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Les β-arrestines n’arrêtent plus… de nous surprendre

Les β-arrestines (β-arr1 et β-arr2) sont deux protéines très homologues, semblables à l’arrestine visuelle. Alors que l’arrestine visuelle est spécifique de la rhodopsine, les β-arrestines interagissent avec la plupart des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplés aux protéines G (RCPG). Le rôle fonctionnel le plus anciennement connu des β-arrestines est celui de découplage des récepteurs activés des protéines G hétéro-trimériques, un processus de régulation qui limite dans le temps l’effet stimulant des ligands agonistes. Cette régulation, également connue sous le terme de désensibilisation, correspond à la translocation des β-arrestines cytosoliques vers les récepteurs membranaires phosphorylés. Au cours de ces dernières années, il a été montré que les β-arrestines constituent également des adaptateurs moléculaires permettant le recrutement des RCPG activés dans les puits recouverts de clathrine. Plus récemment, il a été montré que les β-arrestines se lient et activent des kinases de la famille Src et qu’elles sont des protéines d’échafaudage reliant plusieurs protéines des cascades des MAP-kinases ERK et JNK. Au repos, la β-arr2 est exclue du noyau, alors que la β-arr1 a une distribution à la fois cytosolique et nucléaire. L’utilisation de la leptomycine B, un poison du système d’export nucléaire, a permis de préciser que la β-arr2 est activement exclue du noyau [1]. Ce phénomène est dû à la présence, dans l’extrémité carboxy-terminale de la protéine, d’un signal d’export nucléaire (NES) classique, absent de la β-arr1. Un test d’import nucléaire dans la levure a permis de démontrer que β-arr2 est activement importée dans le noyau.

La découverte du mouvement nucléo-cytoplasmique de la β-arr2 suggérait l’existence de fonctions nucléaires spécifiques. Il avait déjà été montré que la surexpression de la β-arr2 provoquait l’exclusion nucléaire de JNK3 [2]. Les nouveaux résultats indiquent que l’export nucléaire de la β-arr2 est nécessaire à la rétention cytoplasmique de JNK3. En effet, en présence d’un mutant ponctuel du signal d’export nucléaire de la β-arr2, JNK3 et le mutant se co-localisent exclusivement dans le noyau. Dans le contexte de l’activation de la voie JNK3 par un RCPG, l’interaction entre JNK3 et β-arr2 servirait à rediriger spécifiquement JNK3 vers des substrats cytosoliques, aux dépens des substrats nucléaires. Les fonctions nucléaires de la β-arr2 pourraient ne pas s’arrêter là. En effet, d’autres protéines de la machinerie d’endocytose, telle qu’Eps15, trafiquent également entre cytosol et noyau et sont douées d’activités transcriptionnelles [3]. Il ne serait donc pas surprenant que la β-arr2 puisse participer au contrôle transcriptionnel de certains gènes. Rendez-vous donc peut-être dans un prochain numéro de m/s

Une crème à la caféine contre les tumeurs cutanées?

L’augmentation de l’incidence des cancers cutanés dans de nombreux pays incite à la recherche de stratégies préventives qui puissent être mises en oeuvre chez des sujets à risque, exposés aux rayonnements solaires de manière massive. Un modèle animal adapté à ce type d’étude a été élaboré. Il s’agit de souris glabres SKH-1, chez qui l’exposition bi-hebdomadaire à des rayons UVB pendant 20 semaines entraîne une hyperplasie épidermique, puis, dans les mois suivants, des tumeurs cutanées sans qu’une exposition ultérieure aux UVB soit requise. Dans ce modèle, l’application cutanée quotidienne de caféine au décours de l’exposition aux UVB réduit l’apparition de tumeurs cutanées de plus de 50 %. [4]. L’effet de la caféine est probablement en grande partie secondaire à l’induction spectaculaire de l’apoptose des cellules tumorales, alors même que l’apoptose des zones non tumorales n’est pas modifiée. En revanche, l’effet anti-prolifératif de la caféine est négligeable. Reste à passer de la souris à l’homme… excitant, non?

Identification du CAF, l’anti-viral VIH-1 naturel tant attendu

L’infection par le virus VIH-1, comme toute infection virale, déclenche une réponse immune de type cellulaire cytotoxique, détruisant les lymphocytes infectés, et dont les effecteurs sont les lymphocytes T CD8+. Cette réponse, restreinte par la compatibilité CMH, est dirigée contre des épitopes présents dans les protéines virales Gag, Env, Nef entre autres. Or, dans les années 1995, il était devenu évident que certains patients infectés par le VIH-1 restaient asymptomatiques et gardaient un taux normal de lymphocytes CD4+ pendant plus de 10-15 ans (long-term non progressors). Ce contrôle de l’infection virale avait été associé à la découverte d’une réponse anti-virale naturelle, non cytotoxique, indépendante du contexte CMH, et qui s’exerçait par l’intermédiaire d’un facteur soluble, appelé CAF (cellular antiviral factor). Le mécanisme d’action n’était pas clair, inhibition peut-être de la réplication virale, mais ce qui était sûr, c’était que CAF était actif quels que soient le phénotype de la cible virale (lymphocytes CD4+ et macrophages) et le tropisme de la souche virale. L’intérêt thérapeutique évident de cette molécule est à la mesure de l’acharnement mis à en identifier la nature. On a en 1995 incriminé les β-chimiokines (RANTES, MIP-1α et MIP-1β), mais cet effet était lié à la résistance à l’infection par le VIH-1 des cellules des patients ayant une mutation de CCR5, récepteur des β-chimiokines et co-récepteur des souches à tropisme macrophagique du virus. Pour toutes ces raisons, les résultats de l’équipe de D. Ho sont essentiels [5]. Le succès de D. Ho est aussi expliqué par les progrès technologiques, puisque c’est une approche protéomique (protein chip) qui a été utilisée[*]: la comparaison des profils protéiques des surnageants de lymphocytes CD8+ de patients LTNP, de patients malades, et de témoins a montré la présence de 3 pics uniquement chez les LTNP et les témoins. Ces trois pics correspondent aux défensines α, 1,2 et 3, et il n’y a aucune ambiguïté sur ce résultat. Compte tenu de l’enjeu, les auteurs ont évalué avec une extrême rigueur expérimentale le rôle biologique de ces trois molécules avant de conclure qu’elles correspondaient à l’activité décrite précédemment sous le nom de CAF. Cela n’a cependant pas empêché une certaine controverse de naître dans la littérature depuis la publication de cet article. Les lymphocytes CD8+ ne sont pas une source connue de défensines α, contrairement aux polynucléaires neutrophiles et, à un moindre degré, aux cellules natural killer et aux monocytes, en première ligne lors de l’attaque infectieuse. Tout reste à comprendre sur le mécanisme d’action anti-viral de ces molécules qui, classiquement, s’attaquent surtout à la membrane bactérienne et dont l’activité anti-virale était plus rarement décrite. Mais ce superbe travail suscite un énorme enthousiasme chez tous les cliniciens en charge des patients atteints de SIDA et l’on comprend aisément pourquoi. On ne peut qu’espérer que les travaux en cours ne le déçoivent pas.

