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Le « modèle social européen » constitue pour les uns le bouc émissaire de toutes les difficultés que connaît l’Europe : il coûterait trop cher ; il constituerait un obstacle sérieux à la croissance économique et à l’emploi. D’autres présentent au contraire ce modèle comme le bouclier protecteur de tous les droits péniblement acquis au cours des ans par les travailleurs ; ils rappellent que les politiques ne doivent pas se laisser dominer par le marché, qu’elles doivent avoir des dimensions sociales et humaines, et pas seulement économiques. D’ailleurs, ajoutent-ils, un bon climat social a vraisemblablement contribué, en Europe occidentale, à contrecarrer parmi les ouvriers les anciennes attitudes de fatalisme, à leur donner du ressort et du dynamisme, à augmenter rendement, productivité et compétitivité. Tout ceci a finalement permis d’accroître la richesse de la région.

Présenté en ces termes, le débat apparaît évidemment comme par trop réducteur. Les réalités observables ne se laissent pas enfermer dans des formules aussi rigides. Qu’il me soit permis de livrer ici quelques réflexions personnelles sur la spécificité de la réponse européenne à la question sociale telle qu’elle se pose en ce début de millénaire, et finalement sur l’existence d’un patrimoine commun aux peuples de l’Europe en matière d’emploi et de travail. Ma première démarche consistera à tenter une définition de ce modèle en soulignant le contraste entre ses éléments et ceux d’autres archétypes ; la seconde, à examiner les effets de cette vision européenne sur l’emploi, préoccupation majeure de l’ensemble des gouvernements de la région ; je tracerai, en troisième lieu, quelques perspectives.

Le modèle social européen

Qu’entend-on par modèle social européen ? S’agit-il d’une manière spécifiquement européenne d’envisager les problèmes sociaux et de leur apporter des solutions ou, plutôt, d’un ensemble d’institutions et de pratiques établies au niveau de l’Union européenne elle-même ? Je penche encore très nettement, avec d’autres[1], pour la première acception, tout en reconnaissant bien volontiers qu’il existe de nombreuses et fortes divergences entre les pays du Vieux Continent.

Certes, une Europe sociale existe déjà ; il serait injuste de minimiser sa portée. Une politique sociale communautaire a vu le jour. Un droit social européen s’est développé sur la base des traités et des actes dérivés : libre circulation des travailleurs et des personnes, sécurité sociale des travailleurs migrants et des citoyens européens qui se déplacent dans l’Union européenne, promotion de l’égalité notamment entre travailleuses et travailleurs, émergence de normes sociales minimales, voire de normes tendant à l’harmonisation pure et simple (ainsi, sur la protection de la santé et de la sécurité au travail), amorce d’un dialogue social avec de premiers accords collectifs au niveau européen et la constitution de comités d’entreprise européens.

Le droit européen reflète, par conséquent, un modèle social européen — et c’est vraisemblablement à cette observation que se réfèrent les hommes politiques —, mais il ne le reproduit toutefois que partiellement.

En particulier, l’Union européenne ne possède pas encore tous les moyens d’une politique sociale efficace « à l’européenne ». Cela tient à la division des compétences entre le Conseil des ministres et la Commission. Cela tient aux règles de la majorité qualifiée ou de l’unanimité requises pour pouvoir agir (elles favorisent le travail des « lobbies »). Cela vient, encore, de l’absence de pouvoirs suffisants en matière monétaire, fiscale et économique ; à cet égard, la constitution d’une union monétaire et d’une banque centrale européenne n’a pas réussi à lever tous les obstacles à l’élaboration de politiques sociales plus intégrées. Plus profondément, comme le souligne Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, dans un entretien récent[2] le sentiment d’appartenance à chaque nation en Europe continue à reposer, entre autres, sur le social et sur l’emploi. S’il faut lutter, ajoute-t-il, contre le « dumping social » au niveau européen, les systèmes nationaux n’en restent pas moins différents. Il n’est pas sûr, selon lui, qu’il faille quitter ce socle d’appartenance à la société et à la nation pour aller de plus en plus vers les institutions européennes sur ce point : en gardant, sur le plan national, un groupe distinct de compétence, en étant soucieux de nourrir socialement, culturellement et matériellement un sentiment d’appartenance, et ainsi d’entretenir la solidarité, l’État garde, conclut-il, de grandes possibilités.

Les relations professionnelles au niveau européen se sont, par conséquent, développées selon un système plus volontariste que celui des États membres, relativement peu interventionniste (sinon sur des points très spécifiques), plus proche finalement de celui des États-Unis (du moins en termes généraux). S’y ajoute la crainte que certaines normes européennes peu contraignantes poussent à la baisse (politiquement, sinon juridiquement) les réglementations nationales plus favorables aux travailleurs. S’y joint aussi le fait que certaines directives, comme celles concernant les comités d’entreprise européens, traitent essentiellement du niveau supranational.

