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Les grosses têtes et le séquestosome

La maladie de Paget, décrite au XIXe siècle comme « ostéite déformante » est en fait un trouble du métabolisme osseux dû à une hyperactivité des ostéoclastes entraînant une augmentation de la résorption et de la formation du tissu osseux. Elle survient fréquemment après 55 ans, mais reste cliniquement silencieuse dans 70 % des cas environ. Dans les 30 % restant, le tableau clinique se caractérise par des douleurs osseuses, des déformations (augmentation progressive du périmètre crânien, tibias en lame de sabre), avec parfois des fractures spontanées et une surdité. Bien qu’il ne s’agisse généralement pas d’une maladie génétique, des cas familiaux de maladie de Paget ont été rapportés, avec transmission autosomique dominante, mais avec une grande hétérogénéité génétique. Certains cas à début précoce (avant 20 ans) doivent être mis à part, car ils appartiennent en fait à une autre affection génétique dont l’origine moléculaire a été récemment découverte : l’ostéolyse familiale avec dysplasie osseuse. Elle est due à des mutations du gène RANK (récepteur activateur de NF-κB) [1]. Pour les autres cas familiaux, les analyses de ségrégation ont révélé au moins 7 locus différents, de PDB1 à PDB7 [2]. Toutefois, grâce à une grande famille franco-canadienne (479 sujets), un gène vient d’être isolé, qui pourrait bien être impliqué non seulement dans cette famille correspondant à PDB3, mais aussi dans la majeure partie des cas de maladie de Paget. Il s’agit du gène codant pour le séquestosome (SQSTM1) dont le locus se trouve en 5q35 [3]. Les mutations affectent le domaine associé à l’ubiquitine. Le séquestosome 1 intervient dans la voie de signalisation de NF-κB. Il joue un rôle activateur. In vitro, l’inhibition de l’expression du séquestosome 1 (par ARN antisens) bloque la signalisation NF-κB [5]. Pour PDB3, l’hypothèse pathogénique (qui reste à prouver), serait donc une accumulation de séquestosome 1 dans le cytoplasme - l’impossibilité de se lier à l’ubiquitine empêchant sa dégradation - accumulation causant une augmentation de l’activité de NF-κB. Par la suite, après l’étude de la famille franco-canadienne, des mutations de SQSTM1 ont été retrouvées dans des familles anglo-saxonnes et aussi dans des cas sporadiques. La région de SQSTM1, d’après sa structure, pourrait être un point chaud de mutations, ce qui expliquerait que SQSTM1 soit le gène le plus fréquemment impliqué dans la maladie de Paget. Cette découverte est intéressante. Elle permet de mieux comprendre ce type de trouble du métabolisme osseux et devrait conduire, pour tous les autres cas familiaux de maladie de Paget dont les locus sont ailleurs (5q31, 2q36, 10p13), à une recherche systématique de mutations touchant les autres intervenants de la voie de signalisation RANK-NF-κB.

Un nouveau rôle pour β-arrestines

Encore elles… Après une éventuelle implication dans la transcription dont nous nous faisions l’écho dans le numéro de décembre 2002 de médecine/sciences, les β-arrestines ont un nouveau mode d’action à inscrire à leur actif. Ces protéines, championnes de la désensibilisation, se lient aux récepteurs membranaires phosphorylés lors de leur activation et empêchent ainsi leur interaction avec les protéines G hétérotrimériques. Le groupe de R.J. Lefkowitz [6] vient de démontrer que les β-arrestines ont également la propriété de recruter à la membrane plasmique les phosphodiestérases qui dégradent l’AMP cyclique formé lors de l’activation des récepteurs β-adrénergiques. Elles limitent ainsi la quantité d’AMP cyclique disponible pour activer la protéine kinase A en combinant une diminution de sa synthèse par la désensibilisation, et un renforcement de sa dégradation en AMP.

Les derniers repas d’Ötzi

Le jour de sa mort, survenue il y a environ 5000 ans, Ötzi, l’homme des glaces, n’était pas à jeun. Ötzi a été découvert en 1991, à l’état de momie congelée, sur le glacier du Similaun situé entre le Tyrol autrichien et le Tyrol italien. Des vêtements en cuir et en peaux, ainsi qu’un équipement comprenant arc, carquois rempli de flèches et hache de cuivre, ont été retrouvés près du corps. Durant la dernière décennie, le corps d’Ötzie et son équipement ont fait l’objet de nombreux travaux, et des échantillons de contenu colique ont notamment été analysés par des paléobotanistes.

En septembre 2000, le corps d’Ötzi, conservé au froid au musée archéologique du sud Tyrol à Bolzano, a pour la première fois été entièrement décongelé [7], rendant possible le recueil d’échantillons de bonne qualité. Franco Rollo et ses collègues, du laboratoire d’archéo-anthropologie moléculaire de l’université de Camerino, en Italie, ont ainsi eu accès à des échantillons de contenu du côlon et de l’intestin grêle, dont ils ont extrait et analysé l’ADN par PCR [8]. Les amorces utilisées pour l’amplification de l’ADN ont été conçues pour complémenter différents gènes de mammifères ou de plantes. L’analyse des composants d’origine végétale a montré que l’ADN extrait des échantillons du côlon provenait essentiellement de conifères et de fougères, sous forme de pollen et de spores, mais aussi de graminées (Poales). L’analyse des échantillons prélevés dans l’iléon a montré la présence de graminées (Poaceae). Concernant l’étude des restes d’origine animale, l’analyse ADN a montré que les micro-fragments de fibres musculaires présents dans le côlon et dans l’iléon sont issus respectivement de viande d’Ibex alpestre et de cerf Elaphe.

Ainsi, les analyses ADN réalisées permettent d’imaginer que, lors de son dernier parcours, l’homme des glaces traversa d’abord une forêt de conifères, où il prit un repas composé de céréales et de viande d’Ibex. Puis, Ötzi atteignit un bassin rocheux, à 3200 mètres d’altitude, où il mourut quelque temps après avoir absorbé son dernier repas composé de viande de cerf et de céréales.

Chez quelques individus préhistoriques dont le décès a clairement pu être attribué à une mort violente, l’analyse des « derniers repas » avait évoqué une signification rituelle. Il a également été proposé qu’Ötzi aurait pu être victime d’un sacrifice rituel [9]. Mais la découverte récente d’une pointe de flèche fichée dans son épaule gauche, ainsi que la nature de l’équipement et les vêtements trouvés à proximité de la momie suggèrent plutôt qu’Ötzi était un chasseur, et que la flèche qui l’atteignit pourrait avoir été tirée par un chasseur rival.

