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La clathrine a donné son nom à une voie d’endocytose (Figure 1) car elle représente le constituant majeur des structures membranaires spécialisées, les puits recouverts de clathrine (clathrin-coated pits, CCP), responsables de l’internalisation des molécules dans cette voie de transport. Les CCP concentrent les récepteurs transmembranaires en cours d’internalisation et s’invaginent jusqu’à l’obtention d’une vésicule (clathrin-coated vesicles, CCV), étape qui correspond à l’internalisation proprement dite [1]. Les vésicules sont alors débarrassées de ce manteau protéique (uncoating) avant de fusionner avec les endosomes précoces ou de tri (early/sorting endosomes), étapes qui ne seront pas décrites dans cet article.

Figure 1

Les différentes voies d’endocytose.

Les différentes voies d’endocytose.

à côté de la voie de l’endocytose classique dépendante de la clathrine (2), quatre voies d’endocytose indépendantes de la clathrine peuvent être distinguées d’un point de vue morphologique et moléculaire. La macropinocytose (1) contribue de façon induite et transitoire à l’endocytose de phase fluide en formant de grosses vésicules de taille hétérogène. La présence de vésicules lisses (3) dépourvues de manteau a été observée depuis longtemps en microscopie électronique. Ces vésicules contribuent surtout à l’endocytose constitutive des fluides et des solutés (phase fluide). Les microdomaines (4) et les cavéoles (5) sont enrichis en cholestérol et en sphingolipides. La cavéoline, responsable de l’aspect strié des cavéoles, est un marqueur spécifique qui permet de les distinguer des autres microdomaines. La formation des vésicules à partir des microdomaines n’a pas été démontrée et on ne sait pas si ces domaines sont à l’origine des vésicules lisses (3). La GTPase dynamine est impliquée dans trois types d’endocytose (2, 3, 4). Les mécanismes moléculaires des voies indépendantes de la clathrine sont mal connus et la destination intracellulaire de ces voies d’entrée reste énigmatique.

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La voie d’endocytose dépendante de la clathrine

Cette voie est responsable de 40-50 % de l’endocytose de phase fluide (c’est-à-dire non relayée par des récepteurs).

L’endocytose dépendante de la clathrine (EDC) est présente chez tous les eucaryotes supérieurs et, dans ces espèces, les protéines constituant le manteau et leurs fonctions sont très conservées. Il existe une voie d’internalisation similaire chez la levure qui obéit à des mécanismes moléculaires spécifiques [2].

Les récepteurs internalisés par EDC sont classés en deux groupes. Certains, comme celui de la transferrine ou des LDL (low densitylipoproteins) le sont de façon « constitutive », c’est-à-dire indépendamment de la liaison de leur ligand, et se ré-insèrent dans la membrane plasmique, alors que d’autres, principalement les récepteurs de facteurs de croissance (EGF, epidermal growth factor, ou insuline), ne sont internalisés qu’après la liaison de leur ligand et sont dégradés dans les lysosomes.

Les acteurs historiques

à la fin des années 1970, plusieurs groupes ont purifié les protéines constituant le manteau. Ces études ont abouti à la caractérisation moléculaire et biochimique de deux complexes protéiques, AP-2 (assembly protein-2)et clathrine. Une autre protéine, la dynamine, fait également partie de ces acteurs « historiques ».

Le squelette du manteau: la clathrine

La clathrine est la protéine structurale majeure du manteau [3]. Elle est constituée de trois chaînes lourdes associées par leur domaine C-terminal, chacune d’elles étant associée à une chaîne légère. Cet assemblage a été visualisé en microscopie électronique et appelé « triskèle » (ressemblance avec le symbole celte du mouvement perpétuel, Figure 2A). Les « triskèles » ont la capacité de s’auto-assembler in vitro pour former des structures appelées cages, identiques au manteau formé in vivo autour des CCV. Les chaînes lourdes sont suffisantes à l’activité d’assemblage et sont également impliquées par leur domaine N-terminal dans une série d’interactions protéiques par l’intermédiaire d’un motif consensus appelé « boîte clathrine ». Ces propriétés d’assemblage spontané ont suggéré que la clathrine soit le moteur responsable de la déformation de la membrane lors de la formation des vésicules. Par ailleurs, le maillage rigide formé par le réseau de clathrine permettrait de piéger les récepteurs en cours d’internalisation.

