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États-Unis, un retard de 30 ans qui sera probablement rattrapé

Lorsque l’on compare les statistiques de décès aux États-Unis et au Japon, on est frappé de constater que, en 1999, la mortalité par carcinome hépatocellulaire (CHC) est de 10 000 par an aux États-Unis et de 33 000 au Japon, pays deux fois moins peuplé [1, 2]. Par ailleurs, alors que 80 à 90 % des CHC sont liés à une infection par le virus de l’hépatite C (VHC) au Japon, cette proportion ne dépasserait pas 20 à 30 % aux États-Unis.

Trois hypothèses pourraient expliquer de telles différences. Une origine génétique, le génotype viral japonais serait plus agressif que le génotype dominant aux États-Unis; des différences environnementales; enfin, l’introduction du virus aurait pu se faire à des dates différentes dans les deux pays. Tanaka et al. [1] ont voulu tester cette troisième hypothèse. Ils ont cherché à savoir si une épidémie installée au Japon depuis plus longtemps qu’aux États-Unis pourrait expliquer cette différence de mortalité. Ils ont utilisé les données provenant de deux cohortes de très petite taille (21 Nord-Américains infectés par le VHC de génotype 1a et 32 japonais infectés par le VHC de génotype 1b suivis pendant 20 ans). Ils ont estimé les dates d’introduction du VHC au Japon et aux États-Unis et leurs dates de diffusion épidémique dans la population par une extrapolation rétrospective du taux (constant) d’évolution dans le temps du virus, véritable « horloge moléculaire » du VHC. Ainsi, le VHC aurait été introduit aux États-Unis au début du XXe siècle, vers 1910, alors qu’il aurait été présent au Japon plus de 30 ans auparavant (vers 1880). Les auteurs avancent la guerre hispano-américaine du début du XXe siècle ou l’arrivée des techniques modernes de transfusion sanguine à la même époque pour expliquer l’introduction du VHC aux États-Unis. Ils ont pu estimer le démarrage épidémique dans les années 1960 aux États-Unis, au moment où les pratiques toxicomanes par voie intraveineuse avec échange de seringues ainsi que la transfusion non sécurisée se sont largement répandues. Au Japon, ce démarrage a été beaucoup plus précoce, probablement autour des années 1920-1940, et pourrait correspondre, toujours selon les auteurs, à des contaminations iatrogènes liées à l’usage de masse et non sécurisé d’antimoine par voie intraveineuse pour lutter contre la schistosomiase en 1920, ainsi qu’à l’administration de stimulants par voie veineuse pendant la Seconde Guerre mondiale. L’estimation de ces dates est restée stable quelle que soit la méthode mathématique employée. Le retard de 30 ans des États-Unis sur le Japon et le parallélisme des courbes épidémiques (autrement dit: le niveau actuel de la diffusion du génotype 1a nord-américain est celui du génotype 1b japonais d’il y a 30 ans), les différences épidémiologiques constatées entre les États-Unis et le Japon vis-à-vis du CHC ne semblent donc pas liées à des facteurs génétiques du VHC, ni à des facteurs environnementaux, mais plutôt à la durée d’exposition au VHC plus longue de 30 ans dans la population japonaise. Ce retard des États-Unis sur le Japon laisse prévoir que les niveaux nord-américains de mortalité par CHC devraient rejoindre ceux du Japon dans les années à venir, alors que l’épidémie semble avoir atteint son pic au Japon. Cet article montre clairement que des séquences génomiques (assez longues) de virus prélevés dans des (petites) cohortes de patients infectés et suivis pendant une vingtaine d’années constitue une source d’information utile pour prédire l’évolution d’une épidémie, notamment par l’analyse de l’évolution moléculaire des souches virales.

ADN foetal dans le sang maternel et diagnostic prénatal

Les ponctions de liquide amniotique et les prélèvements de villosités choriales réalisés en vue d’un diagnostic prénatal comportent une part de risque d’avortement. C’est pourquoi des recherches ont été effectuées pour isoler des cellules ou de l’ADN provenant du foetus, au cours de la grossesse, dans le sang maternel. Il a été démontré qu’au cours des grossesses de foetus porteurs de trisomie 21, la quantité d’ADN foetal dans le plasma maternel était plus élevée qu’au cours de grossesse avec foetus normaux [3]. En cas de trisomie 13, une étude récente constate que la quantité d’ADN est également plus élevée, élévation qui n’est pas observée, en revanche, dans les trisomies 18 [4]. La technique utilisée est la PCR quantitative en temps réel, avec des plasmas de grossesses normales, et de trisomies 13 et 18, conservés dans les mêmes conditions, et en utilisant la sonde DYS1. Ce recours à une sonde de l’Y n’est évidemment pas satisfaisant puisqu’il ne permettrait pas de faire de recherches sur des grossesses de filles. Mais il n’est pas interdit d’espérer des techniques valables pour les deux sexes comme celle de la méthylation différentielle, qui a récemment été mise au point [5]. En dehors des études sur les aneuploïdies, l’analyse de l’ADN est réalisée pour la détermination du sexe dans les risques de maladies liées à l’X, mais aussi pour des diagnostics de certaines maladies mendéliennes (dystrophie myotonique [6], hypoplasie surrénalienne [7]) quand la mutation a été préalablement identifiée. En attendant, on peut toujours s’interroger sur ces différences quantitatives d’ADN dans les aneuploïdies. L’ADN foetal provient-il de la lyse des cellules foetales dans le sang maternel, ou d’une lyse trophoblastique avec remodelage du placenta? Dans les grossesses de trisomies 13 et 21, le trophoblaste est dysmature avec hypervascularisation, alors que dans les trisomies 18, le placenta est souvent petit et moins vascularisé [8]. Ces recherches sur l’ADN foetal ont donc aussi l’intérêt de mieux comprendre les échanges foeto-maternels dans les grossesses normales et pathologiques.