Voir les dendrites pousser dans le cerveau

Les techniques modernes d’imagerie permettent de suivre la différenciation cellulaire au cours du développement des tissus, notamment du cerveau, avec une résolution spatiale exceptionnelle. L’apport de l’imagerie confocale biphotonique à la biologie moderne est encore démontré par un article de l’équipe de H.T. Cline, du Cold Spring Harbor (New York, USA). Les auteurs introduisent l’ADNc de la GFP (protéine fluorescente verte) dans un neurone du tectum (région du cerveau où se projettent les nerfs optiques) du têtard du xénope. Cette coloration vitale leur permet de suivre le développement de l’arborisation dendritique pendant plusieurs heures et d’étudier l’effet de la stimulation visuelle sur le développement des neurones du tectum in vivo, le têtard étant simplement anesthésié. Chaque neurone est reconstitué sous la forme d’un objet tridimensionnel pour chaque temps du protocole expérimental. Les auteurs observent que l’activité visuelle qu’engendre un stimulus lumineux active la croissance des dendrites des neurones tectaux en augmentant l’élongation des branches et du nombre de branches [10]. Les auteurs montrent l’implication de récepteurs glutamatergiques de type NMDA dans l’activation de la croissance dendritique due à la lumière. L’introduction de plasmides portant des formes dominantes positives ou négatives des petites GTPases permet de montrer que Rac et Cdc42 jouent un rôle activateur dans l’augmentation du nombre de branches, alors que Rho joue un rôle inhibiteur dans l’élongation des branches dendritiques. Ces résultats représentent une avancée remarquable dans notre compréhension du développement neuronal et démontrent la convergence qui s’opère entre la biologie cellulaire et la biologie du développement grâce aux nouvelles techniques d’imagerie.

Rectocolite, cancer colorectal et longueur télomérique

La colite ulcéreuse maladie inflammatoire, accroît le risque de développer un cancer colorectal. La multiplication intense des cellules de la muqueuse colique et le stress oxydant s’accompagnent d’anomalies chromosomiques, en particulier de ponts reliant les chromosomes durant l’anaphase, ce qui a conduit un groupe de chercheurs de Seattle (Washington, USA) à supposer un raccourcissement des télomères à l’origine de l’instabilité chromosomique, elle-même corrélée à l’apparition des cancers [11]. Mais la mesure des télomères par des méthodes conventionnelles (fluorescence quantitative par hybridation in situ, et cytométrie de flux sur cellules épithéliales de la muqueuse colique en interphase) n’est pas assez précise pour une étude comparative entre cellules normales, cellules dysplasiques et cellules cancéreuses. En revanche, elle est possible avec le microscope confocal. Des biopsies de muqueuse colique (par coloscopie ou après colectomie) ont donc été étudiées et, effectivement, la longueur des télomères des cellules épithéliales coliques dans les colites ulcéreuses avec dysplasie est raccourcie de 47 % par rapport à celle des cellules témoins et de 30 % par rapport à celle des colites ulcéreuses sans dysplasie. De plus, dans cette maladie, il existe une corrélation entre le raccourcissement des télomères et la présence des anomalies chromosomiques déjà décrites [12] parmi lesquelles on trouve surtout des hypodiploïdies, avec perte de bras et perte de centromères, les chromosomes concernés les plus fréquemment étant les 8q, 11q, 17p, et 18q. La perte la plus fréquente est celle du 17p et, dans le caryotype humain, c’est justement la 17e paire qui a les télomères les plus courts. De telles recherches ont, certes, un réel intérêt théorique, mais - si elles étaient réalisables en pratique courante -, elles pourraient aussi jouer un rôle pronostique, les sujets sans dysplasie mais avec pertes chromosomiques et raccourcissement des télomères étant sans doute plus prédisposés que les autres aux risque de cancers. Néanmoins, ces résultats méritent encore confirmation.

Une relation ITIM entre le récepteur de la bradykinine et SHP-2

Si les mécanismes de signalisation intracellulaire associés aux effets mitogènes des récepteurs couplés aux protéines G sont très étudiés, le mécanisme de couplage de certains de ces récepteurs à une inhibition du cycle cellulaire est très peu connu. C’est le cas du récepteur B2 de la bradykinine dans différents types cellulaires tels que les cellules stromales de la glande mammaire, les cellules musculaires lisses artérielles ou des cellules mésangiales. Cette activité anti-mitotique est associée à une déphosphorylation de protéines phosphorylées sur des tyrosines et à une augmentation de l’activité tyrosine phosphatase totale. Un motif protéique ITIM (immunoreceptor tyrosine-based inhibition motif) très conservé chez les mammifères dans le récepteur B2 suggérait une interaction directe avec une tyrosine phosphatase. L’analyse des interactions protéine-protéine par la technique BIAcore (résonance plasmatique sur protéine immobilisée sur une puce) met en évidence une interaction spécifique avec la phosphatase SHP-2, que les auteurs confirment ensuite par co-immunoprécipitation. L’usage d’un dominant négatif de SHP-2 confirme la nécessité de l’interaction pour l’effet anti-prolifératif de la bradykinine.

Toxicité hépatique du paracétamol : c’était donc CAR…

Le récepteur CAR (constitutive androstane receptor) est impliqué dans le métabolisme des xénobiotiques comme le phénobartbital. Ce médicament sensibilise notamment à la toxicité hépatique de la cocaïne ou du paracétamol. Il avait déjà été montré que l’absence du récepteur CAR protégeait le foie de la toxicité induite par l’association phénobarbital-cocaïne [14]. Il vient d’être montré que le récepteur CAR est également un médiateur central de l’hépatotoxicité de l’acétaminophène (APAP), mieux connu sous le nom de paracétamol, largement utilisé dans le monde pour ses propriétés antipyrétiques et antalgiques [15]. Le surdosage en paracétamol (lors de tentatives de suicide) est en effet à l’origine de décès. Certains cytochromes P450 (CYP1A2, CYPE1 et CYP3A) convertissent l’APAP en NAPQI (N-acétyl-p-benzoquinone imine), qui est en partie responsable de la toxicité hépatique par production de radicaux oxygénés (ROS) et de liaisons covalentes de protéines cellulaires. Le NAPQI est inactivé par conjugaison avec le glutathion (GSH) réduit et la déplétion en glutathion participe à la toxicité hépatique de l’APAP. Le traitement de référence dans les premières heures d’une intoxication par l’APAP est d’ailleurs la N-acétylcystéine, agent anti-oxydant qui induit une restauration du stock de glutathion. Le phénobarbital est un inducteur des cytochromes CYP2E et CYP3A11 et sensibilise pour cette raison à la toxicité hépatique de l’APAP. Les animaux déficients en récepteurs CAR présentent, par rapport aux animaux non transgéniques de la fratrie, une réduction des lésions hépatiques provoquées par l’injection d’APAP, qu’il soit ou non associé à l’injection de phénobarbital. Cette résistance à la toxicité de l’APAP est associée à l’absence d’induction des enzymes qui métabolisent l’APAP comme les cytochromes CYP1A2 et CYP3A11. En revanche, les souris transgéniques CAR-/- exprimant dans le foie le récepteur CAR humain retrouvent cette sensibilité à l’APAP. Les auteurs ont alors injecté à des souris sauvages un antagoniste du récepteur CAR murin, l’androstanol, 1 heure, 3 heures ou 5 heures après l’administration de l’APAP. La protection semble quasi totale lorsque l’antagoniste CAR est administré 1 heure après l’APAP, partielle 3 heures après et nulle 5 heures après. Cet effet protecteur est très semblable à celui qu’entraîne la N-acétylcystéine. Ces travaux mettent donc à jour une nouvelle voie, fondée sur l’utilisation d’inhibiteurs du récepteur CAR, pour prévenir la toxicité de l’APAP. Il sera désormais intéressant de déterminer si cette voie est également valable pour d’autres xénobiotiques hépatotoxiques.