D’un point de vue historique (Servais 2000a : 13 et ss.), les gouvernements ont adopté trois types de politique au moins, afin de maintenir ou de restaurer une bonne cohésion sociale parmi leurs citoyens : le despotisme éclairé, le laisser-faire et la pratique de l’État-providence. La Prusse et l’Autriche ont appliqué, au XVIIIe siècle, un autoritarisme vertueux, exemple classique de la première de ces politiques. Le pouvoir y faisait sa propre analyse des problèmes rencontrés et imposait les remèdes qu’il jugeait adéquats. Cette manière d’agir reste proche de celle de certains responsables politiques actuels dans des États récents, brillants technocrates qui considèrent leur position comme privilégiée pour appréhender les difficultés de leur peuple et les thérapeutiques à y apporter.

Très différente est la stratégie du laisser-faire adoptée ailleurs : les gouvernements concernés laissent à la « main invisible » du marché le soin d’opérer les ajustements nécessaires, y compris en matière sociale.

La troisième politique, enfin, a répondu au désir des citoyens, singulièrement eu Europe occidentale, de voir l’État établir des règles, des institutions ou des pratiques qui les mettent à l’abri des risques sociaux. Cette politique s’est fondée sur un devoir accepté de solidarité et, le plus souvent, sur un accord, explicite ou non, des grandes confédérations patronales ou syndicales. Beaucoup ont parlé, dans ce cas, d’une manière à vrai dire assez péjorative, d’État-providence, ou mieux, pour reprendre l’expression allemande, d’État social.

Cette troisième politique constitue à mes yeux le dénominateur commun des politiques sociales menées au XXe siècle par la grande majorité des États démocratiques d’Europe occidentale, notamment de ceux qui participent à la construction européenne. C’est dans cette voie que je voudrais examiner la réalité d’un modèle social européen. Ce dernier traduit, à l’intérieur du cadre ainsi précisé, une triple réalité (BIT 1997 : 234 et ss.).

La première est celle d’une régulation sociale fondée sur la concertation bi- ou tripartite à différents niveaux, mais spécialement au niveau national (professionnel ou interprofessionnel). Cette pratique du dialogue social trouve souvent un appui dans diverses institutions de relations professionnelles. Certes, d’autres régions du monde, et notamment l’Amérique latine et l’Afrique, ont connu et connaissent des accords tripartites et d’autres formes de pactes sociaux au sommet, mais aucune région n’a utilisé autant le dialogue tripartite, formel ou informel.

La deuxième réalité porte sur un régime élaboré de sécurité sociale, y compris, le cas échéant, l’octroi d’un revenu minimum garanti ainsi que sur d’autres protections du travail (fixation d’un salaire minimum, etc.). Elle couvre aussi ces services publics à finalité sociale, dont la responsabilité, estime-t-on, doit rester entre les mains de l’État, même si leur gestion peut s’inspirer davantage des méthodes du secteur privé.

La troisième réalité, intimement liée aux deux précédentes, a été la volonté maintes fois affichée de l’État d’intervenir activement en matières industrielle, économique et sociale, et la recherche par celui-ci d’un consensus avec les partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques à cet effet.

Répétons-le : cette vision commune ne doit pas dissimuler les différences évidentes qui existent entre les pays de la région. Le mot « européen » couvre effectivement des traditions variées. Des pays comme le Royaume-Uni, et dans une moindre mesure l’Irlande, présentent sans aucun doute de nombreux points communs, en matière sociale notamment, avec le Canada ou même les États-Unis. Ceux d’Europe centrale ou orientale conservent de leur côté plus d’un trait spécifique tiré de leur histoire récente. Quelquefois, comme en Russie, les caractères originaux continuent à façonner les institutions sociales du pays (BIT 1997 : 127 et ss., 155 et ss.). Dans les États qui souhaitent intégrer l’Union européenne, ces spécificités ont plutôt tendance à s’effacer, sans que l’on puisse toujours démêler la cause de l’effet. Néanmoins, le concept de modèle social européen exprime, selon moi, une certaine culture politique commune, dans la mesure où une grande majorité d’Européens acceptent mal des phénomènes d’exclusion et de trop grandes inégalités, où ils attendent de l’État qu’il agisse pour remédier aux conséquences sociales du fonctionnement mécanique de l’économie de marché (ils ont le souci de répondre à la « question sociale »).

S’il est européen, ce modèle doit, en outre, présenter des traits spécifiques par rapport à d’autres dans d’autres régions. L’approche que l’on a, par exemple aux États-Unis, des problèmes de travail et d’emploi apparaît comme beaucoup moins interventionniste. Elle est dans ce domaine, comme ailleurs, laissée bien davantage à l’initiative individuelle. L’accent est mis sur la liberté et la responsabilité personnelles, sur l’initiative des agents économiques et des groupements de caractère local, plutôt que sur le pouvoir politique au niveau de l’État ou fédéral. En simplifiant, l’on pourrait dire que l’on n’y cherche pas tant à améliorer la société que l’homme lui-même, pas tant à résoudre une question sociale que morale. Au niveau législatif, l’accent est davantage mis sur les libertés civiles que sur les droits sociaux (l’on insiste davantage sur l’égalité de chances et de traitement que sur une certaine égalisation des revenus).

