Corps de l’article

Introduction

La promotion de l'adaptation scolaire et sociale des enfants du préscolaire et du début du primaire préoccupe les éducateurs et les planificateurs. La trajectoire développementale de plusieurs adolescents dits inadaptés indique en effet que plusieurs ont été signalés dès le début du primaire à des services spécialisés pour des troubles de comportement ou d'apprentissage (Farrington, 1989; Loeber et Dishion, 1983). Déjà, en 1972, Glick rapportait que sur un échantillon de 311 délinquants, près de 8 garçons sur 10 étaient signalés par leur enseignante pour des troubles des conduites pendant les trois premières années du primaire. Plus récemment, des études corroboraient le lien entre les problèmes à la maternelle et la référence aux services spécialisés de ces élèves en troisième année scolaire, d'une part, et les troubles de comportement et de l'apprentissage à l'adolescence (Tremblay, Pihl, Vitaro et Dobkin, 1994), d'autre part. Walker, Colvin et Ramsey (1995) estiment que si le problème d'adaptation de l'élève à l'école n'est pas réglé avant la quatrième année, il faut le considérer comme chronique et difficile à résorber.

L'étonnante stabilité temporelle des troubles du comportement et de l'apprentissage chez un certain nombre d'enfants met en cause la valeur préventive de l'encadrement habituellement offert dans les écoles. La promotion du succès scolaire à l'âge préscolaire constitue donc un important champ d'étude. En effet, la sortie précoce du milieu familial offre une occasion exceptionnelle de faire la promotion des habiletés nécessaires à l'intégration scolaire. Les travaux portant sur la prévention de l'échec scolaire et des troubles de comportement identifient de plus en plus clairement des éléments des programmes préscolaires qui favorisent l'adaptation scolaire et sociale des enfants. Cette recherche propose l'évaluation de la contribution de la qualité des programmes préscolaires qui ont pour objectif spécifique de favoriser le succès scolaire et social des enfants issus de milieux défavorisés. À plus long terme, ces programmes visent également une meilleure adaptation à la vie sociale adolescente et adulte. Contrairement à la plupart de ces études, nous considérerons le succès scolaire sous les aspects des compétences cognitives et socioaffectives. Pour en expliquer les diverses formes, nous estimerons la contribution des caractéristiques des programmes préscolaires.

Depuis quarante ans, des programmes préventifs préscolaires offerts principalement à des enfants de milieux défavorisés mettent l'accent sur la stimulation cognitive précoce (lecture, langage, activités spatiotemporelles) dans le but de favoriser une meilleure adaptation scolaire. Bien que la plupart de ces programmes entraînent une augmentation des scores de QI des enfants à la fin du programme, ces gains s'atténuent progressivement au primaire (Barnett et Escobar, 1990; Farran, 1990; Leduc et Cadieux, 1993 pour une revue de la documentation). Cependant, plusieurs études, dont celle portant sur l'évaluation de l'impact du programme Perry Preschool Project sur la préparation scolaire des enfants, font ressortir des effets à long terme sur la réussite scolaire, évaluée sur la base d'indicateurs tels que la rétention scolaire et le recours à des services spécialisés (Schweinhart et Weikart, 1993). Par ailleurs, des études montrent que plus l'intervention est longue et plus elle débute tôt dans la vie de l'enfant, plus les bénéfices cognitifs sont importants (Campbell et Ramey, 1994). Ceux qui participent à un programme préscolaire pendant deux ans présentent un niveau de préparation scolaire supérieur à ceux qui y participent pendant un an (Reynolds, 1995). Enfin, comparant deux programmes préscolaires aux objectifs similaires, Reynolds (1992) et Reynolds et Bezrucko (1993) notent que les programmes qui insistent davantage sur l'acquisition des habiletés scolaires et qui favorisent la participation des parents dans le programme sont ceux dont les enfants présentent un niveau de préparation scolaire cognitif supérieur.

Il importe de prendre en compte plusieurs dimensions de la vie scolaire lors de l'évaluation de l'efficacité de l'intervention préscolaire. La compétence scolaire se reflète également dans la capacité de l'enfant à interagir, à développer et à maintenir des relations satisfaisantes avec les autres, principalement avec les pairs (Katz, 1988). Bien que les habiletés sociales en bas âge soient des indicateurs de la réussite scolaire ultérieure, de la réussite sociale et du développement de soi à l'âge adulte (Eron et Huesman, 1984), peu de recherches ont spécifiquement porté sur l'impact à court et à long terme de l'éducation préscolaire sur la compétence scolaire, définie en termes socioaffectifs (Leduc et Cadieux, 1993; Paquette, 1998). À cet égard, Weikart (1987), en comparant l'impact de différents types de programmes préscolaires sur la compétence scolaire des élèves, obtient des différences sur le plan de la compétence scolaire définie en termes socioaffectifs. Weikart a comparé trois approches d'enseignement, soit 1) l'approche de l'enseignement DISTAR où il revient à l'enseignante de diriger l'apprentissage, l'enfant ayant davantage le rôle de répondre aux initiatives de l'enseignante, 2) une deuxième approche centrée sur l'enfant qui préconise, pour sa part, des rôles inverses, c'est-à-dire que l'enfant prend alors le rôle de meneur et 3) l'approche proposé par le High Scope Curriculum, qui s'inspire d'une approche d'encadrement ouvert, où l'enfant et l'enseignante se partagent également les rôles. Les résultats démontrent que les enfants du Perry Preschool Project sont plus coopératifs que les enfants du programme DISTAR en première année mais qu'ils sont moins indépendants que les enfants des deux autres programmes en deuxième année. Les groupes ne diffèrent pas sur la socialisation et l'orientation vers les activités scolaires ni en première ni en deuxième année.

D'autres études, dont celle de Larsen, Hite et Hart (1983), ont montré une différence de compétence sociale entre les enfants de milieux socioéconomiques favorisés ayant participé à un programme d'intervention préscolaire et ceux qui n'y ont pas pris part en faveur du premier groupe. Reynolds (1995) note cependant que la participation à un programme pendant deux ans plutôt qu'un an n'est pas associée à une meilleure qualité d'adaptation psychosociale à la maternelle. Il ressort qu'une comparaison entre des enfants ayant profité ou non du programme Perry Preschool Project donne des résultats positifs quant à la qualité de l'adaptation psychosociale. Ainsi, les résultats indiquent que de jeunes adultes ayant suivi le programme Perry PreschoolProject sont moins enclins à des activités délinquantes, à des grossesses précoces, à la toxicomanie et, de plus, présentent plus de succès scolaire au secondaire et au postsecondaire (Schweinhart et Weikart, 1993). D'autres études indiquent que les programmes préscolaires influent sur la préparation scolaire des enfants à la fois sur les plans cognitif et social. Ainsi, Verlaan, Saysset, Tremblay et Boivin (soumis) et Vitaro, Dobkin, Gagnon et LeBlanc (1994) rapportent, dans un bilan critique des programmes d'intervention précoce, que l'étalement des programmes Head Start sur une période de deux ans est notamment à la source des résultats positifs obtenus par ces programmes pour favoriser l'intégration scolaire et sociale des enfants de milieux défavorisés. Ces auteurs rapportent le même type de résultats dans les études relatives à l'évaluation du programme Early Training Project. Letarte, Normandeau, Parent, Bigras et Capuano (1998) montrent qu'au-delà de l'influence des facteurs de risque familiaux, la fréquentation préscolaire ajoute à la prédiction du niveau de préparation scolaire cognitif et psychosocial à la fin de la maternelle 4 ans. Plus la durée de la fréquentation de la maternelle 4 ans croît, plus le nombre de réussites des enfants aux mesures cognitives est élevé et meilleure est la qualité de leur adaptation psychosociale.

Les études précédentes montrent que les variables liées à l'organisation (durée de la fréquentation scolaire) et au contenu des programmes préscolaires (type et qualité des programmes) peuvent être associées à des dimensions cognitives ou socioaffectives de la préparation scolaire des enfants. Ces résultats appuient l'idée de considérer le succès scolaire sous l'angle cognitif et sous l'angle socioaffectif. En prenant le succès scolaire sous ces deux angles, il devient possible non seulement de vérifier si les programmes préscolaires ont un impact sur la préparation scolaire des enfants, mais aussi d'évaluer sur quel plan cet impact se manifeste. Ces études relèvent aussi des composantes des programmes préscolaires prometteurs favorables à l'adaptation scolaire et sociale des enfants. À cet égard, Leduc et Cadieux (1993) résument la documentation recensée par l'équipe de White, Bush et Casto, 1985-1986 et White et Casto, 1985, portant sur l'impact des programmes préscolaires sur la réussite scolaire des enfants de milieux défavorisés. Neuf des onze composantes des programmes préscolaires susceptibles de favoriser le succès scolaire qui ont été rapportées dans les différentes recensions identifiées par l'équipe de White et al. (1985-1986) sont 1) plus les parents s'engagent dans le processus, plus l'intervention est efficace (26/27 recensions), 2) plus les enfants sont jeunes au moment où ils commencent le programme, plus l'intervention est efficace (18/24 recensions), 3) plus le programme dure longtemps et plus il est intense, plus l'intervention est efficace (12/17 recensions), 4) plus le programme est structuré, plus l'intervention est efficace (16/17 recensions), 5) plus les intervenants sont formés, plus l'intervention est efficace (7/7 recensions), 6) plus il y a continuité avec l'école primaire, plus l'intervention est efficace (12/13 recensions), 7) plus les enfants sont défavorisés, plus l'intervention est efficace (4/7 recensions), 8) plus le programme est individualisé, plus l'intervention est efficace (4/4 recensions) et 9) plus la proportion intervenant/enfant est petite, plus l'intervention est efficace (7/7 recensions). Cependant, il faut être prudent par rapport à l'identification de ces composantes car des faiblesses méthodologiques ont été relevées dans les documents recensés par White et al. (Leduc et Cadieux, 1993) et les composantes étant alors identifiées dans un contexte américain qui diffère, de fait, du contexte québécois.