Anévrisme de l’aorte et métalloprotéases matricielles (MMP)

L’anévrisme de l’aorte est le résultat d’altérations des macromolécules de la paroi aortique, élastine et collagène, associées à des infiltrats de macrophages. Ceux-ci produisent des métalloprotéases matricielles (MMP) et on considère que ces protéases sont impliquées dans la dégradation de la matrice extracellulaire. Afin de le prouver, Longo et al. [16] ont comparé le développement d’anévrismes expérimentaux chez des souris invalidées pour le gène de MMP-2 ou celui de MMP-9 et chez des animaux sauvages. Chez toutes les souris sauvages, l’application de chlorure de calcium à la surface externe de l’aorte abdominale depuis la bifurcation iliaque jusqu’aux artères rénales a conduit à des dilatations aortiques de plus de 50 % en 10 semaines. L’examen histologique montre une dislocation et une fragmentation des fibres élastiques ainsi que la présence d’infiltrats de macrophages. Les souris du groupe témoin traitées par le NaCl sont restées intactes. Les souris MMP-2-/- et MMP-9-/- traitées par le CaCl2 paraissaient indemnes, sans altération des fibres élastiques avec, cependant, la présence d’infiltrats de macrophages. L’absence d’anévrisme chez les souris invalidées ne provenait donc pas du défaut de migration des macrophages, mais de leur incapacité à dégrader la matrice environnante en l’absence d’expression de MMP-2 ou MMP-9. De fait, l’injection de macrophages de souris sauvages aux souris MMP-9-/- un jour avant l’induction de l’anévrisme restaura la possibilité de développement des lésions. La même injection chez les souris MMP-2-/- ne produisit aucun effet de ce type. Par conséquent, c’est la MMP-2 des cellules de la média et de l’adventice, et non celle des macrophages, qui joue un rôle dans la constitution des lésions. Ainsi, la MMP-9 des macrophages et la MMP-2 de la paroi aortique agissent de concert dans le mécanisme de la maladie, ce qui en fait des cibles thérapeutiques de choix.

Un analogue de la vitamine D qui stimule la formation osseuse

La forme active de la vitamine D, appelée 1,25-dihydroxyvitamine D3 ou calcitriol, est un modulateur majeur de l’homéostasie phospho-calcique en agissant à la fois sur l’intestin, le rein et l’os. Son effet sur l’os est essentiel car elle en stimule la minéralisation et le renouvellement mais n’a pas le pouvoir d’augmenter la masse osseuse. Un analogue du calcitriol, appelé 2MD, semble doué de propriétés remarquables [17]. Il stimule la minéralisation de l’os de façon 30 fois plus puissante que le calcitriol sans pour autant augmenter de façon significative l’absorption intestinale de calcium. Il est également plus puissant que le calcitriol pour promouvoir la formation des ostéoclastes sous l’effet des ostéoblastes, phénomène essentiel au renouvellement osseux, en stimulant l’expression du ligand de RANK. Contrairement au calcitriol, le 2MD a la propriété de stimuler la formation d’os in vitro par des ostéoblastes en culture primaire. Enfin, cet effet a été confirmé in vivo en démontrant que le 2MD est capable d’augmenter la masse osseuse de rates castrées. Si cet effet spectaculaire est avéré dans l’espèce humaine, nous tenons en germe un médicament potentiel susceptible de traiter les pertes de masse osseuse induites par l’âge ou la carence en oestrogènes.

Enfin un phénotype qui tient ses promesses !

Dans la cochlée, organe de l’audition, deux types de cellules ciliées sont présents : les cellules ciliées internes sont les cellules sensorielles et les cellules ciliées externes amplifient localement le signal transmis aux cellules ciliées internes, ce qui assure la sélectivité en fréquence. Les cellules ciliées externes sont des cellules contractiles ; leur électromotilité est liée à des modifications de protéines membranaires, dépendantes du potentiel et la prestine a été proposée comme moteur moléculaire [18]. Cette fonction a été confirmée par l’étude de la cochlée de souris dont le gène de la prestine a été invalidé [19]. Hétérozygotes et homozygotes présentent des anomalies, anomalies quantitativement deux fois plus importantes chez les homozygotes. In vivo, les seuils auditifs sont augmentés d’environ 40 dB à 5600 Hz jusqu’à plus de 60 dB à 22600 Hz. In vitro, les cellules ciliées externes sont plus courtes et ont perdu leurs propriétés contractiles. À noter que, dans la région la plus basale, zone des hautes fréquences, cellules ciliées externes et internes sont absentes. Ces résultats suggèrent que la prestine peut, à elle seule, rendre compte des propriétés électromotrices des cellules ciliées externes, celles-ci expliquant l’extrême sensibilité en termes d’analyse de fréquences de la cochlée. Il reste à expliquer pourquoi ces souris sourdes ont, à un mois, un poids inférieur de 15 % à celui de leurs soeurs ayant de la prestine.

