alors : quand bien même les comportements seraient optimisateurs, seraient-ils pour autant efficaces? On peut craindre que des régions qui ignorent les effets externes de leurs choix ne réalisent pas l’efficacité paretienne.

Empiriquement l’existence de ces effets externes semble être assurée (Munnell, 1992; Holtz-Eakin, 1995; Crihfiled et Panggabean, 1996; Holtz-Eakin et Schwartz, 1995; Kelejian et Robinson, 1997). Si les interactions entre collectivités sont bien de nature stratégique quel doit-être dès lors le niveau efficace d’investissement en infrastructures? Par rapport à ce niveau les stratégies d’investissement décentralisées débouchent-elles nécessairement sur un problème de sous-investissement? De surinvestissement?

Curieusement, il existe peu d’études théoriques sur ce sujet[3]. Hulten et Schwab (1997) font ici figure d’exception en appliquant au contexte des infrastructures publiques les enseignements du fédéralisme fiscal. Leur perspective paraîtra néanmoins incomplète dans la mesure où elle néglige une spécificité importante du problème : les infrastructures sont des capitaux, en tant que tel leurs effets s’étalent dans le temps et, partant, impliquent des arbitrages entre des alternatives présentes et futures. Comment cette dimension importante des choix va-t-elle jouer dans la définition de l’optimum social et dans l’inefficacité des décisions décentralisées? L’analyse statique de Hulten et Schwab (1997) ne peut répondre à cette question. Par ailleurs on regrettera l’absence d’une discussion sur les conséquences de l’hétérogénéité des collectivités. Lorsque l’on se donne un critère d’efficacité, on accepte aussi implicitement une certaine allocation des gains à la coopération. Selon l’étendue des disparités entre les régions l’application d’un critère n’aura pas les mêmes effets sur les satisfactions locales et on est conduit inévitablement à s’interroger sur l’acceptabilité des politiques efficaces.

Le but de cet article est d’étudier les interactions intertemporelles entre deux régions hétérogènes qui se livrent à une concurrence en infrastructures publiques et de caractériser les inefficacités dynamiques qui en résultent. En plus des clarifications qu’elle apporte à propos du débat sur le sur ou le sous-investissement, une telle caractérisation est utile car elle sous-tend les politiques économiques à mettre en oeuvre pour éviter les gaspillages.

L’article est organisé de la façon suivante. La première section rappelle les enseignements théoriques directement en rapport avec notre travail de façon à mieux préciser sa contribution. Les deuxième et troisième sections présentent et étudient un jeu dynamique d’accumulation entre deux collectivités; pour ce jeu, il existe un unique équilibre de Nash qui conduit chaque collectivité vers un état stationnaire et nous montrons que l’optimum centralisé est aussi convergent. La quatrième sec­tion compare les états stationnaires des deux scénarii et caractérise ainsi l’ineffica­cité des choix décentralisés. En anticipant sur les résultats, lorsque par exemple les infrastructures sont des compléments stratégiques, les collectivités sous-investissent (respectivement surinvestissent) en présence d’externalités posi­tives (respectivement négatives); ce résultat théorique attendu montre déjà qu’un problème de sous-équipement ne peut caractériser en toute généralité les infra­structures publiques. Il est plus surprenant de constater que lorsque les infrastructures sont des substituts stratégiques et lorsque les collectivités sont hétérogènes, une d’entre elle peut surinvestir et l’autre sous-investir, quel que soit le signe des externalités. Dans tous les cas, la préférence pour le présent et le taux de dépréciation physique des capitaux ont un rôle à jouer et interviennent dans la définition d’une mesure corrective. La cinquième section évoque rapidement une implication possible de ces résultats en matière de politiques économiques. L’avant- dernière section illustre les résultats au moyen de quelques exemples et enfin la dernière section résume l’article et suggère quelques extensions directes.

1. Littérature voisine et contribution de l’article

L’article s’insère dans une littérature qui traite des aspects intertemporels des investissements en infrastructures (Taylor, 1991 et 1992) dont les caractéristiques sont en partie héritées des modèles d’accumulation stratégique du capital (Fershtman et Muller, 1984).

Dans ses deux articles Taylor distingue les situations où les infrastructures sont construites pour accompagner la croissance (Taylor, 1991), des situations où elles sont installées pour attirer les ressources mobiles et donc initier la croissance (Taylor, 1992).