Si les études identifient les composantes des programmes préscolaires susceptibles de favoriser le succès scolaire, il n'en est pas de même concernant le contenu de ces programmes. Selon Paquette (1998), le contenu de ces programmes, notamment ceux de la prématernelle et de la maternelle n'ont pas fait l'objet de plusieurs études. Elle soulève l'existence, dans les pays industrialisés, d'un débat sur la mission de ces programmes. D'un côté, on croit que la mission du préscolaire consiste à la socialisation de l'enfant alors que de l'autre, on prône l'amorce de la scolarisation. De notre point de vue, les études sur l'évaluation des programmes préscolaires devraient permettre d'identifier les composantes des contenus des programmes préscolaires qui influencent la réussite scolaire sur les plans cognitif et socioaffectif. Ces résultats devraient, de ce fait, contribuer à clarifier la mission des programmes préscolaires. Paquette mentionne aussi qu'il est utopique de croire que la simple fréquentation d'un programme préscolaire ordinaire puisse prévenir l'échec scolaire. À la lumière de ces informations, les bienfaits de l'intervention préscolaire ne semblent plus remis en question. Les études actuelles dans le domaine doivent s'attarder à identifier les composantes des contextes d'intervention et celles des contenus des programmes qui favorisent le succès scolaire des enfants de milieux défavorisés.

La majorité des conclusions sur les programmes préscolaires prometteurs proviennent d'études menées aux États-Unis auprès d'enfants de milieux défavorisés. Au Québec, on reconnaît la nécessité et l'importance d'intervenir précocement pour prévenir les problèmes reliés à l'adaptation scolaire et sociale des enfants de milieux défavorisés (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 1991; Gouvernement du Québec, 1992). Il existe au Québec trois principaux types de services préscolaires offerts aux enfants de milieux défavorisés soit les maternelles 4 ans, les programmes Passe-Partout et les maternelles 5 ans temps plein (Hamel, 1995). Ces services sont apparus, il y a environ vingt ans, à la suite des politiques de lutte à la pauvreté (Hamel, 1995). Le gouvernement du Québec offrait alors le choix aux commissions scolaires de milieux défavorisés d'instaurer un des deux services d'éducation préscolaire pour les enfants de quatre ans en plus du service des maternelles 5 ans temps plein. Toutefois, depuis l'automne 1997, les maternelles 5 ans temps plein sont offertes à tous les enfants du Québec et il ne reste plus que les services aux enfants de 4 ans qui demeurent exclusifs aux enfants de quatre ans de milieux défavorisés.

La plupart de ces programmes préscolaires poursuivent les mêmes objectifs que ceux des programmes américains. Ils tentent de prévenir les problèmes d'apprentissage et de comportement en faisant la promotion à l'âge préscolaire des habiletés nécessaires à une intégration scolaire et sociale positive. Ils visent aussi à aider les parents à créer un environnement familial propice au développement de l'enfant (Ministère de l'Éducation du Québec, 1981). Par contre, très peu de programmes québécois ont été soumis à une évaluation rigoureuse qui permettrait d'en vérifier l'impact sur la préparation scolaire cognitive et socioaffective des enfants. Quelques programmes des milieux universitaires et ceux du ministère de l'Éducation ont fait l'objet d'une évaluation, selon Hamel (1995) qui invite à la prudence dans l'interprétation et la généralisation des résultats obtenus puisque ces études utilisent des méthodologies très différentes et elles font uniquement mention d'effets à court terme de leur programme sur la préparation scolaire des enfants.

Par exemple, une étude sur l'implantation des programmes Passe-Partout a été menée par un groupe de travail sur Passe-Partout (1994). Cette étude montre que les objectifs de Passe-Partout en 1994 varient selon les animateurs. Toutefois, certains objectifs, tel le développement de la confiance en soi des parents, la prévention et le dépistage précoce des difficultés des enfants, sont visés par une majorité d'animateurs de ce service. Actuellement, il n'y a pas d'évaluation d'implantation du service préscolaire de la maternelle 4 ans au Québec. On ne peut donc pas savoir avec précision sous quelle forme le programme est réellement offert aux enfants.

Du côté des évaluations d'impact des services préscolaires offerts aux enfants de quatre ans, on relève, notamment en 1981, une étude du ministère de l'Éducation du Québec (1981). Les commissions scolaires où des services étaient offerts ont été comparées à des commissions scolaires – que ce ministère jugeait plus favorisées – qui ne proposaient pas d'intervention préscolaire. Par ailleurs, les différents services préscolaires ont été comparés. Notons des faiblesses méthodologiques importantes de ces études: les instruments de mesure et le devis utilisés n'étaient pas assez rigoureux pour permettre de détecter les effets réels de l'intervention. De plus, les instruments standardisés, fiables et valides étant moins accessibles à l'époque de cette évaluation, des instruments de mesure maison qui évaluent le développement de l'enfant ainsi que la compétence éducative des parents ont été utilisés (Idem). Les enfants participant aux programmes n'ont pas été choisis de façon aléatoire et ils n'ont pas été répartis aléatoirement dans les groupes puisque l'intervention est offerte à tous les enfants qui en ont besoin et que le choix de l'intervention revient aux commissions scolaires (Idem). Par ailleurs, le groupe de comparaison n'est pas équivalent aux groupes expérimentaux puisqu'il provient d'une commission scolaire où les services ne sont pas offerts, donc jugée plus favorisée par le Ministère. Toutefois, les enfants du groupe de comparaison de milieu favorisé ont été jumelés par rapport à leur âge et à leur groupe d'appartenance sexuelle.

Les résultats obtenus montrent que, en général, le développement des enfants est semblable, que les enfants aient ou non pris part à un programme d'intervention préscolaire du ministère de l'Éducation du Québec, sauf pour les domaines des arts plastiques et du langage où le développement est plus marqué dans le groupe d'enfants qui ont reçu une intervention. Cependant, lorsqu'on tient compte du niveau socioéconomique familial, la différence entre les groupes dans le domaine des arts plastiques disparaît (Ministère de l'Éducation du Québec, 1981) alors que celle du langage demeure.

Considérant que le groupe expérimental (enfants participant à l'un des programmes préscolaires) est défavorisé et que le groupe de comparaison est favorisé, les résultats indiquent qu'à la fin du préscolaire, l'écart entre les milieux favorisés et défavorisés se maintient, et ce, dans tous les domaines évalués. Par ailleurs, comme dans le groupe expérimental et dans le groupe de comparaison, il y a des familles plus favorisées et d'autres moins, l'écart entre les plus favorisés et les plus démunis est aussi maintenu dans l'un et l'autre groupe.

L'évaluation des services préscolaires québécois porte aussi sur les attitudes éducatives des parents (Ministère de l'Éducation du Québec, 1981). Globalement, après six mois d'intervention, peu de changements sont observés dans les attitudes éducatives des parents, tant pour le groupe expérimental (défavorisé) que pour le groupe de comparaison (favorisé). Cependant, les parents du groupe Passe-Partout sont les seuls pour lesquels il y a des différences significatives pour deux attitudes, soit la confiance que les parents accordent à leur enfant et l'empathie dans la communication avec celui-ci (Idem).

L'évaluation à long terme des services préscolaires québécois a porté sur le taux de diplomation au secondaire (obtention du DES), 11 ans après l'entrée des enfants en première année (Legault, 1993). À l'intérieur des commissions scolaires qui offrent une intervention, le taux de diplomation a crû de 3,9% lorsque ces services ont été instaurés (comparaison entre les cohortes de 1981 et de 1979). Comme dans les autres commissions scolaires, ce taux a aussi augmenté de 1,3%, cette proportion d'amélioration n'est pas due à la fréquentation des programmes. Un bénéfice net des interventions préscolaires de 2,6% est donc enregistré. Alors que le taux de diplomation global pour l'ensemble des commissions scolaires défavorisées était inférieur à celui des commissions scolaires favorisées avant l'instauration de ces services, il le dépasse maintenant. Toutefois si l'on compare les différents services entre eux et avec un groupe favorisé, Passe-Partout est le seul à rejoindre un groupe de comparaison très favorisé. Ainsi, le service de Passe-Partout explique en grande partie le résultat concernant l'obtention d'un taux de diplomation équivalent entre les commissions scolaires défavorisées et favorisées. Cette étude manque toutefois de rigueur, car elle ne considère pas que le programme Passe-Partout est offert en milieu rural alors que les maternelles 4 ans se retrouvent en milieu urbain.

Globalement, on peut conclure que les seules évaluations des services préscolaires québécois qui ont été effectuées ne montrent pas clairement l'efficacité de l'intervention mise en place. De plus, comme les interventions ont évolué au cours des vingt dernières années, les résultats obtenus ne s'appliquent pas nécessairement aux programmes mis en place aujourd'hui. Des évaluations des interventions préscolaires rigoureuses sont donc nécessaires pour vérifier l'efficacité des interventions offertes aux enfants de quatre ans. Notons toutefois que plusieurs programmes préscolaires sont instaurés par les milieux universitaires et qu'ils sont généralement soumis à une évaluation rigoureuse (voir Hamel, 1995 pour une liste des différents programmes préscolaires expérimentés et évalués au Québec par les milieux universitaires). Hamel (1995) rapporte que ces programmes reposent sur de solides assises théoriques, qu'ils font l'objet d'évaluation et qu'ils ont des retombées sur l'élaboration des programmes offerts aux enfants, et sur la formation des étudiants et des enseignants. Notons aussi que Lapointe, Hébert et Tremblay (1999) poursuivent présentement une étude sur l'impact des mesures d'éducation préscolaire dans les milieux défavorisés de l'île de Montréal. Les résultats préliminaires de cette étude indiquent que l'augmentation du temps de scolarisation à l'âge préscolaire (augmentation du temps de scolarisation à la maternelle, de mi-temps à plein temps et la fréquentation d'une maternelle 4 ans) n'a pas d'effet direct sur le niveau de performance individuelle des élèves en première année. Cette étude et celle que nous présentons permettront toutes deux d'identifier, au cours des prochaines années, des composantes des programmes préscolaires québécois prometteurs.