L’acide lysophosphatidique est le ligand physiologique du PPAR-γ

Le PPAR-γ (récepteur activé par les proliférateurs des peroxisomes-γ) est un récepteur nucléaire, présent dans les adipocytes, connu pour se lier avec une forte affinité aux composés de synthèse comme la rosiglitazone de la famille des thiazolidinediones ((→) m/s 2003, n° 1, p. 20). En revanche, les ligands endogènes identifiés jusqu’à présent, tels que les acides gras et leurs produits d’oxydation, font preuve d’une faible affinité et ne conduisent pas à une amplification du signal, ce qui fait douter de leur rôle physiologique. McIntyre et al. [9] viennent de démontrer que l’acide lysophosphatidique (LPA), un dérivé du métabolisme des phospholipides, est vraisemblablement le ligand physiologique recherché. Cette conclusion se fonde sur des arguments biochimiques directs et sur l’observation que le LPA stimule un gène rapporteur sous le contrôle de l’élément répondeur du PPAR-γ dans la levure S. cerevisiae qui ne contient aucun récepteur hormonal. De plus, le LPA joue un rôle pathologique dans l’athérosclérose, puisque des monocytes exposés au LPA et à des lipoprotéines de faible densité (LDL) oxydées, comme source de cholestérol, surexpriment le récepteur CD36 dont le gène est contrôlé par le PPAR-γ, et deviennent spumeux par accumulation de lipides. Les plaquettes activées sont la source du LPA du sérum, et un plasma riche en plaquettes activées par la thrombine exerce le même effet que le LPA lui-même sur des macrophages RAW 264.7 transfectés avec un gène rapporteur sous le contrôle de l’élément répondeur de PPAR-γ. Ainsi, ce travail montre que le LPA, outre sa liaison à ses récepteurs membranaires, agit à l’intérieur des cellules en activant le PPAR-γ. On a là un système paracrine et endocrine dans lequel le LPA produit par les plaquettes ou dans le sérum par l’oxydation des lipoprotéines va agir, à distance ou localement, par l’intermédiaire du PPAR-γ sur la croissance, la mobilité et la différenciation cellulaire.

La sueur qui vient du froid

Un phénomène paradoxal de transpiration profuse lors de l’exposition au froid a été décrit dans deux fratries. Dans l’une des familles, israélienne, la consanguinité était connue; dans l’autre, norvégienne, les registres d’état civil la laissaient présager. Cette maladie récessive autosomique étant rarissime, des équipes se sont regroupées pour trouver un locus, dans la région 19p12. Puis, en analysant 25 gènes d’une région candidate de 1,4 Mb, le gène en cause a pu être identifié: il s’agit du gène codant pour un facteur de type récepteur de cytokines ou CRLF1 (cytokine receptor-like factor) [10] ((→) m/s 2000, n° 10, p. 1149). Il était déjà connu, chez l’homme et chez la souris, où son rôle dans l’hématopoïèse avait été démontré, ainsi que le caractère létal de sa perte à l’état homozygote chez les souriceaux qui, incapables de téter, meurent dans les premières 24 heures [11]. Mais quel rapport entre CRLF1 et la transpiration au froid? Il faut préalablement signaler que, dans cette étrange maladie, il existe d’autres signes cliniques: difficultés d’alimentation pendant la période néonatale et par la suite anorexie, limitation de l’extension des coudes, cyphoscoliose. De plus, la réponse corporelle aux variations de température est plus complexe. L’exposition à la chaleur est particulièrement bien tolérée et n’entraîne pas de transpiration dans les régions du corps (dos, poitrine) qui transpirent au froid. Pour comprendre ces phénomènes, il nous faut revenir à d’autres cytokines, actives sur les neurones, comme le CNTF (ciliary neurotropic factor) qui a fait l’objet d’une importante revue dans médecine/sciences, en 2001 [12]. En effet, CRLF1 s’associe à la CLC (cardiotrophin-like factor) pour se lier au récepteur du CNTF (CNTFR). Il entre ainsi en compétition avec le CNTF, et il est même considéré par certains chercheurs comme un deuxième CNTF [13] ((→) m/s 2000, n° 10, p. 1149). Il serait donc possible qu’à différentes étapes du développement, une compétition physiologique entre CNTF et CRLF1 se produise pour la liaison au récepteur commun CNTFR et qu’un équilibre soit nécessaire. En l’absence de CRLF1, conséquence des mutations à l’état homozygotes chez les malades, les fonctions de CNTF seraient augmentées. Il agirait de façon négative sur les centres de régulation de l’appétit, sur les neurones sensibles ou insensibles au froid, ou encore sur les fibres musculaires, ce qui expliquerait la cyphoscoliose (une biopsie musculaire a montré une atrophie des fibres musculaires squelettiques chez l’un des deux malades norvégiens). Peut-être les nombreuses questions qui subsistent concernant les mécanismes d’action du CNTF pourront-elles trouver des réponses dans l’étude du CRLF1 et de cette étrange et rarissime maladie caractérisée par une inversion des réponses aux variations thermiques.