Taylor (1991) propose une étude explicitement intertemporelle des situations où l’investissement public fait suite à l’investissement privé. Toute décision d’investissement public modifie l’évolution naturelle du stock d’infrastructure qui se déprécie à taux constant. Le décideur public met en balance les coûts associés à la séquence des investissements avec le rendement généré par le capital sur tout l’horizon. Il s’agit d’un modèle de croissance optimale dans lequel la préférence pour le présent et la dépréciation jouent leur rôle habituel : si la préférence pour le présent augmente, l’état stationnaire est réduit; une augmentation du taux de dépréciation produit le même effet. Dans ce modèle il n’y a pas d’interactions stratégiques.

Taylor (1992) propose une seconde étude intertemporelle où cette fois l’investissement public précède l’investissement privé. Il modélise des juridictions qui se font concurrence pour attirer une industrie en construisant des infrastructures plus rapidement que leur voisines. De tels comportement d’attraction produisent du gaspillage et plaident en faveur d’une intervention fédérale. Il s’agit d’un cas typique d’externalités négatives : les infrastructures d’une juridiction réduisent l’attractivité des autres régions. Le modèle ne dit rien sur les autres situations possibles, lorsque par exemple les infrastructures génèrent des externalités positives (on songera par exemple aux équipements destinés à lutter contre la pollution).

L’article de Fershtman et Muller (1984) ne porte pas sur les infrastructures publiques mais sur les interactions entre les firmes d’un duopole au cours du temps. Au niveau formel on y trouve cependant l’analyse d’un modèle d’accumulation de capital qui, modulo une réinterprétation des variables, peut décrire également les décisions décentralisées d’investissement en infrastructures. L’article se limite aux situations d’externalités négatives (notre objectif est d’aborder aussi les cas d’externalités positives) et ne caractérise pas l’inefficacité des opérations d’investissements non coopératives.

Notre article étend le modèle de Taylor (1991) à deux juridictions et prend donc en compte à la fois les interactions stratégiques entre les régions et la dimension intertemporelle de ces interactions. Ce modèle étendu est isomorphe à celui de Fershtman et Muller (1984). Le moindre avantage de cette démarche est de permettre d’appréhender des questions de stabilité : on présente parfois les modèles statiques comme bien adaptés pour décrire un environnement stable; ils seraient la forme réduite ou, plus précisément, la version stationnaire de modèles dyna­miques plus réalistes mais plus compliqués. Pour que la démarche qui consiste à porter l’attention sur les seuls modèles statiques soit correcte, les modèles dynamiques sous-jacents doivent converger. Un avantage de notre modèle est donc d’identifier les conditions sur les fondamentaux qui garantissent cette convergence.

Mais outre cet aspect technique, l’approche permet : i) de donner un sens précis au débat sur le sous-investissement en capitaux publics, en définissant le niveau idéal de capitaux publics comme celui qui satisfait les conditions Bowen-Lindhal-Samuelson pour une fourniture efficace en biens publics. On observera que dans ce modèle le niveau idéal rend compte à la fois de l’idée de développement et de la nature « bien public » des infrastructures; ii) de préciser le rôle joué par la préférence pour le présent et la dépréciation physique des infrastructures dans la caractérisation des situations de sur ou de sous-investissement; iii) d’attirer l’atten­tion sur les conséquences de l’hétérogénéité des districts dans cette caractérisation; iv) de jeter les bases pour une étude ultérieure des instruments correctifs à mettre en oeuvre pour décentraliser l’optimum. Il ne s’agit pas ici d’inventer de nouveaux instruments, mais plutôt d’adapter des remèdes existants à la spécificité intertemporelle du problème de façon à les rendre plus efficaces. Nous faisons un premier pas dans cette direction avec l’étude des taxes pigouviennes en section 6; v) d’ouvrir la porte à de nouveaux test économétriques.

2. Le modèle général

Deux collectivités investissent au cours du temps pour modifier leur capital en infrastructures. Le temps est continu et à chaque date t les niveaux agrégés d’infra­structures des collectivités 1 et 2 sont notés respectivement Z(t) et equation: 007264are001n.png De façon à alléger les écritures nous omettrons par la suite la référence au temps dès lors qu’aucune confusion n’est possible. Une paire d’infrastructures procure un bénéfice économique equation: 007264are002n.png à la première collectivité et equation: 007264are003n.png à la seconde. On remarquera que chaque collectivité subit un effet externe dû au stock de capital rival. Ces fonctions de produit brut peuvent exprimer le PIB d’une région ou représenter la forme réduite d’un modèle structurel avec facteurs de production mobiles, l’externalité résultant alors des mécanismes migratoires induits par les différences d’offres en infrastructures. On peut aussi songer à des modèles ou ces fonctions mesurent le bien-être de l’individu représentatif ou de l’électeur médian de chaque collectivité[4].