Historiquement, le caractère fédéral du pays a rendu complexe une intervention du Congrès à Washington pour assurer aux travailleurs le type de protection accordée par les législations d’Europe continentale. Aux États-Unis, l’on a privilégié la négociation collective d’entreprise (ou d’établissement) par rapport à la loi. Dans les pays d’Europe en revanche — même si c’est à des degrés divers —, l’on attend de son gouvernement, de son administration et de la loi une assistance pour l’amélioration des conditions de vie et de travail. D’ailleurs, la doctrine socialiste de la lutte des classes pour la maîtrise de l’État n’a pratiquement jamais eu cours aux États-Unis. J’ajouterai qu’une évolution s’est dessinée dans ce pays vers une plus grande centralisation de l’autorité et une plus grande importance donnée aux mécanismes fédéraux en matière de travail. Ces efforts vers plus d’uniformité, autant sans doute que la similitude des objectifs de la nouvelle politique (New Deal) du Président F.D. Roosevelt et de l’OIT, l’ont conduit à adhérer finalement (1934) à l’Organisation (McCane Lindsey 1934 ; BIT 1997 ; Jacoby 1991 ; Lipset et Meltz 1997 ; Adams 1995). Dans les années soixante-dix, la législation fédérale s’est certes développée de manière significative, mais principalement dans le domaine des libertés civiles (protection de différents groupes contre la discrimination par exemple).

L’on peut encore mentionner un troisième modèle : celui du Japon. La haute administration de l’État joue au pays du Soleil Levant un rôle très actif, mais ses préoccupations — qui, encore une fois, trouvent leur origine dans l’histoire — se focalisent sur la croissance et le développement. Si je simplifie à l’extrême, je dirais qu’elles ont porté sur la question économique avant de se tourner vers la question sociale. Cela dit, cette dernière est évidemment traitée avec beaucoup d’attention dans un pays aussi industrialisé. C’est dans ce contexte que furent érigés, après la Seconde Guerre mondiale, les trois piliers actuels du régime japonais des rapports de travail : l’emploi à vie, le calcul des salaires et des avantages sociaux sur la base de l’ancienneté et le syndicalisme d’entreprise. L’évolution la plus récente semble aller dans le sens d’une adaptation du système plutôt que d’une refonte totale. La République de Corée paraît bien suivre une voie analogue.

Les systèmes sociaux des pays en développement se caractérisent avant tout par leur diversité. Ces États ont en commun un vaste secteur informel où les interrogations ne portent pas seulement sur l’emploi, mais sur la capacité pour les personnes qui y travaillent d’être représentées dans une forme ou une autre de dialogue social. Les pays en voie d’industrialisation rapide se trouvent confrontés quant à eux face à de véritables choix de société. Ils peuvent alors emprunter, dans une mesure variable, des éléments à l’un ou l’autre des trois modèles évoqués dans les pages qui précèdent. Assurément l’histoire (l’héritage européen en Amérique latine par exemple), la proximité géographique (celle des États-Unis ou du Canada dans la même région ou celle du Japon en Asie de l’Est et du Sud-Est), ou l’importance des investissements de tel État étranger, jouent ici un rôle non négligeable.

Mais revenons au modèle européen. C’est, en définitive, sa conception de l’État qui est remise en cause. L’internationalisation de l’économie de marché et l’intégration européenne réduisent inévitablement — même s’il ne faut pas forcer le trait — les possibilités d’action des autorités publiques, sur le plan social notamment. Une politique keynésienne nationale supposait la complète maîtrise par l’État des instruments économiques. Elle ne peut plus opérer dans un contexte où les nations perdent une partie de leur pouvoir de contrôle. Pourtant, l’on constate que les États européens sont plus que jamais sollicités à agir pour adapter, moderniser leurs institutions face à une concurrence accrue et pour maintenir, ou rétablir, une cohésion sociale sérieusement ébranlée par des processus d’exclusion.

L’on a beaucoup écrit sur la crise de la protection sociale, sur la mauvaise situation financière des régimes de sécurité sociale qui sont, par ailleurs, incapables de traiter des situations nouvelles de chômage de longue durée, de précarisation de l’emploi et d’exclusion. Bien plus, des doutes se sont faits jour dans l’opinion publique sur les capacités de gestion de l’État.

