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Dans ce vaste ouvrage, issu, apparemment sans grands ajustements, d’une thèse de doctorat, l’auteur nous livre une cartographie exhaustive du carnaval noir de Bahia. S’appuyant sur les auteurs les plus classiques dans l’analyse de l’ethnicité et du Carnaval, l’auteur fait le portrait total de la fête : ses lieux et ses acteurs, sa préparation et ses conséquences. L’auteur va ainsi au-delà de la partie visible de la fête, pour nous introduire au véritable « marché de la fête », la montrant comme « multi-fonctionnelle et multi-dimensionnelle » faisant voir tout ce qu’elle implique sur le plan organisationnel, financier, publicitaire, sécuritaire, etc. L’auteur décortique l’événement montrant qui fait quoi, qui paie quoi, qui gagne et qui perd, et il procède à la description des espaces et des entités carnavalesques.

Cela ne l’empêche pas de donner une importance particulière à la musicalité et de décrire amplement les fondements historiques du carnaval de manière limpide et systématique, en insistant particulièrement sur les blocs et les groupes de percussions dits afro-bahianais qui font la spécificité du carnaval de Salvador. La construction de l’identité noire à travers les activités des groupes afro-bahianais est l’objet d’une attention particulière et constitue le point fort de l’ouvrage.

Ce livre aurait grandement bénéficié d’une révision de la forme avant publication : on y rencontre de nombreuses gaucheries de langage ; des traductions trop littérales du portugais : le rio Vermelho est un fleuve et non une rivière (p. 248), la mudança du Garcia (p. 243) est un déménagement avant d’être un changement, etc. On regrettera également la présence de plusieurs notes redondantes et d’autres défaillances occasionnelles (notes absentes, incohérences entre le numéro et la note).

L’ethnologue regrettera surtout à la lecture de cet ouvrage, bien fondé historiquement, limpide et systématique dans la présentation des données, que le point de vue de l’observateur, qui sans nul doute est important, ait pris presque toute la place. Le carnaval de Salvador de Bahia n’est-il pas une fête participative qui se distingue par le fait qu’une minorité assiste tandis que la majorité (2 millions de personnes) est dans la rue? Le lecteur terminera pourtant l’ouvrage sans avoir une idée très claire de ce qu’est participer au carnaval de Salvador, de la façon dont se sent le fêtard. Il aura plutôt l’impression d’avoir regardé passer le défilé d’une loge de luxe, entouré de journalistes et de sociologues. L’auteur avance que « lorsqu’on fait la fête on ne peut pas l’analyser » (p. 101) mais pourquoi ne pas la faire avant de l’analyser!

L’ouvrage atteint cependant son objectif de dresser un portrait du carnaval comme un événement total, multi-fonctionnel et multi-dimensionnel et constituera un manuel de référence incontournable en français sur le carnaval de Salvador. L’ouvrage comprend des photographies, des cartes, des graphiques et de nombreuses données historiques et statistiques qui en font un ouvrage de référence indispensable pour qui s’intéresse au carnaval de Salvador.