Ces fonctions sont supposées deux fois continûment différentiables et fortement strictement concaves (les matrices hessiennes equation: 007264are004n.png et equation: 007264are005n.png sont définies négatives). Nous ferons aussi l’hypothèse de rendements internes bornés décroissants; en d’autres termes les fonctions equation: 007264are006n.png et equation: 007264are007n.png sont croissantes, bornées et concaves par rapport au stock de la collectivité à laquelle elles sont associées.

Les interdépendances entre collectivités peuvent être regroupées en deux grandes catégories. Dans de nombreux cas, les bénéfices d’une infrastructure dépassent les limites territoriales de la collectivité qui la finance. C’est le cas des équipements destinés à la lutte contre la pollution de l’air. Formellement ces situations d’externalités positives se traduisent par des fonctions de produit brut aux dérivées partielles equation: 007264are008n.png et equation: 007264are009n.png positives. Dans la seconde catégorie les infrastructures voisines provoquent des nuisances, dues par exemple à des phénomènes de congestion routière ou de concurrence pour l’attraction de ressources mobiles. Formellement, on traduira ces externalités négatives avec des fonctions aux dérivées partielles négatives : equation: 007264are010n.png et equation: 007264are011n.png

Deux dernières précisions sur la nature des interactions vont se révéler utiles dans notre analyse. Le stock d’infrastructures rival peut aussi affecter de manière positive ou négative le rendement marginal du capital public d’une collectivité. Le premier cas, equation: 007264are012n.png et equation: 007264are013n.png définit des situations de complémentarité stratégique; et le second cas, equation: 007264are014n.png et equation: 007264are015n.png définit des situations de substituabilité stratégique[5]. Quel que soit leur signe ces dérivées secondes croisées sont supposées bornées.

Les stocks en infrastructures résultent de politiques d’investissement. Appelons Q(t) (respectivement Ǭ (t)) l’investissement réalisé dans la première collectivité (respectivement la seconde) à chaque point du temps. La variation du stock d’infrastructures est égale à l’investissement net de la dépréciation, soit :

Z0 et equation: 007264are018n.png sont les stocks initiaux d’infrastructures et le paramètre b > 0 représente le taux de dépréciation physique des capitaux. Les investissements prennent leur valeurs dans les intervalles [0, Qsup] et [0, Ǭsup]. Les équipements publics sont a priori réversibles puisque les investissements peuvent prendre des valeurs insuffisantes pour compenser la dépréciation.

Investir engendre des coûts, notés C(Q) et equation: 007264are019n.png supposés croissants, convexes et deux fois continûment différentiables. On suppose que ces fonctions de coûts satisfont equation: 007264are020n.png et equation: 007264are021n.png Ces coûts sont exprimés dans les mêmes unités que les fonctions de produit bruts. En retranchant le coût au produit brut de chaque collectivité, on définit le produit net courant.

Les collectivités ont un horizon intertemporel infini. Si on note r > 0 le taux commun de préférence pour le présent, les objectifs actualisés des collectivites s’écrivent :

Au niveau formel, le jeu différentiel ainsi décrit est très proche de celui utilisé par Fershtman et Muller (1984) pour l’étude dynamique d’un duopole, et où seules les situations d’externalités négatives étaient considérées.

3. L’inefficacité des stratégies d’investissement décentralisées

3.1 Comportements d’investissement décentralisés

Dans un scénario décentralisé, chaque collectivité choisit sa stratégie d’inves­tissement de sorte à maximiser son objectif et en prenant comme donnée la stratégie rivale.

L’espace des stratégies dans un jeu différentiel est plus complexe que dans les jeux statiques puisqu’il est nécessaire de préciser quelle est l’information acquise et utilisée par les joueurs au cours du temps. Dans la littérature, on trouve surtout deux possibilités : la structure d’information en boucle ouverte ou bien celle avec rétroaction[6]. Comme l’ont souligné Reinganum et Stockey (1991), « ces deux cas correspondent à des hypothèses extrêmes sur la capacité des joueurs à s’engager sur leurs actions futures ». La première structure indique que la période d’engagement s’étend sur la totalité de la durée du jeu. A contrario, la seconde structure s’applique aux situations où aucun engagement n’est supposé possible. D’une certaine manière avec des stratégies en « boucle ouverte » le problème de décision de chaque joueur est statique puisque toutes les actions présentes et à venir sont décidées à la date initiale. De telles stratégies écartent la possibilité d’adapter les choix au gré des circonstances; néanmoins elles vont réaliser, du point de vue de chaque joueur, un arbitrage idéal entre bénéfices courants et bénéfices futurs, ainsi certains des aspects intertemporels du modèle ne disparaissent pas. Les stratégies rétroactives conduisent quant à elles à un concept de solution pleinement dyna­mique, où les actions optimales sont recalculées à chaque date, mais au prix de complications techniques considérables qui restreignent leur champ d’étude.