Nous avons constaté que les objectifs des programmes québécois sont pratiquement les mêmes que ceux des programmes américains. Il existe toutefois certaines différences dans les pratiques quotidiennes. L'évaluation des programmes québécois est nécessaire puisque les études québécoises sur ce sujet ne sont pas récentes et qu'elles comportent des problèmes méthodologiques importants. À la lumière des informations précédentes, il apparaît essentiel d'évaluer l'impact des programmes préscolaires québécois offerts aux enfants de milieux défavorisés. Il est donc impératif d'évaluer l'impact des programmes préscolaires québécois dans leur propre contexte d'application afin de vérifier s'ils atteignent leurs objectifs de favoriser le succès scolaire des élèves issus de milieux défavorisés et de réduire les écarts entre les enfants favorisés et ceux qui le sont moins. L'évaluation de ces programmes devient de plus en plus urgente compte tenu de l'essor que prennent actuellement les programmes préscolaires au Québec avec, notamment, l'arrivée de la maternelle temps plein. Dans cette étude, trois objectifs sont poursuivis:

  • Décrire, sous l'angle de la préparation scolaire cognitive et socioaffective, l'évolution des enfants ayant participé à des programmes préscolaires du début à la fin de leur fréquentation de ces programmes.

  • Identifier les facteurs des programmes préscolaires (temps d'exposition à des programmes, climat d'apprentissage, style d'orientation pédagogique de l'enseignante, caractéristiques des enseignantes, contenu des programmes, etc.) associés au succès scolaire en matière de compétences cognitives et socioaffectives.

  • Comparer, en fin de maternelle, le succès scolaire des enfants ayant profité d'un programme d'éducation préscolaire sur une période de deux ans (maternelle 4 ans + maternelle 5 ans temps plein) à celui des enfants ayant uniquement profité d'un programme de maternelle 5 ans à temps plein.

Méthodologie

Les sujets

De nature prospective et longitudinale, cette étude s'intéresse à deux cohortes d'enfants qui, à l'automne 1996 et à l'automne 1997, fréquentaient des programmes préscolaires. Un total de 265 participants (125 filles, 140 garçons) âgés de 4 ans (x̄ = 56,27 mois; σ = 3,9 mois ) au moment de la première évaluation forment la cohorte maternelle 4 ans. Ceux-ci ont été évalués à quatre reprises, soit en début et en fin maternelle 4 ans et en début et en fin maternelle 5 ans. La cohorte maternelle 5 ans compte 218 sujets (130 filles, 88 garçons) âgés de 5 ans (x̄ = 67,24 mois; σ = 3,4 mois) lors de leur première évaluation, soit au début de leur fréquentation à la maternelle 5 ans. Ceux-ci ont été évalués à deux reprises, soit en début et en fin de maternelle 5 ans. Contrairement aux sujets de la cohorte maternelle 4 ans, ceux-ci n'ont pas participé à un programme de maternelle 4 ans.

Les enfants du groupe maternelle 4 ans proviennent de l'Estrie; ils suivaient un programme éducatif préscolaire durant l'année académique 1996-1997. L'expression «programme éducatif» renvoie indifféremment aux services de maternelle 4 ans et au programme Passe-Partout. Ils proviennent de cinq commissions scolaires et de 22 écoles. Les programmes éducatifs préscolaires du ministère de l'Éducation du Québec sont offerts sur l'ensemble des territoires défavorisés du Québec. Les commissions scolaires touchées ont le choix d'implanter une maternelle 4 ans ou un programme Passe-Partout (Ministère de l'Éducation du Québec, 1981a). Pour la maternelle 4 ans, les services sont offerts à tous les enfants d'une agglomération où la majorité des familles sont dites défavorisées (Ministère de l'Éducation du Québec, 1979a). Toutefois, chaque commission scolaire a sa propre technique de recrutement et ses propres critères de sélection pour rejoindre les enfants (Crespo, 1984). Les directeurs d'école ont la responsabilité de recruter leur clientèle. Selon ce qu'en disent les responsables des services préscolaires des commissions scolaires de l'Estrie, ce processus de recrutement varie selon les écoles. Ces personnes rapportent qu'en général, les enfants sont dirigés vers les programmes par les CLSC qui dépistent les enfants à risque de difficultés éventuelles. Certaines écoles sélectionnent une proportion de leur clientèle parmi les enfants à risque de difficultés scolaires ultérieures et une autre parmi les enfants de milieu socioéconomique moyen. D'autres écoles acceptent simplement les premiers enfants qui s'inscrivent alors que d'autres encore choisissent d'offrir le service exclusivement aux enfants les plus défavorisés sur le plan socioéconomique.

Les enfants de la cohorte maternelle 5 ans vivaient en Estrie; ils suivaient un programme de maternelle 5 ans durant l'année scolaire 1997-1998. Ils font partie de 8 commissions scolaires et de 52 écoles. La plupart proviennent d'écoles sises dans des zones défavorisées et des mêmes écoles que les enfants de la cohorte maternelle 4 ans. La plus grande dispersion des élèves de la maternelle 5 ans est liée au fait que les élèves qui ont été évalués à la maternelle 4 ans ont été réévalués alors qu'ils fréquentaient la maternelle 5 ans. Plusieurs d'entre eux se sont retrouvés dans des écoles où nous n'avions recruté aucun élève lors de notre évaluation effectuée au cours de l'année scolaire 1996-1997.

Les deux cohortes d'enfants sont comparables selon la scolarité de la mère ou du père et selon le revenu ou la structure familiale. La majorité des parents ont complété au plus une formation secondaire. La presque totalité des familles sont biparentales. Près de 40% des familles de l'échantillon ont un revenu de moins de 30000$, ce qui constitue un revenu faible pour la plupart des configurations familiales (Statistique Canada, 1996). Cet échantillon est représentatif de la population québécoise pour ce qui est de la proportion de familles biparentales et de la scolarité postsecondaire des parents.

Les procédures

La recherche a été présentée par la coordonnatrice dans chacune des commissions scolaires de l'Estrie. Une seconde présentation a été faite aux directeurs des écoles de chaque commission scolaire offrant des services préscolaires aux enfants de 4 ans. Les enseignantes ont été rencontrées par un membre de l'équipe de recherche. Toutes les enseignantes sollicitées pour participer à l'étude (27 pour la maternelle 4 ans et 99 pour la maternelle 5 ans) ont accepté que nous rencontrions leurs élèves à l'école. C'est par des enseignantes que nous avons contacté les parents. Chaque enseignante recevait une lettre à remettre à chacun des parents des élèves de sa classe les invitant à participer à notre projet de recherche. Les parents devaient retourner un coupon-réponse à l'enseignante de leur enfant. Un membre de l'équipe de recherche récupérait les coupons-réponse auprès des enseignantes.

Une fois que les parents ont eu donné leur consentement, chacun des enfants a été évalué à l'aide de trois épreuves cognitives administrées à l'école (Lollipop, EVIP, WWPSI-R) à deux reprises, soit en début et en fin du programme préscolaire. La qualité de l'adaptation sociale des enfants a été évaluée par l'enseignante de l'enfant à l'aide d'un questionnaire (PSA). De surcroît, chaque enseignante a été sollicitée pour remplir trois questionnaires décrivant ses caractéristiques personnelles et professionnelles, ses orientations pédagogiques et l'environnement scolaire de sa classe. Les enseignantes n'ont pas toutes accepté de participer à cette partie de l'étude. Parmi les 27 enseignantes de maternelle 4 ans sollicitées pour répondre à ces trois questionnaires, 17 ont accepté de participer alors que pour les 99 enseignantes de la maternelle 5 ans sollicitées, 70 ont accepté. Les enseignantes ont reçu ces questionnaires environ un mois avant la fin du programme préscolaire. Aucune relance de notre part n'a été faite auprès des enseignantes de la maternelle 4 ans. Ceci peut expliquer, en partie, pourquoi plusieurs d'entre elles n'ont pas retourné leurs questionnaires au laboratoire. Pour les enseignantes de maternelle 5 ans, une relance a été faite auprès de celles qui n'avaient pas retourné leurs questionnaires. Plusieurs évoquaient le manque de temps pour les remplir compte tenu de la surcharge de travail en fin d'année scolaire. Quatre enseignantes de la maternelle 5 ans d'une même école ont refusé de participer à l'étude sans toutefois fournir d'explications. Notre collecte de données ne permet pas de comparer les caractéristiques des enseignantes qui ont répondu à ces trois questionnaires à celles des enseignantes qui n'ont pas répondu ou qui ont refusé de répondre.

Les instruments

Évaluation de la préparation scolaire cognitive et affective

La préparation scolaire cognitive a été évaluée à l'aide de trois instruments, le Lollipop, l'EVIP et des sous-tests du WPPSI-R. Le test Lollipop (Chew et Morris, 1984) est une mesure critériée des préalables scolaires. Il comporte quatre sous-tests: identification des couleurs et des formes (14 questions), description des images (repérage spatial: 10 questions), reconnaissance des chiffres et calcul (14 questions), reconnaissance des lettres et écriture (14 questions). Le nombre de points accordés à chaque question varie de 1 à 5 points pour un total de 69 points. La version française du Lollipop a été validée auprès d'enfants de 4 et 5 ans (Normandeau, Letarte, Parent, Bigras et Capuano (1998). La consistance interne (r=0,90) et la fidélité test-retest (r=0,99) sont similaires aux résultats rapportés pour la version originale (Chew, 1989). Les corrélations entre le Lollipop et des mesures cognitives (WPPSI-R et EVIP) sont supérieures à celles observées avec des mesures de développement moteur ou de comportement social, confirmant la validité concomitante de l'instrument à l'instar des travaux de Chew et Morris. Le Lollipop est un bon prédicteur du rendement en lecture et en mathématiques (Chew et Lang, 1990; Chew et Morris, 1989).