Mélusine a le coeur gros…

Les intégrines sont des protéines transmembranaires dont la fonction essentielle est de mettre en relation les protéines de la matrice extracellulaire et les protéines du cytosquelette. Dans le coeur, les intégrines ont été pressenties pour relayer le stress mécanique responsable de la réponse hypertrophique myocardique. En recherchant des partenaires du domaine intracytoplasmique de la chaîne β1 des intégrines, une équipe italienne avait isolé, il y a de cela trois ans, une protéine spécifique du muscle strié qu’elle avait joliment dénommée mélusine. Cette même équipe vient de montrer par invalidation génique que l’absence de mélusine ne nuit ni au développement ni à la fonction cardiaque [14]. En revanche, en réponse à un stress biomécanique (coarctation de l’aorte), elle favorise le développement d’une cardiomyopathie dilatée avec insuffisance cardiaque terminale. Une semaine après l’induction d’une sténose aortique, alors que les souris sauvages présentent un épaississement du septum interventriculaire et du mur du ventricule gauche, cette adaptation hypertrophique n’est pas observée chez les mutants. Quatre semaines après, une dilatation du ventricule gauche associée à une détérioration de la fonction contractile et à une augmentation de la létalité sont notées uniquement chez les souris dont le gène codant pour la mélusine a été invalidé. Cette anomalie est spécifique du stress mécanique car elle n’est pas observée lorsque des substances ayant une action directe sur le myocarde comme l’angiotensine ou la norépinephrine sont utilisées. Par ailleurs, elle passe probablement par la voie GSK3β/AKT dont le niveau de phosphorylation est anormalement diminué chez les mutants, très précocement après la coarctation de l’aorte. La protéine GSK3β phosphoryle, lorsqu’elle est activée, les facteurs de transcription NF-AT et GATA-4, induisant leur translocation vers le cytoplasme et donc leur inactivation. Chez les souris mutantes, l’absence de phosphorylation de GSK3 entraîne une augmentation de son activité kinase. Il avait déjà été montré qu’une forme constitutivement active de GSK3β entraînait également une absence de remodelage hypertrophique en réponse à une surcharge ventriculaire. Mélusine permettrait donc une réponse myocardique adaptée au stress biomécanique. Lorsqu’elle n’est pas exprimée, l’absence de remodelage du ventricule gauche accélérerait la transition vers une insuffisance cardiaque par dilatation de ce ventricule. Mélusine était régulièrement affublée d’une queue de serpent… et la queue de mélusine se lie fortement à la β1-intégrine! Il reste donc sûrement à déchiffrer les dialogues qui relient le complexe mélusine-β1-intégrine et certains récepteurs pour mieux comprendre la physiopathologie du remodelage ventriculaire gauche!

L’autre face de Fas

Quel est le modèle du récepteur inducteur de mort cellulaire? Fas, évidemment, loin devant ses petits camarades de la superfamille du récepteur du TNF. Et voici que Desbarats et al. [15] nous démontrent que Fas peut induire la croissance de neurites, soit dans les cellules d’une lignée issue d’un neuroblastome, SH-SY5Y, soit dans des cultures primaires de neurones obtenus à partir du ganglion dorsal supérieur. Encore mieux, Fas stimule la repousse axonale après lésion par écrasement du nerf sciatique, et tout ceci sans aucune induction apparente d’apoptose. L’inhibition de la MAP-kinase ERK par le PD98059 inhibe également l’effet de Fas. Chez la souris lpr-cg, où une mutation de Fas interdit son couplage aux caspases, l’induction de la croissance neuritique est identique à celle de la souris sauvage, confirmant l’absence d’effet d’un inhibiteur de l’activité caspase, IETD. L’effet observé de Fas sur les neurones est donc indépendant de l’activité caspase. Les auteurs nous rappellent qu’ils ne sont pas les premiers à mettre en évidence un effet non-apoptotique de Fas. Dans le système nerveux, si les motoneurones sont les premières cibles de Fas dans son rôle d’inducteur d’apoptose, ainsi que lors de la mort cellulaire successive à une ischémie/hypoxie, il a également été montré que les neurones granulaires du cervelet ou des neurones corticaux étaient résistants à Fas. De même, Fas est un co-facteur important de la stimulation des lymphocytes T induite par l’IL-2, il peut induire une angiogenèse et participer à la régénération tissulaire après hépatectomie. Les auteurs suggèrent que l’environnement local et le niveau d’activité de la MAP-kinase ERK déterminent l’effet final de Fas… pas forcément « fastal »!

Tenir bon dans les flots placentaires

Traverser la barrière endothéliale n’est pas une tâche facile pour un leucocyte circulant que le devoir appelle au site d’une infection. Il ne faut pas moins de 3 étapes qui s’enchaînent dans un ordre chronologique très précis: le leucocyte entraîné par le flux sanguin rapide doit d’abord freiner, et il le fait en s’accrochant faiblement et par petits sauts à la L-sélectine endothéliale par l’intermédiaire de ligands d’hydrates de carbone (dont l’antigène sialyl-lewisx, sLex); ce processus de rolling induit l’activation des intégrines leucocytaires qui arriment solidement les leucocytes à l’endothélium, permettant ensuite la migration proprement dite. Or, une équipe américaine montre que, chez l’homme, cette même succession d’étapes relayée par les mêmes couples ligands-récepteurs permet l’étape initiale de nidation du blastocyste dans la membrane utérine [16]. Le blastocyste flotte lui aussi dans un flux de mucine, et son arrimage initial à l’épithélium utérin, fragile et facilement rompu, se fait par l’intermédiaire de la L-sélectine (aucune des deux autres E- et P-sélectines n’intervenant), exprimée par le blastocyste dès qu’il quitte la zone pellucide ovarienne. La sélectine reconnaît à la surface de l’épithélium utérin l’antigène sLex et des dérivés d’hydrates de carbone sulfatés, ceux-là même qu’expriment les leucocytes. L’expression de ces ligands est contrôlée par le cycle hormonal : ils sont exprimés par l’épithélium utérin lors de la période propice à la nidation (phase lutéale) et non pendant la phase folliculaire. Lors du développement placentaire, la L-sélectine caractérise aussi les cytotrophoblates invasifs et les syncytiotrophoblastes des villosités qui « s’implantent » solidement dans la muqueuse utérine à travers les lacs sanguins maternels (donc en condition de flux), mais son expression décroît au-delà de la 17e semaine de gestation. La fonction de la L-sélectine trophoblastique est également démontrée in vitro dans un test d’invasion utilisant un substrat matriciel (Matrigel), et dans des conditions reproduisant la turbulence (shear stress) qui prévaut dans les lacs placentaires. La complexité du processus d’implantation ne se réduit sûrement pas à ce seul couple ligand-récepteur, preuve en est que les souris dépourvues de L-sélectine se reproduisent normalement. Fait intéressant, un des antigènes glycosylés de la muqueuse utérine, abondant chez l’homme, est absent chez ce rongeur. Au-delà de la conclusion habituelle sur l’intérêt de la recherche des anomalies de ce système d’adhérence dans certaines infertilités, il faut souligner à nouveau le difficile combat des cellules qui doivent vaincre la force du flux sanguin (ou autre liquide) pour migrer dans les tissus, un peu comme se tenir debout par grand vent…

