Corps de l’article

Après le génome, le… kinome

Cette semaine, Nature et Science nous font passer du génome à l’étape suivante, celle des effecteurs, c’est-à-dire les voies de signalisation. Une compagnie privée, Sugen, du groupe Pharmacia, à laquelle se joint Tony Hunter, publie dans Science l’analyse de toutes les kinases intervenant dans les fonctions cellulaires [1]. Il s’agit d’une étude rétrospective de compilation, déduite de la publication de toutes les données (gènes, ADNc et EST) disponibles (publiques du consortium du génome humain, ou privées de Céléra, Incyte EST, GenBank, etc.) provenant du séquençage du génome humain. Le total de ces kinases se monte à 518, ce qui est bien moindre que les 1000 envisagées il y a 15 ans, mais représente malgré tout 1,7 % des gènes. Pour les auteurs, ces 518 kinases sont au complet, et donc responsables de l’ensemble des phosphorylations de l’organisme humain. La plupart (478) appartiennent à une seule famille protéique, dont la signature est un domaine catalytique ePK, et 40 sont dites aPK (a = atypical). Soixante et onze d’entre elles étaient soit inconnues, soit leur activité enzymatique n’avait pas été confirmée. Parmi les petites nouvelles, citons une nouvelle cycline, deux nouvelles MAP3K et deux nouvelles MAP4K. La classification originelle de T. Hunter en 5 groupes, 44 familles et 51 sous-familles, fondée sur une comparaison de séquences primaires et du domaine catalytique, a été complétée par l’ajout de 4 groupes de kinases[*], 90 familles et 145 sous-familles, et forme un arbre qui orne la page de bienvenue du site [2]. Une comparaison phylogénétique permet non seulement de déduire l’évolution par duplication de certains de ces gènes, et de dater leur ségrégation, mais aussi de constater une conservation des familles entre l’espèce humaine, C. elegans et la drosophile, chaque catégorie, famille ou sous-famille s’avérant plus nombreuse chez l’homme que dans les deux autres espèces. Ce nombre élevé de kinases caractérise des systèmes très développés chez l’homme comme l’hématopoïèse et les systèmes nerveux, vasculaire ou immunitaire. Mais pourquoi diable l’homme a-t-il 14 familles de récepteurs Ephrine et le ver ou la mouche une seule? L’étude de la séquence permet également de décrire les domaines d’interaction avec d’autres protéines de signalisation, posant les pièces du puzzle qui se complétera au cours des prochaines années. On reconnaît aussi quelques bizarreries, comme le fait que 50 de ces kinases ont un domaine catalytique inactif, dont la signification n’est pas claire à ce jour. Sugen et ses partenaires ont également déterminé la localisation chromosomique des gènes codant pour toutes ces kinases, ce qui permet de faire le lien avec la pathologie humaine. Outre la possibilité de détecter des clusters de gènes de kinases dans un même locus, comme celui qui réunit les gènes des kinases des récepteurs du PDGF et du CSF-1 sur le chromosome 5 et qui est conservé chez le pfuffer fish, l’analyse décèle que 164 kinases sont présentes dans des amplicons observés dans des tumeurs et que 80 le sont dans des locus impliqués dans d’autres maladies importantes. Est-ce à dire que dans quelques années chacun de nous se définira par un réseau d’algorithmes comme celui que décrivent Y. Pommier et K.W. Kohn (p. 173 de ce numéro) pour le cycle cellulaire, ou Lee et al. dans un récent numéro de Science, pour le fonctionnement de la levure? [3]

L’AfCS: vous saurez tout… tout… tout sur la cellule

Alfred Gilman, prix Nobel en 1994 pour sa découverte des protéines G, lance à grands renforts de publicité le site dédié au consortium, l’AfCS, The Alliance for Cell Signalling dans Nature, le partenaire de cette aventure [4]. Maintenant qu’il n’apparaît plus totalement hors de portée des scientifiques de disséquer complètement le fonctionnement cellulaire grâce aux informations qu’apporte le séquençage du génome et aux progrès technologiques notamment de la « protéomique », le but avoué des investigateurs participant à ce réseau (50 scientifiques dans 20 instituts exclusivement nord-américains) est de comprendre complètement (fully) les voies qu’utilise une cellule pour interpréter les signaux auxquels elle est exposée, et ce en fonction des innombrables contextes. Cette masse de données serait intégrée sous forme d’une « cellule virtuelle » faite de réseaux interactifs, qui permettrait de prévoir la réponse cellulaire (globale) à la modification d’une des pièces du puzzle. L’effort de l’AfCS est concentré sur deux cellules, le lymphocyte B et le myocyte cardiaque, et les premiers articles rappellent le pourquoi de ces choix, et le plan de bataille. Concrètement, il s’agit d’un plan sur 10 ans, doté d’un financement de 10 millions de dollars par an, issu de fonds publics et privés, et qui servira au financement de 8 laboratoires propres de l’AfCS (déjà opérationnels et dédiés au développement d’ARN db interférents, ou d’anticorps contre des formes actives ou inactives de protéines de signalisation, ou encore à la « lipidomique »…), et au fonctionnement « collectif » de mise à disposition des données, notamment par Internet et… Nature! Outre les 50 investigateurs, l’Alliance compte 1500 membres responsables de la rédaction de « faits et chiffres » (molecule page) pour chacune des 3000 protéines impliquées dans les voies de signalisation, base de données qui sera accessible sur le site www.signaling-gateway.org. S’ajoute à ces considérations assez générales un couplet sur l’importance du partage immédiat de l’information, et sur l’importance du fonctionnement collectif, encouragé il est vrai outre-Atlantique par les glue-grants multicentriques au nom évocateur. Charité bien ordonnée… à suivre…