Identification du gène le plus fréquent dans les syndromes de Bardet-Biedl

Le syndrome de Bardet-Biedl ou BBS (obésité, dystrophie rétinienne, polydactylie, hypogénitalisme et malformations rénales) est génétiquement très hétérogène et 6 locus au moins ont été répertoriés. Le gène MKKS (pour syndrome McKusick-Kaufman) a été trouvé impliqué dans une forme rare de BBS classée BBS6 dont le locus est situé en 20p12. Puis les gènes correspondant à BBS2 (en 16q21) [7], BBS4 (en 15q22.3-q23) [8] ont été identifiés. Un groupe de chercheurs vient de découvrir le gène impliqué dans la forme BBS1, la plus fréquente et dont le locus se situe en 11q13 [9]. Après avoir exclu un certain nombre de gènes de la région candidate, un gène qui a été appelé BBS1 a été isolé. Des mutations ont été trouvées d’abord dans des familles d’origine portoricaine et turque, puis chez 22/60 malades nord-américains. BBS1 comprend 17 exons, s’étend sur 23 kb environ et code pour une protéine n’ayant aucune similitude avec des protéines déjà connues. Parmi les différentes mutations observées, l’une se révèle particulièrement fréquente. Il s’agit d’une transversion T → G dans l’exon 12 qui entraîne la substitution d’une méthionine par une arginine au codon 390. Elle est souvent retrouvée à l’état homozygote chez les malades (16/22). Dans cette forme de BBS, l’hypothèse d’une hérédité tri-allélique (2 mutations sur un locus et une troisième sur un autre locus), invoquée dans le cas du gène MKKS [10], peut être exclue, la maladie ségrégeant de façon récessive dans les familles multiplex. Toutefois, l’existence d’un autre gène sur le même locus ne peut encore être formellement rejetée. On le voit, beaucoup de chemin a été parcouru depuis les premières descriptions de syndrome de Laurence-Moon-Bardet-Biedl.

L’écologie alimentaire au secours de la conservation d’une espèce

Le kakapo, autrefois commun en Nouvelle-Zélande, est une variante nocturne du perroquet, qui était en voie d’extinction dans les années 1980 du fait de l’introduction de prédateurs par les Européens un siècle auparavant. En 1982, les animaux survivants furent capturés et transférés dans de petites îles dépourvues de prédateurs afin de sauver l’espèce [11]. En 2001, on comptait 62 oiseaux dont 21 adultes femelles, seulement 6 femelles ayant été produites depuis 1982. La théorie sur la répartition des sexes de Trivers et Willard [12] propose que les petits d’une femelle en bonne condition physique soient en majorité du sexe qui tire le plus de bénéfice de cette amélioration. Or, les kakapo se reproduisent sur de petits territoires visités au moment de l’accouplement par les femelles et défendus âprement par les mâles, dans des combats allant parfois jusqu’à la mort. Ainsi, les mâles les plus forts et les plus vigoureux ont-ils de meilleures chances de se reproduire. De plus, les mâles, grandissant plus et plus vite que les femelles, sont théoriquement plus coûteux à élever que les femelles. Par conséquent, selon la théorie de Trivers et Willard, des femelles en bonne condition physique devaient produire plus de mâles. C’est effectivement ce qui a été observé, les femelles dont l’alimentation avait été améliorée artificiellement produisant 67 % de mâles contre 29 % en l’absence de supplémentation. Afin de favoriser la production d’oeufs femelles, la supplémentation alimentaire des mères a été retardée jusqu’après la production des oeufs, afin de favoriser la survie de la descendance sans introduire le biais favorisant les mâles. Cette stratégie a été couronnée de succès, 15 des 24 oeufs éclos ayant produit des femelles. Le mécanisme par lequel les femelles manipulent le sex ratio reste pour l’instant un mystère. Mais l’observation écologique a ici permis d’améliorer la conservation d’une espèce en voie de disparition! Il reste maintenant à installer cette espèce précieuse dans une zone qu’on aura débarrassée de ses prédateurs.