Figure 2

Complexe AP-2 et clathrine: structure/fonction.

Complexe AP-2 et clathrine: structure/fonction.

A. Organisation structurale du triskèle de clathrine. Le triskèle constitue l'unité fonctionnelle de la clathrine et correspond a l'association de trois chaînes lourdes et de trois chaînes légères. Au sein du triskèle, on peut distinguer deux domaines fonctionnels, le hub impliqué dans la polymérisation et le domaine terminal correspondant au domaine N-terminal de la chaîne lourde et qui interagit avec de nombreuses protéines contenant un motif consensus dit « boîte clathrine ». B. Organisation structurale du complexe AP-2. Le complexe AP-2 est constitué de 4 chaînes (α et β-adaptines, μ2 et σ2) et adopte une structure compacte ressemblant à la tête de Mickey avec deux oreilles et une tête. Chacun de ces sous-domaines est impliqué dans des interactions avec d'autres protéines de la voie d'endocytose et/ou des lipides membranaires.

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Un acteur central: le complexe AP-2

Les complexes AP ont été purifiés comme facteurs stimulant l’assemblage des « triskèles » et, pour cette raison, appelés AP pour assembly proteins. Deux complexes homologues, AP-1 et AP-2, ont été ainsi caractérisés. Depuis, deux autres complexes ont été identifiés, AP-3 et AP-4. Ces complexes ont une organisation structurale et des fonctions conservées, mais des distributions intracellulaires distinctes. Le complexe AP-2 est présent uniquement dans la membrane plasmique.

Les complexes AP sont constitués de quatre sous-unités [4], deux de haut poids moléculaire (α- et β2-adaptines pour AP-2) et deux plus petites (μ2 et σ2) (Figure 2B). Comme pour la clathrine, les sous-unités sont très fortement associées entre elles et sont inactives sous forme de monomères. Les complexes adoptent une structure en « tête de Mickey » dans laquelle les oreilles sont reliées à la tête par deux régions charnières. Les sous-unités β, µ et σ sont les plus conservées entre les différents complexes. En revanche, l’α-adaptine et les sous-unités correspondantes des différents complexes (γ, δ et ε) présentent une faible homologie et varient surtout dans la région C-terminale. Cette absence d’homologie a suggéré une fonction spécifique pour ce sous-domaine.

Les AP-2 stimulent non seulement l’assemblage de la clathrine, mais exercent aussi un « contrôle qualité » en formant des cages de taille homogène. Ce contrôle dépend d’une « boîte clathrine » dans la région charnière des β-adaptines [3]. La clathrine forme ainsi une coque externe dans laquelle sont piégés les complexes AP-2, ce qui a suggéré que les complexes AP-2 feraient le lien entre la membrane plasmique, les récepteurs et la clathrine, d’où leur nom d’adaptateurs et d’adaptines. Dans ce modèle, AP-2 serait recruté en premier sur la membrane, créant ainsi un site initial de polymérisation de la clathrine et les récepteurs capables d’interagir avec AP-2 seraient ensuite incorporés dans les CCP en formation (Figure 4).

Le recrutement sélectif et la concentration des récepteurs transmembranaires dans les CCP suggéraient que le manteau puisse reconnaître des déterminants localisés dans leur région cytoplasmique. Le premier de ces déterminants a été caractérisé grâce à l’étude de patients atteints d’hypercholestérolémie familiale (J. Brown et M. Goldstein, Prix Nobel de Médecine, 1985). Le récepteur des LDL de ces patients présentait une mutation ponctuelle d’une tyrosine dans la queue cytoplasmique. La simple substitution de cette tyrosine par une cystéine empêche la concentration du récepteur dans les CCP et par conséquent l’internalisation des LDL [5]. Depuis, plusieurs études ont confirmé le rôle central des résidus tyrosine au sein de « signaux d’endocytose » nécessaires et suffisants pour une internalisation efficace par les CCP. Deux grandes familles de signaux tyrosine ont été décrites : les motifs NPxY présents chez les membres de la famille du récepteur des LDL et les motifs YxxΦ (Φ : résidus hydrophobe) présents dans un grand nombre de récepteurs comme le récepteur de la transferrine (YTRF). Il existe également des motifs contenant un doublet de résidus leucine appelés di-leucine.