L'EVIP (Échelle de vocabulaire en images Peabody) (Dunn, Thériault-Whalen et Dunn, 1993) est une traduction de PPVT-R (Peabody Picture Vocabulary Test). Le niveau de vocabulaire qu'évalue ce test est un prédicteur fiable du rendement scolaire (Tramontana, Hooper et Selzer, 1988). L'évaluation de l'homogénéité interne a démontré des coefficients variant de 0,66 à 0,85. La fiabilité test-retest à une semaine d'intervalle est de 0,78 pour des enfants âgés de 4 à 10 ans. Des corrélations variant entre 0,16 et 0,86 ont été observées avec le PPVT et le WISC-R (Sattler et Covin, 1986) suggérant une bonne validité concomitante.

Quatre sous-tests du WWPSI-R ont été administrés, soit deux sous-tests de l'échelle verbale (informations et jugement) et deux de l'échelle performance (dessins géométriques et dessins de blocs). L'ensemble de ces sous-tests corrèle (0,90) avec le score total du test (Sattler, 1986). Les résulats à ces tests ont été standardisés pour avoir une moyenne de 10 et un écart-type de 1,5. La consistance interne des sous-tests est évaluée à 0,81 pour l'information et le jugement et à 0,82 pour les dessins géométriques et de blocs. La validité concomitante a été obtenue en comparant le WWPSI-R au Stanford-Binet, au WISC-R et au McCarthy (Sattler, 1986). Enfin, la validité prédictive par rapport à des tests de rendement scolaire standardisés varie généralement de 0,30 à 0,70 (Sattler, 1986).

L'aspect psychosocial du niveau de préparation scolaire est mesuré par le Profil socioaffectif (PSA) pour les enfants d'âge préscolaire, version courte complétée par l'enseignante (LaFrenière, Dubeau, Janosz et Capuano, 1990; LaFrenière, Dumas, Capuano et Dubeau, 1992). Cet instrument comporte 30 énoncés concernant l'expression de l'affectivité de l'enfant, son comportement lorsqu'il interagit avec les pairs, et son comportement lorsqu'il est en interaction avec les adultes. Pour chaque énoncé, l'enseignante indique si le comportement de l'enfant se présente jamais (1), rarement (2), occasionnellement (3), régulièrement (4), souvent (5) ou toujours (6) ou encore, ne s'applique pas. À partir des résultats obtenus au questionnaire, quatre scores de l'adaptation sociale peuvent être obtenus: 1) un score global, 2) un score pour les problèmes intériorisés, 3) un score pour les problèmes extériorisés et 4) un score pour la compétence sociale. La consistance interne varie de 0,80 à 0,92, et la fidélité test-retest, après deux semaines, pour un échantillon québécois, varie de 0,78 à 0,86. Les corrélations entre les indices de chaque échelle de la version courte et l'échelle correspondante de la version originale varient de 0,92 à 0,97 (LaFrenière et Dumas, 1997) démontrant une validité de construit élevée.

Évaluation de la qualité des programmes

L'inventaire du climat d'apprentissage (ICA) – Ce questionnaire (Michaud, Comeau et Goupil, 1985, 1990) comprend sept échelles de six énoncés chacune auxquels l'enseignante répond par vrai ou faux. Il sert à évaluer le climat social de la classe selon 1) la participation des élèves (l'intérêt de l'élève pour les activités de la classe), 2) l'attachement mutuel (le degré d'amitié et de camaraderie entre les élèves), 3) l'appui reçu (degré d'attention et d'amitié exprimé par l'enseignante envers les élèves), 4) l'importance de la tâche (valeur accordée à l'organisation, aux activités et au succès), 5) l'ordre et l'organisation (importance accordée à la bonne conduite, la politesse et l'organisation générale), 6) les règlements (dans quelle mesure l'accent est mis sur les règles de conduite et dans quelle mesure ceux qui les enfreignent connaissent les conséquences de leurs actes), et 7) l'innovation pédagogique (niveau de participation des élèves et de l'enseignante dans la planification des activités, leur diversité et leur originalité). Une cote faible à chacune des échelles indique que le climat de la classe est propice aux apprentissages. À l'inverse, une cote élevée indique que le climat ne favorise pas les apprentissages chez les élèves. L'indice global de fidélité est de 0,87 (Michaud, Comeau et Goupil, 1990). Dans cette étude, seuls les résultats aux échelles «participation des élèves», «attachement mutuel» et «innovation pédagogique» seront présentés.

Les orientations pédagogiques – Le Questionnaire d'orientation pédagogique vise à évaluer le style pédagogique de l'enseignante selon l'intensité du contrôle ou de l'autonomie qu'elle préconise avec ses élèves (Deci, Schwartz, Sheinman et Ryan, 1981; traduction française: Royer, Tremblay, Gagnon, Vitaro et Piché, 1989). Huit vignettes décrivant une situation impliquant un enfant dans une classe sont présentées; l'enseignante doit indiquer de quelle façon une enseignante devrait réagir dans une telle situation. À la suite de chacune des huit vignettes, il y a quatre façons possibles de répondre à la situation problématique. Les quatre énoncés consécutifs à chaque vignette représentent quatre points qu'on doit choisir sur un continuum de «très contrôlant» à «très autonome». À chaque réponse pour le «contrôle élevé», l'adulte (parent ou enseignant) décide de la solution du problème et utilise une sanction pour s'assurer que la solution est exécutée. Pour chaque réponse de «contrôle modéré», l'adulte décide de la solution et tente d'amener l'enfant à l'exécuter en invoquant la culpabilité ou en insistant que c'est pour le bien de l'enfant. Pour chaque réponse de «modéré vers l'autonomie», l'adulte encourage l'enfant à utiliser la comparaison sociale comme information (pour voir ce que les autres font) dans une tentative de résoudre le problème. Et finalement, pour chaque réponse «autonomie élevée», l'adulte encourage l'enfant à considérer les divers éléments du problème et à arriver à une solution par lui-même ou elle-même.

L'adulte qui remplit ce questionnaire a reçu comme consigne de lire chaque vignette soigneusement et de considérer par la suite chacune des quatre réponses possibles, puis une après l'autre, d'évaluer chaque énoncé sur une échelle de 1 à 7 en indiquant à quel point il considère cette réponse appropriée pour régler la situation. Le «1» indique que, donner ce style à la personne, la réponse (le moyen) est hautement inappropriée, un «4» indique que ce moyen est modérément approprié, et un «7» indique que le moyen est hautement approprié. Ainsi, la personne interrogée a reçu comme instruction d'évaluer 32 énoncés, quatre réponses pour chacune des huit vignettes. Huit des énoncés, par conséquent, sont «hautement contrôlant», huit sont «modérément contrôlant», huit sont «modérément informel (autonomie)», huit sont «hautement informel (autonomie)». Les quatre réponses sont contrebalancées par ordre à travers les huit vignettes. Les réponses pour chacun des huit énoncés pour chacune des quatre sous-échelles ont été additionnées pour donner 4 scores moyens, pour une étendue possible des scores de 1 à 7. Un score total est calculé en pondérant le score de l'échelle du contrôle élevé avec –2, le score de l'échelle modérément contrôlé avec -1, le score de l'échelle modérément informel avec +1, et le score de l'échelle hautement informel avec +2, et par la suite, en additionnant les résultats pondérés. Ainsi, le score total des échelles sont de -18 à +18. Pour évaluer la cohérence interne de l'instrument, chaque énoncé du questionnaire a été mis en relation avec la sous-échelle correspondante. Des coefficients de corrélation variant de 0,40 à 0,80 ont été obtenus. Concernant la stabilité de l'instrument, un test-retest, effectué sur un intervalle de deux mois, indique des coefficients variant de 0,77 à 0,82 (Deci et al., 1981).

La prélecture – Les enseignantes répondent par oui ou par non à une question portant sur le fait qu'elles enseignent ou non la prélecture à leurs élèves.

Les activités parascolaires – Les enseignantes indiquent le total de minutes consacrées aux activités parascolaires durant la dernière semaine complète d'enseignement.

La routine – Les enseignantes indiquent le total de minutes passées à organiser et à planifier la routine durant la plus récente semaine complète d'enseignement.

Le nombre d'enfants en problèmes – Les enseignantes indiquent le nombre d'enfants qui manifestent 1) un trouble de la parole, de l'ouïe, de la vue, un trouble moteur ou un autre problème de santé qui nuit à leur apprentissage, 2) un trouble émotif ou comportemental et 3) un trouble d'apprentissage (tel un problème d'attention, de mémoire, de raisonnement, de lecture, d'écriture, d'orthographe ou de calcul) qui nuit à leur apprentissage. Le total d'enfants en problèmes dans la classe est déterminé par l'addition des réponses fournies aux trois questions précédentes.

Les ressources – L'enseignante évalue si différentes ressources dont dispose sa classe (matériel scolaire, ressources audiovisuelles, programmes, livres, etc.) 1) ne répondent pas à ses besoins, 2) répondent partiellement à ses besoins, 3) répondent adéquatement à ses besoins, 4) répondent complètement à ses besoins, 5) ne s'applique pas. La cote pour cette variable varie de 10 à 40, une cote plus élevée indiquant que les enseignantes sont satisfaites des ressources à leur disposition.

La gestion de l'école et des comportements perturbateurs dans l'école – L'enseignante indique son degré d'accord quant à la façon dont l'école est gérée et à la façon dont les comportements perturbateurs sont contrôlés (par exemple, le personnel enseignant de l'école est parvenu à un consensus sur les façons de discipliner les enfants qui désobéissent aux règles) par le personnel de l'école. Elle indique si elle 1) est entièrement en désaccord, 2) est en désaccord, 3) est ni d'accord ni en désaccord, 4) est d'accord ou 5) est entièrement d'accord. La cote pour cette variable varie de 18 à 90. Une cote élevée indique que l'enseignante est d'accord avec la façon dont l'école est gérée ainsi qu'avec la façon dont les comportements perturbateurs sont contrôlés par le personnel de l'école.