Comment muscler la moelle osseuse

Si la présence dans la moelle osseuse de cellules souches/progéniteurs capables de contribuer à une population d’hépatocytes dans le foie, ou de fibres musculaires différenciées dans le muscle squelettique ne fait plus de doute, en revanche, on pouvait être inquiet, dans l’hypothèse d’une application thérapeutique future, du peu d’efficacité de ce processus (0,2 % des fibres musculaires). Le groupe de Helen Blau nous rend plus optimistes en confirmant la production de nouvelles cellules satellites par des cellules médullaires, et en démontrant que ce n’est que sous l’impulsion de molécules sécrétées localement en réponse à un traumatisme musculaire que ces cellules satellites contribueront efficacement à la fabrication de nouvelles fibres musculaires. La démonstration est très élégante et convaincante puisque l’analyse de la cinétique d’implantation des cellules satellites, puis de leur différenciation en fibres multinucléées est faite à l’échelon de fibres musculaires uniques [5]. C’est un processus en deux étapes: dans une première étape, les cellules de la moelle osseuse de souris transgéniques GFP, transplantées par voie intraveineuse à un receveur dont on a irradié le muscle, colonisent les « niches » laissées vacantes en périphérie des fibres musculaires par les cellules satellites éliminées par l’irradiation. Si H. Blau ne nous dit rien ni de la nature ni du potentiel global des progéniteurs médullaires qui migrent dans le muscle et s’installent dans les niches appropriées, elle démontre en tout cas très clairement que ces cellules médullaires adoptent le profil génétique et le destin fonctionnel de cellules satellites. En effet, ces cellules, une fois isolées, et testées in vitro ou in vivo (injection dans un muscle) peuvent contribuer à la prolifération de myoblastes et fusionner en myotubes. Spontanément, cependant, ces cellules satellites sont assez passives et persistent quiescentes pendant plusieurs mois dans le muscle qu’elles ont colonisé. Mais si on contraint le muscle à un exercice prolongé, les cellules satellites d’origine médullaire, au même titre que les cellules satellites « endogènes » normales, entrent en mitose, et fusionnent pour former des fibres multinucléées. Ce n’est pas tant l’augmentation du nombre de cellules satellites qui est remarquable, car il varie peu (5 % des cellules satellites sont d’origine médullaire) que leur différenciation en fibres multinucléées, puisque 3 à 5 % d’entre elles sont issues des cellules de la moelle osseuse.

Une voie thérapeutique pour les myopathies: la myostatine…

La myostatine est un membre de la superfamille des TGF-β qui semble jouer un rôle de régulateur négatif de la masse musculaire. En effet, aussi bien chez les rongeurs que chez les bovins, des mutations de ce gène entraînent une augmentation de la masse musculaire et du poids corporel des animaux. Si les applications dans le domaine agro-alimentaire sont facilement imaginables, les débouchés thérapeutiques d’une telle observation pour des affections musculaires comme les myopathies restent plus hypothétiques. Une équipe américaine vient de montrer, dans le modèle murin de la dystrophie musculaire de Duchenne, l’effet bénéfique du blocage de la myostatine tant sur la masse que sur la fonction musculaire. En effet, l’injection intrapéritonéale hebdomadaire (pendant 3 mois) d’anticorps dirigés contre la myostatine chez les animaux mutants mdx entraîne, par rapport à des animaux non traités, une augmentation de leur masse musculaire relative plus importante que celle de leur poids corporel. Il sagit d’une hypertrophie musculaire et non d’une hyperplasie, c’est-à-dire d’une augmentation du diamètre des fibres et non de leur nombre. Cependant, la proportion des fibres centronucléées, qui sont le stigmate des fibres en régénération, est plus importante. Si toutes les anomalies phénotypiques ne sont pas corrigées, la fonction du muscle est néanmoins nettement améliorée comme le prouvent les tests de contraction tétanique ou rota-rod (capacité de l’animal de rester agrippé à une roue qui tourne). De plus, l’étude du diaphragme, seul muscle dont l’histologie soit très comparable à celle du muscle de l’enfant myopathe, révèle une diminution des infiltrats inflammatoires et de la dégénerescence des fibres. Enfin, l’augmentation drastique des créatine kinases musculaires sériques, qui confirme le diagnostic, est nettement atténuée chez les animaux traités. Il s’agit donc d’un premier pas intéressant dans une voie pharmacologique simple non seulement pour le traitement de ces myopathies mais probablement aussi, puisqu’il ne s’agit pas d’un traitement spécifique, pour d’autres affections musculaires. Le mécanisme n’est pas élucidé ici, les auteurs se contentant simplement de démontrer la diminution de la phosphorylation des protéines Smad-2 et Smad-3 dans des cellules musculaires en culture traitées par l’anticorps bloquant la myostatine. La liste des partenaires nucléaires de ces protéines et de leurs cibles transcriptionnelles est longue… Il s’agit donc d’une nouvelle voie potentiellement thérapeutique à défricher.

DJ-1: un quatrième gène dans la maladie de Parkinson

Bien qu’elles ne représentent qu’une petite proportion des cas de maladie de Parkinson, les formes monogéniques permettent d’impliquer de nouvelles voies dans les mécanismes menant à la mort des neurones dopaminergiques de la substantia nigra, qui caractérise cette maladie. Parmi les gènes impliqués, celui de la parkine (forme autosomique récessive à début précoce) est le plus fréquemment touché, soulignant le rôle de l’ubiquitinylation dans la pathologie, au même titre que le gène UCHL-I, très rarement muté. Enfin, une forme d’α-synucléine (forme autosomique dominante) constitue un substrat de la parkine, cette protéine représentant un composant important des corps de Lewy. Très récemment, une équipe néerlandaise a fait le lien entre des mutations d’un nouveau gène, DJ-1, et PARK7, une forme autosomique récessive à début précoce [7, 8]. Cette équipe a d’abord identifié le locus par cartographie génétique dans une population isolée du sud-est du pays, avant de démontrer l’implication de ce même locus dans une famille italienne. La stratégie d’analyse systématique des transcrits de cette région par RT-PCR a abouti à l’identification d’une délétion des cinq premiers exons du gène DJ-1, co-ségrégeant avec la pathologie dans la famille néerlandaise. Cette mutation résulte d’une recombinaison entre deux séquences Alu. Une mutation ponctuelle (L166P) a ensuite été mise en évidence dans la famille italienne. La première mutation entraîne l’absence de la protéine DJ-1 et une perte complète de fonction, et la seconde introduit une proline dans une hélice α. La connaissance de la structure tridimensionnelle de DJ-1 permet de prédire que la mutation L166P pourrait empêcher sa trimérisation, et modifier la structure de son site actif. Sa fonction exacte dans les neurones dopaminergiques n’est pas connue mais DJ-1 est associée à de nombreux complexes protéiques. Entre autres, elle interagit et contrôle l’activité d’oncogènes, de protéines de liaison à l’ARN et du récepteur des androgènes. De plus, DJ-1 a été identifiée comme une protéine de réponse au stress oxydant. Il est tentant de penser qu’une perte de fonction de DJ-1 pourrait induire la maladie de Parkinson en augmentant le stress oxydant et la mort sélective des neurones dopaminergiques de la substantia nigra. Il reste maintenant à déterminer la fréquence des mutations de DJ-1, au moins parmi les formes précoces de la maladie de Parkinson, et à déterminer comment son absence entraîne une dégénérescence sélective des neurones dopaminergiques.