Une nouvelle classe d’interférons, les interférons λ

Deux équipes américaines viennent d’identifier une troisième branche dans la famille des ligands des récepteurs de cytokines de classe II. Cette famille de récepteurs comprend 11 membres, dont les ligands appartiennent soit au groupe des interférons (α, β, κ, ω et ε) dont les 15 gènes sont tous sur le chromosome 9, soit à celui des interleukines-10 (10, 19, 20, 22, 24 et 26). Les IFN de type I se lient tous à un récepteur associant deux sous-unités, IFNAR-1 et -2, qui s’hétérodimérisent après fixation du ligand, et déclenchent l’activation de la voie JAK-STAT (1 et 2) et la stimulation d’un complexe transcriptionnel ISGF3 (qui se fixe sur les ISRE en amont des gènes cibles des IFN). Les ligands de type IL-10 se lient à un récepteur différent, également bipartite: la chaîne β (CRF2-4)[*] est commune à tous les ligands et la chaîne α spécifique de chaque ligand (IL-10R1 et CRF2-9 pour l’IL-22). Les nouveaux ligands des CRF2 qui viennent d’être identifiés sont appelés IL-28A (ou IFNλ2), IL-28B (96 % d’homologie avec IL-28A, IFNλ3), IL-29 (IFNλ1) [17, 18]. Leur caractérisation génomique et leur activité biologique leur assignent une place intermédiaire entre les IFNα et la famille IL-10. La structure de leurs trois gènes (5 exons, présence d’introns), situés sur le chromosome 19, les rapproche de l’IL-10 plus que des IFNα (dont les gènes ont un exon sans intron). Leurs récepteurs ont une structure hétérodimérique, associant une chaîne β (CRF2-4), commune à l’IL-10 et à l’IL-22, inductible, et une nouvelle chaîne α, ou IL-28Rα, ou CRF2-12, ubiquitaire et constitutive. Leur activité biologique, encore incomplètement caractérisée, les apparente plutôt aux IFN: elles induisent l’expression des molécules HLA de classe I, et leur activité anti-virale est aussi puissante que celle des IFNα, d’où leur nom d’IFNλ. Cette activité est relayée par STAT2 et ISGF3, comme l’est celle des IFNα, mais elles n’ont pas, contrairement aux IFN, d’activité anti-proliférative, deux éléments favorables à leur exploitation thérapeutique. L‘expression des trois gènes codant pour ces IFNλ est induite in vitro dans des lignées cellulaires exposées à des virus (Sindbis, virus de stomatite vésiculaire, dengue). Hormis l’intérêt thérapeutique éventuel, il sera aussi intéressant de compléter l’analyse de l’activité de modulation des fonctions immunes de ces molécules et de rechercher si leur action anti-virale est dirigée contre une classe particulière de virus.

Vers une identité propre des lymphocytes T immunorégulateurs CD4+CD25+

En 1995, le groupe de S. Sakaguchi a identifié une population de lymphocytes T CD4+ immunorégulateurs intervenant dans la prévention physiologique des maladies auto-immunes, mais peut-être également impliquée dans la régulation de l’homéostasie des lymphocytes T et de la mémoire immunitaire. Ces lymphocytes agiraient en inhibant l’activation des lymphocytes T CD4+ et CD8+ conventionnels et pourraient présenter un potentiel thérapeutique dans les maladies auto-immunes, le rejet de greffe ou la maladie du greffon contre l’hôte ((→) m/s 2002, n°11, p. 1066). Dans une publication récente de Science, le groupe de Shimon Sakaguchi vient de franchir une étape déterminante dans l’établissement d’une identité propre des lymphocytes T CD4+CD25+ [19]. En effet, ces cellules et leurs précurseurs thymiques expriment 100 fois plus d’ARN messagers codant pour le facteur de transcription Foxp3 que les autres lymphocytes T. Il s’agit du premier marqueur dont l’expression est véritablement spécifique de ces cellules, qui étaient jusqu’à présent identifiées par l’expression constitutive de la chaîne α du récepteur de l’interleukine-2 (CD25), marqueur exprimé également par les lymphocytes T CD4+ conventionnels activés. Or, ce qui est remarquable, c’est que le transfert du gène Foxp3 dans des lymphocytes T CD4+ conventionnels confère à ces derniers un phénotype et une activité suppressive identiques à ceux des lymphocytes T régulateurs CD4+CD25+. L’équipe de M. Grazia Roncarolo [20] avait aussi récemment identifié des caractéristiques propres à ces lymphocytes T régulateurs CD4+ : forte expression de CD25, absence de production d’interleukine-10, activité suppressive nécessitant des contacts cellulaires. Les lymphocytes T régulateurs CD4+CD25+ constituent donc une entité distincte des autres populations de lymphocytes T régulateurs décrites à ce jour, comme les lymphocytes Tr1 ou Th3, par exemple.