Les années d'expérience dans l'enseignement – Le nombre d'années d'expérience dans le domaine de l'enseignement est celui rapporté par les enseignantes.

L'évaluation de la participation des parents – La participation des parents est évaluée par les enseignantes à l'aide de cinq questions évaluant 1) la participation des parents aux rencontres organisées par l'école, les contacts initiés par les parents, ou les réponses des parents aux contacts établis par l'enseignante; 2) la participation des parents à l'éducation de l'enfant; 3) l'importance que les parents accordent à l'école; 4) l'appui que les parents donnent aux efforts de l'enseignante; 5) ldirecte offerte par les parents à l'enseignante dans les activités scolaires. La cote totale pour cette variable varie de 7 à 18, une cote plus élevée indiquant que les parents participent peu à l'éducation de leur enfant.

Les discussions avec les parents – Les enseignantes donnent le total de minutes prises à discuter avec des parents durant la dernière semaine complète d'enseignement.

Les jours de fréquentation préscolaire – Le nombre de jours de fréquentation préscolaire de chaque enfant est celui rapporté par l'enseignante.

Le Programme préscolaire de maternelle 4 ans

Les programmes éducatifs préscolaires du ministère de l'Éducation du Québec pour les enfants de 4 ans sont offerts dans tous les territoires défavorisés du Québec. Les commissions scolaires ont le choix d'implanter une maternelle 4 ans ou un programme Passe-Partout (Ministère de l'Éducation du Québec, 1981). La structure de la maternelle 4 ans ressemble beaucoup à celle de la maternelle 5 ans qui était offerte à demi-temps à tous les enfants du Québec jusqu'à l'automne 1997. Au début, elle était offerte à des groupes de 15 enfants, 4 ou 5 demi-journées par semaine, et quelques rencontres avec les parents étaient prévues durant l'année (Legault, 1993). Pour ce qui est de la structure de Passe-Partout, celui-ci est divisé en trois principaux axes, soit le matériel éducatif (constitué d'émissions télévisées), l'animation destinée aux parents (rencontres de formation en groupe de six à vingt personnes) et les activités éducatives pour les enfants (ateliers de socialisation et réalisation d'activités éducatives collectives) (Ministère de l'Éducation du Québec, 1981).

L'objectif des maternelles 4 ans est de permettre à l'enfant de vivre des expériences propices à son développement et d'aider les parents à créer un environnement favorable au développement de l'enfant (Ministère de l'Éducation du Québec, 1979a). Le but des programmes Passe-Partout est de favoriser le développement des capacités d'éducateurs des parents en les encourageant à s'occuper activement des questions d'éducation dans leur milieu et en les initiant aux diverses modalités de participation dans le milieu scolaire (Ministère de l'Éducation du Québec, 1979b).

Même s'ils sont des services distincts, des observations non systématiques sur les maternelles 4 ans et les programmes Passe-Partout offerts en Estrie permettent d'affirmer que sur plusieurs points, ces deux services préscolaires sont similaires pour cette région. D'abord, ils offrent tous deux des activités de stimulation précoce aux enfants de quatre ans de milieux défavorisés. Dans chaque cas, le contenu des programmes diffère d'une commission à l'autre, mais les activités sont toujours animées par des enseignantes. Quelques différences entre les programmes de maternelle 4 ans et les programmes Passe-Partout sont toutefois ressorties. La principale concerne la clientèle cible de chaque programme. Les commissions scolaires qui ont des services de maternelles 4 ans offrent d'abord des services aux enfants. Quant aux programmes Passe-Partout, ils desservent en priorité les parents (Hamel, 1995). Toutefois, lors des rencontres des groupes d'enfants, les mêmes objectifs généraux sont poursuivis dans les deux types de programmes d'éducation préscolaire.

Une autre différence concerne l'horaire de chaque service. Bien que chaque commission scolaire soit libre de gérer à sa guise les programmes éducatifs préscolaires, les rencontres des groupes d'enfants de maternelle 4 ans sont généralement plus fréquentes que les activités des groupes d'enfants du programme Passe-Partout. Le ministère de l'Éducation du Québec avait prévu que les enfants qui fréquentent une maternelle 4 ans se rendent à l'école quatre demi-journées par semaine, alors que les enfants qui suivent un programme Passe-Partout doivent y aller seulement une fois par mois. En pratique, on observe que les commissions scolaires ont modifié ces horaires de sorte que les rencontres de groupe de maternelle 4 ans soient souvent moins fréquentes (deux rencontres par semaine) et celles des groupes Passe-Partout soient parfois plus fréquentes (jusqu'à deux fois par semaine).

Une dernière différence entre ces deux services préscolaires réside dans leur localisation. Alors que les maternelles 4 ans sont situées partout au Québec, mais en plus grand nombre dans les centres urbains, les programmes Passe-Partout se retrouvent souvent dans les régions plus rurales du Québec.

Il existe donc des différences théoriques entre les programmes de maternelle 4 ans et les programmes Passe-Partout, mais dans les faits, les différences sont minces, car les programmes se sont adaptés aux besoins de leur clientèle. Ainsi, certains programmes de maternelle 4 ans ont choisi d'intégrer les parents à leurs activités. Ces programmes ne sont donc pas complètement opposés, mais ils se situent sur un continuum quant au degré de participation des enfants ou des parents dans le programme préscolaire. Ces deux services ne peuvent être considérés comme présentant des programmes distincts. De plus, les observations non systématiques faites en Estrie montrent qu'il y a autant de différences intraprogrammes (dans une même catégorie de service: maternelle 4 ans, Passe-Partout) qu'interprogrammes. Considérant les deux services comme un seul ensemble de programmes préscolaires, ceux-ci diffèrent surtout dans l'intensité et la durée de l'intervention auprès des enfants et dans le niveau de participation des parents dans le programme. Dans la présente étude, les services de maternelles 4 ans et de Passe-Partout seront considérés globalement comme des interventions préscolaires.

Résultats

Les résultats figurent selon les objectifs de l'étude. Le premier vise à décrire l'évolution des enfants du début à la fin de leur fréquentation d'un programme préscolaire. L'évolution des enfants, de la maternelle 4 ans jusqu'à la fin de la maternelle 5 ans, sera présentée sous l'angle des changements cognitifs et socioaffectifs. Une analyse des prédicteurs de cette évolution est ensuite proposée.

Le tableau 1 présente les résultats relatifs au niveau de préparation scolaire cognitif (Lollipop, EVIP, WPPSI-R) et socioaffectif (compétence sociale, problèmes intériorisés, problèmes extériorisés) à l'entrée de la maternelle 4 ans (T1) et à la fin de la maternelle 5 ans (T4), pour les enfants de la cohorte maternelle 4 ans.

Tableau 1

Évolution, du début de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans, des enfants qui ont participé au programme de maternelle 4 ans (cohorte maternelle 4 ans seulement)

Évolution, du début de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans, des enfants qui ont participé au programme de maternelle 4 ans (cohorte maternelle 4 ans seulement)

-> Voir la liste des tableaux

Des analyses de variance 2 (sexe de l'enfant) par 2 (T1-T4) ont été calculées sur chacune de ces mesures. Les résultats du tableau 1 indiquent un effet du sexe sur la compétence sociale et un effet du temps pour le Lollipop et l'EVIP. Les filles sont plus compétentes socialement que les garçons. Par ailleurs, la performance des enfants augmente de façon significative entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans au Lollipop et à l'EVIP. Nous observons un effet d'interaction entre le sexe de l'enfant et le temps pour le WPPSI-R. Le score des filles diminue entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans (F= 8,05; p = 0,005) alors que le score des garçons ne diminue pas (F = 0,74; p = 0,391). Une analyse de covariance à mesures répétées avec deux covariables, soit la scolarité de la mère et le nombre de jours de présence de l'enfant à la maternelle 4 ans, produit les mêmes résultats que ceux présentés au tableau 1.

Tableau 2

Régressions multiples des indices de progrès des enfants à la fin de la maternelle 5 ans en fonction des variables du programme et de la scolarité de la mère

Régressions multiples des indices de progrès des enfants à la fin de la maternelle 5 ans en fonction des variables du programme et de la scolarité de la mère

-> Voir la liste des tableaux

Un deuxième objectif consiste à évaluer le rôle de prédiction des caractéristiques du programme préscolaire de maternelle 4 ans pour chacune des variables du niveau de préparation scolaire cognitif et socioaffectif. Une première série d'analyses de régressions a permis d'évaluer le rôle de prédiction des caractéristiques du programme préscolaire 4 ans sur les mesures de préparation scolaire à la fin de la maternelle 5 ans (T4) pour la cohorte maternelle 4 ans. Une seconde série d'analyses de régressions a permis de vérifier le rôle de prédiction des caractéristiques du programme préscolaire 4 ans sur le niveau de préparation scolaire à la fin de la maternelle 5 ans en contrôlant pour le niveau de préparation scolaire à l'entrée de la maternelle 4 ans (T4-T1) pour la cohorte maternelle 4 ans.

Pour les premières séries de régressions, la matrice de corrélations indique que les caractéristiques du programme préscolaire 4 ans (voir tableau 2) sont associées aux mesures de compétence sociale, de problèmes extériorisés, de problèmes intériorisés et à la mesure du Lollipop, mais pas à la mesure du WWPSI-R et de l'EVIP. En conséquence, les analyses de régressions portent sur les quatre premières mesures seulement. Le tableau 2 ne présente les résultats que pour ces quatre mesures.