Mucopolysaccharidose héréditaire du chien et thérapie génique néonatale

Les mucopolysaccharidoses (MPS) sont des maladies héréditaires liées au déficit d’enzymes lysosomiales dégradant les glycosaminoglycanes qui vont de ce fait s’accumuler. Leur incidence est d’une naissance sur 27000. La MPS VII (syndrome de Sly) est due au déficit en β-glycuronidase. Elle produit un retard de croissance, une dysmorphie faciale, une opacité cornéenne, un déficit moteur, une hépato-splénomégalie, des anomalies valvulaires cardiaques et un retard mental. Il existe chez le chien une maladie héréditaire très proche de la maladie humaine. Les animaux atteints sont homozygotes pour une mutation de la β-glycuronidase avec substitution d’une arginine à une histidine en position 166 de la protéine. Le traitement, chez l’homme, repose sur l’administration de l’enzyme manquante ou la greffe de moelle osseuse, chacune de ces méthodes ayant ses limites. D’où les essais de thérapie génique effectués par Ponder et al. en utilisant le modèle canin [20]. Cinq chiots reçurent par voie intraveineuse, deux à trois jours après la naissance, un rétrovirus porteur du gène de la β-glycuronidase canine. Cinq autres reçurent le rétrovirus non modifié et deux animaux furent prétraités avec le facteur de croissance hépatique (HGF) en vue d’augmenter l’efficacité de la transduction des hépatocytes in vivo qui atteignit 2,8 et 14,5 %, respectivement dans les deux derniers groupes. Les hépatocytes transduits ont proliféré en amas et sécrétaient l’enzyme associée au mannose 6-phosphate, permettant ainsi son internalisation par les nombreuses cellules exprimant le récepteur de ce composé. L’activité sérique de la β-glycuronidase resta stable à des taux normaux pendant 14 mois chez les chiens traités et 17 mois chez ceux ayant reçu préalablement de l’HGF. Le tableau clinique fut transformé en comparaison de celui des animaux témoins. Alors que ces derniers ne peuvent à six mois ni se tenir sur leurs pattes, ni marcher, développent progressivement des atteintes oculaires et cardiaques et pèsent 50 % du poids normal, les animaux traités pouvaient courir, n’avaient pas de valvulopathies, avaient conservé une vision normale et avaient un poids quasi normal. En dépit d’une expression plus importante de l’enzyme, les chiens prétraités par l’HGF n’étaient pas différents de ceux ayant reçu le traitement standard. Ces résultats incitent à dépister la mucopolysaccharidose humaine dès la naissance pour commencer le traitement à une période de la vie où les hépatocytes se multiplient rapidement. Bien entendu, des études supplémentaires chez le chien sont nécessaires avant tout essai chez l’homme pour apprécier le devenir au long terme et dépister les éventuelles complications, en particulier un développement tumoral.

Dans certaines myopathies, il faut chercher titine

La titine, cette énorme protéine du muscle squelettique de 3700 kDa, qui s’étend entre le disque Z et la ligne M sur la longueur d’un demi-sarcomère, vient d’être impliquée dans une myopathie distale très localisée : la dystrophie musculaire tibiale (TMD) qui atteint uniquement les muscles de la loge antérieure de la jambe. Cette maladie génétique autosomique dominante est surtout connue en Finlande car elle y est très fréquente (prévalence de 6/100000). Les analyses de ségrégation familiale faites dans ce pays avaient permis de situer le locus en 2q31, région où se trouve le gène de la titine (TTN). Malgré le travail considérable que représentait le séquençage des 348 exons du gène TTN, ce candidat idéal a été exploré. Pour tous les malades finlandais appartenant à des familles non apparentées, une mutation a été trouvée dans le dernier exon [22]. Cette mutation unique (problement due à un effet fondateur) est assez énigmatique car elle correspond à un changement de 11 pb sans qu’il s’agisse d’une inversion. Elle est peut-être la conséquence d’une recombinaison car on trouve la même séquence dans un intron situé en amont. Dans une famille française, une mutation entraînant le changement d’une leucine pour une proline a aussi été trouvée dans ce même exon. Or, on sait que Mex5 et Mex6 (correspondant aux derniers exons) se situent dans la région du site de liaison de la calpaïne 3. Il y a quelques années, une équipe française avait montré que des mutations du gène de la calpaïne 3, avec perte de fonction de celle-ci, étaient responsables d’une dystrophie des ceintures récessive autosomique (LGMD2A pour limb girdle type 2A). Du point de vue clinique, on savait que dans les familles de TMD, les sujets homozygotes présentaient une dystrophie musculaire plus sévère, débutant dans l’enfance et correspondant cliniquement tout à fait à cette forme, LGMD2A, avec absence de calpaïne 3 fonctionnelle (secondaire puisque le gène codant pour la calpaïne 3 était intact) [23]. Chez la souris, la dystrophie musculaire avec myosite est due, elle aussi, à une déficience secondaire en calpaïne 3 en raison de mutations dans le gène de la titine murine, avec délétion du site de liaison de la calpaïne 3 [24]. Par conséquent, il est probable que le mécanisme est analogue dans la TMD humaine. Les mutations observées doivent entraîner une perte des épitopes de la région carboxy-terminale de la titine, ce que confirme du reste l’absence de réponse pour les anticorps spécifiques M8/M9 dans les coupes de muscles de sujets homozygotes TDM3. Il reste cependant encore beaucoup de questions sur le mécanisme pathogénique. En particulier, pour quelles raisons, à l’état hétérozygote, seule la loge tibiale antérieure est touchée, et pourquoi il n’existe pas de cardiomyopathie puisque cette région carboxy-terminale de la titine est exprimée dans le muscle cardiaque. En réponse préalable à ces interrogations, on peut au moins avancer que de nombreuses isoformes de la titine existent dans les muscles, et que la calpaïne 3 n’est pas exprimée dans le muscle cardiaque adulte.

Un oignon qui ne fait plus pleurer

On aime les oignons pour leur goût, ils ont de plus une valeur nutritive, mais on sait aussi que les éplucher met en larmes. Ces deux propriétés étaient couramment attribuées à la même enzyme, l’alliinase, qui, chez l’oignon, produit le facteur lacrymogène, propanthial S-oxyde, à partir du 1-propényl-L-cystéine sulfoxyde (PRENSCO). Le travail récent d’une équipe japonaise a permis de dissocier les deux processus [25]. N’importe quelle alliinase était censée aboutir à la même réaction chimique ; les auteurs, en utilisant l’alliinase de l’ail au lieu de celle de l’oignon, ont constaté l’absence du facteur lacrymogène, et l’apparition d’un autre dérivé, le thiosulfinate. Ils ont alors posé la question du rôle d’un autre composant, sans doute une enzyme, dans ce processus. Par passage sur une colonne d’hydroxyapatite ils ont fractionné la préparation brute d’alliinase de l’oignon en trois protéines distinctes dont l’extrémité N-terminale a été séquencée. L’étape suivante a été, à partir de ces séquences, l’obtention d’un ADNc (GenBank n°AB089203) de 737 pb, prédisant une protéine de 169 acides aminés. Les trois protéines obtenues seraient le produit d’un seul gène, codant pour une nouvelle enzyme, que les auteurs ont nommée synthase du facteur lacrymogène (lacrymatory factor synthase). Pour qu’il y ait facteur lacrymogène, les trois composants sont nécessaires ; si la synthase est absente, la réaction se trouve déviée vers le thiosulfinate, et on ne pleure plus. Demain, un oignon dont le goût sera respecté, mais qui, orienté vers le thiosulfinate, ne fera plus pleurer !