417 gènes pour stocker les acides gras chez C. elegans

Un travail publié récemment dans Nature [21] indique aux chercheurs qui s’intéressent à la physiopathologie de l’obésité chez l’homme qu’ils ne sont pas au bout de leurs peines! Le travail mené chez C. elegans est la combinaison heureuse de techniques simples, mais robustes, et de la haute technologie. Il est fondé sur la mesure des lipides accumulés in vivo, par leur coloration après ajout de rouge Nil dans l’alimentation des nématodes. Les gènes impliqués dans le stockage des acides gras ont été identifiés par la technique des ARN-interférents. Les nématodes ont ainsi été nourris avec des clones d’Escherichia coli exprimant chacun un ARN interférent correspondant à l’un des 16757 gènes de C. elegans. La fonction de chacun des gènes ciblés est donc abolie sélectivement in vivo. Les résultats de ce travail sont très impressionnants; ils indiquent que, chez C. elegans, l’inactivation de 305 gènes différents (soit 1,8 % de l’ensemble des gènes) conduit à une diminution du stockage des acides gras, et celle de 112 gènes différents à une augmentation de ce stockage, et ce après exclusion des gènes altérant aussi le développement, la survie ou la reproduction. Plus encore que la multitude des gènes impliqués, ce qui est frappant est la diversité des gènes, de leurs fonctions et des voies métaboliques en cause. La crédibilité de ce travail est renforcée par l’implication de gènes dont les produits interviennent dans les voies du métabolisme des glucides et des acides gras, ou de récepteurs hormonaux, ce qui est conforme à ce que l’on attend. De plus, l’inactivation de 32 de ces gènes modifie le phénotype de nématodes génétiquement « obèses », par mutation de l’homologue du récepteur de l’insuline ou d’une enzyme de la biosynthèse de la sérotonine ou de l’homologue de tubby, un gène dont l’inactivation chez la souris est responsable d’obésité. Malgré la complexité de la régulation du stockage de l’énergie, on peut néanmoins dresser une liste de gènes candidats à tester dans les études de la génétique de l’obésité chez l’homme.

Résistine, le chaînon manquant entre insulinorésistance et obésité

La résistine a été initialement caractérisée comme une hormone adipocytaire: produite par les adipocytes, son expression est diminuée par des agonistes de PPAR-γ ((→) m/s 2003, n°1, p. 20). Par des expériences élégantes de mesure de l’action de l’insuline par la technique du clamp euglycémique-hyperinsulinique, le groupe de L. Rosetti [22] vient de montrer que la perfusion de résistine ou de son analogue REMLβ (resistin-like moleculeβ ou FIZZ2), exprimé par les cellules de l’épithélium intestinal, induisent une résistance à l’action de l’insuline qui se manifeste par une augmentation de la production hépatique de glucose. Ces effets sont observés spécifiquement au niveau du foie, l’action de l’insuline au niveau de ses autres tissus cibles, muscle et tissu adipeux, n’étant pas affectés. Ces expériences miment ce que l’on observe à court terme dans des expériences de suralimentation chez l’homme, et ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire des relations entre tissu adipeux, tube digestif et gestion des réserves énergétiques. Les choses ne sont néanmoins pas simples lorsque l’on essaye de transposer ces résultats chez l’homme, comme nous le rappelle l’éditorial de G.S. Hotamisligil qui accompagne ce papier [23]. Chez l’homme, les adipocytes n’expriment que très faiblement la résistine, et dans les modèles d’obésité chez les rongeurs, l’expression de la résistine dans le tissu adipeux comme les taux plasmatiques de résistine sont diminués. Les effets biologiques de la résistine éclairent d’un jour nouveau la résistance à l’action de l’insuline en établissant - outre des circuits maintenant bien caractérisés qui relient adipocytes et autres tissus cibles de l’insuline - de nouveaux liens unissant directement le tube digestif, porte d’entrée des glucides dans l’organisme, et le foie. Mais plusieurs chaînons manquent encore à notre compréhension de la résistance à l’action de l’insuline chez les obèses.

Co-régulateurs de la famille p160 et métabolisme énergétique

Les co-régulateurs sont des assistants qui aident les facteurs de transcription à vaincre les barrières dues à la structure de la chromatine. Les co-régulateurs de la famille de p160 interagissent avec des récepteurs nucléaires et modulent leur fonction. Les souris déficientes en TIF2 ont un trouble de la croissance et de la fonction des testicules, de la glande mammaire et de l’utérus. Les souris déficientes en SRC-1 ont des troubles de la fonction sexuelle. Les co-régulateurs de la famille p160 sont aussi impliqués dans la transactivation de PPARγ, suggérant leur implication dans le métabolisme énergétique. F. Picard et al. [24] viennent de montrer que les souris déficientes en TIF2 ont une sensibilité accrue à l’insuline et une résistance à la prise de poids lorsqu’elles sont soumises à un régime riche en lipides, quoique, sous régime normal, leur masse grasse soit similaire à celle des animaux sauvages (mais la taille moyenne de leurs adipocytes est réduite). Chez les animaux TIF2-/-, l’expression de certains gènes adipocytaires, dont PPARγ est réduite. Les gènes dont l’expression est réduite sont ceux qui favorisent le stockage des acides gras sous le contrôle de PPARγ. À l’inverse, la lipolyse est augmentée chez ces animaux. De façon réciproque, les gènes impliqués dans l’oxydation des acides gras et la production de chaleur au niveau du tissu adipeux brun sont activés chez ces animaux TIF2-/-, dont la production de chaleur liée à l’alimentation est accrue et qui résistent mieux à l’exposition au froid. Les auteurs ont ensuite montré que TIF2 et SRC-1 modulent dans des sens opposés l’interaction entre PPAR et PGC-1α (le coordinateur de la thermogenèse), TIF2 diminuant cette interaction. Assez logiquement, donc, les souris déficientes en SRC-1 ont, du point de vue énergétique, un phénotype qui s’oppose à celui des souris TIF2 -/-. Enfin, un régime riche en lipides active TIF2 dans le tissu adipeux sans modifier l’expression de SRC-1. Les régulations coordonnées du stockage et de l’oxydation des acides gras décrites dans ce travail suggèrent de nouvelles voies dans la compréhension de la physiopathologie de l’obésité chez l’homme.