Une thérapie génique par le silence…

L’utilisation de petits ARN interférants (siRNA, si pour silencing) est une stratégie envisagée depuis quelques années pour réduire au silence de façon spécifique l’expression de certains gènes. Leur usage chez les mammifères, dont on imagine pourtant toutes les applications potentielles, est encore resté très limité. Une équipe américaine (Iowa) vient de démontrer qu’un siRNA délivré par un vecteur adénoviral était capable de diminuer l’expression d’un transgène ou d’un gène endogène ciblé aussi bien in vitro qu’in vivo [13]. Après injection d’un adénovirus exprimant un siRNA dirigé contre la GFP (green fluorescent protein) dans le striatum de souris transgéniques, une diminution d’expression de ce transgène traceur a été notée. De même, l’administration intraveineuse d’un adénovirus codant pour un siRNA dérivé de la β-glucuronidase entraîne une diminution de 12 % de l’activité enzymatique hépatique correspondante. Bien que ce type d’approche ne permette d’obtenir qu’un ciblage transitoire et imparfait du gène d’intérêt, les applications envisageables sont nombreuses. En guise d’illustration, les mêmes auteurs ont ciblé in vitro l’expansion de polyglutamines rencontrée dans certaines maladies neurodégénératives dominantes, décrite dans ces colonnes et généralement responsable d’une agrégation toxique des protéines correspondantes ((→) m/s 1999, n°11, p. 1314). Des lignées cellulaires exprimant une GFP fusionnée à une répétition de polyglutamines et infectées par un adénovirus exprimant un siRNA-GFP, présentent une diminution de plus de 90 % de leur fluorescence. Cette chute est corrélée à une diminution significative des agrégats protéiques observés dans les cellules témoins. Un vecteur intégratif, de type lentiviral par exemple, aurait sans doute été plus approprié pour démontrer l’efficacité au long cours de ce type d’approche. Il reste néanmoins assez séduisant de pouvoir ainsi diminuer à façon l’expression de gènes cibles aussi bien pour étudier les conséquences d’une invalidation partielle de l’expression d’un gène, que pour diminuer les effets phénotypiques délétères d’une mutation dominante.

Évaluer la BNP en urgence

Le peptide natriurétique de type B (BNP) est une hormone cardiaque sécrétée essentiellement par les ventricules en réponse à l’expansion volumique et à la pression de surcharge. Sa concentration plasmatique est élevée chez les patients atteints d’insuffisance ventriculaire gauche et d’insuffisance cardiaque globale. Le diagnostic d’insuffisance cardiaque est parfois une urgence, et pour confirmer la valeur discriminante du dosage de BNP (qui peut se faire en 15 minutes au lit du malade), Maisel et al. [14] ont conduit une étude multicentrique intéressant plusieurs pays dont la France. Parmi les 1586 malades examinés en urgence pour dyspnée aiguë, le diagnostic d’insuffisance cardiaque ou de dyspnée en relation avec une cause non cardiaque chez des sujets avec ou sans antécédents de cardiopathie a été porté chez 744, 72 et 770 malades, respectivement. Une concentration de BNP de 100 pg/ml ou excédant cette valeur fut choisie comme indice d’insuffisance cardiaque. Dans ce cas, la spécificité du test était de 76 % (pourcentage de sujets indemnes d’insuffisance cardiaque ayant un test négatif) et sa sensibilité de 90 % (pourcentage d’insuffisance cardiaque chez les sujets ayant un test positif). Plus précisément, une valeur prédictive positive de 79 % (probabilité d’avoir une insuffisance cardiaque si le test est positif) et une valeur prédictive négative de 89 % (probabilité d’être indemne lorsque le test est négatif) furent calculées. Dans la population étudiée, ce test se révéla être le facteur le plus puissant de diagnostic d’insuffisance cardiaque dans une analyse de régression multiple faisant intervenir d’autres symptômes cliniques (âge, antécédents, râles à l’auscultation, oedème, jugulaires distendues…). Lorsqu’on examine des seuils au-dessous de 100 pg/ml, la sensibilité et la valeur prédictive négative augmentent, mais la spécificité et la valeur prédictive positive diminuent. Ce dosage est un exemple du développement de la biologie médicale d’urgence qui apporte une réponse immédiate au réanimateur et est de réalisation plus simple et souvent moins coûteuse que les techniques d’imagerie.

Prions: l’assassin est dans la maison

Les maladies à prions se caractérisent par une dégénérescence du cerveau, associée à une mort neuronale. La protéine prion, PrPC, est exprimée très largement et de façon totalement physiologique dans la plupart des tissus des mammifères, comme nous le décrivons dans un texte publié dans ce même numéro de médecine/ sciences (voir p. 1267). On supposait que la forme anormale de la PrPC, appelée PrPSc, qui s’accumule dans le cerveau des personnes atteintes sous forme d’agrégats et aux propriétés biochimiques particulières (insolubilité dans les détergents et résistance aux protéases), était impliquée dans l’étiologie et la transmission de la maladie, ainsi que dans le développement des lésions neurodégénératives. Or, des travaux récents publiés par l’équipe de Susan Lindquist dans la revue Science remettent en cause cette dernière hypothèse en démontrant que c’est la PrPC, et non la PrPSc « infectieuse », qui pourrait être à l’origine de la neurodégénérescence observée dans les maladies à prions.

Jiyan Ma et Susan Lindquist démontrent que lorsque la fonction du protéasome est perturbée par des inhibiteurs spécifiques, la PrPC s’accumule dans le cytosol de cellules non infectées par les prions, sous une forme probablement mal repliée possédant des propriétés biochimiques similaires à celles de la PrPSc (résistance aux protéases et insolubilité dans les détergents). Comme pour la conversion de la PrPC en PrPSc dans les modèles infectieux, ces PrPC cytosoliques anormales semblent convertir d’autres molécules de PrPC de façon auto-catalytique, ce qui conduit à une accumulation dans le cytosol de formes mal repliées de protéines du prion. Ces protéines prion cytosoliques sont très toxiques pour les cellules neuronales alors qu’elles n’ont aucun effet sur des cellules de type fibroblastique. Cette toxicité a été confirmée par une autre approche: l’expression, sous le contrôle d’un promoteur inductible, d’une PrPC cytosolique (délétée de sa séquence signal et de son ancre GPI) dans des modèles cellulaires provoque la mort neuronale par apoptose. Des souris transgéniques exprimant cette PrPc cytosolique se développent normalement mais présentent rapidement des signes d’ataxie, de neurodégénérescence cérébrale et de perte de contrôle musculaire similaires à ceux décrits pour les patients atteints de maladie à prions. Curieusement, aucune forme de PrPSc n’a pu être mise en évidence chez toutes les souris testées, et à aucun stade de la maladie.