L’interaction entre récepteurs internalisés et AP-2 a été difficile à démontrer in vivo. Elle est clairement établie pour le récepteur de l’EGF et, dans ce cas, elle est directe et inductible par l’EGF. Plus récemment, l’utilisation de la technique du double hybride a démontré l’interaction directe des signaux d’endocytose YxxΦ avec la sous-unité µ2 des complexes AP-2. Les signaux di-leucine semblent interagir par les sous-unités μ et β [4], [6]. Il apparaît donc que les signaux d’internalisation interagissent avec une faible affinité avec AP-2, ce qui permettrait de retenir-concentrer les récepteurs au sein des CCP le temps de leur transformation en vésicule (< 1 min). L’internalisation de certains récepteurs ne dépend pas directement des AP-2. C’est le cas des récepteurs couplés aux protéines G trimériques qui utilisent les β-arrestines (Figure 3) comme adaptateurs spécifiques en interagissant à la fois avec la région cytosolique des récepteurs activés et avec l’AP-2 et la clathrine [7]. Les récepteurs de la famille du LDL-R semblent également utiliser des adaptateurs spécifiques, comme Disabled-2(Figure 3) qui interagit directement avec les motifs NPxY et avec des constituants des CCP [8].

Figure 3

Protéines auxiliaires: structure et interactions.

Protéines auxiliaires: structure et interactions.

L'organisation structurale des différentes protéines auxiliaires et de la dynamine a été schématisée. Les différents domaines fonctionnels présents dans ces protéines ont été indiqués ainsi que les motifs consensus de liaison à la clathrine, au complexe AP-2 (DxF) et aux domaines EH (NPF). Les interactions dans lesquelles elles sont impliquées et leurs fonctions présomptives dans la formation des CCP/CCV sont indiquées. Les différents mutants dérivés de ces protéines qui ont un effet dominant négatif sur la voie d'endocytose dépendante de la clathrine ont été indiqués par un cadre bleu. Les différences entre différentes isoformes a été indiqué par un petit triangle bleu (Eps15, syndapine, epsine).

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Les modalités du recrutement des AP-2 au feuillet interne de la membrane plasmique restent mal comprises. Le complexe AP-2 se lie aux phospho-inositides PI (4,5) P2 (PIP2), interaction directement impliquée dans son recrutement au sein des CCP in vivo [9]. Des résultats contradictoires ont été obtenus sur le rôle des récepteurs internalisés eux-mêmes au cours de ce processus. Dernièrement, le rôle des synaptotagmines a été suggéré. Les synaptotagmines interviennent dans le recyclage des vésicules synaptiques mais certains membres (Syt VII) ont une expression ubiquitaire. Le recrutement d’AP-2 à la membrane se ferait par son interaction avec l’un des deux domaines C2 de la synaptotagmine [10]. La simple liaison d’AP-2 à une protéine membranaire devrait plutôt conduire à une répartition aléatoire des CCP nouvellement formés. Cependant, des études consacrées à la dynamique in vivo de clathrine fluorescente fusionnée à la GFP (green fluorescent protein) ont montré que les CCP se forment dans des zones restreintes de la membrane ou hot spots [11]. Enfin, l’assemblage des CCP à la membrane plasmique ne semble pas dépendre d’une GTPase de type ARF-1, contrairement aux manteaux vésiculaires d’autres voies de transport intracellulaire ((→) m/s 2000, n°2, p. 228).