Le virus du Nil occidental chez les crocos

Philippe Desprès et Jean-Louis Guénet nous racontaient le mois dernier la génétique de sensibilité à ce virus, et sa propagation parmi les oiseaux, les chevaux et les humains ((→) m/s 2003, n° 1, p. 9). Voici que le virus se propage aux reptiles [9]: trois crocodiles de Floride seraient à leur tour infectés. Au cours de ces dernières années, des centaines d’aligators sont morts subitement dans les élevages de Floride et ce qui avait été attribué à un empoisonnement est peut-être en partie imputable au virus du Nil occidental depuis 1999. Encore faut-il le prouver en recherchant non seulement les anticorps spécifiques mais aussi le virus lui-même chez ces prédateurs! Mais si cela se révèle exact, quel succès pour le moustique vecteur que de prélever son repas sanguin chez un animal à sang froid. Plus inquiétant, la zoonose du Nil occidental pourrait se propager chez les reptiles par une voie de transmission inconnue.

Un gène nouveau pour un vieux syndrome de retard mental lié à l’X

Le syndrome de Börjeson-Forssman-Lehmann (BFLS) fait partie du groupe des retards mentaux liés à l’X. Il fut identifié en 1962, et comporte une symptomatologie complexe: outre le retard mental sévère avec épilepsie, on observe un hypogonadisme, une obésité importante, une bouffissure de la face, des fentes palpébrales étroites et de grandes oreilles. Le diagnostic différentiel peut se poser avec des syndromes cliniquement voisins, comme ceux de Prader-Willi, de Coffin-Lowry ou de Bardet-Biedl. Les garçons sont touchés, mais les filles vectrices présentent parfois un tableau clinique presque complet, dû probablement à une inactivation sélective de l’X normal. La localisation en Xq26-27 fut faite dès 1989 [10]. En 1999, l’observation d’un enfant atteint de BFLS et porteur d’une duplication avec point de cassure en Xq26.3 permit de réduire un peu la région candidate. La responsabilité du gène codant pour FGF13 (fibroblast growth factor) à l’origine du BFLS fut alors envisagée [11]. Cette hypothèse s’avère à présent fausse puisque, dans cette région de plusieurs Mb où les gènes connus sont déjà très nombreux, des chercheurs viennent d’isoler le gène en cause [12]. Sur 62 candidats possibles, les chercheurs en ont analysé 18 dont ils ont pu rejeter la responsabilité et ils ont trouvé un gène encore inconnu, PHF6 (plant-homeodomain [PHD]-like finger) qui est certainement à l’origine du syndrome. Des mutations sont présentes chez les malades de 7 familles atteintes de BFLS et dans deux cas sporadiques (dans 4 autres cas sporadiques, supposés être des BFLS, le gène est intact). Toutes les femmes vectrices ont une inactivation sélective de l’X porteur de la mutation dans 100 % de leurs lymphocytes, sauf une, qui présente des signes cliniques avec une inactivation de 70 % environ. Les mutations (non-sens, faux-sens), dans 5 exons différents, doivent entraîner la formation de protéines tronquées ou anormales. On ignore encore la fonction de la protéine PHF6, mais la présence de doigts de zinc évoque un facteur de transcription. PHF6 est très conservé dans l’évolution (on le retrouve chez Danio rerio et Xenopus laevis). Chez la souris, il est fortement exprimé dans le cerveau au cours du développement. Par immunohistochimie, on voit que la localisation du transcrit est nucléaire, préférentiellement nucléolaire (il co-localise avec une protéine spécifique du nucléole, la nucléoline). On sait que les nucléoles sont impliqués dans la biogenèse des ribosomes, mais qu’ils participent aussi à des synthèses ou à des régulations de protéines (p53 par exemple). Quant aux autres protéines à domaine PHD, elles peuvent être associées au remodelage de la chromatine et sont en cause dans des maladies humaines, comme le syndrome ATR-X. Il sera donc très intéressant de connaître le mécanisme d’action de PHF6 et de comprendre l’origine des manifestations cliniques complexes de ce syndrome.

Tu as bien déjeuné, Coco?

Les perroquets, c’est bien connu, sont capables de répéter fidèlement les paroles qu’ils entendent. On sait désormais pourquoi. Dans les forêts d’Amérique latine où ils vivent en liberté, cette capacité d’imitation joue un rôle social considérable. Lorsqu’ils se rassemblent en groupes dans les buissons du Costa Rica pour se nourrir et s’accoupler, certains psittacidés (Aratinga canicularis, par exemple) lancent des appels. Chaque cri diffère légèrement de celui du voisin. Y répondre - en imitant exactement un cri choisi parmi les autres - est la preuve manifeste de l’intérêt porté à celui qui l’a lancé, une invite à ce congénère d’aller faire un tour ensemble… et plus, si affinités. Pour faire son choix dans cette cacophonie, pour trouver le bon partenaire, il faut manifestement une oreille exercée et d’excellents dons d’imitateur. Toutefois, si le groupe devient trop important, les oiseaux se dispersent sur un signal d’envol lancé par l’un d’entre eux. Mais dans le Nouveau Monde, perroquets et perruches connaissent encore d’autres délices. Au Pantaval, région humide de l’Ouest brésilien, un arbuste (Combretum lancecolatum) les attire avec de délicieuses friandises. Lorsqu’il fleurit, chaque fleur produit durant la nuit des boules de gomme à partir de ses quatre glandes à nectar, grâce à un complexe gélatineux qui se solidifie (glucomannane). Il ressemble à de la gomme arabique que l’on peut obtenir habituellement après traumatisme de plantes, comme après l’incision du tronc d’Acacia senegal par exemple. Cette manne abondante de boules sucrées (contenant glucose et fructose) attire de nombreux oiseaux. Dès le matin, arrivent les oiseaux-mouches, qui se contentent de les sucer, car elles sont bien trop grosses pour qu’ils puissent les avaler. Puis viennent, avec pigeons et grives, les perruches qui, en les dégustant, se couvrent de pollen de la tête à la queue et fécondent ainsi ces arbustes. élégante façon d’être pollinisés par des oiseaux, plutôt que par des insectes qui pourraient en même temps les parasiter, et technique efficace puisque le Combretum lanceolatum s’étend sur tout le territoire du Pentaval [13].