Ces travaux soulèvent deux points fondamentaux. D’après ces nouvelles données, obtenues à partir de cellules non infectées, la PrPSc ne serait pas directement impliquée dans la mort neuronale, ce qui est à l’opposé de ce que l’on pensait depuis longtemps. En revanche, dans les cas où les capacités fonctionnelles du protéasome sont compromises, certaines formes de la protéine PrPC endogène deviendraient très toxiques pour les neurones. La fonction du protéasome pouvant être perturbée par différents facteurs tels que le stress ou l’âge, ce phénomène pourrait ainsi expliquer l’apparition des formes sporadiques des maladies à prions comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Par ailleurs, les inhibiteurs du protéasome font actuellement l’objet d’essais thérapeutiques dans certaines maladies telles que le cancer. Les travaux de Susan Lindquist suggèrent que ces agents doivent être utilisés avec précaution chez les personnes susceptibles de développer une maladie à prions. À l’opposé, le développement de drogues qui stimuleraient l’activité du protéasome pourrait s’avérer d’un grand intérêt thérapeutique. Il reste maintenant à comprendre comment la PrPc cytosolique mal repliée tue la cellule et quel est le rôle de la PrPSc dans la maladie. Le mystère des prions reste entier.

Allergie à l’Euro

Manipuler des pièces de 1 et 2 Euros peut vous attirer des ennuis sous la forme d’une dermatite de contact due à l’excès de nickel contenu dans ces pièces bicolores et bimétalliques (zinc + nickel). Non seulement le taux de nickel de ces pièces est très supérieur au taux autorisé par la directive européenne 94/27/EEC, mais en plus, la structure bi-métallique de ces pièces fait qu’au contact de la sueur de la main, un courant de 30-40mV est créé, qui ne fait qu’aggraver la corrosion et donc le relargage de nickel. Mais méfions-nous: ce sont des Suisses qui ont fait le travail, et l’hebdomadaire anglo-saxon Nature qui publie les résultats [17], deux chauds partisans de l’Europe!!! Et bien entendu, le Franc suisse ne relargue aucun nickel…

Schizophrénie, retard mental et excès de proline

La schizophrénie est une maladie psychiatrique qui touche 1 % de la population mondiale, soit 600000 personnes en France. Les causes cette maladie à hérédité complexe, ainsi que les voies biologiques concernées sont encore mal connues. Les symptômes observés chez les patients schizophrènes sont principalement attribués à un développement neuronal anormal, se manifestant à la fin de la maturation du cerveau. Plusieurs gènes ainsi que des facteurs environnementaux sont vraisemblablement impliqués, mais à ce jour, malgré des recherches intenses, aucun gène de susceptibilité n’est connu avec certitude. Des travaux réalisés aux Etats-Unis ces dernières années suggéraient qu’une région du chromosome 22 pourrait contenir un tel facteur de risque génétique [18]. Cette région de 3 Mb, qui contient environ 25 gènes, est délétée dans le syndrome de DiGeorge [19]. Ce syndrome, caractérisé au cours des années 1980, touche un enfant sur 4000. Il associe diverses manifestations cliniques et s’accompagne fréquemment d’un retard mental léger et de troubles psychiatriques. Parmi les patients atteints du syndrome de DiGeorge, la prévalence de la schizophrénie pourrait atteindre jusqu’à 30 % selon certaines études. L’équipe Inserm rouennaise de Dominique Campion, Florence Thibaut et Thierry Frébourg a entrepris une étude détaillée de 23 gènes de la région 22q11 chez 63 patients schizophrènes en utilisant une nouvelle technique de PCR quantitative permettant de caractériser des micro-remaniements au niveau d’un seul gène voire d’un seul exon [20]. Une délétion hétérozygote isolée du gène PRODH (proline déshydrogénase) a été identifiée dans une famille comprenant deux patients schizophrènes, alors que chez trois autres patients des mutations ponctuelles de ce même gène ont été mises en évidence. Le gène PRODH assure la synthèse de la proline déshydrogénase, enzyme impliquée dans la dégradation de la proline. Chez tous ces patients, une augmentation modérée du taux de proline sanguin accompagnait l’anomalie génétique. Ces mêmes altérations génétiques ont été retrouvées chez trois enfants souffrant d’hyperprolinémie de type 1, maladie métabolique rare caractérisée par une hyperprolinémie importante et un retard mental sévère. Chez ces enfants, les mutations touchent les deux copies du gène PRODH et l’activité enzymatique est nulle, alors que chez les patients schizophrènes une seule copie du gène est touchée et l’hyperprolinémie est modérée. L’association d’une forme de schizophrénie à une altération du métabolisme de la proline offre une piste pour commencer à comprendre les désordres biologiques à l’origine de la maladie puisque, chez l’animal, la proline exerce un effet neurotoxique sur les neurones de l’hippocampe [21]. A côté d’anomalies du développement neurologique, toujours évoquées mais jamais caractérisées sur le plan moléculaire, des mécanismes neurodégénératifs pourraient donc être à l’oeuvre chez certains patients. Ces résultats suggèrent également que l’hyperprolinémie contribue aux troubles psychiatriques et cognitifs observés chez certains patients atteints du syndrome de DiGeorge. Doser le taux de proline sanguin dans un large groupe de patients schizophrènes permettrait de mesurer la fréquence exacte de ce trouble métabolique dans cette population. Les apparentés à risque de patients schizophrènes présentant un trouble de la prolinémie ainsi que les enfants atteints du syndrome de DiGeorge pourraient bénéficier à terme d’un dépistage précoce et de mesures thérapeutiques appropriées visant à diminuer le taux de proline.