Une GTPase indispensable: la dynamine

La dynamine est la protéine mutée dans les mutants shibire de drosophiles qui sont paralysés à température non-permissive en raison du blocage du recyclage des vésicules synaptiques par endocytose. L’analyse morphologique des mutants a fourni des images désormais classiques où on voit des CCP invaginés accumulés à la membrane. Des images similaires ont été obtenues lorsque des neurones perméabilisés étaient incubés avec un analogue non hydrolysable du GTP. Dans ce modèle, les « pseudo-vésicules » observées restent connectées à la membrane par un long « cou » recouvert d’un matériel enroulé en spirale identifié comme étant des polymères de dynamine. L’ensemble de ces données a suggéré que la dynamine est la GTPase indispensable aux événements de fission membranaire aboutissant à la formation d’une vésicule (Figure 4). Cette hypothèse a été confirmée par le fait que l’expression de mutants de la dynamine incapables d’hydrolyser ou de lier le GTP inhibe la formation des CCV [12]. Plus récemment, il a été montré que la dynamine est capable d’interagir directement avec des liposomes, de les déformer en tubes et de morceler ces tubes en vésicules en présence de GTP [13]. Il existe trois isoformes de la dynamine: la dynamine 1 est exprimée uniquement dans le cerveau, la dynamine 2 est ubiquitaire et la dynamine 3 est très exprimée dans les testicules [14]. La dynamine est organisée en plusieurs domaines fonctionnels (Figure 3) dont un domaine C-terminal riche en proline qui interagit avec une série de protéines à domaines SH3.

Figure 4

De la formation des clathrin-coated pits (CCP) à l’obtention d’une clathrin-coated vesicle (CCV).

De la formation des clathrin-coated pits (CCP) à l’obtention d’une clathrin-coated vesicle (CCV).

Les différentes protéines du manteau sont recrutées à la membrane plasmique et s’organisent pour former un CCP (recrutement/assemblage). Le CCP s’invagine ensuite (invagination) et juste avant le détachement d’une vésicule, la dynamine est recrutée au niveau du col (constriction), l’activation de sa fonction GTPasique provoque la libération d’une CCV (vésiculation). Les étapes spécifiquement inhibées par les mutants de la dynamine et d’Eps15 ont été indiquées.

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Protéines auxiliaires: du néant à la profusion

Jusqu’au milieu des années 1990, seules les trois protéines ou complexes protéiques décrits ci-dessus (clathrine, AP-2, dynamine) avaient été clairement identifiés comme acteurs de la formation des CCV. Cependant, les mécanismes moléculaires contrôlant les différentes étapes de ce processus, que ce soit le recrutement du complexe AP-2, l’association AP-2/clathrine restreinte à la membrane plasmique et le rôle du cycle GTP/GDP de la dynamine, restaient mal compris. Les études menées par de nombreux groupes pour identifier les partenaires de ces trois « acteurs historiques » ont abouti à la caractérisation de toute une série de protéines nouvelles également impliquées dans la formation des CCP/CCV (Figure 3).

Protéines se liant à l’oreille de l’α-adaptine

Eps15: le précurseur

Eps15 a été initialement identifié comme substrat de phosphorylation du récepteur de l’EGF, mais l’étude de son rôle dans l’EDC a permis de caractériser de nouveaux domaines fonctionnels très conservés. Eps15 présente dans la région N-terminale trois domaines homologues entre eux qui sont retrouvés dans d’autres protéines d’eucaryotes supérieurs et dans des protéines de la voie d’endocytose chez la levure. Ces domaines, appelés EH (Eps15-homology), interagissent avec des motifs NPF (Asn-Pro-Phe) [15]. La recherche de partenaires cellulaires a permis d’identifier de nouvelles protéines elles-mêmes impliquées dans cette voie dont l’epsine [16]. De plus, Eps15 est associé de façon constitutive et ubiquitaire au complexe AP-2, par une interaction directe avec l’oreille de l’α-adaptine. Cette interaction se fait par l’intermédiaire de motifs DPF (Asp-Pro-Phe) présents dans le domaine carboxy-terminal d’Eps15 [17]. Depuis, il a été montré que la présence de motifs DXF/W est une signature de l’interaction avec l’oreille de l’α-adaptine [18]. Le rôle précis d’Eps15 dans la voie classique d’endocytose n’est pas complètement élucidé. L’expression de différents mutants inhibe la formation des CCP [19], [20], mais comme tous les partenaires de l’oreille de l’α-adaptine entrent en compétition les uns avec les autres [18], il est difficile de savoir si le phénotype observé reflète la fonction réelle d’Eps15 ou celle d’un autre partenaire de l’oreille.