Faut-il parfois préférer l’amer?

Les lecteurs de médecine/sciences ont été tenus au courant du bon goût et de la particularité des récepteurs des substances amères depuis deux ans déjà ((→) m/s 2000, n° 6-7, p. 852). Mais il reste encore beaucoup à apprendre sur la famille des T2R, ces gènes sans intron, organisés par groupes sur les chromosomes, en 5p15, 7q31 et 12p13 qui codent pour les récepteurs des sensations gustatives d’amertume. D’autant que si le refus d’avaler des substances amères évite souvent aux humains d’ingérer des poisons, comme la strychnine par exemple, il est des extraits de plantes au goût amer au demeurant très bénéfiques. Ainsi, l’aspirine, connue depuis des millénaires, était absorbée par les Assyriens et les égyptiens il y a plus de 3500 ans, sous forme de décoction de feuilles ou d’écorce de saule, pour calmer la douleur [14]. Dans la famille T2R (ou TAS2R), une équipe allemande vient tout récemment de s’intéresser à TAS2R16, afin de savoir quelles sont les substances reconnues spécifiquement par le récepteur gustatif correspondant [15]. Elle montre que le récepteur de rat T2R9, et les récepteurs humains TAS2R10 et TAS2R16 répondent respectivement (et spécifiquement) à la cycloheximide, à la strychnine et à la salicine (le β-glucopyranoside de l’aspirine). T2R9, TAS2R10 et TAS2R16 ont été étudiés in vitro et in vivo. Pour l’analyse in vitro, les séquences codantes de chacun de ces gènes ont été insérées dans des cassettes d’expression puis transfectées dans des cellules HEK293/15. Les réponses observées par immunocytochimie au microscope confocal montrent une fluorescence localisée à la membrane cellulaire, indiquant un adressage correct des récepteurs. Une mesure du calcium intracellulaire des cellules transfectées par T2R9, TAS2R10 et TAS2R16 - en présence successivement de cycloheximidine, strychnine et salicine - montre une réponse spécifique pour une seule de ces substances. TAS2R16 répond aux β-glucopyranosides, mais pas aux α-pyranosides. Comme cela est fréquemment observé dans les systèmes sensoriels, la présentation répétée ou prolongée du produit entraîne une diminution de la réponse et une désensibilisation croisée est obtenue entre différents β-glucopyranosides. Une étude des réponses gustatives chez l’homme (8 sujets) montre cette même adaptation croisée et une localisation des récepteurs dans les bourgeons gustatifs des papilles et pas dans d’autres tissus. TAS2R16 est activé par un résidu hydrophobe lié au glucose par un pont β-glycosidique. Il est bon de s’intéresser aux substances amères car certaines sont utiles dans la prévention de maladies. Elles pourraient être introduites dans l’alimentation, à condition de trouver le moyen de les dissocier de la sensation d’amertume qui les accompagne.

Comment Nef permet-elle aux cellules infectées par le VIH de « s’immuno-évader »?

Comme de nombreux autres virus, le VIH-1 a mis en place un mécanisme permettant aux cellules infectées d’échapper au bras armé de la réponse immunitaire que constituent les lymphocytes T tueurs ou cytotoxiques. Ces derniers reconnaissent à la surface des cellules infectées des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I (CMH-I) présentant des peptides d’origine virale. Le VIH-1 a mis au point une stratégie originale par rapport aux autres virus pour inhiber l’expression des CMH-I de surface et échapper aux lymphocytes T spécifiques du virus. Cette stratégie repose sur la petite protéine Nef qui inhibe sélectivement l’expression des CMH-I en induisant leur endocytose et leur séquestration dans un compartiment péri-nucléaire [16], ce que Serge Bénichou et Alexandre Benmerah nous décrivaient le mois dernier [17]. Mais ils soulignaient notre méconnaissance du mécanisme de cette endocytose, énigme qui vient d’être en partie levée par l’équipe de G. Thomas (Vollum Institute, Portland, Oregon, USA) [18]. Trois étapes se succèdent: Nef est tout d’abord recrutée sur des membranes de l’appareil de Golgi grâce à sa liaison à PACS-1, une molécule impliquée dans le tri des protéines membranaires. Nef peut alors recruter et activer une PI3 kinase. La production de PIP3 qui en résulte recrute ARNO, un facteur d’échange de la petite GTPase ARF6, à la membrane plasmique. L’activation d’ARF6 par ARNO stimule l’endocytose des CMH-I par une voie clathrine/dynamine indépendante. Enfin, Nef empêche les CMH-I présents dans les endosomes d’être recyclés vers la membrane plasmique et les dirige plutôt vers l’appareil de Golgi où ils sont séquestrés. Trois motifs peptidiques de Nef fonctionnent séquentiellement pour contrôler le tri dépendant de PACS-1, l’activation d’ARF6 et la séquestration des CMH-I. Même si un certain nombre d’éléments du puzzle avaient déjà été positionnés, cet article propose un modèle nouveau dont la portée fondamentale et clinique pourrait s’avérer importante.

Cycline E, un marqueur pronostique essentiel dans le cancer du sein

Une équipe du MD Anderson Cancer Center de Houston (Texas, USA) vient de publier [19] des résultats qui pourraient faire date dans la recherche de facteurs pronostiques dans le cancer du sein. Cette étude rétrospective a analysé les niveaux d’expression de plusieurs protéines régulatrices du cycle cellulaire dans des pièces tissulaires provenant de 395 patientes. Parmi les 114 patientes souffrant de carcinomes mammaires au stade I, les 102 dont les cellules tumorales exprimaient un niveau faible de cycline E sont toujours vivantes plus de sept ans après la détection de la maladie, tandis que la médiane de survie de celles dont les cellules exprimaient une cycline E élevée a été de 4 ans seulement. En fait, une étude statistique multivariée montre que le risque associé à un taux important de cycline E est plus élevé que celui qui est associé à n’importe quel autre facteur de risque, clinique ou pathologique, identifié à ce jour dans ce type de cancer. Le mécanisme d’action de la cycline E est connu depuis quelque temps déjà: cette cycline s’associe en phase G1 avec la kinase CDK2 (cyclin dependent kinase) pour former un complexe protéique capable de phosphoryler la protéine suppresseur de tumeur pRb qui peut alors libérer le facteur de transcription E2F responsable de l’activation de gènes impliqués dans la division cellulaire. En outre, l’activation de la cycline E est connue pour être associée à des réarrangements chromosomiques, signes caractéristiques d’une transformation cellulaire. Les auteurs précisent aussi que les formes de cycline E, qui sont élevées et donc de mauvais pronostic, sont justement celles qui ont l’activité enzymatique la plus importante; il s’agit des formes tronquées dépourvues en partie de leur extrémité amino-terminale. Si l’implication de la cycline E dans le cancer du sein avait déjà été évoquée mais de façon controversée [20], l’utilisation à présent d’anticorps permettant de visualiser les formes plus courtes de la cycline E va certainement déboucher sur la mise au point d’un test immunohistochimique qu’attendent avec impatience les cliniciens.