On l’interpelle spécialement sur les problèmes d’emploi et il se tourne naturellement vers les organisations d’employeurs et de travailleurs pour l’aider. Mais, associations patronales et syndicales affrontent, elles aussi, dans le même contexte, de graves difficultés. Celles des syndicats sont bien connues. Le taux de syndicalisation était, en 1995, de 9,1 pour cent en France, selon un rapport du BIT (BIT 1997 : annexe statistique, tableau 1.2). Au Royaume-Uni, de même source, il était de 45,5 pour cent en 1985 et de 32,9 pour cent dix ans plus tard. Ce n’est un secret pour personne que les associations patronales connaissent également de très sérieuses difficultés ; la situation de la BDA, en Allemagne, est très révélatrice.

La diversification, la fragmentation des intérêts d’un côté (les préoccupations des travailleurs stables diffèrent manifestement de celles des chômeurs et des travailleurs en situation précaire) comme de l’autre (PME et multinationales peuvent avoir des intérêts fortement divergents) affectent les uns comme les autres. En fait, ils se voient les uns et les autres contester leur monopole de représentation.

Beaucoup d’entreprises, surtout parmi les plus grandes, cherchent à conserver leur liberté d’action en matière de gestion du personnel. Néanmoins, elles créent quelquefois entre elles des réseaux plus ou moins formels. Les relations professionnelles peuvent figurer au programme des réunions des PDG des plus grandes firmes américaines ou des « business councils » fondés ailleurs. Les directions des principales entreprises japonaises tiennent des réunions informelles de coordination sectorielles, intersectorielles ou par groupe industriel, spécialement pour répondre aux fameuses offensives du printemps (shunto) (Sako 1997).

Chez les travailleurs, le groupe traditionnellement le plus ouvert à l’action syndicale, les salariés réguliers, se rétrécit alors qu’un grand nombre d’organisations en tous genres prétendent représenter des intérêts parfois très spécifiques (les consommateurs, l’écologie, les femmes, les minorités, les chômeurs, etc.), mais qui recoupent ceux que les syndicats veulent représenter.

En quelques mots, pour les associations patronales comme pour les associations syndicales, le moment est davantage à la concurrence qu’à l’unité d’action.

D’ailleurs, la manière proprement européenne de traiter les problèmes sociaux apparaît comme très proche de la vision que l’Organisation internationale du Travail a elle-même défendue, avec notamment l’importance qu’elle a donnée au tripartisme jusque dans ses structures. La remise en cause de ce modèle ne pouvait qu’affecter l’OIT et l’institution a dû s’adapter (Somavía 2001).

Si j’ai insisté, pour les besoins de la démonstration sur ces développements négatifs, je ne veux pourtant pas donner de la situation sociale en Europe un tableau exagérément noirci. Pour ne prendre que deux exemples, le taux de syndicalisation reste élevé dans les pays nordiques et en Belgique ; il a même crû en Espagne et s’est stabilisé en Hollande ; de nombreux pactes tripartites continuent de se conclure, je vais y revenir.

Modèle social européen et emploi

Toutefois, le véritable enjeu consiste à savoir si ce modèle social européen peut contribuer à résoudre le problème actuellement le plus aigu, celui du chômage et de l’emploi précaire.

Il faut ainsi se demander si le dialogue bi- ou tripartite peut réellement créer des emplois. Il n’y a pas de réponse simple. Incontestablement, le principal moteur est ici la croissance économique, et l’on s’est sans doute illusionné sur la capacité des grands pactes sociaux à résorber le chômage. Pourtant, des négociations sur l’emploi peuvent avoir des effets très positifs. Toujours, elles soulignent la dimension sociale et finalement humaine (ainsi, le souci d’éviter des renvois « secs ») des relations professionnelles. Elles créent aussi, dans certaines conditions, un environnement favorable à l’amélioration de la situation économique générale et à la croissance (c’est le cas aux Pays-Bas avec les accords de Wassenaar, en novembre 1982, qui constituent toujours la base de la stratégie sociale). Elles peuvent même, surtout décentralisées au niveau des entreprises, éviter des licenciements (cas, bien connu, de Volkswagen), voire fixer des objectifs d’embauche (dans le secteur des grands magasins, en Belgique, à la fin des années soixante-dix par exemple). Faut-il rappeler également que des sociétés allemandes pour la promotion de l’emploi ont été imaginées et constituées par des syndicats à la fin des années soixante-dix et réactivées dans ce pays depuis un accord signé en juillet 1991 ?

Il convient, par conséquent, de replacer la concertation sociale en Europe dans sa perspective historique. Envisageons d’abord les discussions au niveau interprofessionnel et national.

Dans l’immédiat après-guerre et jusqu’à la fin des années soixante, une concertation sociale à trois (ou à trois fois deux) a bien existé dans pas mal de pays européens entre les gouvernements, les associations patronales et les syndicats. L’influence des pouvoirs publics a pu être considérable, comme aux Pays-Bas. Néanmoins, les autorités de l’État ne participaient normalement pas directement à des accords tripartites où chacun faisait des concessions afin d’obtenir des contreparties. L’on se mettait d’accord, lors de ces échanges de vues, sur des principes généraux ou sur des objectifs non contraignants (cas, en Belgique, des conférences nationales du travail, puis des accords de programmation sociale). L’idée était que la négociation sociale pouvait créer des conditions favorables à l’essor économique et donc à l’emploi. Personne ne pouvait y trouver à redire.