Cancers du sein: une signature vitale

La chimiothérapie adjuvante a amélioré la survie - globale et sans événement métastatique - des patientes présentant un cancer mammaire, avec (N+) ou sans (N-) ganglions axillaires envahis. Le pronostic de ce cancer tient à la combinaison de facteurs tels que l’envahissement de la chaîne ganglionnaire, la taille de la tumeur, le grade histologique, le statut des récepteurs hormonaux et l’âge. Mais, en l’absence d’un outil pronostique fiable, la chimiothérapie est appliquée systématiquement aux N+ et fréquemment aux N-. Bénéfique aux patientes dont le décours de la maladie est péjoratif, elle est inutile voire toxique pour les autres. La technique des puces à ADN, en établissant les profils d’expression génique des tumeurs primitives, constitue aujourd’hui un outil moléculaire qui va améliorer le pronostic et donc le traitement des patientes. L’équipe de René Bernards (Amsterdam, Pays-Bas) vient d’identifier une signature moléculaire de tumeurs du sein non pas seulement de mauvais, mais aussi de bon pronostic [25]. Préalablement, les chercheurs avaient rapporté dans la revue Nature un profil de 70 gènes, un cluster discriminant les tumeurs de bon et de mauvais pronostic [26]. Le transcriptome (25000 transcrits) des tumeurs de petite taille (T1 et T2) de 295 femmes jeunes (< 52 ans), dont 151 tumeurs N- et 144 N+, a été analysé. En tenant compte du cluster précédemment décrit, van de Vijver et al. montrent que certaines tumeurs N+ présentent un profil de bon pronostic et que, à l’inverse, celui de certaines tumeurs N- est plus en accord avec un profil de mauvais pronostic. Le profil d’expression « efface » donc le facteur d’envahissement ganglionnaire: il est corrélé non seulement à la survie globale à 10 ans, mais aussi à la probabilité de non-événement métastatique à 10 ans. Enfin, une analyse multivariée utilisant le modèle de régression de Cox montre que le profil génique proposé constitue un facteur pronostique indépendant du cancer. En clair, le profil d’expression signe le pronostic. Utilisée en clinique, à l’aide d’une puce « dédiée » où seront apposés les 70 gènes d’intérêt, cette signature va permettre de sélectionner les patientes devant bénéficier d’une chimiothérapie et d’éviter aux autres la toxicité d’un « surtraitement ».

Parc, le sabot de Denver de p53

Muté dans la plupart des cancers, p53 ne l’est que très rarement dans certains autres, par exemple le neuroblastome (NB). Pour expliquer le statut très particulier d’une p53 sauvage, mais non fonctionnelle, dans le NB, plusieurs mécanismes ont été proposés: rétention cytoplasmique, résistance à la dégradation par MDM2 et export nucléaire accru de la protéine, peut-être par l’intermédiaire de MDM2, enfin conformation inactive du complexe de transcription. Qu’elle résulte de l’un de ces mécanismes, ou de leur association, l’inactivation de p53 entraîne un défaut de réponse des cellules de NB aux radiations et aux agents de la chimiothérapie. Si d’autres protéines - le récepteur des glucocorticoïdes en particulier [27] - avaient été proposées et incriminés comme possibles « chélateurs » de p53 dans le cytoplasme, aucune protéine cytoplasmique liée spécifiquement à p53 n’avait été identifiée jusqu’alors. Or des chercheurs de l’Université de Columbia (USA) comblent cette lacune en identifiant une nouvelle protéine, Parc (p53-associated, parkin-like cytoplasmic protein) [28], une ligase d’ubiquitine de type parkine[**] qui, en immobilisant p53 dans le cytoplasme, l’empêche d’exercer sa fonction de facteur transcriptionnel dans le noyau. Après purification des complexes protéiques contenant p53 par chromatographie d’affinité, la protéine Parc a été caractérisée (2517 acides aminés). L’hyperexpression de Parc dans des lignées de NB stimule effectivement la séquestration cytoplasmique de p53; a contrario, une réduction de l’expression de Parc - obtenue par ARN interférence - abroge la localisation cytoplasmique de p53, induit sa localisation nucléaire et active une voie pro-apoptotique dépendante de p53. Ainsi, les neuroblastes malins recouvrent-ils une sensibilité aux dommages de l’ADN induits par une radio-chimiothérapie. En clair, Parc est un régulateur critique de la localisation subcellulaire de la protéine p53, et donc de sa fonction.

Exocytose et cancer: amorçage d’une connexion

Le processus de cancérisation est considéré principalement comme un dérèglement génétique. L’une des questions fondamentales réside dans la compréhension des mécanismes cellulaires en aval des translocations chromosomiques et des modifications génétiques. Cette question trouve une réponse originale et passionnante dans une étude de l’équipe de D. Haber (Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New York, USA) [29]. Dans le sarcome d’Ewing, une translocation chromosomique entraîne la création de facteurs de transcription chimériques. Les auteurs ont exprimé dans une lignée d’ostéosarcome l’ADNc chimère codant pour EWS-WT1, l’un de ces facteurs de transcription, sous le contrôle d’un promoteur inductible. Tirant parti de la technique des puces à ADN, ils ont ensuite identifié les gènes dont l’expression est induite par EWS-WT1. On savait déjà que EWS-WT1 entraînait la surexpression des gènes codant pour la chaîne β du récepteur de l’interleukine-2,-15, pour le PDGF-A, pour l’amphiréguline et pour le récepteur 4 du FGF. La nouveauté vient de l’identification d’une nouvelle cible: BAIAP3 (brain-specific angiogenesis inhibitor 1 [BAI1] associated protein 3), dont l’expression est aussi induite dans des tumeurs primaires de sarcome d’Ewing. De plus, l’expression ectopique de BAIAP3 dans une lignée de mélanome augmente la prolifération cellulaire en l’absence de sérum, permet la croissance indépendamment de l’accrochage à un substrat et confère à ces cellules un pouvoir oncogénique in vivo, toutes propriétés caractérisant les cellules tumorales [29]. Voilà qui fait de BAIAP3 un facteur intéressant de la transformation oncogénique. L’originalité de BAIAP3 est qu’elle fait partie de la famille de Munc13-1 (mammalian uncoordinated 13), une protéine impliquée dans la sécrétion neuronale [30]. Munc13-1 joue un rôle important dans l’étape dite d’amorçage au cours de laquelle une vésicule de sécrétion préalablement arrimée acquiert la capacité de fusionner avec la membrane plasmique. Au cours de cette étape, Munc13-1 active la syntaxine, une protéine SNARE impliquée dans la fusion membranaire. Ce travail suggère que le processus de tumorigenèse pourrait cibler les voies contrôlant la sécrétion, notamment l’étape d’amorçage de la sécrétion. Il reste à savoir si c’est la sécrétion de facteurs de croissance qui est ici en cause, ou s’il s’agit d’autres voies d’exocytose, comme celle de leurs récepteurs ou des molécules d’adhérence, voire d’autres. Suivons l’amorce…