A TOR ou à raison: cycline D1 et prolifération des hépatocytes…

Lors d’une division cellulaire, la cellule se voit d’abord dans l’obligation d’augmenter son volume, afin que les cellules filles soient de volume équivalent à celui de la cellule d’origine. Les inter-relations entre la croissance des cellules et leur cycle mitotique sont néanmoins très mal connues. Trois protéines au moins, PI3K, TOR (target of rapamycine) et myc, ont été impliquées à la fois dans la régulation de la croissance et de la prolifération, le rôle de chacune semblant très dépendant du contexte cellulaire. Ainsi, l’inhibition de TOR empêche la progression dans le cycle cellulaire, l’induction de la synthèse protéique et la croissance des cellules stimulées par des facteurs de croissance. Une cible dans les cellules de mammifères est la cycline D1, nécessaire à la progression en phase G1 du cycle cellulaire, et dont l’expression est bloquée par la rapamycine. L’équipe d’Albrecht [21] (Minnesota, USA) vient de montrer que la rapamycine inhibait la prolifération des hépatocytes de rat en culture via l’inhibition traductionnelle de la cycline D1. Une fois le point de contrôle G1 passé, la rapamycine n’a plus d’effet sur le cycle cellulaire hépatocytaire. Si la cycline D1 est à nouveau exprimée dans les hépatocytes traités par la rapamycine par l’intermédiaire d’un adénovirus, la synthèse d’ADN et la synthèse protéique de ces cellules sont restaurées. À l’inverse, ni la cycline E, située en aval, ni Akt, qui agit en amont de TOR, ne sont capables d’induire la progression du cycle cellulaire en présence de rapamycine. Il en est de même in vivo puisque, chez les animaux traités par la rapamycine, et ayant subi une hépatectomie des 2/3, la synthèse d’ADN des hépatocytes chute dramatiquement, et s’accompagne d’une diminution significative de l’expression de la cycline D1 hépatique et des protéines situées en aval dans le cycle cellulaire. L’injection d’un adénovirus codant pour la cycline D1 restaure la synthèse d’ADN et la croissance du foie de ces animaux. L’analyse fine des hépatocytes des souris ainsi traitées révèle une augmentation de leur volume. Ces résultats suggèrent donc bien que, dans les cellules hépatiques au moins, la cycline D1 est un médiateur essentiel à la fois de la prolifération et de la croissance cellulaire en aval de la voie de TOR. En dehors de leur intérêt cognitif, ces travaux pourraient avoir des applications directes, notamment dans le cadre de l’utilisation des analogues de la rapamycine en tant qu’agents anti-tumoraux. En effet, on peut présager que des tumeurs surexprimant la cycline D1 puissent être résistantes aux effets anti-prolifératifs de ces médicaments.

Une p53 peut en cacher une autre!

Nous nous sommes récemment fait l’écho du travail de Stuart et al. [22] qui démontrait que la surexpression de la protéine p53 protégeait l’animal du développement de tumeurs spontanées ou de tumeurs induites par un carcinogène. Mais ceci avait un prix: une vie plus courte des animaux transgéniques. p53 nous rappelait le choix d’Achille, qui préféra une vie brève mais pleine de gloire à une longue vie tranquille. Voici qu’un nouveau groupe [23] confirme l’effet préventif de l’expression accrue de p53 sur la survenue de tumeurs cancéreuses… mais cette fois avec une durée de vie normale! D’où le nom donné à leur souris de super-53 mouse. La différence pourrait tenir au transgène lui-même. Dans le premier cas, il s’agissait d’une protéine tronquée, constitutivement active, tandis que, dans le nouveau travail, il s’agit de l’insertion d’un troisième gène codant pour p53, avec ses éléments de régulation. Une dose de p53, ça va, trois doses… Bonjour, les dégâts!

Intérêt des ligands de PPARγ en cancérologie

Plusieurs médicaments aux indications diverses s’avèrent exercer, entre autres, des effets sur l’angiogenèse. C’était déjà le cas pour l’interféron-α, la thalidomide et les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase-2 (COX2). Panigrahy et al. [24] viennent de démontrer que les thiazolidinediones, dont la rosiglitazone, médicaments anti-diabétiques dont la cible est PPARγ (peroxisome proliferator activated receptors-γ), un des principaux régulateurs de la différenciation des adipocytes, inhibent l’angiogenèse ((→) m/s 2002, n°1, p. 20). PPARγ est fortement exprimé dans l’endothélium de la peau et dans celui associé à de nombreuses tumeurs, et il est activé en présence de rosiglitazone, comme le montre la protéolyse qui suit la liaison. Les effets anti-angiogéniques de la rosiglitazone sont à la fois directs et indirects: inhibition de la croissance des cellules endothéliales en présence de bFGF (basic fibroblast growth factor), et inhibition de la sécrétion de VEGF (vascular endothelial growth factor). L’effet anti-angiogénique de la rosiglitazone, et son influence négative sur le développement tumoral et la dissémination métastatique, ont été étudiés in vivo, dans un modèle de greffe de tumeurs sous-cutanées. Cet effet est également présent dans un autre modèle de cancer orthotopique de la prostate créé chez la souris par implantation de cellules cancéreuses humaines. Le traitement par la rosiglitazone a inhibé la croissance de la tumeur et la sécrétion de l’antigène spécifique de la prostate, marqueur de cette tumeur. Tous ces résultats suggèrent que la rosiglitazone, par son action anti-angiogénique sur l’endothélium, et par le blocage du passage trans-endothélial de cellules, est un inhibiteur puissant du développement et de la dissémination des tumeurs qui pourrait être également utile dans des affections non cancéreuses comme le psoriasis, l’endométriose et l’arthrite rhumatoïde.