Ce n’est qu’à la fin des années soixante, avec la recrudescence des conflits sociaux en Europe occidentale (Crouch et Pizzorno 1968), puis avec les préoccupations concernant l’inflation (quand l’on a mis fin au système des taux de changes fixes et surtout après le premier choc pétrolier), que ces accords tripartites au sommet ont pris, dans beaucoup de pays de cette région, l’ampleur et la portée qu’on leur a connues. Même alors, la formule précédente est restée la pratique courante en Allemagne ou en France, par exemple. L’on a argumenté à l’époque qu’à certaines périodes (par exemple en cas de forte inflation) les systèmes les plus centralisés (voire les mieux coordonnés) ou, dans un contexte social différent, les plus décentralisés (ces derniers laissant jouer les lois du marché) étaient les mieux à même d’adapter les salaires, les prix et l’emploi.

À présent, l’interdépendance croissante des économies nationales et la concurrence plus sévère dont elles sont le théâtre ont rendu plus difficile la conclusion de ces accords tripartites, alors même qu’en Europe les gouvernements n’ont peut-être jamais cherché autant à en signer et à mobiliser chacun sur le thème de l’emploi. Singulièrement, les pouvoirs publics ne sont plus à même de garantir une croissance soutenue en échange de concessions syndicales. L’on peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure les préoccupations des employeurs (pris « collectivement ») ne se déplacent pas du marché national vers d’autres, supra- ou internationaux (ce qui pourrait d’ailleurs expliquer en partie les difficultés des associations patronales nationales). Même les syndicats peuvent craindre de devoir faire, à la table nationale de négociation, des concessions jugées excessives par leurs membres cotisants pour le bénéfice des plus démunis qui ne sont pas souvent syndiqués.

Il convient donc de réfléchir à nouveau sur la formule même des pactes sociaux tripartites quand les principaux soucis n’ont plus un caractère tant macro-économique (lutte contre l’inflation, etc.) que micro-économique (création d’emplois, etc.). Le recrutement n’est-il pas finalement, entre toutes les questions, celle qui échoit le plus naturellement au chef d’entreprise ? Comment s’étonner, dans ces conditions, que la réussite des négociations tripartites soit inégale ?

Le plus révélateur est sans doute de s’interroger concrètement sur les exemples de succès. Ils tiennent aux objectifs poursuivis, aux thèmes discutés et aux modalités retenues du dialogue social.

Un premier objectif peut être uniquement d’éviter des conflits sociaux. Tel paraît bien être le cas dans plusieurs pays d’Europe centrale ou orientale qui ont introduit, au cours des dernières années, des structures juridiques tripartites. Si cet objectif minimum a été globalement atteint, aucun accord vraiment significatif n’y a pourtant été conclu.

Un but plus ambitieux a consisté à engager un processus d’ajustement consensuel du marché du travail et à adopter des mesures telles qu’une limitation stricte des hausses de salaires, une plus grande flexibilité ou une réduction encouragée du temps de travail sans compensation, une adaptation de la protection sociale, voire comme en Italie ou en Espagne un aménagement du système même des relations professionnelles.

Sur ces thèmes précis, des accords tripartites au sommet ont été conclus, au cours des dernières années, dans de nombreux pays d’Europe occidentale : Espagne ; Finlande ; Irlande ; Italie ; Portugal. Ailleurs (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Pays-Bas), des accords interprofessionnels ou de secteur ont été signés non sans pressions, plus ou moins discrètes, des autorités publiques. Des accords européens sur le congé parental, le temps partiel et le contrat à durée déterminée, ont vu le jour au cours de ces dernières années.

De telles négociations ne peuvent toutefois pas se répéter à l’infini. Les discussions à propos d’un pacte sur l’emploi ont échoué plusieurs fois en Belgique ou en Allemagne, et la France a légiféré sur les « 35 heures », faute d’avoir obtenu l’accord des partenaires sociaux. Même quand une convention est conclue, de sérieux doutes subsistent souvent sur ses résultats, surtout en termes d’emploi. L’on doit néanmoins souligner que la pratique de la consultation sociale s’est, même dans ces cas, maintenue.

Je relèverai, par ailleurs, la diversité, quelquefois la diversification, des types de négociation sociale, de leurs niveaux et des thèmes retenus. En plus des accords évoqués plus haut, les discussions continuent de prendre les formes traditionnelles conduisant à des contrats collectifs de travail en bonne et due forme. Il peut, par exemple, s’agir de discussions (officiellement) bipartites au niveau sectoriel. C’est le cas dans de nombreux pays européens (Allemagne, Danemark, etc.). En Autriche ou en Suède, l’on s’interroge pourtant dans certains milieux (patronaux en Suède, syndicaux en Autriche) sur leur continuation « en l’état ».