Nous supposerons dans cet article que les collectivités adoptent des stratégies en boucle ouverte, conformément à l’idée que « certaines politiques publiques d’investissement sont des engagements pour le futur » (Arrow et Kurz, 1970). En effet, les projets publics font parfois partie d’un programme politique dont les moda­lités d’application sont précisées dès aujourd’hui. Une fois voté, le programme ne sera pas remis en cause[7].

Nous dirons d’une paire de stratégies (Q(.), Ǭ(.)), et des trajectoires de stocks equation: 007264are024n.png associées, qu’elles sont admissibles si elles sont telles que les intégrales qui donnent les paiements actualisés convergent. Un équilibre de Nash en boucle ouverte est une paire de fonctions du temps admissibles (Qn(.), Ǭn(.)) telle qu’aucune des collectivités ne peut obtenir un paiement plus élevé avec toute autre trajectoire admissible, la trajectoire rivale étant fixée.

Ainsi la stratégie optimale en boucle ouverte de la première collectivité est solution du problème de contrôle suivant à trajectoires Ǭn(.) et equation: 007264are025n.png données :

Le Hamiltonien en valeur courante associé à ce problème est :

Du principe du maximum on dérive les conditions nécessaires d’optimalité :

À chaque point du temps, le prix implicite μ(t) donne la valeur marginale courante du stock. La première condition énonce donc que la meilleure stratégie en t consiste à investir jusqu’au point où le coût marginal est égal à la valeur marginale du stock.

La seconde collectivité résoud un problème similaire à trajectoires Qn(.) et Zn(.) données.

En regroupant les conditions nécessaires d’optimalité des deux collectivités, on obtient le système différentiel qui caractérise les trajectoires à l’équilibre de Nash en boucle ouverte :

Pour chaque district, sous l’hypothèse de concavité des fonctions equation: 007264are031n.png et equation: 007264are032n.png et sous l’hypothèse de convexité des fonctions C(.) et equation: 007264are033n.png les conditions nécessaires précédentes ainsi que les conditions de transversalité suivantes :

forment un ensemble de conditions suffisantes d’optimalité[8]. L’interprétation usuelle de ces conditions de transversalité est la suivante : du point de vue de la collectivité 1, e-rt μ(t) donne la valeur marginale actualisée du stock Z(t); la condition equation: 007264are036n.png indique donc que la trajectoire optimale d’investissement est celle qui fait tendre vers 0 la valeur actualisée du stock. La condition de transversalité de la seconde collectivité s’interprète de la même façon.

Un équilibre de Nash en boucle ouverte stationnaire est un quadruplet constant equation: 007264are037n.png qui verifie (SDN).

Fershtman et Muller (1984) ont montré que si la condition suivante est verifiée :

alors le système (SDN) est asymptotiquement stable au sens du point selle.

Quand cette condition s’ajoute aux hypothèses générales du modèle, elle garantit en plus l’existence d’une trajectoire unique, solution de (SDN), qui converge vers l’état stationnaire[9]. La situation économique des deux collectivités à long terme (du point de vue des paiements) est donc approchée par le niveau stationnaire du capital et de l’investissement en infrastructures :

et equation: 007264are039n.png

À long terme l’investissement sert uniquement à remplacer le capital déprécié. De plus la résolution de equation: 007264are040n.png donne un système d’équations qui définit les stocks stationnaires associés à l’équilibre de Nash :

À l’état stationnaire, le bénéfice marginal de chaque stock couvre exactement la somme du coût d’opportunité marginal des fonds engagés (qui auraient pu rapporter un rendement r s’ils avaient été placés sur des titres) et du coût dû à la dépréciation. Plus la préférence pour le présent et/ou et la dépréciation sont élevées et moins le stock stationnaire d’une région est important. En effet, dans ce cas les bénéfices futurs d’une opération d’investissement courante sont moins grands; en conséquence les efforts d’investissement sont plus faibles.

3.2 Optimum centralisé

Supposons à présent que les collectivités remettent leur intérêts respectifs entre les mains d’une instance de décision unique. Cette instance de décision peut se comprendre comme une autorité centrale (État) ou comme une structure de coopération intercommunale dont les décisions s’imposent aux collectivités. L’étude de ce scénario coopératif, dont le réalisme est discutable, est utile comme cas de référence pour mettre en évidence les problèmes d’inefficacité qui caractérisent le scénario décentralisé.