Ne jetez pas vos vieux saris!

Sans doute devrait-on se réjouir des résultats de l’étude menée au Bangladesh de 1999 à 2001, qui montre qu’une simple filtration de l’eau avant consommation permet de diminuer de 48 % l’incidence du choléra parmi la population de 52 villages (environ 90000 personnes). Il faut sans doute se féliciter de ce que la filtration à travers la toile d’un sari (vieux plutôt que neuf), plié quatre à huit fois, permette l’élimination de toutes les particules de taille supérieure à 20 μm, montrant une efficacité égale, voire supérieure, à celle d’une membrane de nylon. Ainsi sont éliminés les planctons et crustacés microscopiques auxquels le vibrio cholerae, vecteur de la maladie, est associé. Autre source de satisfaction, 90 % des villageois impliqués dans ce programme ont suivi attentivement le protocole établi par les chercheurs (lavage quotidien du tissu à l’eau filtrée pour éviter la formation de biofilm). Pourtant, on reste perplexe devant cette constatation: plus d’un siècle après Pasteur et sa célèbre phrase « nous buvons 90 % de nos maladies », et presque autant de temps écoulé depuis que l’on sait que le choléra est propagé par la consommation d’eau stagnante, cette maladie continue de tuer plusieurs milliers de personnes chaque année dans les pays en développement. Espérons que la redécouverte de techniques de filtration de base peu coûteuses et facilement applicables par la population permettra de nets progrès dans la lutte contre cette maladie dans les pays où le réservoir de transmission est bien identifié.

Le syndrome de Pendred, une histoire de trafic

Le syndrome de Pendred, autosomique récessif, est responsable d’une surdité congénitale et d’un goitre. Le gène PDS, qui appartient à la famille des gènes SLC26A, code pour la pendrine, un protéine à 11 ou 12 domaines trans-membranaires qui transporte - entre autres - l’iode de la cellule folliculaire vers le compartiment colloïdal. Plus de 35 mutations ont été identifiées dans le gène PDS, mais les mécanismes impliqués dans le dysfonctionnement de la pendrine mutée n’avaient pas encore été élucidés. Une hypothèse était un défaut du trafic intracellulaire - comme cela a été mis en évidence pour le CFTR dans la mucoviscidose, ou le récepteur V2 de l’hormone antidiurétique dans plus de 70 % des cas de diabète insipide néphrogénique. Pour vérifier cette hypothèse, la distribution et le trafic intracellulaires de la pendrine ont été étudiés par des techniques d’imagerie, dont le FRAP (fluorescence recovery after photobleaching), dans différentes lignées cellulaires transfectées avec des vecteurs exprimant une protéine chimérique, green fluorescent protein - pendrine dans sa forme normale ou mutée (L236P, T416P ou G384E) [32]. À l’équilibre, la pendrine normale est observée essentiellement dans la membrane plasmique, seul un faible marquage étant présent dans le réticulum endoplasmique (dans les cellules COS7 et les FRTL5, lignée de cellules thyroïdiennes de rat exprimant de façon endogène la pendrine) et dans l’appareil de Golgi (dans les cellules FRTL5). Par la technique de FRAP sélectivement appliquée à la membrane plasmique, les auteurs ont pu montrer que les molécules intracellulaires ne sont pas retenues dans ces complexes cytoplasmiques, mais sont rapidement adressées à la membrane plasmique. Au contraire, chacun des trois mutants de la pendrine est retenu dans le réticulum endoplasmique, déformant ainsi l’architecture membranaire ; il n’y a pas de signe d’agrégation et chacun des mutants garde une certaine mobilité latérale au sein du réticulum. De plus, la co-expression d’une forme mutée avec la pendrine normale n’altère pas l’adressage de cette dernière à la membrane plasmique. Les patients atteints de syndrome de Pendred devraient donc pouvoir bénéficier - dans un avenir qui reste à définir - de thérapeutique utilisant des chaperons (glycérol, diméthylsulfoxyde ou triméthylamine-N-oxyde) pour adresser à la membrane plasmique les molécules de pendrine mutée retenues dans le réticulum.