Protéines à domaines ENTH: la membrane connection

Les domaines ENTH (epsin N-terminal homology) présentent, comme leur nom l’indique, une homologie avec le domaine amino-terminal de l’epsine (voir plus loin) et ont été également retrouvés dans les protéines AP180 et Hip1. Récemment, plusieurs équipes ont démontré que ces domaines se lient au PIP2 [21], [22].

AP180 avait d’abord été purifiée comme un facteur stimulant l’assemblage de la clathrine et de ce fait appelée AP-3. Cependant, cette appellation a été abandonnée car AP180 est sous forme de monomère et ne fait pas partie de la famille des AP classiques. AP180 est une protéine strictement neuronale nécessaire au recyclage des vésicules synaptiques et à l’obtention de CCV de taille homogène in vivo [23]. Elle contient une « boîte clathrine » et des motifs DXF/W suggérant un rôle dans le contrôle de l’assemblage du manteau à la membrane, une hypothèse renforcée par des données récentes montrant qu’en présence de liposomes, AP-2, clathrine et AP180 forment des structures ressemblant à des CCP [21]. La protéine CALM, l’homologue ubiquitaire d’AP180, et l’epsine présentent la même organisation modulaire et pourraient donc jouer des fonctions similaires. Plus récemment, il a été montré que les protéines Hip1/Hip1R, initialement identifiées comme se liant à la protéine Huntingtine, appartiennent également à cette famille (Figure 3). Par leur domaine de type taline, elles pourraient aussi établir un lien entre les CCP/CCV et le cytosquelette d’actine [24].

Protéines interagissant avec le domaine riche en proline de la dynamine

Le domaine riche en proline de la dynamine (PRD) est impliqué dans son recrutement au sein des CCP ainsi que dans la régulation de son activité GTPase. La recherche de partenaires de ce domaine a abouti à la caractérisation de plusieurs familles de protéines à domaines SH3.

L’intersectine: connexion avec le cytosquelette d’actine

Cette famille de protéines a été identifiée simultanément par plusieurs groupes chez la drosophile et chez les mammifères et a été nommée intersectine, DAP160 ou Ese [25], [26]. Son organisation est voisine de celle d’Eps15 (Figure 3) avec des domaines EH en amino-terminal et cinq domaines SH3 en C-terminal interagissant avec la dynamine. La fonction précise de l’intersectine dans l’EDC n’est pas clairement établie, mais elle pourrait intervenir dans le recrutement de la dynamine au sein des CCP [1]. De plus, il existe des formes longues obtenues par épissage alternatif présentant en C-terminal un domaine DH (Dbl homology) capable d’activer la petite GTPase Cdc42. Ces formes longues se lient également à la protéine N-WASP [27], et pourraient donc ainsi coupler l’assemblage de l’actine au processus d’internalisation [24], [28]. Une fonction voisine a été suggérée pour les protéines Abp1, cortactine et syndapine qui interagissent directement ou indirectement avec le cytosquelette d’actine et avec la dynamine [24].

Amphiphysine et endophiline: des formateurs de tubes

Ces protéines présentent une organisation et des fonctions voisines (Figure 3). Elles se lient aux phospholipides par leur domaine N-terminal et transforment in vitro des liposomes en tubes, donnant des structures très voisines de celles obtenues en présence de dynamine [29], [30]. Cependant, ces deux protéines sont incapables de morceler ces tubes en présence de GTP, montrant qu’elles n’auraient que des fonctions de co-facteurs de la dynamine. Les études menées dans des systèmes neuronaux suggèrent que l’amphiphysine serait impliquée dans les étapes ultimes du détachement des CCV en participant au recrutement de la dynamine [31]. L’endophiline ((→) m/s 2002, n°8-9, p. 923) serait également impliquée dans le détachement des CCV, mais jouerait en plus un rôle dans l’invagination des CCP en modifiant la structure des lipides membranaires par le biais de son activité transférase de l’acide lysophosphatidique ((→) m/s 2002, n°11, p. 1137).