Les sujets débattus s’élargissent également dans la mesure où les augmentations de salaires et d’avantages sociaux deviennent plus problématiques. Les discussions sur la réduction du temps de travail prennent un tour nouveau, davantage liées aux questions d’emploi et de flexibilité. La formation professionnelle et le recyclage sont de plus en plus considérés (en Allemagne, par exemple) comme des sujets essentiels pour améliorer la compétitivité des entreprises.

Outre une « focalisation » nouvelle sur les négociations d’entreprise, de nouveaux modes de dialogue sont apparus qui ne sont pas toujours suffisamment connus.

En Italie, la réussite de régions comme l’Émilie-Romagne et la Vénétie — où les petites entreprises jouent un rôle clé dans l’économie — repose notamment sur le fait que les gouvernements régionaux ont favorisé le dialogue à l’échelon régional ou local. En Émilie-Romagne, les trois syndicats les plus importants de la région et les quatre principales associations d’employeurs représentant des entreprises artisanales (moins de 20 salariés) ont conclu, dès 1983, un certain nombre d’arrangements relatifs au développement de ces entreprises. Ces derniers ont été renouvelés par la suite. Les gouvernements locaux ont, en outre, fourni certains biens collectifs, qui ont allégé les coûts des entreprises (voire ceux à charge des travailleurs). Autre exemple italien, plus récent, celui des conventions sur les horaires dans la cité (i tempi della città), conclus par des syndicats, des associations de commerçants ou de quartiers, des groupes d’usagers (spécialement des femmes), et quelquefois des organisations d’employeurs, avec les autorités municipales de plusieurs villes italiennes. Les arrangements — dont une loi no 241 de 1990 a clarifié les effets juridiques — visent à mieux coordonner les heures d’ouverture des services publics, des commerces et de bureaux, les rythmes des transports publics et le temps de travail (Bontiglioti et Mareggi 1997 ; Belloni et Bambi 1997). Des expériences similaires se rencontrent depuis en Allemagne ou en France.

L’Irlande est l’un des pays où la croissance des emplois devrait être la plus forte en Europe. La pratique des accords collectifs (non contraignants) au sommet y est fortement implantée. L’accord signé en 1994, et renouvelé depuis, a ajouté une nouvelle dimension au tripartisme : il contient un engagement formel de la part du gouvernement et des partenaires sociaux de stimuler les initiatives locales et celles des petites communautés en faveur du maintien et de la création d’emplois. De plus, depuis quelques années, s’est élargi le champ de la participation avec l’établissement d’un forum national économique et social qui s’adresse non seulement aux partenaires sociaux traditionnels, mais aussi aux membres du Parlement et à la représentation des chômeurs, des travailleurs désavantagés, des femmes et des autres groupes d’intérêts largement exclus de la main-d’oeuvre et des structures tripartites habituelles. Ceux-ci ont participé à la préparation des nouveaux accords conclus après 1994. Les accords nationaux tripartites ont également encouragé les partenariats locaux, comprenant employeurs et travailleurs, la communauté locale et les corps locaux constitués, ainsi que l’élaboration par ceux-ci d’une approche « sur mesure » du chômage.

La Belgique constitue un autre cas intéressant. Des initiatives y sont notamment menées en vue de la création d’emplois au niveau local à travers des institutions tripartites appelées agences locales pour l’emploi.

Ces exemples montrent, s’il en était besoin, que la négociation collective au sens large n’est pas morte et qu’elle a même pris un nouvel élan là où les parties ont fait preuve de créativité, de largeur de vues et de dynamisme. De même, je répète que l’État n’a jamais peut-être été aussi actif en Europe dans les domaines économique et social. La protection sociale, enfin, cherche certes à limiter ses coûts, mais personne ne peut imaginer son démantèlement dans un pays de la région. Bien plus, certaines réformes proposées n’ont pas, comme en Allemagne ou en France, abouti en raison de puissants mouvements sociaux.

Cette dernière dimension du modèle social européen concentre finalement l’essentiel des critiques sur la cherté de celui-ci. Au-delà des aspects sociaux (humains) et politiques qui justifient le maintien d’un régime solide (sinon inchangé) de sécurité sociale, est-on tellement certain que nous sommes là à l’origine de tous les maux ? La cause ne réside-t-elle pas bien davantage dans une inadéquation de la demande d’emplois à l’offre, problème très éloigné en soi du modèle en question ? Certes, l’interdépendance croissante des économies ajoute aux contraintes des responsables politiques, mais ils ne sont pas pour autant — le BIT l’a plusieurs fois souligné — démunis. C’est l’occasion de rappeler que les possibilités d’action ne sont pas seulement monétaires et fiscales, mais comprennent des politiques de revenus (Cohen 1996).