Retard mental lié à l’X, syndrome de West et ARX

De nombreux gènes responsables de retards mentaux liés à l’X (RMX) ont été découverts ces dernières années, grâce en particulier à l’équipe de Jamel Chelly (Institut Cochin, CHU Cochin Port-Royal, Paris, France). Parmi ceux-ci, on trouve des gènes codant pour des protéines impliquées dans le remodelage de la chromatine comme ATRX, MECP2, RSK2. Un nouveau gène appartenant à ce groupe vient d’être isolé [22]. Il s’agit d’un gène à homéoboîte, apparenté à Aristaless décrit chez la drosophile il y a bien longtemps (1925) et ainsi appelé car les mutants al ont, entre autres anomalies phénotypiques, une absence d’antennes. Les gènes ARX sont très conservés au cours de l’évolution et des orthologues ont été trouvés chez la souris, le poisson zèbre et l’oursin, entre autres. Les protéines apparentées à Aristaless possèdent un motif octapeptide qui pourrait intervenir dans la répression transcriptionnelle, des domaines polyalanines, un homéodomaine et enfin, à l’extrémité carboxy-terminale, un domaine appelé Aristaless. Ce domaine, dont la fonction est encore inconnue, pourrait servir à la reconnaissance de gènes cibles de la régulation transcriptionnelle. ARX est situé en Xp22.3-p21.1, locus trouvé assez souvent dans des familles à RMX. Des mutations ont été découvertes chez des garçons avec RMX dans neuf familles et dans un cas sporadique. Certaines de ces mutations ont pour conséquence des extensions de polyalanines, déjà observées dans d’autres gènes, mais portés par des autosomes. Ces expansions font évidemment penser aux expansions polyglutamiques des gènes impliqués dans des neurodégénérescences bien que rien ne permette de penser actuellement que le mécanisme physiopathologique soit le même. Fait intéressant, ARX a aussi été trouvé muté dans des syndromes de West chez le nourrisson. Ce syndrome, bien connu des pédiatres, se caractérise par des convulsions avec un tracé d’hypsarythmie à l’EEG. Un retard mental apparaît par la suite. Jusqu’à présent, on en ignorait la cause, mais récemment il est apparu qu’un certain nombre de syndromes de West étaient liés à l’X (MIM 308350), avec un locus situé en Xp22-21 [23]. Après avoir analysé plusieurs gènes de la région candidate, un groupe de chercheurs vient de retrouver des mutations d’ARX [24]. Chez l’homme, l’analyse de différents tissus montre que ARX est exprimé essentiellement dans le cerveau et le muscle squelettique. Chez l’animal, il a été démontré que les gènes apparentés à Aristaless intervenaient au cours du développement cérébral, la protéine jouant un rôle dans la maintenance des différents types de neurones du cortex cérébral et l’orientation des axones [25]. La découverte de mutations du gène ARX chez des garçons présentant un RM et/ou des convulsions dans 9 familles (norvégiennes canadiennes, australiennes) apporte la preuve de l’implication de ce gène dans le syndrome de West. Mais la symptomatologie des 50 malades étudiés dans ces familles est variable: le RM peut être léger ou sévère, 58 % seulement des sujets ont des crises convulsives, avec parfois des troubles neurologiques surajoutés (ataxie, spasticité, macrocéphalie). C’est la première fois qu’un gène est trouvé dans des convulsions du nourrisson, associé à un RM.

Le développement urétéro-vésical sous le contrôle de la vitamine A

Les malformations du tractus urinaire, qui touchent près de 1 % des nouveau-nés, sont pour une large part représentées par des anomalies de branchement urétéro-vésical responsables de reflux vésico-urétéral, d’urétérocèle ou de méga-uretère. Le rôle essentiel de la vitamine A dans le développement rénal a été bien mis en évidence, à la fois chez l’animal et chez l’homme. L’hypoplasie rénale observée chez les souris invalidées pour les deux récepteurs de l’acide rétinoïque (RAR) est liée à une anomalie de la morphogenèse branchée dans laquelle la vitamine A, par une cascade d’événements impliquant le proto-oncogène Ret, joue un rôle majeur. Ces animaux mutés RARa-/-, RARb-/-, ont de plus des anomalies urétérales, hydronéphrose et méga-uretère, également retrouvées chez les animaux porteurs de mutations de Ret. Comme le montre une équipe de la Columbia University [26], la maturation urétérale dépend de la formation d’une excroissance épithéliale issue de la base des canaux de Wolff qui donnera naissance au trigone vésical. Cette formation, qui apparaît comme essentielle pour une insertion correcte des uretères distaux dans la vessie, dépend donc également de la vitamine A et de Ret. Outre l’intérêt considérable de ces observations pour la compréhension du développement urogénital, celles-ci mettent également en lumière les anomalies du tractus urinaire entraînées par le défaut d’un gène ou par la carence maternelle en vitamine A.

Premier cas de déficit inné en endopeptidase neutre (NEP, CD10) chez la femme

L’accumulation d’anticorps reconnaissant un antigène présent dans les cellules épithéliales du glomérule entraîne chez l’homme une glomérulonéphrite extra-membraneuse avec d’importants dépôts sous-épithéliaux d’IgG et de la fraction C3 du complément. Il existe un modèle expérimental chez le rat, la néphrite de Heymanns, et l’antigène responsable est la mégaline, mais il n’est pas en cause dans la pathologie humaine. Dans un article du New England Journal of Medecine [27], Debiec et al. identifient, dans un cas de glomérulonéphrite extra-membraneuse survenant chez un nouveau-né, l’endopeptidase neutre ou néprilysine (ou encore CD10) comme l’antigène glomérulaire impliqué dans la maladie. Cette enzyme est une métallopeptidase, active en présence de zinc, et exprimée dans le cerveau, les reins, le foie, les poumons, les polynucléaires et les précurseurs lymphocytaires B. Elle hydrolyse de nombreux peptides (en particulier enképhalines et neuropeptides) contrôlant ainsi leur concentration à la surface cellulaire. Les preuves de sa responsabilité dans la néphropathie de l’enfant sont indiscutables et reposent sur l’identification de la spécificité des anticorps présents dans les complexes immuns et de leur réactivité avec les parois des capillaires glomérulaires et les bordures en brosse sur des biopsies de rein humain. La question suivante fut de savoir pourquoi la mère avait, en cours de grossesse, produit en quantité des anticorps anti-endopeptidase neutre, alors que le sérum maternel obtenu avant la grossesse, et celui de l’enfant au 40e jour, étaient inactifs La réponse est que la mère est déficiente en cette enzyme dont la présence ne put être détectée ni dans son sérum ni dans ses urines ni dans ses leucocytes alors que le père exprime normalement l’enzyme. Une première immunisation dut avoir lieu au cours d’une grossesse précédente interrompue par un avortement à la 14e semaine deux mois avant le début de la présente gestation qui occasionna le transfert trans-placentaire des anticorps résiduels. Il reste maintenant à identifier la mutation du gène de l’endopeptidase neutre responsable du défaut d’expression de l’enzyme chez la mère et à étudier son mode de transmission. Cette anomalie héréditaire ne sera pas facile à détecter parce qu’elle ne s’accompagne d’aucun trouble clinique. Seule une grossesse peut la révéler.