Les investissements optimaux centralisés (Qc(.), Ǭc(.)) sont les trajectoires admissibles qui maximisent equation: 007264are042n.png sous les contraintes (1) et (2). Nous utilisons ici le critère utilitariste qui considère comme objectif à optimiser la somme simple des objectifs individuels. Ce choix n’est pas anodin. Il était possible de retenir le critère généralisé qui maximise une somme pondérée des objectifs, mais le critère utilitariste, parce qu’il impose de traiter à égalité des agents qui peuvent être très différents, permet de mettre en exergue facilement des situations où coexistent une collectivité qui sous-investit et l’autre qui surinvestit (voir section 4), ce qui est un des objectifs de ce travail. Ces situations curieuses peuvent être écartées, mais cela nécessite de superposer des restrictions au critère d’efficacité de façon à respecter la rationalité individuelle des agents, ou encore d’introduire des notions d’équité; nous reviendrons en conclusion sur ces derniers points.

L’application du principe du maximum à l’objectif utilitariste conduit au système différentiel :

avec la condition de transversalité equation: 007264are044n.png Cette fois l’interprétation de la condition de transversalité est que les trajectoires optimales d’investissement sont telles que la valeur actualisée du stock agrégé doit tendre vers zéro à long terme.

Ce système différentiel n’est pas identique à celui qui caractérise l’équilibre de Nash. Les trajectoires d’investissement centralisées seront donc différentes et l’écart entre la valeur des paiements agrégés dans le scénario centralisé et dans le scénario Nash donne une mesure du surplus que la coopération permettrait de dégager.

Une solution centralisée stationnaire est un quadruplet constant equation: 007264are045n.png qui vérifie (SDC). Les choix d’investissement centralisés vont-ils converger vers cet état stationnaire? Fershtmann et Muller ne traitent pas cette question. Nous pouvons néanmoins établir que dans ce modèle, sous les hypothèses imposées au modèle général, l’état stationnaire de (SDC) est asymptotiquement stable au sens du point selle[10]. Plus précisément, ce résultat garantit l’existence d’une unique trajectoire solution de (SDC) qui converge vers l’état stationnaire. Puisque la fonction objectif de l’autorité centrale est strictement concave. cette trajectoire convergente est l’unique solution du problème d’optimisation.

À l’état stationnaire equation: 007264are046n.png ce qui implique que equation: 007264are047n.png Cette fois encore, l’investissement sert à remplacer le capital déprécié. En résolvant equation: 007264are048n.png on obtient :

Ce système ressemble à celui du scénario décentralisé (SN), avec toutefois une différence importante : pour chaque stock, l’état stationnaire réalise l’égalité entre d’une part le coût d’opportunité marginal des fonds engagés plus le coût de la dépréciation et, d’autre part, le bénéfice marginal social. Contrairement à l’équilibre de Nash, l’optimum centralisé tient compte des effets externes equation: 007264are050n.png Cette égalité peut s’interprétrer ici comme la condition Bowen-Lindhal-Samuelson.

4. Comparaison des états stationnaires

Le but de cette section est de comparer les états stationnaires de l’équilibre de Nash et de la solution centralisée. Lorsque les collectivités sont symétriques les résultats sont en accord avec ceux mis en évidence dans d’autres travaux[11] et nous les rappelons brièvement avant d’entreprendre l’analyse pour des collectivités différentes.

Considérons le cas où les paiements des collectivités sont symétriques au sens où equation: 007264are051n.png

Proposition 1Dans le cas symétrique, l’équilibre de Nash symétrique se caracté­rise par du surinvestissement (sous-investissement) par rapport à la solution centralisée quand les infrastructures engendrent des externalités négatives (positives).

Démonstration : annexe A.

Cette caractérisation ne dépend ici que du signe des externalités. Avec des collectivités hétérogènes, il faut comparer un équilibre de Nash non symétrique avec une solution centralisée non symétrique; le seul signe des externalités n’est plus suffisant pour caractériser l’inefficacité des investissements non coopératifs et on est amené à distinguer les situations de complémentarité stratégique des situations de substituabilité stratégique.

4.1 Complémentarité stratégique

Lorsque les infrastructures sont des compléments stratégiques, le produit marginal direct d’une collectivité croît à la suite d’une augmentation marginale du capital en infrastructure de l’autre collectivité equation: 007264are052n.png les incitants locaux à investir se renforcent mutuellement[12].