Perspectives d’avenir

Cela dit, aucun pays n’a réussi à trouver des solutions satisfaisantes aux phénomènes d’exclusion, de paupérisation et de marginalisation. C’est là, pourtant, que se situe aujourd’hui, on l’a écrit, la question sociale ; les personnes concernées sont les véritables prolétaires de notre temps.

En raison de leur dispersion, de leur faible pouvoir de négociation, de leur capacité très limitée à mener une action collective, il paraît difficile que ces personnes puissent réellement prendre seules en main leurs intérêts propres. D’où les appels à une solidarité générale et à une refonte de la « citoyenneté sociale ».

L’on relève toutefois, presque dans toutes les parties du monde, des expériences réussies de défense et de promotion des intérêts des couches les plus faibles de la population. Elles sont souvent le résultat d’une action lente et en profondeur de mobilisation à la base, permettant la création d’associations professionnelles ou non (coopératives, groupes de défense des femmes, réseaux de petits entrepreneurs, etc.). Ces organisations fonctionnent normalement selon des principes permettant à tous les membres de s’exprimer largement. Elles ont une assise locale plutôt que rattachée au lieu de travail et fonctionnent souvent en étroite collaboration avec des institutions d’entraide (pouvoirs publics locaux, églises, oeuvres caritatives, aide aux chômeurs, structures de coopération technique, agents de formation, de socialisation, de réinsertion, etc.). Elles ont parfois intégré les préoccupations des associations écologistes ou de consommateurs.

Ces expériences, celles par exemple que la Confédération européenne des syndicats a repérées et analysées (Fontenau et Meunier 1995 ; Échange et projets 1995), appellent à une réflexion sur un élargissement des notions d’employeur et de travailleur par rapport à une série de faits récents : précarisation et exclusion, croissance du secteur informel, travail en réseau, développement du travail indépendant et des petites entreprises. C’est le lieu de rappeler que les concepts d’organisations d’employeurs et de travailleurs utilisés par l’OIT, notamment dans ses conventions et ses recommandations, ont une portée large. L’on n’en a peut-être pas tiré tout le profit. Une idée serait d’associer davantage ces forces nouvelles au dynamisme avéré, en utilisant les possibilités qu’offre maintenant le travail en réseau ou, plus simplement, d’assurer une meilleure coordination avec les autres mouvements sociaux significatifs. Il y a beaucoup à apprendre de leurs méthodes de travail et d’organisation, souvent moins standardisées, plus individualisées, mettant davantage l’accent sur l’initiative et la responsabilité de chacun[3]. Après tout, l’histoire montre que les syndicats ont su évoluer. Ceux des États-Unis, par exemple, ont intégré les courants nouveaux, nés avec la production de masse et fédérés dans la CIO, au syndicalisme de métier traditionnel représenté par l’AFL. Au tournant des siècles, l’adaptation devrait signifier la capacité des organisations de travailleurs à parler au nom des plus pauvres d’entre eux.

Toutefois, laisser aux seules organisations professionnelles le soin de protéger ces personnes marginalisées ne correspond pas à la tradition européenne, plus interventionniste que volontariste. Cette dernière, on l’a vu, conduit l’État à assumer un rôle actif à cet égard. Le fait que cette philosophie politique européenne, plus solidariste, trouve ses racines dans l’histoire, et sans doute dans une conception générale de la vie, ne peut que favoriser une assistance de l’État à la défense des plus démunis.

Cela dit, il ne convient pas non plus d’exagérer les particularismes régionaux. Des convergences apparaissent également entre les continents dans les législations et dans les pratiques d’entreprise, ne fût-ce qu’en raison de l’internationalisation des marchés. L’accent est mis partout, y compris aujourd’hui en Europe, sur les nouvelles méthodes de mise en valeur des ressources humaines, popularisées au Japon. Un droit de la discrimination, inspiré des exemples anglo-saxons, se développe aujourd’hui au niveau européen et dans plusieurs droits nationaux du continent. De même au Japon, pays des syndicats et des accords d’entreprise, est apparue depuis le premier choc pétrolier une concertation informelle entre les hauts fonctionnaires de l’État, les chefs d’entreprise et, fait nouveau, les syndicats au niveau des branches d’activité et sur le plan national. Une espèce de « mésocorporatisme » s’est donc établi, ce que confirment également les stratégies syndicales et patronales adoptées à l’occasion des offensives du printemps déjà évoquées.

Au Québec également, le gouvernement a organisé, avec les partenaires sociaux traditionnels, un sommet sur l’économie et l’emploi à la fin de 1996. Cette manifestation, à laquelle participaient des représentants socio-communautaires (c’est-à-dire de l’économie sociale : aide aux familles, à l’insertion, coopératives) et d’autres personnalités (maires de Montréal et de Québec, grands employeurs, etc.), a abouti à un certain nombre de conclusions. La difficulté consiste évidemment à assurer les articulations entre ces recommandations et la négociation d’entreprise.