Chez les mites, on préfère les mâles costauds

Les préférences conjugales de la mite femelle Utetheisa ornatix ont fait l’objet d’une étude d’un grand intérêt. Ces insectes préfèrent s’accoupler à des mâles de grande taille, ce qui leur apporte des bénéfices tant phénotypiques que génétiques. Bénéfices phénotypiques d’abord car la quantité de nutriments transmis par voie séminale est proportionnelle à la taille des géniteurs et conditionne la production d’oeufs. Bénéfices génétiques ensuite car, la taille étant génétiquement déterminée, plus le géniteur est costaud, plus les fils le seront également, ce qui favorisera ceux-ci dans leur quête de femelles, et ainsi de suite. Les effets cumulés de ces bénéfices sont substantiels ; il a été calculé que lorsqu’une femelle a le choix entre deux mâles dont la masse corporelle diffère de 10 %, le choix du plus massif lui permet d’avoir 25 % de plus de petits enfants. On sait que, chez la mite, la taille du mâle est un trait hérité des deux parents. Mais la préférence des femelles pour les mâles costauds est-elle transmise génétiquement, et selon quelles modalités ? C’est à cette question qu’une équipe de l’université Cornell (USA) apporte une réponse [26]. Cette équipe démontre que la préférence des femelles est génétiquement déterminée et transmise par le père, ce qui indique que le (ou les) gène(s) de préférence est (sont) situé(s) sur le chromosome sexuel Z hérité du père par les filles. Il est également montré que la préférence des femelles et le trait masculin en question (la taille corporelle) sont corrélés dans la mesure où les femelles dont les pères ont la plus grande taille sont celles qui ont le plus grand appétit pour des partenaires costauds. Ces résultats sont prédits par la théorie de l’invasion protégée, selon laquelle les systèmes chromosomiques sexuels homogamétiques mâles (ZZ/ZW), que l’on rencontre chez les lépidoptères et les oiseaux, favorisent l’évolution de traits masculins marqués par une sélection sexuelle. Cette théorie prédit que, parce que les allèles de préférence femelle situés sur le chromosome Z sont transmis à tous les fils qui ont le trait génétique du père plutôt qu’à une fraction d’entre eux, de tels allèles subissent une sélection positive et sont moins vulnérables à une perte de chance que ne le seraient des allèles autosomiques. Anthropomorphistes s’abstenir…

Transcriptome des souris clonées

Depuis la publication démontrant la faisabilité du clonage reproductif dans l’espèce animale, et malgré la médiatisation des travaux montrant une descendance « apparemment normale » de ces clones ((→) m/s 2002, n°3, p. 290), on sait que des anomalies de reprogrammation surviennent dans ces clones. C’est une préoccupation constante de beaucoup de scientifiques d’en analyser les conséquences, et de mettre en garde contre les dangers d’un clonage reproductif. C’est dans cet état d’esprit que R. Jaenish, qui a le premier publié les résultats d’une expérience « grandeur nature » de « clonage thérapeutique » chez des souris Rag-/- ((→) m/s 2002, n°6-7, p. 651), publie dans Proc Natl Acad Sci USA [27] l’analyse du transcriptome de deux organes, le placenta et le foie, de souris obtenues par transfert nucléaire, soit de noyaux de cellules ES, soit de noyaux de cellules de cumulus. L’approche est intéressante car elle est très large (10000 gènes), et ne se limite pas à l’analyse globale de l’état de méthylation du génome, qui, quoiqu’intéressante, ne donne que peu d’éléments pour identifier les gènes réellement affectés, et à l’analyse des gènes soumis à empreinte, groupes de gènes sur lesquels l’attention s’était surtout focalisée jusqu’à maintenant. Les auteurs montrent qu’un très grand nombre de gènes est affecté, et que les gènes soumis à empreinte ne sont pas plus affectés que les autres. Les anomalies sont beaucoup plus nombreuses au niveau placentaire qu’au niveau du foie, et touchent des gènes différents. Toutes ces modifications épigénétiques montrent bien la tolérance des processus régulateurs du développement (ce que soulignent les auteurs eux-mêmes dans la discussion), puisqu’une partie des clones étudiés aurait donné des adultes « normaux », en tout cas fertiles et bien-portants. Ceux-ci portent-ils autant de ces mutations épigénétiques, et le cas échéant quelle signification ont-elles alors ? Il faudrait engager une réflexion sur ce qu’est la « normalité » pour des individus, qui tiendrait compte de la variabilité acceptable, c’est-à-dire compatible avec la vie.

Un zeste de silence… et la prostate est transformée !

Bien que des traitements chirurgicaux ou radiothérapiques efficaces existent pour le cancer localisé de la prostate, les formes métastatiques restent le plus souvent incurables. Une première étude de l’université Ann Harbor dans le Michigan (USA) ((→) m/s 2002, n°2, p. 159) utilisant des puces à ADN avait montré qu’une majorité de gènes étaient réprimés dans les échantillons provenant de tumeurs métastatiques tandis que très peu voyaient leur expression accrue. À présent, la collaboration entre plusieurs départements de la même université vient d’établir que l’expression, dans le tissu prostatique, de EZH2 (enhancer of zeste homolog), un membre du groupe Polycomb connu pour être un répresseur transcriptionnel, était corrélée à l’agressivité de la maladie [28]. Partant de cette parfaite corrélation, les auteurs ont utilisé la technique d’interférence à ARN pour éteindre spécifiquement in vitro l’expression de EZH2 et montrer qu’il en résultait une inhibition de la croissance de lignées cancéreuses de la prostate sans induction de l’apoptose, mais avec une accumulation des cellules à la transition G2/M. À l’aide de mutants de EZH2, ils montrent ensuite que le fonctionnement de cette protéine dépend strictement de son domaine SET de liaison à la chromatine et d’une activité HDAC (histone désacétylase) intacte. S’il semble bien que l’expression de ce répresseur puisse servir de marqueur pronostique pour le cancer de la prostate, en revanche, son mécanisme d’action est loin d’être établi puisqu’une analyse différentielle du transcriptome indique que pas moins de 163 gènes apparaissent réprimés par EZH2 !