Proposition 2 Pour des collectivités hétérogènes dont les stocks d’infrastructures sont des compléments stratégiques, l’équilibre de Nash se caractérise par du surinvestissement (sous-investissement) par rapport à la solution centralisée quand les infrastructures engendrent des externalités négatives (positives).

Démonstration : annexe B.

En d’autres termes, en présence de complémentarité stratégique, les résultats établis pour des collectivités symétriques s’appliquent aussi à des collectivités hétérogènes. Ainsi, dans l’optique de déterminer dans quelle direction il faut modifier les comportements pour gagner en efficacité, l’hétérogenéité n’est pas une information de première importance. En revanche, le signe des externalités est pertinent pour savoir s’il faut encourager, ou au contraire décourager les investissements.

4.2 Substituabilité stratégique

Lorsque les infrastructures sont des substituts stratégiques, le produit marginal direct d’une collectivité décroît à la suite d’une augmentation marginale du capital en infrastructures de l’autre collectivité equation: 007264are053n.png Les incitants locaux à investir s’affaiblissent mutuellement[13].

Proposition 3Considérons des collectivités hétérogènes. En présence d’externalités négatives, s’il y a substituabilité stratégique :

  1. au moins une collectivité sera en surinvestissement par rapport à la solution centralisée utilitariste;

  2. il existe des cas où l’autre collectivité sera en sous-investissement.

Le même type de résultat s’obtient dans le cas d’externalités positives et de substituabilité stratégique.

Démonstration : annexe C.

L’intérêt de cette proposition est de montrer qu’en présence de substituabilité stratégique il est possible qu’une collectivité pose un problème de surinvestissement tandis que l’autre se singularise par du sous-investissement. Un exemple à la section 6 montre que cette situation curieuse apparaît lorsque les collectivités sont « suffisamment » différentes. Ce résultat inhabituel suggère une intervention publique differenciée. Existe-t-il des situations où la recherche de l’efficacité commanderait de taxer une collectivité et d’offrir des subventions à l’autre?

5. Implications en matière de politiques économiques : les taxes pigouviennes

Une fois la nature des problèmes identifiée, quels remèdes peut-on proposer? Il existe de nombreux instruments théoriques pour corriger les inefficacités; nous nous limiterons ici à l’étude des taxes pigouviennes. Dans cette perspective, il est utile de réécrire le système différentiel associé à l’optimum centralisé sous la forme équivalente où, au lieu d’indiquer comment évoluent les variables adjointes, on précise la dynamique des investissements. D’après les conditions du premier ordre associées au problème centralisé :

Le système différentiel du programme centralisé se réécrit donc :

À présent, si dans le scénario décentralisé les opérations d’investissement sont soumises à des taxes proportionnelles (τ(t) pour la première collectivité et τ̄(t) pour la seconde), les bénéfices nets courants s’écrivent :

Le système différentiel associé au scénario non coopératif avec taxes est :

On déduit alors aisément les instruments pigouviens qui permettent de décentraliser l’optimum, c’est-à-dire celles pour lesquelles le système différentiel du scénario non coopératif coïncide avec celui du scénario centralisé. Ce sont :

On constate que le signe de ces instruments ne dépend que du signe des externa­lités : lorsque les externalités sont négatives (positives) il faut taxer (subventionner) les investissements. Contrairement à ce que semble suggérer la proposition 3, il n’existe pas de cas avec externalités positives (ou négatives) où en raison de l’hétérogénéité il faudrait taxer une collectivité et subventionner l’autre. Pour comprendre cela, envisageons un cas qui mène à du sur et du sous-investissement simultanés. Si on taxe la collectivité qui surinvestit et si celle-ci choisit la trajectoire optimale, il faut en conclure que la meilleure réponse de la rivale ne conduit plus à du sous-investissement. Plus spécifiquement dans ce contexte intertemporel, on remarquera que :

  1. les instruments pigouviens dépendent des externalités des stocks évaluées le long de la trajectoire optimale, et des paramètres d’actualisation (r) et de dépréciation (b);

  2. en valeur absolue les instruments τ* et τ̄* sont plus grands quand la préférence pour le présent et/ou la dépréciation sont moins importantes. L’intuition est la suivante : les décisions courantes produisent à la fois des effets externes aujourd’hui et demain via l’équation d’évolution des stocks, et l’importance de ces externalités futures est d’autant plus grande que la dépréciation des stocks ou la préférence pour le présent sont faibles. En d’autres termes réduire r ou b c’est augmenter l’ampleur des externalités subies et cela implique des mesures correctives de plus grande importance.