De manière générale, les résultats du tableau 2 indiquent que la variance expliquée par les caractéristiques du programme de maternelle 4 ans est plus grande pour les changements sur le plan de la compétence sociale, des problèmes extériorisés, des problèmes intériorisés et au Lollipop entre le début du programme de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans (de 25,1% à 41,7%), que pour les résultats en fin de maternelle 5 ans (de 13,3% à 17,9%). Par ailleurs, les élèves qui ont un score élevé de compétence sociale à la fin de la maternelle 5 ans avaient aussi un score élevé de compétence sociale au début de la maternelle 4 ans. La quantité de jours de présence des enfants à la maternelle 4 ans prédit significativement la compétence sociale de l'enfant à la fin de la maternelle 5 ans. Ainsi, plus les enfants sont présents à la maternelle 4 ans, plus ils sont compétents à la fin de la maternelle 5 ans. De plus, la satisfaction des enseignantes de la maternelle 4 ans quant aux ressources disponibles dans l'école, leur âge et le nombre de jours de présence des enfants à la maternelle 4 ans prédisent significativement les progrès ou les retards des enfants entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans. Les enfants sont plus compétents socialement en fin de maternelle 5 ans si leurs enseignantes de la maternelle 4 ans sont satisfaites des ressources disponibles, si elles sont plus âgées et si les enfants fréquentent davantage la maternelle 4 ans. L'inverse est aussi vrai. Les enfants sont moins compétents socialement si leurs enseignantes de la maternelle 4 ans ne sont pas satisfaites des ressources disponibles, si elles sont plus jeunes et si les enfants fréquentent moins la maternelle 4 ans.

Relativement aux problèmes extériorisés, les élèves qui sont les plus agressifs à la fin de la maternelle 5 ans sont aussi ceux qui sont les plus agressifs au début de la maternelle 4 ans. Les élèves de la maternelle 4 ans dont les enseignantes accordent moins d'importance à l'attachement mutuel que doivent développer les élèves et qui accordent peu d'importance aux innovations pédagogiques seraient plus agressifs à la fin de leur maternelle 5 ans qu'au début de la maternelle 4 ans. Par ailleurs, l'inverse est aussi vrai: les élèves de la maternelle 4 ans dont les enseignantes ont fait preuve d'innovations pédagogiques et accordé de l'importance à l'attachement mutuel entre élèves sont moins agressifs à la fin de leur maternelle 5 ans qu'au début de la maternelle 4 ans. En outre, la scolarité de la mère prédit significativement les problèmes extériorisés des élèves à la fin de la maternelle 5 ans. Plus les mères sont scolarisées moins les enfants manifestent ce type de problèmes à la fin de la maternelle 5 ans.

En ce qui concerne les problèmes intériorisés, les élèves les plus isolés à la fin de la maternelle 5 ans sont aussi ceux qui sont les plus isolés au début de la maternelle 4 ans. La satisfaction des enseignantes de maternelle 4 ans à l'égard du style de gestion de l'école et des comportements dérangeants des élèves ainsi que le nombre de jours de présence des enfants à la maternelle 4 ans prédisent significativement les problèmes intériorisés à la fin de la maternelle 5 ans et les progrès ou les retards des enfants entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans. Les enfants ont moins de problèmes intériorisés à la fin de la maternelle 5 ans si leurs enseignantes de la maternelle 4 ans sont satisfaites du style de gestion de l'école et des comportements dérangeants et si les élèves fréquentent davantage la maternelle 4 ans. L'inverse est aussi vrai: les enfants ont plus de problèmes intériorisés à la fin de la maternelle 5 ans si leurs enseignantes de la maternelle 4 ans ne sont pas satisfaites du style de gestion de l'école et des comportements dérangeants et si les enfants fréquentent moins la maternelle 4 ans.

Enfin, concernant la préparation scolaire cognitive, le Lollipop, les élèves les mieux préparés à la fin de la maternelle 5 ans étaient déjà les mieux préparés pour l'école au début de la maternelle 4 ans. L'âge de l'enseignante de la maternelle 4 ans, l'importance qu'elle accorde aux innovations pédagogiques et le nombre de jours de présence des élèves à la maternelle 4 ans prédisent significativement la préparation scolaire des élèves à la fin de la maternelle 5 ans et les progrès ou les retards des enfants entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans. Les enfants sont mieux préparés pour l'école à la fin de la maternelle 5 ans si leurs enseignantes de la maternelle 4 ans sont plus âgées, si elles accordent de l'importance aux innovations pédagogiques et si les élèves fréquentent davantage la maternelle 4 ans. L'inverse est aussi vrai: les enfants sont moins bien préparés pour l'école si leurs enseignantes de la maternelle 4 ans accordent peu d'importance aux innovations pédagogiques, si elles sont plus jeunes et si les enfants fréquentent moins la maternelle 4 ans.

Le troisième objectif de l'étude consiste à vérifier l'impact de la participation ou non à un programme de maternelle 4 ans sur le niveau de préparation scolaire cognitif et socioaffectif à la fin de la maternelle 5 ans. Une analyse de variance multivariée 2 (sexe de l'enfant) par 2 (cohorte maternelle 4 ans, cohorte maternelle 5 ans) sur l'ensemble des mesures de préparation scolaire à la fin de la maternelle 5 ans indique une différence significative selon le sexe de l'enfant, mais aucun effet de la participation à la maternelle 4 ans ni d'interaction entre ces deux variables. Les filles sont mieux préparées pour l'école et plus compétentes socialement; elles présentent moins de problèmes de comportements extériorisés à la fin de la maternelle 5 ans (tableau 3). En outre, une analyse de covariance multivariée tenant compte de la scolarité de la mère donne les mêmes résultats que ceux présentés au tableau 3. La scolarité de la mère est correlée avec l'ensemble des variables analysées, surtout celles qui concernent le domaine cognitif (WWPSI-R, EVIP et Lollipop). Ainsi, plus les mères sont scolarisées, plus les enfants sont compétents socialement et moins ils ont de problèmes extériorisés ou intériorisés. Ils sont mieux préparés pour l'école, disposent d'un vocabulaire plus étendu et d'un score QI plus élevé.

Tableau 3

Comparaisons des deux cohortes par analyse de la variance multivariée des résultats à la fin de la maternelle 5 ans

Comparaisons des deux cohortes par analyse de la variance multivariée des résultats à la fin de la maternelle 5 ans

-> Voir la liste des tableaux

Finalement, l'évolution des deux cohortes maternelle 4 ans et maternelle 5 ans durant leur fréquentation de la maternelle 5 ans par rapport à leur niveau de préparation scolaire cognitif a été comparée. Une analyse de variance multivariée 2 (sexe de l'enfant) par 2 (cohorte maternelle 4 ans, cohorte maternelle 5 ans) sur l'ensemble des mesures de préparation scolaire cognitive évaluées au début et à la fin de la maternelle 5 ans indique une différence significative pour le sexe de l'enfant, le passage du temps et un effet d'interaction entre la cohorte et le passage du temps. Les filles sont mieux préparées (Lollipop–préparation scolaire) à l'école que les garçons à la fin de la maternelle 5 ans et le niveau de préparation scolaire cognitif mesuré par le Lollipop augmente pour tous les enfants pendant la maternelle 5 ans, quel que soit le sexe ou la participation ou non à la maternelle 4 ans. Toutefois, durant la maternelle 5 ans, on note un plus grand progrès de la préparation scolaire pour les enfants qui ont participé à un programme de maternelle 4 ans. Par contre, pour l'étendue du vocabulaire (EVIP), un résultat contraire est observé. Alors que les cohortes étaient relativement égales au début de la maternelle 5 ans, les participants de la maternelle 4 ans ont un score standardisé à l'EVIP significativement plus faible que l'autre groupe à la fin de la maternelle 5 ans (tableau 4).

Tableau 4

Comparaison multivariée de l'évolution des deux cohortes du début à la fin de la maternelle 5 ans

Comparaison multivariée de l'évolution des deux cohortes du début à la fin de la maternelle 5 ans

-> Voir la liste des tableaux

Ainsi les deux cohortes ne progressent pas de la même façon au cours de leur fréquentation de la maternelle. Les enfants ayant participé au programme de maternelle 4 ans possèdent, à la fin de la maternelle 5 ans, une moins bonne étendue de leur vocabulaire que les élèves qui ont uniquement participé à un programme de maternelle 5 ans. Nous avons également tenu compte de la scolarité de la mère en effectuant une analyse de la covariance multivariée: elle donne les mêmes résultats que ceux présentés au tableau 4.

Discussion

Cette étude apporte une contribution originale à deux égards. D'une part, nous avons examiné l'impact du programme préscolaire de la maternelle 4 ans, à la fois sur la préparation scolaire cognitive et socioaffective des enfants à l'école. D'autre part, l'impact des programmes a été étudié non seulement selon la fréquentation scolaire, mais aussi selon les caractéristiques des programmes préscolaires. Certes, plusieurs des études en ce domaine avaient surtout considéré la dimension de la préparation scolaire cognitive ou l'impact de la participation ou non à un programme préscolaire sur le succès scolaire de l'enfant, mais très peu avaient pris en considération l'impact des caractéristiques des programmes préscolaires (Paquette, 1998). Ces études sont pourtant importantes au Québec puisque les travaux américains concernant l'évaluation de l'impact des programmes préscolaires sur la réussite scolaire des enfants de quartiers défavorisés montrent, avec une certaine constance, des effets bénéfiques, même si on arrive difficilement à identifier les éléments des contenus de ces programmes qui sont responsables de ces progrès.

Nous discutons des résultats obtenus à la lumière de ces objectifs. D'abord, il sera question de la clientèle qui est généralement visée par les maternelles 4 ans du Québec et de la clientèle rejointe par les maternelles 4 ans qui sont en opération en Estrie, soit la clientèle qui concerne la présente étude. Deuxièmement, nous discutons, tant pour les indices cognitifs ou affectifs de la préparation scolaire des enfants, de l'évolution des participants de la cohorte maternelle 4 ans du début de leur fréquentation de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans. Puis, nous tentons d'expliquer les liens entre les caractéristiques du programme de maternelle 4 ans et les indices de la préparation scolaire des enfants. Notre propos s'achèvera par une comparaison, à la fin de la maternelle 5 ans, de la préparation scolaire de deux groupes d'enfants exposés à deux types de programmes préscolaires (1. maternelle 4 ans et maternelle 5 ans, 2. maternelle 5 ans uniquement).