Les voies d’endocytose indépendantes des puits recouverts de clathrine

En l’absence de ligand physiologique identifié et d’inhibiteurs sélectifs, l’hypothèse de l’existence de voies d’endocytose différentes de l’EDC s’est appuyée sur des travaux morphologiques et biochimiques. La présence d’invaginations membranaires et de vésicules lisses dénuées de manteau de clathrine avait été observée depuis longtemps sur des coupes en microscopie électronique [32], [33] (Figure 1). Lorsque l’assemblage de la clathrine était bloqué par certains traitements pharmacologiques, l’entrée de marqueurs (horse radish peroxydase) mesurant l’endocytose totale, se trouvait réduite de 50 %, suggérant que l’EDC ne contribue que pour moitié aux entrées totales dans la cellule [34]. De plus, l’utilisation des mutants de la dynamine a permis de montrer que l’endocytose de phase fluide est stimulée en réponse à l’inhibition de la voie clathrine [35]. Aujourd’hui, les processus d’endocytose indépendante de la clathrine (EIC) connaissent un regain d’intérêt pour deux raisons majeures. D’une part, les mutants dominants négatifs permettent pour la première fois d’étudier le devenir d’une molécule en l’absence sélective de l’EDC. D’autre part, la possibilité nouvelle de suivre l’endocytose de protéines ou de lipides fluorescents dans la cellule vivante permet de caractériser le chemin intracellulaire suivi à partir d’une voie d’entrée indépendante de la clathrine.

Mise en évidence: inhiber l’EDC

Le mutant K44A de la dynamine 1 a été le premier mutant dominant négatif de l’EDC, mais les études ultérieures ont montré que la dynamine est impliquée dans d’autres voies d’endocytose et qu’elle joue un rôle très général dans la formation des vésicules (Tableau I) [14]. Le mutant dominant négatif de la dynamine ne peut donc plus être considéré comme inhibiteur spécifique de l’EDC. De même, si l’endocytose de la transferrine est bien inhibée dans des cellules exprimant un mutant dominant négatif de la clathrine, le hub(Figure 2A) [1], les autres voies de transport dépendantes de la clathrine sont également inhibées.

Tableau I

Distinguer les voies d’endocytose.

Distinguer les voies d’endocytose.

Plusieurs marqueurs et inhibiteurs moléculaires permettent d’étudier sélectivement les différentes voies d’endocytose. Le cargo (récepteur internalisé) peut parfois être utilisé comme un marqueur spécifique (récepteur de la transferrine, de l’interleukine-2). Sous certaines conditions, la cyclodextrine inhiberait sélectivement l’internalisation par les microdomaines et les cavéoles. Un effet semblable ayant été décrit sur les clathrin-coated pits, il semble prudent de vérifier l’absence d’inhibition de l’endocytose du récepteur de la transferrine en parallèle. Les inhibiteurs et les marqueurs les plus sélectifs figurent en gras sur ce tableau. (1) (2) (3) (4) (5) se rapportent aux étapes correspondantes de la Figure 1. HRP: horse radish peroxydase; GM1: récepteur de la toxine cholérique, ganglioside membrane; GPCR: G-protein coupled-receptor; GPI: glycosyl phosphate inositol.

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Il a fallu attendre la découverte des protéines dites « auxiliaires » pour élaborer des mutants capables d’inhiber sélectivement la voie d’endocytose associée à la clathrine. Les mutants du premier groupe interagissent avec la dynamine par leurs domaines SH3. C’est le cas de l’amphiphysine et de l’intersectine qui inhibent l’endocytose de la transferrine et de l’EGF [1]. L’effet sur les autres voies de transport de ces mutants qui interagissent avec la dynamine doit encore être analysé avant de les considérer comme inhibiteurs spécifiques. Les mutants du deuxième groupe interagissent avec l’oreille de l’α-adaptine. Les mieux caractérisés sont les mutants d’Eps15 [19], [20] ; ces mutants restent spécifiques de la formation des CCP/CCV [36], [37] et cette sélectivité est vraisemblablement due à leur interaction directe avec le complexe AP-2 [17].

Endocytose sans clathrine

L’utilisation judicieuse de ces mutants permet désormais de déterminer si un récepteur, un lipide ou un ligand donné est endocyté de façon dépendante ou indépendante de la clathrine, ou par les deux voies. Il est possible aujourd’hui de distinguer plusieurs types d’EIC (Figure 1). La phagocytose des particules solides ou des bactéries par les cellules spécialisées telles que les macrophages ne sera pas abordée dans cette analyse.