6. Exemples

6.1 Infrastructures routières

Considérons une liaison routière entre deux collectivités. La construction d’une voie supplémentaire dans la collectivité 1 désengorge son centre d’activité et fait augmenter son produit brut. En revanche, cette amélioration de la partie 1 constitue un effet externe négatif, une congestion, dans la collectivité 2 qui ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour absorber l’augmentation de trafic sur son tronçon de voie equation: 007264are062n.png Toutefois, cette opération accroît le produit marginal brut d’un investissement éventuel de la collectivité equation: 007264are063n.png Dans cet exemple, des stratégies d’investissements décentralisés conduisent au surinvestissement et il faut taxer les collectivités pour décentraliser l’optimum.

6.2 Équipements d’épuration de l’eau

Wildasin (1991) donne l’exemple de deux collectivités, situées autour d’un même lac et soucieuses de la qualité de l’eau, qui investissent dans des stations d’épuration. Dans chaque collectivité l’utilité de l’agent représentatif est définie sur un bien de consommation privée noté x et un bien public noté s. Dans la première collectivité par exemple, cette fonction d’utilité prend la forme :

Le bien public s, défini comme un indice de la qualité de l’eau, est l’output d’un processus de production joint dont les inputs sont les niveaux d’infrastructures des deux collectivités :

Chaque input contribue de façon positive à l’épuration de l’eau :

On suppose de plus que F(., .) est globalement concave et que la productivité marginale d’un input croît avec l’utilisation de l’autre :

À chaque instant les collectivités investissent pour modifier leur capital en infrastructures, sachant qu’une fraction b > 0 de leur capital se déprécie. La loi d’évolution du capital est donc exactement celle décrite dans le modèle général. En tout point du temps, les deux collectivités ont à leur disposition un revenu exogène y (et ȳ), avec lequel elles financent la consommation du bien privé et le coût de leur investissement :

Après substitution de (10) et (11) dans (9) on obtient la fonction de produit net courante :

De même, le bien-être courant de la seconde collectivité s’écrit :

En posant equation: 007264are069n.png et equation: 007264are070n.png il est facile de voir que les hypothèses faites sur la fonction F(., .) nous placent dans un contexte d’externa­lités positives avec complémentarité stratégique. Sur la base de choix non concertés, les collectivités sous-investissent et une intervention centrale consisterait à offrir des subventions. Pour vérifier cette assertion, voyons un exemple numérique. Nous avons retenu les fonctions de produits nets courants suivantes[14] :

On peut observer qu’il s’agit bien d’un modèle avec externalités positives (au moins sur certains intervalles pour les stocks). De plus, ces fonctions sont concaves en leur stock principal et globalement concaves. Enfin, il y a complémentarité stratégique, equation: 007264are073n.png Les stocks initiaux sont : Z0 = 5 et equation: 007264are074n.png Le graphique 1 illustre pour cet exemple la convergence et les propriétés établies dans les propositions 1 et 2.

Ce modèle peut aussi illustrer une situation d’externalités positives et de substituabilité stratégique. Il suffit pour cela de supposer que la productivité marginale d’un input décroît avec l’utilisation de l’autre input :

On sait alors (proposition 3) qu’une collectivité peut surinvestir alors que l’autre sous-investit. L’exemple suivant illustre aussi cette possibilité théorique.

Graphique 1

Externalités positives, complémentarité stratégique

Externalités positives, complémentarité stratégique

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6.3 Les infrastructures publiques comme instrument d’attraction des ressources mobiles

Considérons l’aménagement de zones d’activités (viabilisation de terrains, construction de bureaux...) qui permettent d’attirer les entreprises. Toutes choses égales par ailleurs, un investissement dans une collectivité diminue le produit brut de l’autre puisqu’une partie des entreprises quitte son territoire. Un modèle sous forme réduite qui illustrerait ces idées présenterait les fonctions de rendement net suivantes :

Nous sommes en présence d’externalités négatives et de substituabilité stratégique. Notons que les collectivités se différencient par leur fonctions de coût.

Donnons les valeurs suivantes pour les paramètres et les conditions initiales :

Voyons d’abord le cas symétrique où c = = 1. Les états stationnaires sont alors :

Les deux collectivités surinvestissent (Proposition 1 et graphique 2).