Ciblage de l’oncogène bcr-abl par les ARNsi

L’interférence d’ARN est un mécanisme de régulation post-transcriptionnel physiologique très conservé dans l’évolution, conduisant à l’inhibition de l’expression génique. L’interférence est due au clivage des ARN double brin dans la cellule par des petites molécules d’ARN (small interfering RNA ou siRNA) qui ciblent des séquences complémentaires et entraînent la destruction de l’ARN sous l’effet d’un complexe comprenant une ribonucléase. Depuis la découverte de ce phénomène, il est apparu que les ARNsi pouvaient être synthétisés et transfectés dans les cellules pour « cibler » différentes molécules d’ARN dans un contexte de recherche, mais peut-être également comme des outils thérapeutiques. Une équipe allemande [29] a récemment montré dans ce contexte qu’il était possible de « cibler » l’oncogène bcr-abl (breakpoint cluster region-abelson), responsable de la leucémie myéloïde chronique (LMC). En effet, ces auteurs ont montré que les ARNsi anti-bcr-abl correspondant à la jonction bcr-abl pouvaient être transfectés par électroporation dans des lignées humaines (K562) et murines (Ba/F3) exprimant bcr-abl, et y entraîner une inhibition de l’expression de l’ARN bcr-abl. La spécificité de l’effet anti-bcr-abl est attestée par l’absence d’inhibition de l’expression du proto-oncogène c-abl normal, et de c-bcr normal et l’absence d’effet dans des cellules exprimant une autre forme de jonction bcr-abl (b2-a2). Dans les cellules primaires de patients atteints de LMC, l’effet inhibiteur de ces ARN était mineur en comparaison de celui de l’inhibiteur de tyrosine kinase STI571. Cette différence est liée probablement aux difficultés de transfection des cellules primaires et au caractère transitoire de l’effet des ARNsi. L’utilisation d’une stratégie de type ARNi pour cibler des oncogènes bcr-abl apparaît actuellement cliniquement difficile mais avec la possibilité de développement de techniques de transfert de ces molécules, éventuellement de manière stable, ces outils pourraient représenter des thérapies ciblées complémentaires des agents thérapeutiques comme le STI571 en raison de leur mode d’action différent.

La fonction de Bcl-2 est-elle indépendante de la mitochondrie ?

Les protéines de la famille Bcl-2 contrôlent le déclenchement de l’apoptose en réponse à un stress intracellulaire. De nombreux travaux ont suggéré que cette voie d’apoptose est strictement dépendante de l’activation de la caspase-9 par Apaf-1 dans « l’apoptosome », un complexe qui inclut également le cytochrome c et l’ATP. Bcl-2 exercerait son activité anti-apoptotique en bloquant le relargage du cytochrome c de la mitochondrie vers le cytosol, empêchant ainsi l’activation de la caspase-9 (caspase « apicale ») par Apaf-1. La mitochondrie apparaissait donc comme l’élément essentiel du processus apoptotique contrôlé par Bcl-2. De nouveaux travaux démontrent cependant que ce type d’apoptose peut se produire indépendamment de l’intervention de la mitochondrie. En effet, grâce à des expériences de reconstitution du système hématopoïétique par greffe de moelle osseuse provenant de donneurs dépourvus de caspase-9 ou d’Apaf-1, Marsden et al. [30] ont montré que l’absence de caspase-9 ou d’Apaf-1 n’empêche pas la mort par apoptose des leucocytes greffés en réponse à plusieurs stimulus pro-apoptotiques normalement inhibés par Bcl-2. Ces auteurs ont aussi montré que la caspase-7 peut être activée en l’absence d’Apaf-1 ou de la caspase-9, et que le relargage de cytochrome c dépend de l’activité des caspases. Ces résultats, corroborés par trois autres études récentes [31-33], montrent que les protéines de la famille Bcl-2 contrôlent l’activation de caspases en amont de la mitochondrie, et que la modification de la perméabilité mitochondriale (à l’origine du relargage de cytochrome c et d’autres protéines pro-apoptotiques) est la conséquence, plutôt que la cause, de l’activité des caspases. L’apoptosome constitue donc un système d’amplification plutôt qu’un système de déclenchement de la cascade apoptotique, et l’importance de cette amplification varie d’un type cellulaire à l’autre (indispensable pour les neurones et inutile pour les leucocytes). Ces résultats seront à prendre en considération dans la recherche de nouvelles drogues visant à contrôler les processus apoptotiques. En effet, des produits actifs dans les neurones pourraient se revéler inactifs dans les leucocytes.

p27Kip1 prend Akt… comme régulateur

Trois équipes indépendantes, une italienne, une américaine et une canadienne, viennent de mettre à jour simultanément le rôle direct d’une voie anti-apoptotique sur la régulation du Cdki (cyclin dependent kinase inhibitor) p27Kip1, inhibiteur endogène des kinases du cycle cellulaire. Avec un remarquable parallélisme, les trois articles abordent le problème dans le cancer du sein et, sous le même angle, celui de la localisation subcellulaire de p27Kip1 après ajout de variants de la kinase Akt, inhibitrice de l’apoptose. Ainsi, tous les auteurs montrent que la Thr 157 située dans le signal de localisation nucléaire de p27Kip1 est phosphorylée directement par Akt, réaction qui empêche l’import nucléaire de l’inhibiteur de Cdk. Le groupe napolitain [34] précise en outre que, dans les cellules de carcinomes mammaires, la phosphorylation de p27Kip1 par Akt a lieu dans le cytoplasme, empêchant ainsi p27Kip1 d’agir et expliquant par là-même l’absence de blocage du cycle cellulaire. De son côté, le groupe de la Vanderbilt University à Nashville (USA) indique que le mutant T157A du site de phosphorylation se localise exclusivement dans le noyau et résiste à l’exclusion nucléaire normalement induite par Akt [35]. Leur étude d’une centaine de biopsies de cancers mammaires établit une très bonne corrélation entre la détection de la forme phosphorylée active d’Akt et la présence de p27Kip1 dans le cytosol [35]. Le groupe de Montréal (Québec, Canada), lui, confirme le même type de résultats sur une série de 128 cancers primitifs du sein et souligne en outre la valeur pronostique du taux de p27Kip1, l’évolution étant d’autant meilleure que le taux nucléaire de p27Kip1 est élevé [36]. Si le site Thr 157 semble jouer le rôle principal, il est curieux de noter qu’il ne constitue pas un site consensus puisqu’il n’est pas retrouvé chez les rongeurs. D’ailleurs, les auteurs italiens n’excluent pas du tout un autre site de phosphorylation, mais qui reste à découvrir malgré tout.