Récepteur de l’aldostérone et fibrose cardiaque

La fibrose cardiaque joue un rôle majeur dans le développement de l’insuffisance cardiaque. Elle est souvent associée à la stimulation du système rénine-angiotensine. En particulier, l’excès d’aldostérone, un minéralocorticoïde, est un facteur de fibrose cardiaque et a des effets délétères sur la fonction cardiaque. Le traitement de malades en insuffisance cardiaque par la spironolactone, un antagoniste du récepteur des minéralocorticoïdes (RM), a été bénéfique sur l’évolution de la maladie et sa mortalité. Cependant, le mécanisme de cet effet reste inconnu. Est-il direct ou passe-t-il par l’inhibition des RM exprimés dans le rein, ce qui, en augmentant l’élimination de sodium et en épargnant du potassium, conduit à l’amélioration de la fonction cardiaque? Pour résoudre ce problème, Beggah et al. [25] ont créé un modèle de souris exprimant un transgène inductible (Tet-off) codant pour un ARNm antisens bloquant la traduction du RM. En l’absence de traitement par la doxycycline, le récepteur n’est pas exprimé dans le coeur, et les souris développent après 2 à 3 mois une cardiopathie avec cardiomégalie conduisant à une insuffisance cardiaque sévère. Il existe une fibrose interstitielle diffuse avec dépôt de collagène, mais sans inflammation. Lorsque les souris gestantes sont traitées par la doxycycline, le récepteur est exprimé, et aucune anomalie cardiaque n’est notée dans la descendance des souris. L’administration de spironolactone aux souris transgéniques sans doxycycline aggrave les lésions cardiaques et l’insuffisance cardiaque, potentialisant ainsi les effets de l’ARNm antisens. À l’inverse, l’administration de doxycycline à ces souris les guérit de leur cardiopathie, montrant le caractère régressif des lésions. Ce travail permet de conclure que l’effet profibrotique de l’aldostérone sur le muscle cardiaque n’est pas direct, mais dépend vraisemblablement de l’action de l’hormone sur des RM présents dans d’autres organes. De manière tout à fait inattendue, le manque de RM dans le coeur conduit aussi à la fibrose sans qu’on sache actuellement comment. En particulier, la fibrose cardiaque précède-t-elle ou suit-elle la cardiomégalie et l’insuffisance cardiaque et quelles sont les fonctions du myocyte cardiaque altérées lorsqu’on empêche le signal induit par l’aldostérone d’être transcrit? Enfin, ce modèle de fibrose tissulaire réversible montre bien que ce type de lésions peut être accessible à la thérapeutique.

Encore du nouveau dans le domaine des maladies auto-inflammatoires

On savait déjà que des mutations de CIAS1 (cold-induced autoinflammatory syndrome), gène situé en 1q44 et codant pour la cryopyrine, étaient responsables du syndrome de Muckle-Wells (MW) et de l’urticaire familiale au froid (UFF) ((→) m/s 2002, n° 5, p. 555). Le groupe d’Alain Fischer vient de démontrer que des mutations de ce gène étaient également à l’origine des formes familiales d’une autre affection auto-inflammatoire, elle aussi à transmission autosomique dominante, connue en Europe sous le nom de CINCA (chronicinfantile neurological cutaneous and articular syndrome) et dans la littérature anglo-saxonne sous celui de NOMID (neonatal onset multisystemic inflammatory disease) (OMIM 607115). Le CINCA est une affection rare, caractérisée par des manifestations cutanées, une méningite séreuse chronique et des arthropathies comportant des anomalies de la croissance du tissu cartilagineux, associées à des accès fébriles récurrents [26]. Feldmann et al. ont identifié 7 mutations différentes de CIAS1 présentes chez les sujets atteints de CINCA de 7 familles non apparentées [27]. À l’instar de celles observées dans le MW et l’UFF, il s’agissait de mutations faux-sens siégeant toutes dans l’exon 3. Dans 5 familles, il s’agissait de mutations de novo. Aucune de ces mutations n’a été trouvée chez les sujets non affectés de ces familles, ni chez plus de 70 sujets témoins de même origine ethnique, excluant donc qu’il s’agisse de polymorphismes communs. Ces auteurs ont confirmé que CIAS1 était fortement exprimé dans les polynucléaires du sang circulant et ont montré qu’il l’était également dans les chondrocytes, constatation intéressante compte tenu des anomalies ostéo-articulaires présentes dans le CINCA, suggérant que le cartilage puisse être une cible de CIAS1. La fonction précise de la cryopyrine est encore inconnue mais sa structure (elle comporte 2 domaines d’interaction protéines-protéines, un domaine pyrine en amino-terminal et un domaine LRR [leucin-rich repeats] carboxy-terminal, séparés par un domaine central NBS [nucleotide-bindingsite]) l’apparente à plusieurs autres protéines constituant la famille des PYPAF, protéines que l’on sait impliquées dans la régulation de l’apoptose et de l’inflammation par l’intermédiaire de l’activation de NF-κB et des caspases [28]. La cryoprotéine est elle-même identifiée sous le nom de PYPAF1. Cinq des mutations identifiées par Feldmann et al. portent sur le domaine NBS de la cryopyrine dont elles pourraient altérer la fonction.

La perception du temps nous protège-t-elle du malin?