La clientèle des maternelles 4 ans de l'Estrie

Les résultats descriptifs concernant les caractéristiques sociodémographiques de la cohorte maternelle 4 ans indiquent que, bien que certains enfants soient de quartiers dits défavorisés, plus de 37% des mères et 27% des pères des enfants de notre échantillon ont une scolarité postsecondaire. Également, 33% de ces familles gagnent plus de 40000$ annuellement alors que le revenu annuel moyen pour les résidents de la ville de Sherbrooke avoisine 35000$ par année (Bureau de la statistique du Québec, 1995). Du côté des indices de préparation scolaire, on se rend compte qu'à leur entrée à la maternelle 4 ans, les enfants ne présentent pas de déficits tant sur le plan cognitif que sur le plan comportemental.

Ces informations laissent entrevoir que les programmes de maternelle 4 ans offerts en Estrie ne rejoignent pas seulement des enfants à risque de développer et de maintenir des problèmes de comportement ou d'apprentissage, en raison d'un retard développemental ou des caractéristiques de l'environnement familial, c'est-à-dire la clientèle pour laquelle ces programmes préscolaires ont été instaurés. Ces résultats constituent à notre avis une source d'information pertinente et devraient soulever une réflexion concernant deux dimensions du contexte d'application du programme. D'abord, les maternelles 4 ans ont été instaurées au Québec dans les régions défavorisées afin d'offrir des activités éducatives aux enfants à risque de manifester des problèmes ultérieurement parce qu'ils vivent dans un milieu défavorisé ou parce qu'ils présentent déjà à l'âge préscolaire des retards de développement. Le fait que ces enfants à risque de difficultés éventuelles ne sont pas tous rejoints par les programmes préscolaires offerts en Estrie devrait soulever l'attention des dirigeants puisque l'Estrie, étant considérée comme une région éloignée, éprouve souvent des difficultés à rendre les services en raison de la grandeur du territoire à desservir, la dispersion de ses habitants et les coûts engendrés par ces situations. Il faudrait examiner la question et tenter de trouver des solutions acceptables pour offrir des services aux enfants qui en ont besoin et ainsi éviter de conclure trop hâtivement que la participation à un programme préscolaire de maternelle 4 ans ne favorise pas une meilleure préparation scolaire chez les enfants.

Par ailleurs, le fait que les enfants à risque ne soient pas tous rejoints indique peut-être la présence de lacunes dans le processus de sélection des participants aux programmes de maternelle 4 ans. Tel que nous l'avons mentionné précédemment, ce sont les directeurs qui ont la responsabilité d'identifier un mode de recrutement de leur clientèle. Aux dires des dirigeants des programmes préscolaires, ce processus de sélection n'est pas uniforme dans l'ensemble des écoles de la région estrienne et il se pourrait que, dans certaines écoles, les critères de sélection ne soient pas conformes aux objectifs de la maternelle 4 ans ou encore que les stratégies d'identification et de recrutement de la clientèle recherchée ne soient pas bien définies ou appliquées. De la sorte, selon ces résultats, une révision du processus de sélection pourrait se révéler utile dans les différentes écoles qui offrent le service de maternelle 4 ans.

Évolution des enfants de la maternelle 4 ans du début de leur fréquentation de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans

Les résultats concernant l'évolution des enfants de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans mettent en évidence qu'entre ces deux moments, les progrès des enfants se font sentir surtout sur le plan cognitif (Lollipop et EVIP). Toutefois, bien que les gains soient significatifs, les enfants restent dans la moyenne. Du côté des mesures socioaffectives, aucun progrès significatifs. Même s'il est étonnant de prime abord, puisque l'un des objectifs des programmes préscolaires concerne la socialisation de l'enfant, ce résultat reflète simplement le fait que les enfants étaient compétents socialement lors de leur entrée à la maternelle 4 ans et qu'ils ne présentaient pas de problème de comportement. Cela appuie nos résultats descriptifs qui indiquent que les enfants de maternelle 4 ans ne sont pas à risque de développer des problèmes d'apprentissage ou de comportement. En fait, si l'on s'en tient au principal objectif de l'instauration des maternelles 4 ans dans les milieux défavorisés, les enfants de notre échantillon ne représentent pas la clientèle visée par les programmes de maternelle 4 ans puisqu'ils ne sont pas tous de milieux défavorisés et ne présentent pas de problèmes de comportement ou de retard développemental.

Le second résultat relatif à l'évolution des sujets du début de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans concerne les différences sexuelles reliées aux indices de préparation scolaire cognitive et socioaffective. Comparativement aux garçons, les filles sont mieux préparées pour l'entrée à l'école, elles sont plus compétentes socialement et elles ont moins de problèmes extériorisés. Ces résultats corroborent ceux de plusieurs autres recherches qui indiquent que les filles développent plus précocément les habiletés nécessaires pour intégrer positivement le milieu scolaire (Lafrenière, Dumas, Capuano, Dubeau, 1992). Il faut cependant ajouter que, bien que ces résultats soient statistiquement différents, ils ne reflètent pas de différences marquées entre les filles et les garçons. En effet, les deux sexes obtiennent des scores qui se situent dans les normes pour chacune des mesures.

Prédiction de la préparation scolaire selon les caractéristiques du programme de maternelle 4 ans

Dans la poursuite du deuxième objectif de l'étude, nous avons voulu prédire la préparation scolaire à la fin de la maternelle 5 ans à partir des caractéristiques du programme préscolaire de maternelle 4 ans. Nous avons aussi tenté de prédire les changements entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans pour la cohorte maternelle 4 ans. Comme nos critères de progrès comprennent des indices socioaffectifs et cognitifs, on peut identifier en quoi les caractéristiques du programme de maternelle 4 ans ont un impact. Par exemple, le nombre de jours de présence de l'enfant à la maternelle 4 ans est associé positivement à la compétence sociale de l'enfant et à sa préparation scolaire à la fin de la maternelle 5 ans. De plus, le temps de présence est associé négativement aux problèmes intériorisés. Ainsi, plus les enfants sont présents à la maternelle 4 ans, plus ils sont compétents socialement, mieux ils sont préparés pour l'école et moins ils manifestent de troubles intériorisés (anxiété, isolement). Cette caractéristique du programme est reliée autant aux dimensions cognitives qu'aux dimensions affectives de la préparation scolaire. Elle prédit également les changements survenus chez les enfants entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans pour la compétence sociale, la préparation scolaire et les problèmes intériorisés. Ces résultats appuient les résultats de nombreuses études qui indiquent que la précocité de l'intervention ainsi que l'intensité de l'intervention préscolaire représentent des caractéristiques des programmes préscolaires les plus efficaces et les plus prometteurs (voir Yoshikawa, 1994 pour une revue de la documentation).

Parmi les caractéristiques du programme de maternelle 4 ans mesurées dans le cadre de la présente étude, c'est la variable nombre de jours de présence de l'enfant à l'école qui a le plus d'impact sur le degré de préparation scolaire des enfants tant sur le plan cognitif qu'affectif. Ainsi, les dirigeants de ces programmes devraient tenir compte de ce résultat lors de l'établissement du contexte d'application de la maternelle 4 ans dans leur école. En Estrie, on observe que les enfants fréquentent la maternelle 4 ans à raison de deux journées semaine en moyenne (Letarte, 1998). À l'origine, le ministère de l'Éducation recommandait que les enfants fréquentent la maternelle 4 ans à raison de quatre demi-journées par semaine. Selon ces résultats, il serait peut-être sage de reconsidérer la décision de couper du temps de présence des enfants à la maternelle 4 ans.

L'âge de l'enseignante est associé positivement à la préparation scolaire des enfants à la fin de la maternelle 5 ans; il prédit les changements qui surviennent chez les enfants du début de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans pour la compétence sociale et la préparation scolaire. Les élèves dont les enseignantes sont plus âgées et possiblement plus expérimentées sont ainsi mieux préparés pour l'école à la fin de la maternelle 5 ans; ils progressent davantage sur le plan de la compétence sociale et de la préparation scolaire entre le début de leur fréquentation de la maternelle 4 ans et la fin de leur fréquentation de la maternelle 5 ans.

On peut penser que ces résultats s'expliquent par la plus grande expérience de l'enseignante dans le domaine de l'éducation, de ses connaissances accrues des enfants, des techniques d'enseignement et de gestion de la classe. On peut penser que les enseignantes plus expérimentées sont plus habiles à gérer leur classe et la discipline et qu'en ce sens, elles dépensent moins d'énergie pour organiser la classe et gérer les problèmes de comportement. Par conséquent, elles peuvent passer plus de temps à créer et animer des activités et des situations d'apprentissage qui favorisent le développement de la compétence sociale chez les enfants. D'autre part, la meilleure préparation scolaire de leurs élèves pourrait s'expliquer par une meilleure connaissance des enfants et du programme qui est probablement plus élevée chez l'enseignante plus âgée que chez les enseignantes plus jeunes. Il serait intéressant d'observer si ces résultats se maintiendraient si la clientèle étudiée était plus à risque. L'intervention auprès d'élèves en difficulté exige non seulement de l'expérience comme enseignante, des connaissances sur les programmes éducatifs et des connaissances sur les techniques d'enseignement, mais elle exige également des connaissances tout aussi développées sur les caractéristiques de la clientèle en difficulté et sur les techniques d'intervention appropriées. Dans le cas où les résultats ne se maintiendraient pas, on pourrait émettre l'hypothèse que l'expérience à elle seule n'est pas suffisante pour intervenir auprès d'une clientèle plus en difficulté. La formation des enseignantes serait alors une autre caractéristique du programme dont il faudrait tenir compte dans l'étude de l'impact des programmes préscolaires sur la préparation scolaire d'élèves qui ont des retards de développement.