Un TANK pour NEMO

La famille de facteurs de transcription NF-κB est impliquée dans un grand nombre de fonctions cellulaires. Ces facteurs sont en particulier indispensables à la survie de la cellule lors d’une réponse au stress. Une cascade de signalisation très complexe contrôle finement l’activation de NF-κB. Le facteur est maintenu cytosolique et inactif par un ensemble de protéines inhibitrices, les IκB, dont la phosphorylation déclenche la dégradation, permettant alors la translocation dans le noyau de NF-κB et son effet physiologique après liaison à l’ADN. La phosphorylation des IκB est sous la dépendance d’un complexe macromoléculaire composé de plusieurs sous-unités dont les kinases elles-mêmes, IKKα et IKKβ (inducible IκB kinase), ainsi que des protéines régulatrices de ces kinases, en particulier NEMO/IKKγ/FIP-3 (voir p. 1197 de ce numéro). Les IKK semblent également capables de phosphoryler certains précurseurs de NF-κB, accélérant leur maturation mais aussi leur dégradation protéolytique. Elles pourraient également augmenter l’activité de NF-κB, ce qui a été démontré pour l’isoforme RelA. S’il était clair que NEMO est nécessaire à l’activation de NF-κB, son mode d’action restait inconnu. Un crible en double hybride vient d’identifier plusieurs protéines interagissant avec NEMO [28]. Une première molécule, CIKS/Act-1, se lie à NEMO et à la kinase de stress SAPK1/JNK. Sa fonction précise reste à déterminer. La seconde molécule identifiée est TANK, un membre de la famille TRAF (tumor necrosis factor receptor associated factor) déjà connu pour participer à l’activation de NF-κB. De fait, il était déjà rapporté que cette activation se faisait par une liaison avec deux kinases, IKKe et TBK1/T2K/NF-κB activating kinase. La présente étude montre que TANK permet l’agrégation des deux kinases avec NEMO. Le rôle exact de ce recrutement de deux nouvelles kinases par le complexe régulateur de NF-κB n’est que discuté. IKKe et TBK1 peuvent phosphoryler les IKKs et les activer, ou transactiver directement NF-κB. En effet, les souris TBK1-/- présentent les mêmes symptômes que les souris IKKβ-/- ou RelA-/-.

Ostéoporose et lithiase rénale liées à des mutations de NPT2a

Le rein est le garant de l’économie du phosphate dans l’organisme et ajuste les sorties aux entrées par une modulation du transport tubulaire de cet ion. Le co-transporteur sodium-phosphate NPT2a, inséré dans la membrane apicale en bordure en brosse des cellules tubulaires proximales, joue un rôle majeur dans ce contrôle. Son expression membranaire est modulée par l’hormone parathyroïdienne et la teneur en phosphate de l’alimentation. L’importance de ce transporteur a été démontrée, chez l’animal, par son invalidation par recombinaison homologue. Celle-ci entraîne une fuite massive de phosphate dans les urines, dont découlent une hypophosphatémie, un retard de croissance, des anomalies osseuses et des lithiases. Si l’homologue humain de ce gène a été cloné, les conséquences pathologiques d’éventuelles mutations étaient inconnues. Une équipe parisienne vient d’identifier les premières mutations du transporteur NPT2a chez deux sujets, l’un atteint d’une ostéoporose, l’autre de calculs rénaux à répétition [29]. Ces deux sujets faisaient partie d’un groupe de vingt malades ayant en commun une fuite urinaire de phosphate traduisant une réabsorption tubulaire inadaptée de cet ion. Dans les deux cas rapportés, il s’agissait d’une mutation ponctuelle survenant dans deux domaines distincts, très conservés, de la protéine. L’expression des formes mutées de la protéine dans des oeufs de xénope a fait la preuve du défaut de fonctionnement en termes de transport de phosphate. Ces résultats démontrent le rôle central chez l’homme de ce transporteur rénal de phosphate dont le dysfonctionnement entraîne une fuite rénale de phosphate, responsable de lithiases urinaires ou de déminéralisation osseuse. Le démantèlement moléculaire de ces maladies fréquentes a débuté.