À peu d’exceptions près, tout être vivant est doté d’une horloge biologique lui permettant de se synchroniser sur son habitat. Depuis une dizaine d’années, des données cliniques suggèrent l’existence d’un lien entre horloge biologique et développement cancéreux. L’équipe de F. Lévi (Paris, France) a montré que la destruction des noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus (le centre nerveux de l’horloge biologique interne) de la souris est associée à une croissance accélérée de tumeurs implantées [29]. L’ensemble de ces données, suggérant un rôle important du système circadien dans le contrôle de la prolifération cellulaire et de la progression tumorale, est maintenant renforcé par une récente publication dans le journal Cell [30]. Les auteurs de cette étude montrent que des souris homozygotes pour une mutation du gène Per2, qui code pour une protéine essentielle de l’horloge circadienne [31], sont significativement plus sensibles au développement de tumeurs spontanées ou induites par irradiation. Bien que les souris homozygotes pour la mutation per2 ne montrent aucune anomalie morphologique à la naissance, une hyperplasie des glandes salivaires apparaît chez la totalité des animaux étudiés, les mâles développent des tératomes et 15 % des souris meurent des suites de lymphomes spontanés, fréquence qui monte à 71 % après irradiation (contre 5 % chez les animaux sauvages). Il n’est pas exclu que la perturbation du rythme ait une influence directe sur le système immunitaire dont la fonction de surveillance et d’élimination des cellules anormales serait dès lors moins efficace que chez les individus sains. Cependant, l’observation faite par les auteurs selon laquelle l’expression de plusieurs gènes directement impliqués dans le contrôle de la prolifération cellulaire (c-myc, cycline D1, GDD45α) est circadienne et perturbée dans les mutants per2, renforce l’hypothèse d’un lien entre horloge biologique et régulation de la croissance tissulaire. Les auteurs de ce travail ont ainsi démontré qu’une perturbation du rythme circadien a un effet majeur sur la sensibilité au développement tumoral, et apportent ainsi une contribution importante à la compréhension des mécanismes sous-tendant la régulation de la prolifération cellulaire par les gènes de l’horloge.

IRM et bruit

Le bruit intense (122 à 131 dB) qui est produit pendant un examen IRM (imagerie par résonance magnétique) est un des rares inconvénients de cette technique, non seulement pour les patients mais également pour les professionnels qui restent près de l’appareil pendant de longues périodes. En l’absence de protection d’oreilles, on note une augmentation temporaire des seuils auditifs [32]. L’étude de Radomskij et al. [33] met en évidence, grâce à l’utilisation d’une technique plus sensible, l’enregistrement des émissions oto-acoustiques, une altération du fonctionnement des cellules ciliées externes en dépit de l’utilisation de bouchons d’oreilles. Parce que la sensibilité au bruit varie selon les individus, les patients pourraient avoir une surdité irréversible après un examen IRM. Si les protections d’oreille efficaces des patients (avec une attention particulière pour les enfants et les bébés) et du personnel soignant sont sans nul doute importantes, le développement d’appareils moins bruyants serait sûrement la prévention la plus efficace.

Les grenouilles menacées par les herbicides

L’atrazine, qui appartient à la famille des chloro-s-triazines, est un herbicide utilisé dans le monde entier, et dont la diffusion dans les eaux est clairement en rapport avec les quantités utilisées. Une équipe de Berkeley, en Californie, a récemment étudié sa toxicité chez les batraciens. Une première étude avait porté sur la grenouille d’Afrique, Xenopus laevis, par immersion des larves et examen histologiaue à la métamorphose [34]. Les auteurs avaient constaté le développement d’un hermaphrodisme et la démasculinisation du larynx. Un travail plus récent porte sur une autre espèce de batraciens, la grenouille léopard (Rana pipiens) fréquente aux États-Unis, espèce que l’on constate être en déclin [35]. Les larves ont été exposées à des concentrations croissantes d’atrazine. Dans ce cas aussi, le développement d’ovocytes testiculaires et un retard de dévelopement gonadique ont été observés chez les mâles exposés, par comparaison aux témoins. Le travail d’une équipe de l’Illinois (USA) avait par ailleurs constaté une intersexualité chez une troisième espèce, la grenouille criquet (Acris crepitans) [36]. L’ensemble de ces constatations justifiait une enquête de terrain qui a été menée par les scientifiques de Berkeley dans huit sites s’étendant d’ouest en est de l’Utah à l’Iowa, et différents quant à leur agriculture. La féminisation des grenouilles mâles était clairement en rapport avec l’importance de la vente d’atrazine, et la contamination des eaux, pratiquement nulle dans les zones non agricoles. On sait aussi que les pluies de printemps qui entraînent l’atrazine coïncident avec la saison de reproduction des amphibiens. Le mécanisme en cause serait sans doute une induction de l’aromatase (cytochrome CYP19), enzyme qui convertit les androgènes en oestrogènes, plutôt qu’une action directe de l’atrazine. Cette hypothèse est confirmée par les travaux d’une équipe hollandaise qui a étudié la toxicité de l’atrazine dans des cultures cellulaires [37, 38]. Ces auteurs ont montré, en effet, que la stimulation oestrogénique des chloro-s-triazines n’est pas induite par des récepteurs, mais s’accompagne toujours d’une synthèse d’ARNm d’aromatase. Comme quoi un herbicide dans l’environnement entraîne des perturbations du développement endocrinien, s’attaque aux amphibiens en général, et pourrait les éliminer!

Des affinités sélectives… mais bien variables

Dans le buisson touffu des mille et une kinases (ou plutôt des 518, voir p. 155 de ce numéro), il fut un temps béni, mais hélas fort bref, où les choses étaient linéairement simples: un signal mitogène activait une tyrosine kinase, qui recrutait une petite protéine G, activant une M4K qui phosphorylait et activait une M3K, et ainsi de suite en M2K puis l’une des trois grandes familles de MAP-kinases. Une trop simple complexité pour ne pas recéler des interactions entre cascades de signalisation encore plus complexes. Nous nous sommes ici fait l’écho des découvertes successives concernant les protéines d’échafaudages, dont une fonction essentielle est de rassembler plusieurs kinases et d’assurer une spécificité de l’interaction. La M3K MEKK1 semblait déjà occuper une place à part. Elle participait en effet à la transduction des signaux destinés à ERK (elle est activée par raf1 par exemple) comme à celle des signaux ayant pour cible finale JNK (Traf2, Tax, p115RhoGAP). Cela se confirme [39]. Lorsque MEKK1 est déphosphorylée, elle se lie, en amino-terminal, à JNK/SAPK1 et, au niveau de son site catalytique, à MEK4. L’activation en cascade est prête: MEK4 d’abord, JNK ensuite! Et bien non, ou pas forcément. Lorsque la kinase PAK1 est activée en réponse à un stress UV par exemple, elle phosphoryle MEKK1 sur la sérine 67, provoquant la libération de JNK sans son activation, et le substrat préférentiel de MEK4 va être le récepteur de l’acide rétinoïque RXR. Pour activer JNK, il faut la présence active de la phosphatase PP2A qui déphosphoryle S67 et permet à JNK de rester au voisinage de MEK4 activée. Enfin un stress qui inhibe une kinase de stress: soigner le mal par le mal…