Graphique 2

Externalités négatives, substituabilité stratégique – le cas symétrique

Externalités négatives, substituabilité stratégique – le cas symétrique

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Considérons maintenant des différences de coûts c = 4 > = 1. Notons γ = b(r + b) c et γ̄ = b(r + b) . Les calculs présentés en annexe C pour cet exemple permettent d’affirmer que si les coûts des deux collectivités sont sensiblement différents au sens où :

les niveaux d’infrastructures à l’équilibre de Nash stationnaire et à la solution centralisée stationnaire peuvent alors être classés de la manière suivante :

À l’équilibre de Nash, la collectivité qui a le coût le plus fort surinvestit tandis que l’autre sous-investit. La condition précédente est satisfaite dans notre exemple numérique et en effet, comme on peut le voir sur le graphique 3, les états stationnaires sont :

L’intuition de ce résultat (proposition 3) dans cet exemple peut se comprendre à partir du comportement de l’autorité centrale; les collectivités ont des fonctions de produit brut symétriques, l’effet externe equation: 007264are083n.png est donc le même pour les deux collectivités; à effet externe donné, il est socialement plus efficace d’augmenter le capital en infrastructures là où les coûts sont les plus faibles et au contraire de baisser le niveau de capital là où les coûts sont les plus forts. Il est intéressant de remarquer que le gain d’efficacité se traduit par une diminution du paiement de la collectivité qui a des coûts forts. Sans transferts compensatoires, cette collectivité préfère l’équilibre de Nash à l’optimum centralisé.

Graphique 3

Externalités négatives, substituabilité stratégique – le cas asymétrique

Externalités négatives, substituabilité stratégique – le cas asymétrique

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Conclusion

Dans le but de clarifier le débat sur le sous-investissement en capitaux publics, cet article a présenté un modèle général d’accumulation stratégique d’infra­structures avec deux collectivités hétérogènes; ce modèle permet de comparer les politiques d’investissement décentralisées aux politiques centralisées utilitaristes et considère le sous-investissement (surinvestissement) comme une accumulation de capital public insuffisante (trop importante) du point de vue de l’efficacité.

Dans ce cadre général, les comportements non coopératifs, aussi bien que l’optimum centralisé, conduisent les stocks vers des niveaux stationnaires dont la comparaison produit les résultats suivants. Lorsque les collectivités sont identiques (symétriques), le sous-investissement en capitaux publics n’est possible que dans des situations de débordement (externalités positives). Des externalités négatives conduisent au contraire à du surinvestissement. Pour des collectivités hétérogènes les conclusions du cas symétrique restent vraies lorsque les agents sont dans des relations de complémentarité stratégique. Mais avec des relations de substituabilité stratégique, il est possible qu’une collectivité surinvestisse alors que l’autre sous-investit, quel que soit le signe des externalités.

La modélisation permet aussi des exercices de statique comparative qui portent sur les paramètres dynamiques du modèle : la préférence pour le présent et la dépréciation des stocks. Les modèles statiques peuvent se comprendre comme des cas limite où soit la préférence pour le présent est infinie, soit la dépréciation est totale. Avec une diminution de ces paramètres, on s’écarte de ces cas limite et on illustre donc comment la dimension intertemporelle enrichit les mécanismes de la concurrence : les externalités subies sont accrues, soit parce que la dépréciation n’étant pas totale les investissements d’aujourd’hui affectent les stocks de demain, soit parce que la préférence pour le présent n’étant pas infinie les paiements futurs ont une importance pour les collectivités. Ces informations sont utiles pour appréhender l’ampleur de problèmes éventuels de sous ou de surinvestissement et, par conséquent aussi pour la conception de mesures correctives comme par exemple les taxes pigouviennes (section 5).

De nombreuses questions restent ouvertes. L’extension la plus immédiate de ce travail consisterait à trouver comment modifier les différents instruments correctifs bien connus en économie publique de façon à les adapter à ce contexte intertemporel et à comparer leurs avantages respectifs (marchés de droits, quotas, problèmes de révélation de l’information, etc.). Ensuite, comme le montre le recours au critère utilitariste, le débat sur le niveau adéquat de capitaux publics peut s’ouvrir sur des interrogations quant au respect de la rationalité individuelle et à l’équité. Une modélisation plus réaliste avec plus de deux collectivités peut aussi faire apparaître des problèmes liés à la rationalité au sens des coalitions : les trajectoires efficaces doivent être dans le coeur du jeu, et c’est par rapport à ces trajectoires, qui possèdent des propriétés renforcées de stabilité stratégique, que doit s’appréhender l’inefficacité des stratégies décentralisées. Enfin, il serait intéressant d’utiliser le modèle de cet article, ou une version en temps discret de ce modèle, pour tester économétriquement s’il existe des interactions stratégiques entre les collectivités.