Après TETON/TETOFF, PIPON/PIPOFF, le système EON/EOFF

Le système de commutateur d’expression dépendant de la tétracycline a été largement utilisé pour induire ou réprimer à façon l’expression de gènes spécifiques dans des cellules de mammifères. Un système équivalent utilisant la streptogramine (PIPOFF) a été décrit par la suite. Voici, dans la famille des macrolides, le dernier-né des systèmes d’expression conditionnelle par les antibiotiques, le système EON/EOFF, contrôlé par l’érythromycine [30]. L’expression de la macrolide-inactivating 2’-phosphotransférase I de E. coli ou Mph (A) est sous le contrôle d’un répresseur, MphR (A), qui se lie à une séquence opératrice (ETR). La liaison de l’érythromycine au répresseur empêche son interaction avec l’opérateur ETR et entraîne la dérépression et donc la transcription du gène codant pour la protéine Mph (A). Comme ses prédécesseurs, le système EOFF est donc un système binaire comprenant d’une part une protéine où MphR (A) est fusionné à un domaine de transactivation, et d’autre part un promoteur chimérique dérivé du promoteur du cytomégalovirus humain (CMV) et de la séquence ETR, fusionné au gène ciblé. En absence d’érythromycine, l’interaction entre le MphR (A) chimérique et ETR/CMV permet la transactivation du transgène. L’addition d’érythromycine, en inhibant l’interaction MphR (A)/ETR, entraîne la répression du transgène. Un système EON a été construit sur le même principe, dans lequel, à l’inverse, l’expression du transgène requiert la présence d’érythromycine. Le tout fonctionne parfaitement en culture cellulaire, la répression étant réversible après plusieurs cycles répétés d’administration et de retrait de l’antibiotique et répondant à différents macrolides comme la clarithromycine dont la biodisponibilité et la pharmacocinétique sont supérieures à celles de l’érythromycine. Ce système a été testé et validé également in vivo, après réimplantation de cellules produisant l’érythropoïétine sous contrôle EON ou EOFF dans la cavité péritonéale des souris. Pourquoi multiplier ces systèmes inductibles? En dehors de l’excellente biodisponibilité des macrolides et de leur clairance rapide, l’intérêt serait de pouvoir contrôler concomitamment l’expression de différents transgènes par plusieurs classes d’antibiotiques. Les auteurs montrent ici dans le système OFF qu’il est possible de combiner les 3 systèmes, TET, PIP et E, sur un vecteur d’expression tricistronique et de contrôler indépendamment l’expression des 3 gènes rapporteurs correspondants. Décidément, on n’arrête pas le progrès!

Mutations de la caspase 8 chez l’homme

Dans un numéro récent de médecine/sciences, E. Solary et al. faisaient le point sur les altérations génétiques des voies de l’apoptose conduisant à une pathologie humaine, et notamment à une forme d’ALPS (autoimmune lymphoproliferative syndrome) [31]. Ce sont les gènes codant pour Fas, Fas-ligand ou la caspase-10 qui sont atteints. Une équipe du NIH rapporte maintenant dans Nature la première description d’une pathologie humaine liée à une mutation homozygote de la caspase 8, chez deux membres d’une fratrie de trois, les parents et le troisième enfant étant hétérozygotes pour la mutation [32]. La mutation, en position 248 (Arg → Try) dans le domaine protéasique a pour effet l’inactivation de l’enzyme. Cette anomalie, présente à l’état homozygote, entraîne un dysfonctionnement du complexe de signalisation appelé DISC (death-inducing signalling complex), mis en jeu lors de l’activation de la voie des récepteurs de mort par ses ligands (Fas-L), et l’absence de clivage de la caspase 8 et, en aval, de la caspase effectrice 3. Le tableau clinique est plus riche que celui des ALPS, avec en particulier des signes de déficit immunitaire qui sont absents du tableau d’ALPS. Cliniquement, des infections intercurrentes, bactériennes et virales (herpès virus) signent l’atteinte immunologique. Biologiquement il s’agit d’un défaut d’activation cellulaire, qui touche les trois populations lymphocytaires, T (par le biais du TCR et quelle que soit la sous-population CD4+ ou CD8+), B (défaut de production des immunoglobulines) et natural killer. L’implication d’une caspase dans le processus d’activation lymphocytaire est un concept nouveau; il était donc important de valider cette relation de cause à effet d’une façon directe. Ceci a été réalisé d’une part en inactivant la caspase 8 par interférence à ARN dans des lymphocytes normaux, d’autre part en exprimant dans les lymphocytes des patients une activité caspase normale. Cette observation est étonnante à un autre titre: les souris ayant un déficit homozygote de la caspase 8 ne sont pas viables; il faut donc imaginer chez l’homme une voie alternative, qui pourrait être celle de la caspase 10, dont il n’existe pas d’homologue murin. Reste à trouver la cible de l’action de cette caspase 8, probablement commune aux voies d’activation lymphocytaires.

Le CMV murin livre un autre de ses secrets…

Un article du groupe de L.L. Lanier, paru dans Science, met en évidence un mécanisme de reconnaissance directe des protéines virales du cytomégalovirus (CMV) murin sur les cellules natural killer (NK) par l’intermédiaire du récepteur activateur Ly49H [33]. Ce récepteur NK est codé par un membre d’une famille de gènes localisés sur le complexe génique NK et qui codent pour des récepteurs activateurs et inhibiteurs. Les récepteurs inhibiteurs interagissent avec les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe I et jouent un rôle important pour induire la tolérance au soi des cellules NK ((→) m/s 1998, n°8-9, p. 962). Les récepteurs Ly49 activateurs, présentant un domaine extracytoplasmique identique à celui des récepteurs inhibiteurs, s’associent au polypeptide KARAP/DAP12 qui comprend un motif activateur ITAM et induit la signalisation [34]. Le statut immunologique et le bagage génétique de l’hôte sont des facteurs-clés de la susceptibilité au CMV et les modèles d’infection de lignées de souris pures ont facilité l’étude des déterminants innés de la susceptibilité au CMV. Il a été récemment montré que les souris exprimant un récepteur Ly49 activateur (Ly49H) résistaient à une infection par le CMV [35]. En analysant plusieurs souches virales du CMV, les auteurs montrent que la protéine virale m157 se lie directement au Ly49H et active le programme de lyse et de sécrétion d’IFNγ par les cellules NK Ly49H+. Les résultats complémentaires suggèrent que la protéine virale m157 se lie également au récepteur inhibiteur Ly49I des lignées murines sensibles au virus. La fonction inhibitrice de cette interaction sur la fonction NK reste cependant à confirmer contre des cibles appropriées de même que les affinités de liaison respectives de m157 pour les récepteurs Ly49H et Ly49I. Ces résultats suggèrent que le CMV aurait évolué pour engager un récepteur inhibiteur et atrophier la réponse immune de l’hôte. Le rôle clé joué par les récepteurs NK activateurs dans la réponse aux pathogènes et d’autre part l’évolution rapide des récepteurs NK dans diverses espèces suggèrent que les pathogènes pourraient influer sur la diversification de ces récepteurs [36].