Il n’est pas jusqu’aux États-Unis où des institutions européennes comme les comités d’entreprise ne soient soigneusement étudiées.

Une autre perspective est à ouvrir : le dialogue social doit nécessairement s’adapter à l’élargissement des marchés, à leurs dimensions régionales et internationales (Kim 1999).

Certaines multinationales européennes ont ainsi mené des négociations qui ont conduit à des accords en bonne et due forme, comme ceux conclus depuis 1988 entre l’UITA (Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes) et la Société Danone. Ceux-ci couvrent les domaines suivants : formation et développement des compétences ; accès des syndicats à l’information ; promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes ; droits syndicaux (CISL 1996). La même fédération syndicale a signé, le 9 juin 1995, une convention avec le groupe hôtelier Accor (hôtels Novotel, etc.) qui garantit le plein exercice de la liberté syndicale dans tous les établissements du groupe. Sur la question de l’abolition du travail des enfants, la firme Ikea, un syndicat suédois membre de la FIET (Fédération internationale des employés, techniciens et cadres), et une association d’importateurs de tapis en Suède ont mis sur pied récemment un comité conjoint chargé d’étudier les conditions dans lesquelles l’on fabrique les tapis dans les pays d’Asie et de repérer ceux où ils le sont par des enfants afin de les retirer du marché. Bien plus, Ford et General Motor ont conclu, respectivement en janvier et en juillet 2000, des accords de restructuration au sein de leur comité d’entreprise européen.

L’on peut, certes, citer des exemples également d’accords réalisés non plus dans une entreprise, mais pour un secteur d’activité. En 1995, par exemple, la CES (Confédération européenne des syndicats), secteur textiles, vêtements et cuir, et la Confédération européenne de l’industrie de la chaussure, ont signé une charte sur le travail des enfants : les compagnies membres de la confédération s’engagent à ne pas employer d’enfants dans la production, dans aucun point du globe, que ce soit directement ou indirectement (c’est-à-dire à travers la sous-traitance)[4]. Le nombre de ces conventions sectorielles transnationales reste toutefois limité, car les milieux patronaux paraissent plus réservés que leurs contreparties syndicales à conclure des arrangements à ce niveau. Souvent, ces derniers portent davantage sur les relations entre parties que sur les problèmes de fond. Ce n’est pas le cas de l’accord européen sur le télétravail signé le 26 avril 2001 par le patronat et le mouvement syndical du secteur du commerce.

Sur le plan interprofessionnel enfin, l’UNICE (Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe), la CES et le Centre européen de l’entreprise publique (CEEP) ont, nous l’avons dit, signé des accords-cadres sur le congé parental (1995), le développement du travail à temps partiel (1997) et sur le travail à durée déterminée (1999) que des directives européennes ont rendu plus généralement obligatoire (Hantali 1999 : 280-284).

Pourtant, répétons-le, rares sont les conventions collectives transnationales. Elles concernent essentiellement l’Union européenne, beaucoup plus avancée sur la voie de l’intégration que les autres groupes régionaux. Même là, cependant, c’est plus de dialogue social dont il faut parler que de véritables négociations collectives. D’ailleurs, comme souvent lorsque les discussions centralisées ont une portée réduite, l’on y voit fleurir actuellement ces « lobbies », ces pressions politiques destinées à compenser les faiblesses de la concertation.

Néanmoins, des licenciements économiques, liés à des restructurations, décidés par des entreprises même en bonne santé comme Renault ou Danone ont fortifié le sentiment très répandu dans l’opinion publique européenne que la libéralisation des échanges économiques doit s’accompagner de garde-fous sociaux. Ces événements récents pourraient accélérer l’élaboration de politiques sociales proprement européennes et entraîner des évolutions vers plus de solidarité, ainsi qu’une présence plus active des pouvoirs publics européens. Cela n’est toutefois pas certain.

Mais la libéralisation des échanges et des marchés appelle, manifestement, à des politiques sociales nouvelles sur le plan universel également. Il y a, ici, un rôle à plusieurs dimensions pour l’OIT et l’Organisation poursuit, effectivement, un travail en profondeur sur les problèmes de fond qui viennent d’être abordés (Somavía 2001). Le patrimoine social européen apparaît comme une pièce fondamentale pour nourrir cette réflexion. Il n’est pas le seul et l’on ne doit certes pas chercher à reproduire ailleurs, sans autre considération, ce qui découle de l’histoire d’une région. Il n’empêche : chacun a intérêt à connaître les réponses que l’Europe occidentale a apportées à l’éternelle question du meilleur équilibre possible entre efficacité économique et souci de la personne humaine. D’autres parties du monde ont expérimenté d’autres approches qu’il est tout aussi important d’examiner. Toutes ces données, dûment analysées, forment une base inestimable de savoir pour permettre à chaque pays de concevoir ses propres programmes en la matière et de les adapter aux continuels changements de la vie sociale.