La macropinocytose

La macropinocytose correspond à la formation de vésicules hétérogènes de grande taille (0,5-5 mm) ou macropinosomes. Ce processus très dynamique est présent dans certaines lignées tumorales mais est le plus souvent induit par les facteurs de croissance ou les agents mitogènes et semble être contrôlé par la production de PIP2 à la membrane à la suite de l’action d’ARF6 [38]. La macropinocytose participe à la présentation antigénique par les cellules dendritiques [39] et à l’entrée de bactéries et de virus dans les macrophages [40], [41]. L’amiloride, inhibiteur du canal Na+/H+, reste un inhibiteur spécifique de la macropinocytose [42].

Les cavéoles

C’est la forme particulière des cavéoles en oméga inversé qui a facilité leur première identification en microscopie électronique par Georges Palade en 1953. Les cavéoles sont nombreuses dans les cellules endothéliales et absentes des lymphocytes et des neuroblastes ((→) m/s 2002, n°1, p. 28). Leur caractérisation moléculaire a été facilitée par l’identification en 1992 de la cavéoline [43], une protéine intégrale impliquée dans leur formation et qui se lie au cholestérol. L’enrichissement spécifique des cavéoles en cholestérol et en glycosphingolipides leur confère les propriétés caractéristiques des microdomaines lipidiques (voir plus loin). L’enrichissement des cavéoles en intermédiaires des voies de signalisation laisse penser qu’elles jouent un rôle important dans la signalisation. En revanche, et bien que leur découverte ait précédé de dix ans celle des CCP, leur rôle dans l’endocytose est resté controversé. Elles sont sûrement impliquées dans la transcytose de molécules dans les cellules endothéliales et dans l’endocytose de certaines toxines bactériennes. Des travaux récents permettent de dégager un certain consensus. Dans la plupart des cellules, à l’état basal, les cavéoles seraient des organites très peu dynamiques qui ne sont pas endocytés de manière constitutive [44]. La présence de la dynamine et des protéines de fusion SNARE ((→) m/s 2001, n°5, p. 669) indique cependant qu’elles possèdent l’équipement protéique nécessaire pour se détacher de la membrane et fusionner avec les compartiments intracellulaires. De fait, l’internalisation par les cavéoles peut être induite par certains virus, des bactéries ou encore en réponse à l’agrégation des protéines « glypiées » (ancre GPI, glycosyl phosphate inositol) [45]. Il est intéressant de noter que la surexpression de la cavéoline augmente l’endocytose de l’hormone de croissance [46], tandis qu’elle bloque l’endocytose du facteur autocrine de mobilité AMF [47]. Il apparaît donc que le rôle des cavéoles dans l’EIC est étroitement lié au type de molécule étudiée.

Les rafts

L’hypothèse des rafts ou microdomaines lipidiques, proposée par Simons en 1997, a fait reconsidérer le rôle des lipides dans les membranes biologiques. La répartition asymétrique de certains lipides dans le plan latéral des membranes crée des microdomaines particuliers sous forme de phase liquide ordonnée (lo) dans un environnement membranaire plus fluide, ce qui permet de concentrer sélectivement certaines protéines. La composition lipidique particulière des microdomaines les rend résistants à l’action de détergents anioniques à 4°C, une propriété utilisée pour les isoler en gradient de sucrose sous forme de DRM (detergent-resistant membranes). Les DRM sont enrichies en cholestérol, glycosphingolipides, sphingomyéline et en glycérophospholipides insaturés, tout comme les cavéoles qui constituent une variété de microdomaines. Plusieurs études biophysiques ont démontré l’existence des microdomaines à la surface des cellules intactes [48]. Les protéines concentrées dans ces microdomaines présentent alors les propriétés caractéristiques des DRM et sont résistantes à l’action détergente du Triton X-100 à 4°C. à l’image des cavéoles, les microdomaines sont enrichis en molécules du signal et en protéines « glypiées » [49]. L’étude de l’endocytose des protéines « glypiées » a suggéré que les microdomaines seraient impliqués dans leur internalisation. Cependant, la cinétique plutôt lente de leur endocytose a fait douter de la réelle capacité d’endocytose des microdomaines. Récemment, les microdomaines ont été impliqués dans des phénomènes d’endocytose plus conventionnels. Le récepteur de l’interleukine-2 est le premier exemple d’un récepteur trans-membranaire qui n’est endocyté ni par les CCP ni par les cavéoles [36]. De plus, le récepteur est associé de façon constitutive aux microdomaines de la membrane plasmique et est présent dans les endosomes précoces, suggérant que les récepteurs restent associés aux microdomaines au cours de leur endocytose. Il est intéressant de noter que l’endocytose des récepteurs de l’interleukine-2 dépend de la dynamine, une propriété partagée avec les cavéoles. D’autres récepteurs transmembranaires comme le récepteur de l’antigène des lymphocytes T, le récepteur à haute affinité des IgE ou dernièrement le récepteur de l’insuline ont été retrouvés dans les microdomaines, mais le rôle de cette association dans leur endocytose n’a pas été étudié. Enfin, il a été montré que des lipides récepteurs de toxines bactériennes comme la toxine cholérique et son récepteur lipidique GM1 [50], ou le couple toxine de Shiga/Gb3, sont concentrés dans les microdomaines et subissent une endocytose dynamique [51]. Les microdomaines de la membrane plasmique présentent donc des caractéristiques qui leur permettent d’assurer l’endocytose efficace de lipides et de récepteurs, de façon indépendante des CCP et des cavéoles.