Appréciez la bonne chère, mais faites du sport

Si on connaît le lien entre exercice musculaire et réduction de la fréquence des accidents cardiovasculaires, on ignore si l’exercice est efficace en lui-même ou doit être associé à une perte de poids, et quelles lipoprotéines sont affectées. Pour répondre à ces questions, Kraus et al. [40] ont étudié 111 sujets des deux sexes ayant un excès pondéral avec dyslipidémie. Ces sujets ont été répartis au hasard en quatre groupes, un témoin et les trois autres soumis à la pratique d’un exercice musculaire pendant huit mois, de durée et d’intensité variables, allant de l’équivalent d’une course de 32 km par semaine, à l’équivalent d’une marche de 19,2 km par semaine. Les sujets furent encouragés à maintenir leur poids par une alimentation adéquate. Une amélioration du profil lipidique de tous les sujets ayant pratiqué l’exercice musculaire a été constatée: diminution des triglycérides totaux et des triglycérides associés aux lipoprotéines de très basse densité (VLDL), tendance à la diminution du nombre de particules de lipoprotéines de basse densité (LDL). Ce n’est que dans le groupe soumis à un exercice physique intense et prolongé que des modifications franches des LDL, et modérées des HDL, ont été détectées. En quoi ces modifications peuvent-elles être bénéfiques? L’exercice a essentiellement pour effet d’augmenter l’oxydation des triglycérides dans les mitochondries des myocytes en vue de fournir l’énergie nécessaire. Les changements des concentrations de cholestérol lié aux LDL ou aux HDL seraient secondaires à la diminution de la triglycéridémie. Il en serait de même pour la meilleure sensibilité du tissu adipeux à l’insuline conduisant à une moindre disponibilité en acides gras et à une diminution de la synthèse des triglycérides par le foie réalisant ainsi un cercle vertueux. On sait en outre que les LDL et les VLDL sont athérogènes et les HDL protectrices. L’exercice entraîne donc une réponse graduelle du profil des lipoprotéines dans un sens favorable à la prévention de l’athérome. De plus, ces changements sont indépendants de la chute du poids. Cela devrait faire plaisir à ceux qui pensent plus facile de pratiquer un sport que de maigrir.

Téléphone portable et schwannome vestibulaire

Le schwannome vestibulaire, ou neurinome de l’acoustique, est une tumeur bénigne se développant à partir des cellules de Schwann entourant le nerf cochléo-vestibulaire, VIIIe paire crânienne. Les fréquences radio des téléphones portables sont absorbées superficiellement par la peau, l’os et les structures intra-crâniennes en regard de l’oreille. Le développement de l’utilisation de ces téléphones a suscité de nombreuses études tendant à en vérifier l’innocuité. L’étude de Muscal et al. [41] apporte, si cela était nécessaire, de nouveaux arguments épidémiologiques quant à l’absence statistique de risque de développer, chez des utilisateurs de téléphone portable, un neurinome de l’acoustique. Plus intéressant, les patients ayant une tumeur qui ont été étudiés utilisent plutôt leur téléphone du côté controlatéral à la tumeur, ce qui pourrait être le reflet de la surdité due à la tumeur. Compte tenu de l’évolution naturelle de la tumeur et du délai entre les premiers symptômes et le diagnostic, des études avec un recul plus long d’utilisation des portables sont en cours. À suivre…

Les parathyroïdes ont besoin de chaperons

L’association d’une hypoparathyroïdie avec un retard mental, un retard de croissance et une dysmorphie faciale (HRD) a été décrite par plusieurs groupes de chercheurs chez des enfants du Moyen-Orient issus de familles consanguines. Cette entité porte le nom des premiers auteurs à l’avoir décrite et s’intitule donc syndrome de Sanjad-Sakati ou HRD/SSS. Décrite en Arabie Saoudite et au Qatar, elle a été retrouvée chez des Bédouins du Néguev, venus probablement de l’Arabie occidentale il y a 400 à 500 ans. Un autre syndrome, comportant les mêmes signes plus une ostéosclérose (épaississement de la corticale des os longs et du crâne) - le syndrome de Kenny-Caffey - peut exister sous forme dominante ou récessive (AR-KCS). Les formes récessives ont aussi été observées chez des enfants du Koweït, d’Arabie Saoudite et chez des Bédouins, comme pour le syndrome HRD/SSS. Pour chacune de ces maladies, la découverte d’un même locus en 1q42-43 fit supposer une origine génétique identique et peut-être même l’existence d’une seule entité clinique. Cette hypothèse vient d’être confirmée par la découverte de mutations dans un même gène pour des cas de HRD/SSS et de AR-KCS [42]. Il s’agit du gène TBCE (tubulin-specific chaperone E). Découvert en 1996, il code pour une des protéines chaperons nécessaires au pliage des sous-unités de l’α-tubuline et la formation d’hétérodimères d’α- et de β-tubuline [43]. Chez les malades (de 8 familles d’AR-KCS et de 7 familles de HRD/SSS), on trouve des délétions et des mutations tronquantes. L’étude des fibroblastes et des lymphocytes montre une diminution de la densité des microtubules et une disparition de l’organisation radiaire de ceux-ci à partir du centre organisateur. Voici donc un nouvel exemple de maladie causée par la déficience d’une protéine chaperon. Mais le mécanisme pathogénique est loin d’être élucidé. D’autant plus que, chez la souris, une mutation faux-sens (Trp524Gly) de TCBE vient d’être mise en évidence dans une neuropathie motrice progressive, avec mort en 6 semaines par atteinte du nerf phrénique [44]. Cette atteinte neurodégénérative murine est beaucoup plus proche d’autres maladies à manifestations neurologiques prédominantes que provoquent les mutations d’autres protéines chaperons [45]: maladies neurologiques dues à des altérations des protéines Tau [46], lissencéphalie liée à l’X et DCX (double cortine) [47], ou encore la rétinite pigmentaire liée à l’X et RP2 (une protéine ayant des homologies avec la chaperonine C spécifique de la tubuline) entre autres. En revanche, les deux maladies alléliques causées par des mutations de TBCE ont des manifestations cliniques fort différentes, le plus étonnant étant l’absence de glandes parathyroïdes et la survenue d’une ostéosclérose chez certains malades dans la forme Kenny-Caffey. Les troubles de la polarité des microtubules peuvent affecter de nombreuses fonctions, telles que le transport intracellulaire, la transduction du signal et la migration cellulaire. Les mécanismes physiopathologiques restent donc à découvrir.