Bad collé aux rafts

Les radeaux (rafts) sont des microdomaines présents à la membrane plasmique qui sont formés d’îlots riches en sphingolipides et en cholestérol. Riches en molécules impliquées dans la transduction du signal, ces structures pourraient servir à compartimenter et à contrôler les signaux moléculaires à la surface cellulaire [37]. Deux articles récemment publiés montrent que les rafts contrôlent l’apoptose via des interactions positives, impliquant le récepteur Fas, ou négatives, impliquant la protéine pro-apoptotique Bad, avec des protéines réglant la survie [38, 39]. En l’absence de signaux de survie, la forme déphosphorylée de Bad se localise à la membrane externe de la mitochondrie, ce qui lui permet d’interagir avec les protéines Bcl-2 et donc de bloquer l’action anti-apoptotique de ces dernières. En présence de signaux de survie - interleukine-3 par exemple - Bad est phosphorylé, et se relocalise dans le cytosol où elle s’associe avec la protéine cytosolique 14-3-3 ; cette association prévient la localisation de Bad au niveau de la mitochondrie et inhibe l’apoptose. Un autre modèle est proposé dans une étude récente du groupe de A. Garcia [39], où la séquestration de Bad sous sa forme pro-apoptotique (non phosphorylée) est membranaire, et non plus cytosolique. Cette démonstration est faite dans la lignée lymphocytaire TS1ab cultivée en présence d’interleukine-4, mais elle pourrait être généralisée. Dans ces cellules, Bad non phosphorylé est séquestré par les rafts, ce qui l’empêche d’exercer sa fonction pro-apoptotique au niveau de la mitrochondrie ; de façon consistante, la désorganisation des rafts par la méthyl-β cyclodextrine induit l’apoptose. Dans les deux cas, la séquestration de Bad (rafts ou cytosol) inhibe sa localisation mitochondriale, ce qui l’empêche d’exercer sa fonction pro-apoptotique.

Arachnologie

En écologie comportementale, les araignées, réparties par milliers d’espèces à travers le monde (sauf dans les régions polaires), ne cessent de nous étonner par la variété et la richesse de leur inventivité. Les argiopes, par exemple, ces araignées à abdomen rayé de bandes régulières, tissent une toile orbiculaire agrémentée de faisceaux soyeux appelés stabilimentum. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, elles n’ont ajouté ces ornements ni pour faire joli, ni pour consolider la toile, ni même pour augmenter le nombre des proies capturées. Une étude récente présentée au 9e Congrès International d’Écologie comportementale vient en effet de montrer que, pour Argiope aurantia, les toiles qui ont été débarrassées de leur stabilimentum capteraient 30 % d’insectes en plus. En revanche, celles qui ont gardé leur faisceaux soyeux sont épargnées par les sphex, guêpes de la famille des Sphecidae, qui sont capables de dévorer une bonne trentaine d’araignées par jour. D’autres araignées, qui, elles, ne tissent pas de toiles, comme Mastophora hutchinsoni, attrapent leur proie dans la nuit en laissant se balancer un fil dont l’extrémité est une grosse goutte collante. On conçoit qu’avec ce stratagème, le butin soit plutôt maigre. Aussi, pour améliorer leur pitance, elles produisent des substances volatiles ressemblant aux phéromones produites par des femelles de papillons de nuit de deux espèces différentes : Tetanolita mynesalis et Lacinipolia renigera, afin d’attirer leurs mâles. Bien mieux, ces araignées modulent dans le temps leurs émanations trompeuses, car Lacinipolia est en chasse avant 22 heures 30 alors que Tetanolita ne prend son vol que vers 23 heures. En modifiant l’horloge biologique de ces deux papillons nocturnes, des chercheurs ont pu montrer que les mâles de Tetanolita étaient repoussés par les senteurs imitant les phéromones de Lacinipola, démontrant ainsi le bien-fondé des productions chronologiquement modulées dans la nuit [40]. Enfin, dans la plupart des espèces d’araignées, le dimorphisme sexuel est considérable. Pour l’épeire diadème de nos jardins, comme pour la redoutable « veuve noire » (Latrodecte mactans du Brésil, ou malmignatte en Corse), plus les mâles sont petits, plus ils ont de succès. Sans doute sont-ils plus agiles pour atteindre les toiles suspendues en hauteur [41]. Mais, dans certaines espèces, il est clair que les femelles préfèrent les mâles les plus petits puisque, avec eux, l’accouplement dure plus longtemps… sans compter qu’ensuite, elles les dévorent !

Focus sur le PIP2 et la taline

Le phosphatidyl-inositol bi-phosphate (PIP2) est un lipide très important dans la cellule car il contrôle le recrutement de protéines aux membranes et la mise en place d’échafaudages moléculaires impliqués notamment dans l’adhérence à la matrice extracellulaire, et l’endocytose (voir la brève ci-dessous). Le PIP2 est produit par la phosphatidyl-inositol phosphate kinase de type I (PIPKI). Deux articles de Nature montrent que l’isoforme γ de 90 kDa de la PIPKI (PIPKIγ-90) se lie au domaine amino-terminal de la taline, une protéine des plaques d’adhérence focale [42, 43]. La taline cible la PIPKIγ-90 dans les plaques d’adhérence focale. Le PIP2 augmente l’interaction de la taline avec les intégrines, suggérant une boucle de rétroaction positive qui permet d’induire une très forte concentration de PIP2 dans les plaques d’adhérence focale. La taline joue un rôle important dans l’ancrage du cytosquelette d’actine à des protéines des plaques d’adhérence focale comme les intégrines. Ces contacts assurent la cohésion entre la cellule et la matrice extracellulaire. Leur dynamique est importante lorsque les cellules se déplacent au cours du développement, lors de la réparation des blessures tissulaires, de la réponse immunitaire ou de processus pathologiques comme la migration des cellules cancéreuses métastatiques. PIPKIγ-90 est phosphorylée sur tyrosine par une tyrosine-kinase des plaques d’adhérence (FAK pour focal adhesion kinase), et cette phosphorylation augmente l’association avec la taline [43] ainsi que la production de PIP2 [42, 43]. De plus, la taline est fortement exprimée au niveau des terminaisons synaptiques des neurones dans le cerveau. Ainsi, le mécanisme mis en évidence dans les plaques d’adhérence focale pourrait-il être impliqué dans la dynamique de la synapse, une jonction intercellulaire très spécialisée.