Il n’existe pas d’inhibiteurs sélectifs de l’endocytose par les microdomaines. Si les substances qui interfèrent avec le cholestérol membranaire (Tableau I) empêchent la concentration sélective des protéines dans les microdomaines et les cavéoles, elles déstabilisent également les CCP [52], [53]. La sensibilité à ces produits et la résistance aux détergents ne sont pas des critères assez sélectifs pour affirmer qu’un récepteur ou une molécule sont internalisés par les microdomaines. Il semble raisonnable de montrer en parallèle qu’un récepteur de l’EDC, comme le récepteur de la transferrine, n’est pas affecté par ces traitements. Les mécanismes qui contrôlent l’endocytose des protéines associées aux microdomaines ne sont pas connus, mais la découverte récente de marqueurs sélectifs ouvre la voie à la caractérisation moléculaire de cette nouvelle voie d’endocytose indépendante de la clathrine.

Rôle des différentes voies d’endocytose: exemple de la signalisation

La question de la fonction physiologique des EIC reste non résolue. Il semblerait logique que des voies d’entrée différentes puissent aboutir à des destinations intracellulaires finales distinctes. Les molécules endocytées par les CCP sont le plus souvent dirigées dans la voie de recyclage vers la membrane plasmique (récepteurs de la transferrine, des LDL) ou dans la voie de dégradation lysosomale (facteurs de croissance). L’internalisation par EIC pourrait aboutir à des destinations intracellulaires différentes. Ainsi, certaines protéines « glypiées » et certaines toxines bactériennes comme la toxine de Shiga sont ciblées vers l’appareil de Golgi par transport rétrograde selon un processus dépendant des microdomaines [51]. Les cavéoles semblent impliquées dans le ciblage préférentiel des molécules vers l’appareil de Golgi [37] ou le réticulum endoplasmique [47]. Les bases moléculaires de ce routage différentiel pourraient être reliées à l’entrée par des microdomaines distincts. D’ores et déjà, l’utilisation de détergents différents permet d’isoler différents types de DRM.

Il est apparu récemment que l’endoytose des récepteurs à activité tyrosine kinase par les CCP joue un rôle actif dans le contrôle spatio-temporel de leur signalisation [54] et certaines protéines de l’EDC participent directement à la transduction du signal [55]. Les EIC étant mal caractérisées sur le plan moléculaire, leur rôle dans la signalisation n’est pas connu. Cependant, la concentration en molécules de signalisation des microdomaines et des cavéoles en font de véritables centres d’activation. Les EIC permettraient de contrôler des cascades de signalisation distinctes en ciblant les molécules du signal vers des compartiments intracellulaires. Dans le futur, la connaissance de la composition moléculaire des microdomaines auxquels sont associés une protéine ou un lipide donnés devrait permettre d’établir les bases moléculaires de ce tri sélectif et de mieux comprendre les liens existant entre voies d’endocytose et signalisation.