La calcitonine revisitée

Depuis la découverte de la calcitonine en 1961, le rôle de cette hormone thyroïdienne dans l’inhibition de la résorption osseuse a été largement démontré. Les chercheurs qui ont réalisé l’invalidation du gène codant pour la calcitonine et son produit d’épissage différentiel, le calcitonin-gene related peptide-α (CGRPα) [33], ont donc été surpris d’observer un accroissement de la masse osseuse des souris invalidées qui n’ont, par ailleurs, aucun phénotype apparent, sont fertiles, et présentent surtout des constantes du métabolisme calcique comparables à celles des souris sauvages. Pourtant, les souris invalidées ont une résorption osseuse accrue en réponse à l’injection d’hormone parathyroïdienne (PTH), effet contrebalancé par une injection préalable de calcitonine, confirmant le rôle protecteur de la calcitonine lors d’une hypercalcémie induite par la PTH. Alors, comment expliquer le phénotype des souris dépourvues de calcitonine et de CGRPα? Cet effet semble indépendant de la résorption osseuse, le nombre et l’activité des ostéoclastes, responsables de ce processus, restant inchangés. En revanche, l’activité des ostéoblastes, responsables de la formation osseuse, est clairement augmentée, bien que leur nombre reste stable. De plus, la perte de masse osseuse observée, comme attendu, lors de l’ovariectomie des souris sauvages est abolie chez les souris dont le gène codant pour la calcitonine a été invalidé, et cet effet s’accompagne d’une augmentation accrue du nombre d’ostéoblastes par rapport aux souris sauvages. Ces expériences suggèrent donc un rôle nouveau de la calcitonine dans la formation des os, dont le mécanisme reste à élucider. Plutôt qu’un rôle direct, peu probable du fait de l’absence de récepteurs de la calcitonine sur les ostéoblastes, Zaidi et al. [34] suggèrent un rôle indirect via la leptine, hormone d’origine adipocytaire, dont l’invalidation récente a mis en évidence son rôle inhibiteur sur la formation de la masse osseuse (voir la Nouvelle de F. Elefteriou et P. Ducy, p. 391 de ce numéro). De façon étonnante, le phénotype osseux des souris dont le gène codant pour le récepteur de la leptine a été invalidé est très proche de celui des souris a été dont le gène codant pour la calcitonine a été invalidé. De plus, le CGRP, produit de l’épissage différentiel de la calcitonine, est localisé dans des cellules proches des neurones leptinergiques. La disponibilité des souris dont les gènes codant pour ces différentes hormones ont été invalidés devrait permettre de tester rapidement cette hypothèse.

La pilule contraceptive masculine bientôt en pharmacie?

La pilule contraceptive masculine, qu’on nous promet depuis 30 ans, pourrait bien avoir enfin trouvé sa molécule. Il s’agit du N-butyldeoxynojirimycin (NB-DNJ), un sucre modifié inhibiteur de la synthèse des glycosphingolipides qui, administré par voie orale, inhibe la fertilité des rats mâles [35]. Cet effet, dépendant de la dose, apparaît après trois semaines de traitement. Il est complètement réversible 3 semaines après l’arrêt de la prise quotidienne, et les rats nouveau-nés issus des mâles dont le traitement a été arrêté sont normalement fertiles. L’effet du NB-DNJ sur la fertilité est directement dû à son effet métabolique, et non à un effet hormonal, les concentrations sériques des différentes hormones de la reproduction (LH, FSH et testostérone) restant normales. En revanche, les spermatozoïdes, dont le nombre n’est pas modifié, montrent des anomalies morphologiques importantes. La plus significative (présente dans 90 % des cas) est sans doute la perte de l’acrosome, vésicule riche en enzymes hydrolytiques, indispensable à l’entrée du spermatozoïde dans l’ovule et donc à la fertilité. Mais on observe également des dysmorphies nucléaires et la désorganisation du flagelle. L’utilisation du NB-DNJ chez l’homme a été récemment autorisée en Europe dans le traitement de la maladie de Gaucher, caractérisée par une accumulation anormale des glycosphingolipides. L’effet de cette substance sur la spermatogenèse humaine reste à démontrer, mais la très grande conservation de ce processus chez les mammifères permet d’être très optimiste. Si le NB-DNJ est aussi efficace sur la spermatogenèse de l’homme que sur celle du rat, les doses à utiliser dans le cadre d’une contraception masculine seront dix fois inférieures à celles qui sont utilisées dans le traitement de la maladie de Gaucher, ce qui devrait permettre d’éviter les effets secondaires (diarrhées osmotiques) associés à ce traitement. Deux hypothèses qui restent à vérifier…

Moins on a de néphrons, plus l’hypertension artérielle nous guette

En 1988, Brenner émit l’hypothèse que la susceptibilité à l’hypertension artérielle (HTA) au sein d’une population dépendait du nombre individuel de néphrons à la naissance [36]. Cette hypothèse vient d’être vérifiée tout récemment par Keller et al. [37]. Dans ce but, ils firent une analyse en trois dimensions avec deux microscopes et une vidéocaméra. Les reins examinés (habituellement, le rein droit) furent obtenus à l’autopsie de vingt sujets de race blanche décédés accidentellement, dix d’entre eux ayant eu des antécédents d’HTA et/ou d’hypertrophie ventriculaire gauche alors que les dix autres étaient normotendus. Les deux groupes étaient appariés sur l’âge, le sexe, la taille et le poids. La médiane du nombre de glomérules par rein était de 1429200 chez les sujets normaux et de 703279 chez les hypertendus (- 46,6 %). Le volume moyen glomérulaire était de 2,79 x 10-3 mm3 chez les sujets normaux et de 6,50 x 10-3 mm3 chez les hypertendus (+ 133 %), les différences étant significatives pour ces deux paramètres. Quelques rares glomérules obsolescents furent observés chez les seuls hypertendus. De même, des lésions d’artériosclérose des artérioles afférentes étaient constantes dans le groupe des patients avec HTA, alors qu’elles étaient absentes ou marginales chez les sujets normaux. L’hypothèse selon laquelle un nombre réduit de néphrons prédispose à l’hypertension est renforcée par l’association, dans certains groupes ethniques, d’une prévalence accrue de l’hypertension artérielle et de l’oligoméganéphronie. L’origine de cette dernière anomalie (génétique ou environnementale) reste débattue. La seule certitude est que le nombre de néphrons est fixé au cours du développement in utero. Un nombre insuffisant à la naissance et l’augmentation du volume glomérulaire qui lui est associé semblent être des facteurs essentiels de l’apparition d’une HTA à l’âge adulte.