Pas de SHIP, et l’os fond

Le système de recrutement et d’activation des ostéoclastes - les cellules qui résorbent l’os - a déjà fait l’objet de plusieurs articles dans médecine/sciences.

Deux cytokines, le M-CSF (macrophage colony-stimulating factor) et le ligand de RANK, sont nécessaires et suffisantes pour que les macrophages se différencient en ostéoclastes matures. L’absence de M-CSF conduit, faute d’ostéoclastes fonctionnels, à l’ostéopétrose. Même résultat lorsque le ligand de RANK fait défaut. Au contraire, des ostéoclastes nombreux et hyperactifs entraînent une maladie de Paget juvénile lorsque des mutations inactivatrices de l’ostéoprotégérine accroissent l’interaction de RANK avec son ligand ((→) m/s 2002, n°10, p. 946). Sur la voie de signalisation du M-CSF et de RANK, on trouve la phosphatidylinositol 3- kinase, dont l’activation entraîne la production de PIP3, un modulateur central qui stimule la multiplication et la différenciation des ostéoclastes. Pour tempérer l’ardeur de PIP3, il suffit de le déphosphoryler, ce que fait SHIP, une phosphatase principalement exprimée par les cellules hématopoïétiques, dont les macrophages. L’inactivation de SHIP par recombinaison homologue [37] entraîne un phénotype d’ostéoporose dû à des ostéoclastes deux fois plus nombreux que chez les souris témoins en raison d’une durée de vie prolongée et d’une hypersensibilité au M-CSF et au ligand de RANK. Ces ostéoclastes sont également plus actifs et les os qu’ils résorbent ont perdu près du quart de leur densité. De manière similaire à ce qui est observé au cours de la maladie de Paget, de phénotype très proche de celui qu’entraîne le défaut de SHIP, les concentrations sériques d’interleukine-6, un activateur des ostéoclastes, sont élevées chez les animaux SHIP-/-. Après les mutations activatrices de RANK et les mutations inactivatrices de l’ostéoprotégérine, une perte de fonction de SHIP pourrait bien être à l’origine de formes familiales de maladie de Paget chez l’homme. Il n’y a plus qu’à le démontrer!

Intégration sélective du virus VIH-1 dans le génome humain

Les premières étapes de la réplication rétrovirale requièrent une transcription inverse de l’ARN viral puis l’intégration de la copie d’ADN complémentaire (ADNc) ainsi formée dans le génome de la cellule hôte. On savait déjà que l’hétérochromatine (régions centromériques et télomériques des chromosomes notamment) n’était pas favorable à l’intégration rétrovirale. L’équipe de F. Bushman (Californie, USA) s’est penchée de plus près sur les cibles d’intégration du virus VIH dans le génome humain [38] en cartographiant plus de 500 sites d’intégration, 48 heures après l’infection d’une lignée lymphoïde T humain par le virus VIH-1 ou un vecteur dérivé de ce virus. Cette analyse confirme un biais considérable d’intégration dans les régions géniques: ces régions ne représentent que 35 % du génome humain, mais abritent presque 70 % des sites d’intégration du vecteur viral et jusqu’à 86 % de ceux du VIH-1! L’intégration se fait préférentiellement dans les gènes transcrits par la RNA polymérase II, au niveau des introns. L’étude du transcriptome révèle une corrélation significative entre les sites d’intégration et l’activité transcriptionnelle des gènes ciblés. Des hotspot d’insertion ont été détectés, notamment en 11q13. Les gènes analysés dans ces « points sensibles » sont transcriptionnellement actifs et cette activité est augmentée de 2 à 3 fois après 30 minutes de contact avec VIH. Enfin, les sites d’intégration du VIH sont totalement indépendants des sites de localisation des séquences rétrovirales endogènes humaines. Cette étude systématisée apporte la preuve que la distribution des intégrations du virus dans le génome humain n’est pas aléatoire et confirme la nécessité de prendre en compte, dans une perspective d’utilisation thérapeutique de ces vecteurs, les risques de mutagenèse insertionnelle. Néanmoins, il faut rappeler que les vecteurs actuels de thérapie génique sont, contrairement au virus VIH-1 et aux vecteurs qui en dérivent utilisés dans ces expériences, (1) dépourvus de toutes les protéines accessoires du VIH, dont certaines ont une activité transactivatrice, et (2) délétés des séquences virales promotrices et activatrices de la transcriptiondes régions LTR. Il sera donc important de conforter ces résultats par une approche équivalente dans des cultures primaires humaines et à l’aide de vecteurs lentiviraux de dernière génération.

Dans la famille Cox…

L’effet antalgique et antipyrétique de l’acétaminophène, de la phénacétine ou de l’antipyrine est connu depuis des lustres. Leur mécanisme d’action était encore mal compris jusqu’à la découverte récente d’un nouveau membre de la famille des cyclo-oxygénases (Cox), Cox-3 [39]. Les deux premiers membres de la famille, Cox-1 et Cox-2, ne sont pas sensibles à l’acétaminophène aux concentrations thérapeutiques. Cox-3, produit de l’épissage alternatif du même gène que Cox-1, et dont l’ARNm comporte l’intron 1 du gène, est, au contraire, très sensible aux antalgiques cités plus haut, qui inhibent fortement son activité cyclo-oxygénase. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens classiques, tels que l’aspirine, le diclofénac ou l’ibuprofène, inhibent également Cox-3 avec des IC50 plus basses que pour Cox-1 et Cox-2.

Ajoutons qu’un autre produit du même gène, appelé par les auteurs PCOX-1α, dont l’ARNm comporte également l’intron 1 mais où il manque les exons 5 à 8, a également été mis en évidence. Il est, quant à lui, dépourvu d’activité cyclo-oxygénase. Cox-3 est exprimé en abondance, chez l’homme, dans le cortex cérébral et le coeur. L’édifice des Cox possède maintenant une jolie brique de plus, qui devrait faire le bonheur des pharmacologues.