La satisfaction des enseignantes de la maternelle 4 ans à l'égard des ressources disponibles dans leur école prédit les changements qui surviennent entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans. Ainsi, plus les enseignantes de maternelle 4 ans sont satisfaites des ressources que l'école met à leur disposition, plus les enfants progressent sur le plan de la compétence sociale entre le début de la maternelle 4 ans et la fin de la maternelle 5 ans. Ce résultat peut s'expliquer par le fait que les enseignantes qui disposent de ressources adéquates et variées dans l'école peuvent confronter davantage leurs enfants à des situations d'apprentissage variées et susciter leur motivation à appprendre dans des contextes sociaux variés. Il se peut que les ressources disponibles à l'école suscitent davantage les enseignantes à créer des situations d'apprentissage intéressantes et motivantes pour les élèves.

La satisfaction de l'enseignante de la maternelle 4 ans par rapport au style de gestion de l'école et des problèmes de comportement est associée négativement aux problèmes intériorisés de l'enfant à la fin de la maternelle 5 ans. Ainsi, les enfants dont les enseignantes se disent satisfaites de la façon dont l'école est gérée et de la façon dont les problèmes de comportement le sont, ont moins de problèmes intériorisés à la fin de la maternelle 5 ans. De plus, ces problèmes diminuent de façon significative du début de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans si l'enseignante rapporte un niveau de satisfaction élevé par rapport au mode de gestion de l'école. Ce résultat peut s'expliquer par le fait que les enseignantes se sentent soutenues et outillées face à des problèmes que rencontrent leurs élèves et pour lesquels elles se sentent souvent dépourvues. Par ailleurs, le sentiment de cohésion entre les membres du personnel de l'école par rapport aux interventions à effectuer face aux élèves en difficulté peut amener les enseignantes à intervenir de façon plus constante et de manière plus appropriée face aux comportements problématiques. Des interventions cohérentes et appropriées peuvent expliquer la réduction des problèmes intériorisés chez les enfants.

La contribution de l'enseignante par des innovations pédagogiques et sa perception positive de l'attachement mutuel que se portent les élèves de sa classe sont liées à des dimensions socioaffectives comme la diminution des problèmes extériorisés (innovations pédagogiques et attachement mutuel) et à des dimensions cognitives comme une meilleure préparation scolaire des élèves (innovations pédagogiques) à la fin de la maternelle 5 ans. De plus, ces deux caractéristiques des programmes prédisent les changements qui surviennent chez les enfants du début de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans. Ainsi, plus les enseignantes de maternelle 4 ans font preuve d'innovations pédagogiques et plus elles favorisent l'attachement mutuel entre leurs élèves, moins les enfants sont agressifs à la fin de la maternelle 5 ans et plus ils réduisent ces mêmes comportements du début de la maternelle 4 ans à la fin de la maternelle 5 ans. De plus, lorsqu'elles innovent, les enfants sont mieux préparés pour l'école et ils progressent davantage sur le plan de la préparation scolaire. Ces indices du programme de maternelle 4 ans montrent l'engagement de l'enseignante auprès de ses élèves. Cet engagement de l'enseignante pendant une année cruciale pour les enfants, soit l'entrée à la maternelle 4 ans, peut avoir un impact important sur l'intérêt des enfants et leur investissement dans leur classe pour leur première année à l'école.

Enfin, la scolarité de la mère est associée négativement aux problèmes extériorisés des enfants à la fin de la maternelle 5 ans. Les enfants dont les mères sont plus scolarisées manifestent moins de problèmes extériorisés à la fin de la maternelle 5 ans. Ce résultat va dans le sens attendu, car il est reconnu que les mères plus scolarisées ont plus de connaissances par rapport à l'éducation de leur enfant, elles ont un meilleur revenu et, partant, elles ont accès à plus de services et de ressources que les mères peu scolarisées. Elles sont aussi moins isolées socialement et bénéficient de plus de soutien social. Toutes ces caractéristiques contribuent à offrir à l'enfant un environnement plus favorable; par conséquent, il devient moins à risque de développer d'éventuels problèmes et des retards de développement.

Comparaison, à la fin de la maternelle 5 ans, de la préparation scolaire des enfants ayant participé à deux types de programmes préscolaires

Pour répondre au troisième objectif de notre étude, nous avons comparé à la fin de la maternelle 5 ans les deux cohortes d'enfants, soit celle des enfants ayant participé à la maternelle 4 ans et à la maternelle 5 ans et celle des enfants ayant uniquement participé à la maternelle 5 ans. Les résultats indiquent qu'à la fin de la maternelle 5 ans, les enfants des deux cohortes ne se distinguent pas sur l'ensemble des mesures. Ces résultats restent similaires même lorsqu'on prend en compte la variable scolarité de la mère. Ainsi, on pourrait dire que les enfants de la maternelle 4 ans rejoignent, à la fin de la maternelle 5 ans, les enfants qui ont uniquement pris part à la maternelle 5 ans. Sur la base de ces résultats, on pourrait conclure que les enfants de la maternelle 4 ans, après avoir participé à un programme préscolaire sur une période de deux ans, sont aussi prêts que les enfants de la maternelle 5 ans à commencer l'école. On pourrait donc attribuer leurs progrès à leur participation à un programme préscolaire précoce et intensif. Nos résultats ne permettent pas toutefois d'en arriver à cette conclusion qui serait des plus intéressantes. D'ailleurs, lors de leur entrée à la maternelle 4 ans, les enfants de la cohorte maternelle 4 ans sont comparables, tant pour leur environnement familial que pour leurs caractéristiques intellectuelles et comportementales, aux enfants de maternelle 5 ans au moment de leur entrée à la maternelle 5 ans. Mais, en plus d'être comparables, les enfants de la maternelle 4 ans ne sont pas majoritairement issus de milieux défavorisés, si l'on en juge par leurs caractéristiques familiales, et ils ne présentent pas de retards sur le plan de leur développement.

Ces résultats pourraient aussi inciter à conclure que le fait de participer à un programme d'une durée de deux ans plutôt qu'un ne présenterait aucun bénéfice sur le plan des apprentissages scolaires et sociaux. Une telle conclusion sur l'inefficacité du programme de la maternelle 4 ans serait trop hâtive en raison du fait que notre clientèle de la maternelle 4 ans n'est pas défavorisée au moment de son entrée à la maternelle 4 ans. Ainsi, les mesures prises à la fin de la maternelle 5 ans permettent d'identifier si les enfants ont acquis les habiletés nécessaires pour leur permettre de bien commencer les apprentissages scolaires et de s'intégrer positivement au groupe de pairs dès leur entrée à l'école.

Nous avons comparé l'évolution des deux cohortes durant leur fréquentation de la maternelle 5 ans; celles-ci ne se comportent pas de la même façon. D'une part, les enfants de la cohorte maternelle 4 ans progressent davantage sur la mesure du Lollipop, mais ce sont les enfants de la cohorte maternelle 5 ans qui progressent plus sur la mesure de l'EVIP. Le résultat concernant un progrès moins marqué chez les enfants de maternelle 5 ans sur la mesure du Lollipop suggère que les enfants qui ont uniquement participé à un programme de maternelle 5 ans ont été moins exposés aux contextes d'apprentissages qu'offrent les programmes préscolaires. Par le fait même, les expériences qui leur sont présentées sont nouvelles et requièrent davantage d'adaptation et d'assimilation de leur part. Ainsi, ils progressent, mais à un rythme plus lent que les enfants de maternelle 4 ans, qui, eux, ont déjà été exposés à ce type d'expérience d'apprentissage, ce qui les conduit à avoir davantage confiance en leurs propres compétences.

En ce qui concerne le résultat à l'EVIP, le progrès est plus marqué chez les enfants qui ont uniquement participé à un programme de maternelle 5 ans que chez les enfants qui ont fréquenté la maternelle 4 ans et à la maternelle 5 ans. On peut tenter d'expliquer ce résultat inattendu par le fait que les enfants qui en sont à leur deuxième année de fréquentation d'un programme préscolaire requièrent un niveau de stimulation plus élevé ou plus riche au plan du langage pour qu'ils voient leur performance s'accentuer. Contrairement à la mesure du Lollipop, qui évalue l'acquisition de préalables scolaires qui s'acquièrent par la réalisation de tâches concrètes à caractère scolaire (arithmétique), l'EVIP est une mesure de l'étendue du vocabulaire qui s'acquiert plutôt en contexte plus informel d'échanges entre enfants et entre adultes et enfants. Les activités que proposent les enseignantes de maternelle 5 ans pour développemer le vocabulaire des enfants qui ont participé à un programme de maternelle 4 ans devraient se démarquer de celles offertes à la maternelle 4 ans afin de susciter davantage la curiosité et l'intérêt des enfants.

Conclusion

Cette étude portait sur l'évaluation de l'impact de la fréquentation préscolaire sur la préparation scolaire des enfants à la fin de la maternelle 5 ans. Elle s'est intéressée à l'impact du programme préscolaire de la maternelle 4 ans à la fois sur la préparation scolaire cognitive et socioaffective des enfants. L'impact des programmes y a été étudié sous l'angle des caractéristiques du programme. Cette étude ne permet pas toutefois de conclure à l'efficacité du programme de maternelle 4 ans pour favoriser la préparation scolaire des enfants. Sur la base de nos données, nous ne pouvons conclure à son inefficacité puisque la clientèle de notre étude ne présentait pas les caractéristiques généralement attendues chez les enfants qui fréquentent les services de la maternelle 4 ans. D'autres études utilisant une clientèle mieux ciblée, un contrôle plus serré des variables pouvant influencer la préparation scolaire des enfants et l'utilisation d'instruments plus performants pour évaluer certaines caractéristiques des programmes sont nécessaires pour déterminer si la participation à un programme préscolaire précoce contribue à améliorer la préparation scolaire des enfants issus de milieux défavorisés.