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Sous une forme condensée sans être pour autant sommaire, François Légaré nous livre en cent cinquante pages de quoi alimenter une réflexion salutaire sur les aspects stratégiques, politiques, techniques et médiatiques du terrorisme. Son moindre mérite n’est pas de défantasmer un phénomène certes monstrueux, notamment dans son modus operandi, mais néanmoins « raisonnable ».

Comme de juste les délires et manipulations, qui n’attendirent pas l’après 11 septembre 2001 pour apparaître, le conduisent d’abord à entrer dans son sujet avec circonspection et tout d’abord à en délimiter le cadre conceptuel. Malgré le côté un peu rebutant d’une démarche taxonomique difficile à éviter dans un tel exercice, celui-ci était et demeure nécessaire si l’on en juge par l’embarras qu’éprouve l’auteur à conclure.

On en regrettera d’autant plus la part disproportionnée prise par l’aspect somme toute particulier du recours terroriste aux armes dites de destruction massive (adm). Au niveau du concept – puisque c’est de cela qu’il s’agit – ce traitement privilégié n’est justifié que dans la mesure où la « destruction massive » en question , vue ici comme l’effet des armes nbc (nucléaire-biologique-chimique) illustre le caractère indirect de la stratégie du terrorisme dont l’objectif consiste à rompre le lien de confiance entre gouvernés terrorisés et gouvernants impuissants à leur assurer la sacro-sainte sécurité. Rappelons à cet égard – le livre ne le souligne pas assez – que ces gouvernants sont aux yeux du terrorisme la seule cible qui compte, les victimes elles-mêmes faisant figure de « dégâts collatéraux ».

Faute d’être au coeur du sujet, cette discussion sur les adm a le mérite de déboucher sur une critique ferme et lucide des conclusions que tire le gouvernement des États-Unis d’Amérique d’analyses erronées. Celles-ci, selon François Légaré, exagèrent la gravité et l’imminence de la menace nbc du terrorisme. Ce faisant, il alimente les frayeurs de l’opinion publique pour mieux les instrumentaliser, d’où l’inflation extravagante des dépenses militaires pour le développement d’un système de défense parfaitement inadéquat.

Non seulement, conclut Légaré, conviendrait-il de tirer de justes leçons des méthodes des terroristes, encore faudrait-il prendre en compte leur motivation en intégrant bien le fait qu’ils bénéficient à l’échelle mondiale, d’une forte légitimité souvent d’inspiration religieuse, mais pas seulement.