Courber une membrane

Prenez une feuille de papier. Cherchez à en faire une sphère. Vous constaterez qu’il est facile d’en faire un cylindre, pas une sphère. Les cellules eucaryotes ont résolu ce problème et sont capables de façonner des invaginations de leur membrane plasmique. Ces invaginations s’approfondissent jusqu’à devenir des puits sphériques reliés à la membrane par un cou. Ces derniers se rompent, libérant ainsi une vésicule intracellulaire. Ce processus correspond à l’endocytose. L’endocytose requiert l’endophiline, une protéine convertissant llysophosphatidique, un lipide membranaire, en acide phosphatidique par l’ajout d’acide arachidonique, induisant une courbure négative dans la membrane plasmique [44]. L’équipe d’Harvey T. McMahon (Cambridge, Angleterre) montre maintenant que la protéine Epsine modifie la courbure membranaire en se liant à un autre lipide membranaire, le phosphatidylinositol-biphosphate (PIP2) [44]. Les auteurs utilisent un test in vitro qui leur permet, à l’échelle ultrastructurale, d’observer que l’Epsine induit la formation de tubules et de fragments membranaires à partir de membranes lipidiques artificielles. Ils montrent que la liaison au PIP2 induit un changement de conformation important pour la capacité qu’a la protéine d’induire des déformations membranaires. Les auteurs proposent qu’en se liant au PIP2, l’Epsine s’insère dans la partie cytosolique de la bicouche lipidique, provoquant ainsi une variation dans la courbure de la membrane. Ils montrent que cette action est coordonnée avec le recrutement du manteau de clathrine, un acteur essentiel des voies d’endocytose classiques. Enfin, ces nouvelles données suggèrent que plus d’une protéine contrôlent les variations de courbure membranaire nécessaires à l’endocytose, soit en se liant aux lipides, soit en les modifiant. Ce modèle très « mécanique », associé aux données biochimiques, donne une idée des contraintes physiques requises pour courber une membrane.

Comment passer d’un neurone excitateur à un neurone inhibiteur par thérapie génique

La maladie de Parkinson est liée à une mort sélective des neurones dopaminergiques nigro-striataux localisés dans la pars compacta de la substance noire. Cette diminution massive des concentrations de dopamine au niveau des ganglions de la base entraîne une activation tout aussi massive des neurones glutamatergiques du noyau subthalamique (NST) dont les synapses asymétriques excitent d’autant plus leurs neurones cibles dans le segment interne du pallidum et la substance noire réticulée. Plusieurs approches ont donc été tentées pour améliorer les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson. Initialement, l’ablation neurochirurgicale pure et simple a été proposée puis remplacée par la stimulation à haute fréquence à l’aide d ‘électrodes implantées bilatéralement au niveau du STN [46]. Plus récemment, une approche pharmacologique tendant à antagoniser l’action du glutamate au niveau des neurones cibles, ou encore à inhiber les neurones excitateurs du STN par la lidocaïne ou le muscimol, un agoniste GABAergique, a été employée [47]. Un article récent de Luo et al. [48] renforce les espoirs apportés par l’approche de thérapie génique. Ces auteurs ont tout simplement eu l’idée de faire passer les neurones du STN d’une fonction stimulatrice à une fonction inhibitrice en leur transférant le gène de la glutamic acid decarboxylase (GAD), l’enzyme de synthèse du GABA, le neurotransmetteur inhibiteur principal dans le système nerveux central des vertébrés supérieurs. L’enzyme existant sous deux isoformes de 65 et 67 kDa, des vecteurs contenant ces deux ADNc ainsi que celui d’une protéine fluorescente, la GFP, furent préparés et injectés dans le NST dans l’hémisphère gauche. Quatre à cinq mois après, certains des rats furent rendus « parkinsoniens » par l’induction d’une lésion à la 6-OHDA, et comparés aux rats transgéniques témoins. La présence de la GFP permit aux auteurs de démontrer une localisation correcte du transgène dans les neurones ciblés. Par microdialyse, la présence de GAD65 entraîna une augmentation d’un facteur 4 de la libération de GABA au niveau de la substance noire, l’effet étant moins net avec la GAD67. Cette augmentation de la libération de GABA conduisit à une inhibition massive de l’activité des neurones de la substance noire réticulée après stimulation du NST (78 % d’inhibition chez les animaux implantés avec le gène de la GAD65 contre 74 % de stimulation chez les témoins). L’analyse de l’activité locomotrice des rats ayant subi une lésion à la 6-OHDA révéla une diminution importante des syndromes parkinsoniens chez les animaux transfectés avec GAD65. Enfin, cerise sur le gâteau, chez ces mêmes animaux, 35 % des neurones dopaminergiques de la pars compacta de la substance noire et 80 % de ceux qui sont localisés dans l’aire tegmentale ventrale furent protégés de la dégénérescence induite par la 6-OHDA, avec un effet moins net pour les animaux GAD67.

Ces résultats sont bien évidemment très prometteurs. Fondamentalement, ils posent des questions passionnantes : le transfert d’un simple gène fait passer une population neuronale d’un phénotype stimulateur à un phénotype inhibiteur, mais que se passe-t-il au niveau de la morphologie de la synapse puisqu’on sait que celle-ci est différente dans les deux cas ? Que deviennent les récepteurs post-synaptiques ? Quant à l’application clinique qui peut être envisagée à partir de ces études, il reste à démontrer l’efficacité d’un tel transfert de gènes chez des patients déjà cliniquement parkinsoniens, donc présentant déjà une dégénérescence massive des neurones dopaminergiques. En outre, la fonction excitatrice du NTS n’est pas limitée au contrôle de la motricité, et l’amélioration des symptômes moteurs qu’entraîne la stimulation du NTS ne s’accompagne pas forcément de celle des fonctions psychiques [49]. Il faut espérer qu’une évaluation comportementale plus complète, incluant les sphères cognitives et émotionnelles chez le rongeur, mais aussi chez le primate non humain, sera entreprise avant le lancement des essais cliniques…

Siah2 ubiquitinyle et rend instable TRAF-2

Plus de livraison de revues de biologie cellulaire et moléculaire sans la découverte d’une nouvelle E3 ubiquitine ligase et/ou de son substrat. Les protéines Siah1 et Siah2 possèdent un motif RING finger connu pour figurer dans de nombreuses E3 ubiquitine ligases. De fait, une activité de ce type a été rapportée pour Siah1 pour l’ubiquitinylation et la dégradation de DCC, c-myb, BOB-1/OF1, Kid et β-caténine. Pour Siah2, les substrats connus sont DCC, BAG-1 et le répresseur du récepteur nucléaire. Siah2 partage une homologie structurale avec TRAF2 (TNF-receptor associated factor) au niveau du motif RING. Cela a conduit les auteurs à rechercher une activité E3 de TRAF2. En fait, ils mettent en évidence une ubiquitinylation de TRAF2 par Siah2. Siah2 est ainsi responsable d’une dégradation de TRAF2 qui se traduit par une diminution de la réponse NF-κB associée à une activation de JNK lors d’un stress cellulaire, résultant en l’induction par exemple du TNF-α. Il en résulte une augmentation de l’apoptose par inhibition de la réponse de survie. Tant Siah le TRAF à l’ubiquitine qu’à la fin la cellule se brise !